Hey ! C'est moi, l'auteure dont vous n'entendez plus jamais parler mais qui existe toujours en vrai. Ceci sera ma dernière longue fic sur ce fandom, mais vu la taille massive de mon racontage de fic étalé sur deux semaines on va pas se dire adieu tout de suite croyez-moi les enfants.
À propos de cette fic en particulier :
1) C'est un fantasy AU avec de nombreux persos de HQ, de l'angst, de la magie, de l'angst, de l'angst et aussi de la romance de temps en temps quand même... maybe... et mon plan est massif et me fait peur
2) Avec qui mon bon Oiks finira-t-il ? Eh bien en vrai je ne sais pas donc battez-vous le temps qu'on arrive jusque-là, en attendant y a du akaoi donc je mets akaoi. Et aussi on a du Kenhina ! Et du Semishira vaguement. Kageyama is there,
3) Rating T for quelque peu de violence, langage, mais nan y a pas de smut nan
Voilà c'est tout. Merci à Rosalie24 et à Sherma83 pour la relecture et les bons conseils, aussi gros kiss Sherma83 qui a dû passer 2 semaines à lire pendant 4h par jour mon résumé interminable de fic... ok c'était pas vraiment un résumé en fait, et as always, merci à Thalilitwen et Aeliheart94 just because.
Ceci est un prologue. Bonne lecture !
Trois coups à peine audibles résonnèrent contre la porte. Kageyama ne s'en aperçut pas, pas plus que sa femme qui, la main posée sur celle de leur fils, suivait du doigt les mots inscrits dans le livre de conte qu'elle lisait à haute voix.
Tobio n'écoutait pas. Immobile, il regardait la porte, les sourcils froncés.
Sa mère interrompit sa lecture et lui secoua la main.
— Tobio ? l'appela-t-elle doucement. C'est presque fini.
Il mit quelques secondes à relever les yeux vers elle. Elle lui sourit.
— Je sais que ce n'est pas facile, dit-elle en lui caressant les cheveux. Ça s'améliorera avec le temps. Mais pour ça, il faut travailler, d'accord ?
— D'accord, murmura-t-il.
Il reporta son attention sur la porte. Sa mère émit un soupir discret et échangea avec son mari un regard vaincu.
— Tobio, l'appela-t-elle à nouveau.
Il dégagea sa main de son emprise et la cacha sous la table.
— Il y a un enfant dehors, déclara-t-il.
— Pardon ? fit son père.
— Il y a un enfant dehors.
Puis il attrapa le livre et tenta de le déchiffrer en plissant les yeux. Le silence tomba sur la pièce comme une chape de brume, seulement interrompu par les crépitements du feu.
Trois coups résonnèrent contre la porte et, cette fois, tout le monde les entendit.
Quelques enjambées et Kageyama l'ouvrait déjà, invitant chez lui l'air de la nuit. L'enfant le regarda. Il regarda l'enfant.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? finit-il par demander.
— Je suis malade, répondit l'enfant.
Il s'entortillait les mains sans toutefois le lâcher des yeux.
— Malade, répéta Kageyama. Il est tard, tu sais. Je ne prends plus personne aujourd'hui.
L'enfant se mordilla les lèvres avec nervosité.
— Mais je suis très malade, insista-t-il.
— Je te garderai une place aux premières heures du jour, promit-il. Mais la nuit est fraîche, mon garçon. Tu devrais rentrer chez toi.
L'enfant secoua la tête.
— Mais si je rentre, ils vont mourir ! s'exclama-t-il avec frayeur. S'il vous plaît, Kageyama-san...
Kageyama émit un bref soupir. Les mains de l'enfant tremblaient, toutes emmêlées qu'elles fussent. Il entendit d'une oreille distraite sa femme parler à voix basse. Elle lui fit signe, puis sortit Tobio de la pièce.
Il jaugea l'enfant d'un coup d'œil. Il avait l'air pâle, mais ses yeux pouvaient tout aussi bien lui jouer des tours. S'il ne présentait aucun indice de maladie ou de blessure grave, cependant, il ne faisait aucun doute qu'il était terrifié. Il était venu jusqu'ici, après tout. Et s'il s'avérait qu'il portait quelque affection latente, alors...
— Entre, concéda-t-il. Tu ne vas quand même pas rester là. Installe-toi près du feu, j'y regarderai de plus près.
L'enfant acquiesça vivement, puis partit s'asseoir au bord du fauteuil de bois dans lequel Kageyama s'installait quand le prenaient les insomnies qui écourtaient ses nuits. L'odeur de la marmite qui fumait dans l'âtre ne le fit même pas frémir. Il regardait les flammes, l'air absent, au moment où Kageyama revint du cabinet adjacent avec son matériel.
— Comment t'appelles-tu ? demanda Kageyama en tirant une chaise jusqu'à lui.
L'inquiétant craquement qu'elle émit lorsqu'il s'y laissa tomber lui tira une grimace, mais l'enfant, lui, n'y réagit pas. Il répondit :
— Tetsurō.
Le nom ne lui était pas totalement inconnu. Il sourit.
— Tetsurō... Kuroo, c'est ça ?
Celui-ci acquiesça timidement.
— Tu es bien loin de chez toi. Tu sais que je ne m'occupe que des habitants du quartier, habituellement, n'est-ce pas ? Comment s'appelle ton médecin ?
Tetsurō haussa les épaules.
— Il ne m'écoute jamais. Personne ne m'écoute.
Ses yeux s'attardèrent un instant sur le livre ouvert sur la table.
— Tu t'es pourtant déplacé jusqu'ici, nota Kageyama.
L'enfant leva vers lui un regard indéchiffrable, puis, l'espace d'une seconde, son visage se crispa douloureusement. Il n'en restait plus rien lorsque Tetsurō marmonna :
— Kenma m'a dit de venir ici.
— Ah, Kenma. Je ne le connais pas très bien.
— Il connaît Kageyama. Je veux dire, corrigea-t-il, Tobio. Ils vont à l'école ensemble, l'après-midi. Il pensait que vous pourriez m'aider.
Kageyama vit les larmes lui monter aux yeux.
— Kageyama-san, s'il vous plaît. Je veux juste rentrer chez moi. Vous allez me soigner, hein ?
L'homme lui sourit avec douceur.
— Je ferai mon possible. Raconte-moi.
Tetsurō prit une inspiration.
— J'ai mal partout, énuméra-t-il en comptant sur ses doigts, j'ai toujours trop chaud, j'ai du mal à respirer, j'ai le nez qui coule, et j'ai très mal à la tête, parfois, le soir...
Kageyama hocha la tête avec sympathie.
— Ça n'a pas l'air joyeux, commenta-t-il. Tu tousses ?
L'enfant fit non de la tête.
— Mais je ne dors pas très bien, et...
Kageyama plaqua une main sur son front.
— Et ? demanda-t-il en voyant que Tetsurō ne poursuivait pas.
— Et je crois que... (voyant que le médecin fronçait les sourcils, il s'interrompit.) Quoi ?
Kageyama se releva avec un soupir.
— Tu as un peu de fièvre. Depuis combien de temps ?
— Je ne sais plus, répondit Tetsurō. Avant que le troisième novice revienne... Dites, ajouta-t-il avec inquiétude, est-ce que j'ai la peste ?
— La peste ? s'étonna Kageyama. Voyons.
— Le choléra ? La lèpre ? Le...
— Où es-tu allé chercher ça ?
Tetsurō haussa les épaules. L'homme lui fit ouvrir la bouche, l'analysa d'un œil critique, puis se mit à chercher quelque chose dans sa mallette.
— Dans un livre, répondit-il finalement.
— Ces maladies n'existent plus depuis longtemps, le rassura Kageyama. Ça ressemble plutôt à une petite grippe. Rien de grave, alors si tu te reposes, tu pourras...
Il s'immobilisa soudain, pris d'un doute.
— Qui as-tu consulté, avant moi ?
Tetsurō s'agita.
— Le médecin du quartier, dit-il du bout des lèvres.
— C'est tout ? Pas les novices ?
Il y eut un silence. Tetsurō porta son attention sur la lanterne accrochée au mur.
Kageyama se gratta le front avec lassitude. Bien sûr qu'il y était allé. Il était bien venu jusqu'ici sans même le connaître. Penser qu'il n'avait pas consulté toutes les options disponibles relevait de la plus pure sottise.
À en juger par son attitude, il savait pertinemment qu'il n'aurait pas dû. La peur avait dû lui ôter toute part de réflexion.
Si ses parents l'avaient appris, nul doute qu'il aurait subi une sévère réprimande. Mais Kageyama n'était le père que de Tobio, et il insista gentiment :
— Alors ?
Tetsurō sembla se tasser sur lui-même.
— Si, avoua-t-il, mais il y avait urgence...
— Je ne te blâme pas, mon enfant. Que t'ont-ils dit ?
— Le troisième novice a dit que ce n'était rien du tout et que je devais rentrer chez moi...
— Mais il t'a examiné ?
Hochement de tête positif.
— Et malgré cela, tu ne l'as pas cru.
— Il a aussi dit qu'utiliser la magie à cette période de l'année n'aboutirait à rien, se défendit-il. Mais s'il a mal vu ? Ça arrive, non ? S'il a mal vu et que je finis enspectré, qu'est-ce que je...
Le reste de sa phrase s'éteignit comme un oiseau abattu en plein vol. Son visage, lui, blanchit à vue d'œil. Kageyama sourcilla.
— Enquoi ?
— Il avait dit de ne pas vous en parler, confessa précipitamment Tetsurō, une main sur la bouche comme pour s'empêcher d'en dire trop.
— Qui, « il » ?
— Personne.
— Tetsurō...
L'enfant soutint son regard aussi longtemps qu'il le put. Kageyama attendit patiemment.
— Bon, d'accord, céda-t-il. Daishō a dit que j'allais me faire enspectrer et que tout le monde allait mourir à cause de moi. Il a dit que c'était arrivé à sa cousine, et qu'elle avait fini par tuer toute sa famille, alors je l'ai cru.
— Enspectrer, répéta Kageyama, une note de circonspection dans la voix.
D'autres auraient ri. Pas lui.
— Oh, vous savez, fit Tetsurō, puis il baissa la voix : devenir un spectre.
Kageyama soupira. Celui qui avait cru pouvoir cacher l'information aux enfants de la ville avait été bien optimiste.
— Tu ne devrais pas savoir ça, dit-il. Mais je suppose qu'on ne peut pas trop en demander.
— Donc c'est vrai ? C'est possible ?
— Ça arrive parfois, concéda Kageyama, puis, après un instant de réflexion, il ajouta : Rarement.
— Mais la cousine de Daishō...
— Il t'a raconté des bêtises. Personne ne s'est fait... « enspectrer » ici depuis longtemps.
— Il a dit que ça n'arrivait qu'aux enfants. C'est vrai ?
Kageyama s'apprêta à répondre, mais se ravisa.
— Ce n'est pas à moi de te parler de ça. Les novices s'en chargeront eux-mêmes, le moment venu.
— Mais quand ?
— Pas tout de suite, j'en ai bien peur. Ce ne sont pas des histoires qu'on devrait entendre à un âge aussi tendre. Évite d'en parler autour de toi, d'accord ? Et tu ferais bien de conseiller à Daishō d'en faire de même.
— Alors je ne vais pas me faire enspectrer, hein ? insista Tetsurō.
Kageyama lui sourit, puis il lui posa la main sur l'épaule.
— C'est juste une petite grippe. Rien de bien dangereux. Je vais te préparer quelque chose, et tu pourras rentrer chez toi. Comment es-tu arrivé jusqu'ici, d'ailleurs ? Ce n'est pas tout près.
Si l'enfant n'affichait pas le soulagement qu'il avait espéré, il paraissait néanmoins un peu ragaillardi.
— Je dors chez Kenma, répondit-il.
— Tes parents sont partis ?
Il acquiesça.
— À Hishō, voir ma tante. Je ne voulais pas rater l'école, donc je reste chez lui.
— Qu'est-ce qu'ils font, encore ?
Tetsurō haussa les épaules, l'air de dire qu'il n'en savait rien. Kageyama lui adressa un hochement de tête compréhensif.
— Je vais aller préparer de quoi te remettre d'aplomb. Je reviens dans quelques minutes. Tu peux t'occuper avec les jouets de Tobio — il en laisse toujours traîner ici.
Le garçon se leva et s'approcha du livre tandis que Kageyama quittait la pièce. Ce dernier passa une main sur son visage fatigué. Il n'était pas rare qu'on vienne frapper à sa porte tard dans la nuit, surtout quand avançait l'an obscur et, d'ordinaire, ces visites impromptues ne le dérangeaient pas. Celle-ci, pourtant, lui laissait un drôle de goût dans la bouche, un frisson dans le cœur, comme une lointaine réminiscence effacée par le temps.
Une dame âgée, une antique aiguille tournoyant entre ses doigts. Elle le regardait avec un sourire dans les yeux. Il ne l'avait pas vue souvent, mais il l'aimait bien.
Quand il avait demandé si ça allait faire mal, la plupart des novices l'avaient rassuré. Le métal luisait dans le halo des lanternes. Il ne les avait pas crus.
Alors la dame avait souri, et elle s'était penchée vers lui.
Ne t'en fais pas, avait-elle murmuré. Ils ne pensent pas mentir. Les adultes oublient, mais les enfants savent.
À la réflexion, ça n'avait pas fait si mal que ça.
Dans le couloir, son regard croisa celui de Tobio qui, accroupi en haut des escaliers, l'observait sans un mot. Il soupira.
— Qu'y a-t-il ?
— Je peux jouer avec lui ? demanda Tobio.
— Il est malade.
— Alors je peux ?
— Non, Tobio. Une autre fois, peut-être. Retourne voir Maman.
Il y eut un instant de flottement, puis Tobio obéit en silence. Son père s'assura de son absence avant de gagner l'atelier.
Préparer un remède n'avait rien de compliqué. Les ingrédients, alignés sur la table, attendaient d'être utilisés, pourtant Kageyama les regardait sans rien faire, paralysé par le doute.
Les enfants savent.
Il secoua la tête pour se remettre les idées en place. Tetsurō avait rencontré le troisième novice. Si celui-ci avait découvert quelque chose d'alarmant, il en aurait fait part à qui de droit. Après tout, le troisième novice n'était pas comme lui ; il avait grimpé les échelons sans faiblir, et Kageyama n'aurait jamais commis l'affront de comparer son pouvoir avec le sien propre. L'an obscur ne l'atteignait pas comme les autres. Là où la plupart d'entre eux erraient encore dans les ténèbres, il voyait clair.
Il se mit à préparer le remède d'un geste absent. Ses pensées, elles, glissaient sur le terrain boueux des futurs incertains. L'enfant avait peut-être bien la grippe. Ce n'était pas si rare, à cette époque de l'année. Un peu de repos, et il serait soigné en un rien de temps.
Il se concentra sur cette idée en mélangeant diverses herbes et préparations dans un bol en bois sculpté qu'il estimait porter bonheur. Les pensées parasites le quittèrent peu à peu, et il chantonnait une comptine que Tobio aimait bien quand il mit enfin le remède en bouteille.
La voix de son fils l'atteignit dès qu'il posa un pied dans le couloir.
— T'es pas un magicien, disait-il avec une certaine assurance.
— Je sais, répondit Tetsurō, et Kageyama laissa un nouveau soupir traverser ses lèvres.
— Alors tu ne peux pas jouer.
— Je sais comment faire. Kenma me l'a montré.
— Mais tu ne peux pas, insista Tobio.
— Pourquoi pas ?
— Parce que c'est pour les magiciens !
— Tu ne sais pas faire de magie non plus, si ? Pas convenablement en tout cas. Kenma ne sait pas encore en faire, et il est plus vieux que toi.
— C'est pas pareil. Et je sais en faire.
— Dans ce cas, le troisième roi commence.
— Mais...
Kageyama entra dans le salon. Pris sur le fait, Tobio lâcha aussitôt les pions de couleur qu'il serrait contre lui. Ils roulèrent au sol sans que personne n'y prête attention.
— Qu'est-ce que j'ai dit, tout à l'heure ? lui demanda son père d'une voix calme.
— Que je pouvais jouer.
— Je crois plutôt t'avoir dit de rester à l'étage, Tobio.
Celui-ci ne répondit rien.
— Sors d'ici.
Tobio s'exécuta, non sans jeter un dernier regard vers Tetsurō qui, assis au sol, affichait une expression désolée.
Kageyama attendit de le voir se relever pour déposer la fiole dans sa main.
— Une gorgée le matin, une gorgée le soir, expliqua-t-il. Et ne te promène pas dehors. Le mieux serait de rester couché pendant un jour ou deux.
Tetsurō détailla la mixture trouble d'un œil peu convaincu.
— Et ça marchera ?
— Bien sûr. J'y ai même ajouté un tout petit peu d'influence, alors n'oublie pas de le prendre tous les jours. Si ça ne va pas, tu peux toujours revenir ici.
Le visage de l'enfant s'illumina.
— Merci !
— Viens me voir plus tôt la prochaine fois. En journée. Et ne laisse pas Daishō te raconter n'importe quoi, d'accord ?
— C'est d'accord !
Il enfouit le flacon dans sa poche, puis Kageyama le raccompagna jusqu'à la porte.
— Je te promets que tout ira mieux dans quelques jours, assura-t-il. Tu veux que je t'accompagne ? Il est tard.
— Ça ira, répondit Kuroo. Je connais le chemin.
— Sois prudent, dans ce cas.
— Je ferai attention, promit-il. Au revoir, Kageyama-san.
Puis il disparut dans la nuit.
xxxxx
Tetsurō était assis non loin de la maison des maîtres lorsque Tobio en sortit. Cela n'avait rien de particulièrement inhabituel : l'école ordinaire finissait vers midi, et Tetsurō n'avait rien d'autre à faire qu'attendre la libération de son meilleur ami. Tobio n'y avait jamais réellement fait attention ; pour lui, Tetsurō n'était qu'une ombre parmi les ombres, une silhouette qu'il ne connaissait pas.
Mais il le voyait, désormais. Parce qu'ils avaient joué ensemble dans le salon de son père, trois jours plus tôt.
C'était la première fois qu'il l'apercevait depuis. La première fois aussi qu'on lui faisait un signe de la main à la fin de la classe, comme si c'était lui qu'on avait attendu. Un espoir fugace le traversa, un petit sursaut au cœur, somme toute agréable, puis il disparut tandis que ses pensées murmuraient : Il cherche Kenma. Je dois rentrer à la maison.
Il s'en alla sans lui adresser un mot, mais il lui fit signe, lui aussi, et ça comptait quand même.
Il rentra chez lui, puis il oublia.
Il le vit à nouveau le lendemain, accroupi contre le même mur que la veille, riant avec un garçon de son âge, et le même sourire planté sur les lèvres lorsqu'il le salua de la main. Tobio pensa qu'il n'avait plus l'air tellement malade. L'automne lui avait donné des couleurs et, à vrai dire, il semblait en pleine forme. Ce n'était pas si étonnant que ça, à bien y réfléchir. Son père était un magicien. Il soignait toujours tout.
Kenma le rejoignit, au loin, et Tobio les regarda partir sans songer à autre chose qu'au travail qui l'attendrait chez lui et aux livres que sa mère tenterait à nouveau de lui mettre sous le nez sans comprendre pourquoi il n'y déchiffrait rien.
Il ne s'en sortit pas si mal, ce soir-là, et en partant dormir, il oublia.
Il fut un peu surpris de voir Tetsurō avancer vers lui, le jour suivant, comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Mais ils se connaissaient, se souvint Tobio. Tetsurō voulait jouer aux trois rois alors qu'il n'avait rien d'un magicien. Il se demanda s'il le faisait avec Kenma. Sans doute. Mais ce n'était pas bien.
Pas bien du tout.
— Kageyama !
C'était la première fois qu'on l'appelait par son nom, comme s'il faisait partie des grands. Peut-être qu'il devait l'appeler Kuroo, lui aussi. Qu'il devait lui parler comme il parlait à Oikawa-san. Avec « un peu plus de respect ».
Mieux valait, en cas de doute, ne pas l'appeler du tout.
Tetsurō plongea la main dans un petit sac qu'il portait autour du cou et en sortit un flacon vide qu'il lui remit avec un sourire.
— S'il te plaît, tu voudras bien le lui rendre ? demanda-t-il.
— À qui ?
Tetsurō resta un instant immobile, puis il gloussa.
— À ton père. Je vais beaucoup mieux. Tu le lui diras ?
Tobio acquiesça, mais lorsqu'il retrouva le flacon dans sa poche, le soir, et que son père le rangea dans son atelier, il garda bouche close et fronça les sourcils, persuadé qu'il y avait quelque chose à faire de plus, sans toutefois savoir quoi.
Tetsurō ne l'attendait plus, le lendemain. Bizarrement, il se sentit déçu.
Comme Oikawa-san le dévisageait d'un air perplexe, il prit le chemin de la maison en faisant rouler les cailloux qui se mettaient en travers de sa route. Il s'arrêta près de la place, cette fois, parce qu'il avait entendu les voix de Kunimi et Kindaichi se répercuter sur les murs autour.
Il les connaissait bien, eux. Ils se fréquentaient depuis si longtemps qu'il ne se rappelait même pas leur première rencontre. Ils jouaient au corbeau et aux serpents et invitèrent Tobio à se joindre à eux. Comme d'habitude, Kindaichi avait écopé du rôle du corbeau, et comme d'habitude il n'eut aucun mal à ramener tous les serpents dans son nid.
Le soleil commençait à effleurer l'horizon quand ils se séparèrent enfin. Tobio se rendit compte que son père l'attendait depuis longtemps. L'inquiétude le recouvrit comme un voile de sueurs froides. Il descendit la rue, revint en arrière pour récupérer les affaires qu'il avait laissées là, puis se remit en route en trottinant.
Il ne savait pas pourquoi il était passé par la rivière plutôt que par la colline. Il n'aimait pas tellement ce chemin-là, plein de trou et de bosses dans lesquelles il se prenait les pieds, et qui, de surcroît, n'avait rien d'un raccourci. Il le suivait pourtant, et au moment où le rugissement de la rivière lui arriva aux oreilles, il faisait déjà nuit.
Il ne distingua Tetsurō que lorsqu'il se trouva à quelque pas de lui. Assis sur le muret de pierre qui séparait la ville de la rivière, il regardait dans le vide, perdu dans des pensées connues de lui seul.
— Kageyama ? dit-il en relevant la tête, une fois celui-ci à sa hauteur. Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je rentre à la maison, répondit Tobio.
Tetsurō le dévisagea longuement avant de réagir.
— Ah, fit-il. Tu t'es trompé de chemin.
Comme ce n'était pas une question, Tobio demeura silencieux.
— Enfin, tant mieux. Tu peux faire quelque chose pour moi ?
Tobio s'agita.
— Quelque chose ? répéta-t-il.
— Une mission très importante.
— Pourquoi tu ne la fais pas, toi ?
Tetsurō réfléchit.
—Eh bien, c'est que je suis très occupé, dit-il en prenant un ton d'adulte, puis il laissa échapper un rire sans joie. Très occupé. On m'attend, tu vois. Je ne peux pas y aller.
— Aller où ?
Pour toute réponse, Tetsurō se leva et lui saisit les deux mains.
— Écoute-moi, Kageyama. Tobio. Tu m'écoutes, pas vrai ?
Il écoutait.
— Je sais que c'est difficile, mais tu dois comprendre. Tu dois passer un message pour moi. Un message important. Il est très simple à retenir. Alors écoute-le bien, puis répète-le-moi, d'accord ?
Comme Tobio ne répondait rien, Tetsurō resserra légèrement son emprise. La chaleur de ses mains avait quelque chose de rassurant, à côté de la fraîcheur du vent.
— D'accord ? répéta Tetsurō.
— D'accord.
Une hésitation. Une feuille tomba dans ses cheveux, mais Tetsurō ne fit rien pour l'en retirer.
— Non, attends. Quel âge tu as ?
— Sept ans. Mais bientôt, j'en aurai huit, précisa-t-il en gonflant le torse.
— Ah... bon, tu sais quoi ? On va faire autrement. Tu reviens de la maison des maîtres, non ? Qu'est-ce que tu as dans ton sac ?
Sans lui laisser le temps de répondre, il le lui prit des mains et en extirpa un livre écorné. Il l'ouvrit, plissa les yeux, puis en arracha la dernière page tandis que Tobio laissait échapper une exclamation de stupeur.
— Ce n'est pas si grave, assura Tetsurō. Personne ne le remarquera, c'est promis.
— Mais...
— Tu as quelque chose pour écrire ? Un crayon ? Vous en avez, non ? Kenma en a un.
— Maman a dit que je devais le garder près de moi.
— Elle a raison. Mais c'est juste pour une seconde. Elle n'en saura rien.
Il étendit la paume devant lui, et Tobio y posa le crayon en se mordillant l'intérieur des lèvres. Si sa mère le découvrait, elle le punirait dans la seconde.
Le papier se déchira un petit peu lorsque Tetsurō commença à écrire. Une fois le message terminé, il rendit le crayon à Tobio.
— Tu vois ? Rien de grave. Maintenant, ta mission.
Il glissa la page dans le livre, puis le lui tendit.
— Tu dois le donner à Kenma, déclara-t-il avant de préciser : le message, pas le livre. N'essaie pas de le lire. C'est pour lui, tu comprends ? Pour lui tout seul.
Tobio hocha la tête, les yeux ronds comme des billes.
— Tu le lui donneras demain, dès que tu le verras entrer en classe, d'accord ? À ce moment précis. Dis-lui que c'est de ma part. C'est très important. Dis-lui que je l'ai écrit moi-même, et que je te l'ai donné pour que tu le lui apportes. Qu'est-ce que tu dois faire ?
— Donner le message à Kenma, récita Tobio.
— Quand ça ?
— Demain, dès qu'il rentre en classe.
— Très bien. Merci, Kageyama. Je compte sur toi.
Ce dernier sentit la chaleur lui monter aux joues. Il tourna les talons, prêt à partir.
— Kageyama ?
Il fit volte-face. Tetsurō pointa un doigt vers le ciel.
— Il me regarde, dit-il.
— Qui ça ?
Tetsurō soupira.
— Tu ne le vois pas ? Enfin, ce n'est rien.
Il ferma les yeux et, lorsqu'il les rouvrit, ils brillaient d'une lueur que Tobio n'avait encore jamais vue. Il se demanda ce qu'elle pouvait bien signifier.
— Tu sais quoi ? J'aurais dû venir te parler plus tôt. On serait devenus amis, toi et moi.
— On est amis, dit Tobio.
Tetsurō sourit.
— Tu as raison. Au revoir, alors.
— Au revoir.
Il poursuivit sa route et, cette fois, personne ne l'interrompit.
xxxxx
Demain, lorsqu'il rentre en classe, pensa-t-il au souper, incapable d'écouter ce que racontaient ses parents — sûrement des histoires sans intérêt.
Demain, dès qu'il rentre en classe, murmura-t-il dans son lit, juste avant que le sommeil ne l'emporte vers un monde sans promesses et sans rêves.
Aujourd'hui, quand il rentre en classe, se répéta-t-il intérieurement, assis à l'intérieur de la maison des maîtres, dans une salle qui n'avait pas encore eu le temps de chauffer.
Il garda les yeux sur la porte tout au long de la leçon. Si le maître lui avait enseigné quelque chose, il ne le retint pas.
Kenma ne vint pas.
xxxxx
Ce soir-là, comme sa mère avait abandonné l'idée de lui faire lire quoi que ce fût, son père installa le plateau de jeu sur la table et lui offrit une poignée de pions polis par le temps. Il ne les sortait que rarement, et Tobio les aimait bien ; il en prit un dans sa main, le fit rouler entre ses paumes, puis le posa devant lui.
— Tu connais les règles, n'est-ce pas ?
Il hocha la tête.
— Dans ce cas, le troisième roi commence.
Il plaça les pions sur le plateau et croisa les bras.
— À ton tour, dit-il à Tobio.
Ce dernier leva la main pour prendre un de ses propres pions, mais son père lui attrapa brusquement le poignet, interrompant son geste.
— Attends..., protesta Tobio, mais son père ne l'écoutait pas : l'oreille tendue, il ouvrit la porte d'entrée à la volée et, lorsque Tobio fit mine d'ouvrir la bouche, il lui intima le silence d'un mouvement de la main.
Alors Tobio se tut et écouta à son tour.
Un grondement sourd résonna dans l'air nocturne, une note de musique si basse qu'elle lui fit trembler le cœur.
Son père posa un doigt sur sa bouche. Ils restèrent ainsi pendant ce qui sembla une éternité.
Le bruit retentit à nouveau et, cette fois, Kageyama expira longuement.
— C'est fini, dit-il.
— Quoi ?
Il n'eut pas le temps de répondre. La mère de Tobio s'engouffra dans la pièce, enveloppée dans un châle épais, les joues rougies par la nuit.
— Qui ? demanda Kageyama.
Elle secoua la tête.
— Je n'ai rien vu.
— J'ai compté dix minutes.
Elle baissa les yeux.
— Certains parlent du garçon... celui qui est venu la semaine dernière, précisa-t-elle à voix basse.
Tobio fronça les sourcils. Ses parents ne le regardaient plus.
— Comment ?
— Une métamorphose... quelle horreur. Ce n'était qu'un enfant. Savoir qu'il ne rejoindra jamais l'Éternel...
— Je lui ai dit qu'il se faisait des idées, articula Kageyama avec effroi.
Elle lui passa une main sur la nuque. Elle le faisait à Tobio, parfois, quand il se réveillait d'un horrible cauchemar. Il comprit soudain que quelque chose n'allait pas.
— Tu ne pouvais pas savoir, dit sa mère d'une voix douce.
— Je ne sais pas. J'aurais dû...
Il regarda ailleurs.
— Tobio ?
Elle se tourna enfin vers celui-ci, puis s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.
Quelque chose n'allait pas du tout.
— Tu sais, le son que tu as entendu tout à l'heure ?
Il fit oui de la tête.
— Il signifie qu'il s'est produit quelque chose de très grave.
— Quelqu'un est mort ? demanda-t-il.
Sa mère lui caressa les cheveux, et il sut qu'il avait raison.
— Un enfant, oui.
Elle avait l'air triste.
— Qui ?
— Je ne sais pas.
— Quelqu'un que je connais ?
— Je ne sais pas, Tobio.
— Oikawa-san ?
Il se plaqua une main sur la bouche. Sa mère exhala doucement.
— Tu te souviens de ce qu'on t'a appris, n'est-ce pas ?
— Ne pas dire leur nom, récita Tobio.
— Très bien. Ne pas dire son nom. Aucun nom, Tobio, tant qu'on ne saura pas de qui il s'agit.
Il acquiesça vivement. Puis, presque contre son gré, il déclara :
— Kuroo-san est mort.
Elle n'eut pas le temps de réagir. Il courut à l'étage, une boule dans le ventre qu'il sentait remonter lentement jusqu'à sa gorge.
Le livre gisait au sol, à l'abandon. Il resta là, à le contempler, la respiration laborieuse. Enfin, il comprit.
La mission. J'ai oublié.
Kuroo-san est mort.
Il ramassa l'ouvrage, le détesta aussitôt. Incapable de supporter sa vue plus longtemps, il le cacha tout au fond de sa vieille armoire, puis demanda aux dieux de le faire disparaître pour toujours.
Il ne sut jamais s'ils l'avaient entendu.
Debout près de la fenêtre, il observait le ciel. Les étoiles luisaient en silence. Si quelqu'un le regardait, il ne s'en aperçut pas.
Il oublia.
Merci pour la lecture, n'hésitez pas à review, gros bisous, et déso kuroo you won't steal the show this time
