Rêveries

Chapitre 1 : Rêveries d'un soir d'automne (1)

Auteur : Solveig Eleaz

Source : Gundam Wing

Disclaimer : GW ne m'appartient pas .

Couple : 1x4x1 (mon couple préféré, encore et toujours !!!)

Remarque : je pense que cette fic aura deux chapitres : un POV de Heero et un autre de Quatre (dans le deuxième chapitre)

Musique accompagnatrice (qui m'a aidé pour écrire cette petite fic) :

J'insiste et Belle évidence, de Kaolin. A l'avance, de Deportivo. L'album Hopes and Fears de Keane. La mort n'existe pas de Mickey 3D. Blackout de Muse. Talk show host et No surprises de Radiohead. New soul, de Yael Naim. Stand my ground, de Within Temptation. En travers les néons, de Damien Saez. Over the stairs, de Guillemots.

"Le cri du sentiment est absurde, mais il est sublime, parce qu'il est absurde." Charles Baudelaire

Il fait noir. Tellement noir. Tout est sombre autour de moi, une obscurité poisseuse qui s'accroche à moi comme pour m'étouffer. Ma vie est morne, fade, sans attraits.

Je m'appelle Heero Yuy, et j'ai 19 ans. Normalement, du moins d'après ce que les gens disent, les jeunes gens de mon âge sortent, ils 'amusent, profitent de leur jeunesse. Pas moi. Est-ce parce que je ne suis pas très sociable? Je repousse les gens, je préfère passer mes soirées seul dans ma chambre, à lire, ou simplement à rêvasser. Mes parents ne me comprennent pas. Il ont voulu que j'aille chez un psy. Je n'ai pas voulu. Ça n'aurait rien changer. Ça ne changera rien. Rien .

Je marche lentement dans la rue, mon long manteau noir n'est pas fermé, il vole autour de moi, j'aime cette sensation. Comme des ailes. J'observe mon ombre par terre, crée par les quelque réverbères. Cet autre moi me nargue. Je le regarde. C'est moi mais ce n'est pas moi (2). Les étoiles ne brillent pas. Du moins je ne vois pas leur éclat. Est-ce à cause des lumières artificielles de Tokyo, ou à cause de la noirceur de mon âme ? Je vois tout en noir. Mon père me l'a reproché. Je me fiche de ce qu'il peut dire, ce qu'il peut penser.

Je dis "mes parents" mais c'est parce que l'assistante sociable m'y oblige. Je ne sais pas qui sont mes parents. Je suis un soldat. J'ai été pilote de gundam pendant la guerre. Et voilà comment je suis récompensé. Je ne m'attendait pas vraiment à leur reconnaissance de toute façon. L'Homme est ingrat. C'est comme ça. A le fin de la guerre, nous avions 17 ans. Quand je dis "nous" je pense aux autres pilotes. Du moins Quatre et Wufei avaient 17 ans. Moi, Duo et Trowa nous ne connaissons pas notre date de naissance, pas plus que notre véritable nom.

Pour "services rendus", on m'a placé dans une famille. Pareil pour Duo et Wufei. Mais eux ils se sont enfuis. Je me demande encore pourquoi je n'ai pas fait pareil. Paresse. Et aussi une volonté d'avoir un peu de calme. Les quatre autres me donnent souvent des nouvelles, mais quand ils me demandent de les rencontrer, je refuse. Je leur dit que tout va bien, que je suis heureux avec ma nouvelle famille. C'est faux. Il ne connaissent pas mon adresse. Duo serait déjà venu m'enlever sinon. Il est tellement impétueux. Quatre aussi serait sans doute venu, pour tenter de me consoler du goût amer de cette vie.

C'était eux ma famille. La seule que j'ai jamais connue. Les seuls personnes que j'ai aimées.

Je n'est plus aucun goût pour la vie. Je ne l'ai jamais beaucoup chérit, cette traîtresse, mais maintenant encore moins qu'avant .Et pourtant je ne réagit pas. Je me laisse dériver comme un morceau de bois mort. S'ils me voyaient maintenant. S'ils voyaient la volonté farouche qui brillait autrefois dans mon regard réduite à néant. Je ne veux pas qu'ils ne voient comme ça. Et en même temps je n'ai pas envie de changer. Je suis paradoxal, comme tous les humains. Nous partageons tous le même sort funeste.

Il fait froid. L'automne est déjà bien avancé, les feuilles tombent, se décrochant des arbres pour venir mourir sur la terre pitoyable des hommes. Je rêvasse en marchant. Non, je songe. Non, je réfléchis. Le soldat que je suis ne s'autoriserait jamais des rêveries, tout justes bonnes aux gens oisif et futiles. Mais suis-je encore ce soldat? Je crois que je peux rêver… Espérer? Rêver en plein jour? Être "la tête dans la Lune", comme ils disent? Il ne faut pas exagérer. Même les animaux rêvent. L'homme est un animal un peu particulier en cela qu'il ne perd pas seulement son temps à dormir la nuit, mais il rêve aussi tout éveillé.

Et j'avance, le long de la rue déserte. Il doit être à peu près deux heures du matin, personne ne vient déranger mes sombres pensées.

Personne? Si. J'aperçois une silhouette au loin. Quelqu'un s'approche de moi. Cette personne a les yeux baissés à terre, la tête dissimulée par une capuche. Il ne me voit pas, apparemment. Il titube légèrement, peu être est-il saoul. Je m'en fiche. Le reste du monde m'importe peu.

L'étranger s'approche toujours de plus en plus de moi, et ne semble pas m'avoir remarqué. Il va me rentré dedans, cet ivrogne, si il ne devit pas de sa route. Mais il marche toujours la tête baissée, de cette démarche hésitante. Je ne céderais pas. Je ne vais quand même pas m'écarter. S'il ne veut pas entrer en collision avec moi il n'a qu'à relever la tête. Nous nous rapprochons inexorablement. Je crois que je cherche un peu la bagarre. Ma vie est-elle si terne que j'en vient à regretter le temps des combats? Peut-être bien.

L'inévitable arrive enfin: l'inconnu me rentre dedans, mais moi, je m'y était préparé, et je le repousse un peu brutalement. Déstabilisé, déjà que son équilibre était instable, l'inconnu tome à la renverse. Je sui brutal.

"Vous ne pouvez pas faire un peu attention où vous marchez? Il faut regarder devant soi vous sav…"

Le reste de ma cruelle réplique se perd dans ma gorge. Le jeune garçon qui est assis pas terre devant moi, je le connais. Il lève vers moi son doux visage horriblement maigre, et me murmure

"Je suis désolé ."

Toujours à s'excuser. Il ne m'a pas reconnu. Je reste un moment sans voix alors qu'il essaye de se relever. Des questions se bousculent dans ma tête : que fait-il ici? Pourquoi semble-t-il si mal en point?

Il tente de se relever, mais il est apparemment trop faible pour y parvenir. Je le prend sous les bras, et je l'aide à se mettre debout. Il a du mal à tenir debout. Je reste près de lui pour le rattraper au cas où il s'effondrerait, mais je me recule un peu pour l'observer, à la lumière blafarde des réverbères.

Ses beaux cheveux blonds paraissent sombres dans la nuit, et cela lui durcit le visage. Ses prunelles turquoises sont un peu voilées. Il porte un duffle-coat beige, un vieux jean déchiré, un T-shirt bleu marine trop grand, ce qui le rend encore plus maigre. Ses cernes ressortent sur son teint plus pâle que d'ordinaire. En bref, il n'est pas comme d'habitude, à des années lumières de l'enfant lumineux qu'il était encore il y a encore deux ans.

Il a les yeux dans le vague. Je l'appelle doucement

"Quatre ?"

Il ne répond pas. Il me regarde toujours de cet air vitreux. Ça ne me plait pas. Je ne sait pas vraiment quoi faire. Et puis tout à coup ses yeux s'écarquillent. Il a sans doute dut me reconnaître. Il s'accroche à mon bras, en me jetant un regard à la fois heureux et désespéré. Il y a une demande, dans ce regard, qui me transperce, me touche au plus profond de mon âme. Il y a un appel au secours. Un cri.

Et alors qu'il ouvre les lèvres pour parler, ses yeux tournent dans leurs orbites, et le corps inanimé de Quatre me tombe dans les bras. Je m'y attendait. Je le porte délicatement, en passant un bras sous ses jambes et un autre derrière son dos. Il est tellement léger.

Le soldat en moi revient à la charge. Il faut trouver un endroit sûr où porter un camarade blessé. Il faut que je le ramène chez mes parents. Adoptifs, mes parentes adoptifs. Ma maison adoptive, ma vie adoptive.

C'est le seul endroit auquel je peux penser pour l'instant. Mes parents n'entrent jamais dans ma chambre. Ils ne m'entendent pas quand je rentre au milieu de la nuit. Ca ira pour le moment, mais il va falloir que je contacte les autres pour les informer de ma trouvaille.

Je me demande encore vaguement comment Quatre s'est retrouvé dans mon quartier. Je me demande comment il s'est retrouvé dans cet état. Je me demande de nombreuse choses, mais pour l'instant, la priorité va à mon compagnon d'arme qui a besoin de mon aide.

J'arrive devant la maison. Ma maison. Ma maison d'adoption. Je pousse la porte d'entré en veillant à ne pas la faire grincer. Mes parents ne la ferme pas le soir. C'est bien imprudent je trouve, mais après tout nous ne sommes plus en guerre.

Je porte Quatre dans les escaliers, jusqu'à ma chambre, au premier étage. Elle est sobre et bien rangée. Je dépose le corps frêle du jeune arabe sur mon lit. Je l'observe quelques instants. En pleine lumière, il paraît encore plus faible que dans la semi obscurité.

Je le déshabille le plus doucement que je le peux. Je lui ôte son manteau, son T-shirt trop grand, ses chaussures, qui sont mouillées et boueuses, et je le laisse en pantalon. Il ne porte pas de chaussettes. Cela me conforte dans l'idée qu'il y a un sérieux problème. Je suis très observateur, je l'étais encore plus à l'époque de la guerre, et sans en avoir l'air j'ai "étudié" mes camarades. Mes amis.

Je sais que Duo aime mettre cinq morceaux et demi de sucre dans son chocolat chaud; je sais que Trowa ne porte jamais de t-shirt sous ses éternels pulls à col roulé et qu'il ne supporte pas que ses vêtements ne soient pas assortis; je sais que Wufei achète toujours la même marque d'huile d'olive lorsque c'est lui qui est préposé aux courses, quitte à devoir la chercher dans tous les magasins aux environs. Et je sais que Quatre ne mettrait jamais de chaussures sans chaussettes.

Il n'a pas l'air blessé. Quelques bleus, mais rien de grave. Comme nous tous, il a vu bien pire pendant la guerre. Je lui retire son pantalon. Il ne porte pas de sous vêtements. Il y a vraiment un problème. Là non plus pas de blessures. Il est couvert de crasse, et, me souvenant à quel point Quatre a horreur de la saleté, je décide le laver un peu. La vision de son corps dénudé ne me gène pas vraiment. C'est un garçon, je suis un garçon, je ne vois pas où serais le problème.

Une petite salle de bain communique avec ma chambre. Mes parents ont pensé que comme ça je pourrais être plus indépendant, et je les en remercie.

Quatre. Je l'ai toujours admiré. En secret bien évidemment. La facilité avec laquelle ce petit ange pouvait se transformer un terroriste confirmé m'a toujours surprise. C'était avec lui que j'élaborais les plans de nos attaques. Son bon sens et son leadership naturel en avait fait l'un des piliers de notre groupe, malgré son apparente fragilité. Il faut toujours méfier de ceux qui paraissent faibles.

Mais maintenant, devant moi, Quatre gît dans ce lit.

Et je sens mes yeux se mouillés de larmes que je ne peut retenir. Les perles salées creusent des sillons sur mes joues. Mon visage reste impassible, comme avant, comme toujours. Je ne sais même pas exactement de quoi je pleure. De lassitude. De soulagement. De peur. Larmes rageuses, tristes et pourtant pleines de sentiments exacerbés. Ces larmes que je n'ai jamais versées. Mais sans que j'en connaisse exactement la raison, je sens que c'est bon, ce n'est pas grave, je peux pleurer maintenant.

Duo aurait dit que les garçons ne pleurent pas, mais il m'aurait arceler de questions pour connaître la cause de ces larmes.Wufei m'aurait regarder avec surprise, peut-être avec un vague mépris devant cette marque de faiblesse : je ne lui en aurais pas voulu. Trowa m'aurait regarder silancieusement, me fixant smiplement de son regard vert brillant, mais j'aurais senti qu'il me comprend, qu'il devine la cause de mon tourment, alors que moi même je ne la connais pas. Et Quatre...il aurait fixer ses grandes turquoises pleines de compassion dans mes yeux, et alors il aurait chercher à me consoler, il m'aurait chuchoter des choses gentilles, il m'aurait fait un thè bien chaud, "pour réchauffer les coeurs", avec un sourire empli de bonté et de gentilesse. Som empathie lui aurait permi de connaître les causes de mon émoi. Pas de la même façon que Trowa : avec lui c'est une sorte d'entente tacite. Deux pairs qui se reconnaisssent l'un l'autre. Quatre aurait vu mon trouble, mais il n'aurait pas pu en saisir les nuances, mais il n'aurait pas chercher à les comprendre, il se serait contenter de me réconforter de mnière simple et chaleureuse.

Etrange comme je ne peux pas m'empêcher d'imaginer leurs réactions...

Mais je reviens rapidement à mon occupation première, à savoir débarrasser mon ami de la saleté qui s'accroche à sa peau d'ordinaire immaculée. Mais alors que je passe doucement le gant mouillé sur son corps, je sens que les larmes inexpliquées ne veulent pas se tarir, et que je continue à pleurer silencieusement. Une des larmes tombe sur le ventre de Quatre. Il frissonne à ce contact. Je le vois alors ouvrir lentement ses paupières qui ont l'air bien lourdes.

Il plante ses magnifiques prunelles sur moi. Oui, magnifiques. Même moi qui pourtant ne suis pas vraiment sensible au beau (je regarde toujours l'utilité des choses avant tout ) je me rend compte de la beauté de ses yeux. De la beauté de tout son être, son corps comme son âme. Souvent on pense que notre physique ne correspond pas à notre âme, mais pour lui, c'est totalement faux.

Il me fixe toujours, son visage exprimant, comme souvent pendant la guerre, un air plein de compassion et de peine. Pas pour lui. Pour les autres. Quatre ressent les émotions des gens qui l'entourent, et, particulièrement pendant la guerre, cela a du être un véritable fardeau. J'avais presque oublié que le larmes coulent toujours de mes yeux rougis, pas vraiment habitués à cela.

Ils se racle un peu la gorge, et c'est d'une vois douloureuse et déformée par …par je ne sais quoi, qu'il murmure

"Heero…"

Je prend le verre d'eau qui se trouve sur ma table de chevet, et le soutenant d'un bras dans le dos, je le fais boire. Il avale doucement le liquide, comme si chaque gorgée lui faisait mal à la gorge. Mais il finit le verre. Je lui en sert un autre, mais il secoue doucement de la tête. Je continue à le laver, ignorant son regard surpris. Je sens qu'il rougis, même si je ne le regarde pas, mais je sais également qu'il m'en ai reconnaissant.

Cette toilette est l'occasion pour moi de découvrir ce corps dont je viens de réaliser la beauté. Il a grandit depuis la dernière fois que je l'ai vu, mais il reste plus petit que moi. Ses muscles se dessinent sous sa peau presque transparente, si fine qu'on dirait du parchemin. Il est maigre, mais je vois bien que c'est dû à un jeune forcé depuis quelques jours. L'incongruité de ses vêtements me revient à la mémoire. Que s'est-il passé? Je lui demanderais plus tard, quand il aura mangé et dormi, et que sa gorge sera moins douloureuse.

Je le retourne avec douceur, pour lui laver l'arrière du corps. Il est étrangement mou. Je jette un regard vers son visage, pour voir qu'il s'est rendormi. Tant mieux. Il a l'air d'en avoir besoin. Ma main caresse doucement son dos, dans un geste tendre qui m'étonne profondément. Sa peau est douce. C'est agréable.

Je masque aussitôt ces étranges pensées, et, reprenant le gant, je me dépêche de finir de le laver, essayant de ne pas m'attarder sur ses fesses, ses cuisses, son dos, sa nuque…Tellement d'endroits dont la simple vue provoque d'étranges frissons dans ma colonne vertébrale. Ce ne doit être que l'émotion d'avoir retrouvé, pas un hasard étonnant, l'un de mes amis qui me rend bizarre. C'est sans doute cela. J'essaye de penser à ce qu'aurait été ma réaction si j'avais retrouvé Duo, Trowa ou Wufei. Je les aime tous, mais force est de constaté que penser à eux ne me fait pas ressentir la même chose que lorsque je pense à Quatre.

Je remonte la couverture sur le corps du blond, mais, alors que j'arrange son oreiller, je sens deux bras m'entourer, et je me retrouve presser conter le torse nu de mon ami, qui me sert de ses maigres forces, me plaquant contre lui comme si il avait peur que je m'en aille. Je le rassure d'une voix douce

"Je suis là. Je pars pas."

Mais il ne me lâche pas. Alors moi aussi le l'entoure, passant mes bras sous son torse mince. Et je sens le corps sous moi secoué de petits sanglots. Je le serre un peu plus, au risque de lui faire mal. Je veux lui faire ressentir ma présence, lui prouver que tout va bien maintenant, lui montrer que je suis là pour lui, qu'il ne faut pas qu'il soit malheureux.

Nous restons comme cela pendant ce qui semble être une éternité. Ce n'est pas désagréable. Au contraire. D'autant plus que les sanglots se sont tus, mais il continue à me serrer contre lui, et moi aussi, comme nous abreuvant de la présence l'un de l'autre. Du moins c'est ce que je ressens. Je sens sa puea tendre sous mes doigts. Je peux presque entendre son coeur battre. Sa respiration est un peu boumeversée, les souffles ds mon cou sont irréguliers. Tout son être dégage cette chaleur confortable, cette aura de pureté et d'accueil chaleureux, du bien être qu'il provoque aux gens près de lui. Je me demande comment j'ai pu survivre loin de cette chaleur qui me faisait tellement de bien pendant la guerre, alors que Quatre décelait mes blessures invisibles, les guérissait, me faisant un petit sourire réconfortant, tellement différent de l'attitude exubérante et un peu fatigante de Duo, du calme et du silence peu amical de Trowa, de la colère et du tempérament enflammé de Wufei.

Pendant tout ce temps, Quatre était comme notre rayon de soleil, nous faisant à manger, nous soignant, nous réconfortant d'un sourire, d'une parole douce. Nous pensions protéger notre "petit Quatre" mais en fait c'est lui qui veillait sur nous. Alors maintenant je veux bien veiller sur lui, le tenir dans mes bras, lui transmettre la chaleur de mon corps, calmer ses pleurs, tout aussi inexpliqués que les miens.

Peu à peu je sens la pression de ses bras faiblir, mais je ne lâche pas. Mais si auparavant il y avait une certaine violence dans cette étreinte, comme un besoin impérieux de ma part et de la sienne, comme le besoin vital de sentir l'autre le plus proche possible de soi, maintenant, c'est une étreinte douce que nous partageons, un cocon de douce chaleur qui nous entoure. Je passe une main sous sa tête et je caresse tendrement ses cheveux fins tels des fils d'or. Il faudra que je les lui lave, il sont couverts de crasse, et leur belle couleur est enlaidie. Mais cela n'empêche pas sa chevelure d'être douce et agréable à toucher. Comment ais-je pu y résister aussi longtemps ?

Il pose une main sur ma nuque. Je frisonne.

C'est un moment qui semble un peu magique, et pourtant je suis tout ce qu'il y a de plus rationaliste. Mais ces moments…quand vous avez l'impression que rien n'existe à part vous, que le monde s'est arrêté pour vous. C'est exactement cela. Rien n'existe à part la sensation de ses mains sur moi, de son corps qui se réchauffe lentement à mon contact, plaqué contre mon torse, les douces mèches de cheveux que j'enroulent autour de mes doigts.

Je voudrais rester comme cela pour toujours. Oublier la guerre. Oublier que je ne suis d'une arme, et que quand le combat est terminé, on jète l'arme devenue inutile. Je voudrais penser que, au moins Quatre, qui me sert compulsivement contre lui, me considère comme une personne à part entière, digne d'aimer et d'être aimer. Peut-être étais-ce cela la raison de mes larmes : alors que depuis deux ans je me force à éviter ce genre de pensées, l'arrivée brutale et inattendue de Quatre m'a rappelé que je suis totalement inutile sur cette terre, que je ne fais que me traîner sans raison dans l'existence.

Mais dans les sentiments confus qui m'ont agités (j'y suis tellement peu habitué) j'ai ressenti une part de soulagement, de joie inexplicable. Peut-être parce que prendre soin de Quatre m'a démontré que au moins je pouvais encore être utile à une personne, qu'il y avait quelqu'un qui avait besoin de moi, qui m'acceptait, non pas comme mes parents, mais pour ce que je suis. Si j'avais revu un autre de mes compagnons d'arme, cela aurait été différent, je n'aurais par ressenti cela avec autant d'intensité.

Parce que Quatre est celui qui m'a toujours le mieux compris, je le sais. Il ne lisais pas en nous sans raison, mais je sais que d''une certaine façon il savait ce nous nous ressentions. Quatre était celui qui m'inspirait le plus confiance, plus encore que Duo, dont j'étais pourtant très proche, plus que Trowa, avec qui je partageais une vision commune sur de nombreux sujets, mais dont le silence presque plus oppressant que le mien empêchait toute communication. Le natté ne révélait presque jamais sa vraie nature, se cachant derrière son perpétuel masque de joker. Mais Quatre était sincère dans ses sourires, quand il nous disait, me disait qu'il tenait à moi, par mille petites attentions tellement gentilles que je ne pouvais pas m'empêcher de penser d'une façon spéciale à lui, à sa douceur et en même temps à sa force.

Sa force d'âme si impressionnante. Alors qu'il ressentait les émotions des gens, il devait les tuer. Mais il a toujours accompli ce qu'il pensait être son devoir. Désobéissant à son père, n'écoutant pas ce que sa gentillesse naturelle lui disait, il s'est battu à mes côtés, à nos côtés.

Bientôt je ne sens plus aucun répondant de la part de Quatre, et je devine qu'il s'est endormi. Mais je ne rompt pas le contact. Je reste collé à lui, je sens sa poitrine se soulevée et s'abaissée au rythme calme de sa respiration. Je n'ai pas envie de m'écarter de lui, mais, au bout de longues minutes à savourer sa présence, je me détache doucement. Quatre dort profondément.

Je rabat la couverture sur son corps nu. Il tremble un peu. Je ne sais pas si c'est de froid ou d'autre chose, mais dans le doute je monte un peu le chauffage. Je descend dans la cuisine et je prends un peu de nourriture. Il aura faim quand il se réveillera. Il faut que je m'occupe, sinon je vais me remettre à penser à la guerre, à mon entraînement, aux meurtres. Ou alors à Quatre. Je ne sais pas ce qui me fait le plus peur : me retrouver dans ces horribles souvenirs ou m'avouer que j'éprouve quelque chose de bien particulier pour le jeune homme blond qui dort dans mon lit.

Je m'assois sur une chaise près du lit, mais j'évite consciencieusement de le regarder. Je prends un livre dans ma bibliothèque bien remplie. Après la fin de la guerre, j'ai découvert le bonheur que l'on ressent lorsque l'on lit. Avant, je n'avait jamais vraiment eu l'occasion de lire un livre. Du moins quelque chose d'un peu différent de Mécanique élémentaire et application des systèmes de survie lors d'infiltrations en milieu hostile, et bien d'autres lectures peu réjouissantes.

Mes parents ont rapidement compris que la lecture était l'une des rares occupations qui me passionnait, et ils m'ont donc offert une quantité assez impressionnante de livres. Je crois bien que les rares moments où je leur sourie, c'est lorsqu'ils m'offrent un livre. Je n'ai pas été très coopératif avec mes parents d'adoption, mais je n'en n'ai jamais eu, comment puis-je savoir ce que font les enfants avec leurs parents. Je n'ai pas eu d'enfance, ce n'est pas ma faute.

Je me sens un peu somnolent. J'ai décidément perdu la majeure partie de mon entraînement. Si la guerre reprenait, je ne serais même pas digne d'y participer. Ce n'est pas que je voudrais un nouvelle guerre, mais au moins à cette époque j'avais un but, qu'on m'avait fixé. C'est ce qu'il faut pour tenir dans cette vie ingrate : un objectif. Certes, c'est lâche de suivre aveuglement les ordres de quelque un d'autre, mais c'est tellement rassurant. Nier sa liberté. Dire "je ne fais que suivre les ordres". C'est si rassurant. (3)

Ma tête dodeline, je sens mon paupières s'alourdir. Et dire que je pensais être capable sans problème de veiller Quatre toute la nuit. Vaine prétentions d'un soldat sans utilité. Ça y est. Je dors. Mon corps flotte avec soulagement, délivré de ses soucis. C'est tellement bon. Ne plus penser à rien. Suivre le flot. Se laisser dériver à la surface….

A suivre…

Petites notes culturelles (pour ceux que ça intéresse) :

(1) : ce titre est une double référence. A l'excellente fic de Mimi Yuy Deux cœurs en automne , qui en plus d'être très bien écrite, présente des couples originaux, avec un gros plan sur Heero et Quatre (génial !!!) Et aussi (petite minute littéraire ) aux Rêveries du promeneur solitaire, un livre de JJ Rousseau, que je n'ai pas lu (honte à moi), mais dont j'adore le titre.

(2) : autre petite référence littéraire (on est étudiante en lettres ou on l'est pas ! )Rimbaud (le pète aux éternels 17 ans ! j'adore) disait "Je est un autre". A méditer…

(3) : là je fais référence à Sartre, et à son concept de la liberté existentielle. Il dit que l'homme "est condamné à être libre", et que cela lui fuit peur, ce qui fait qu'il nie cette liberté totale, qui implique une responsabilité totale. C'est "la mauvaise foi " : se décharger de la responsabilité en disant que nous n'étions pas libre. Perso, je trouve cette théorie un peu extrême, mais toute à fait pertinente à bien des niveaux.

C'était la minute philosophique du jour !!!