Je reviens encore avec une nouvelle histoire ! Pour ceux qui ne le savent pas, j'écris également la nouvelle version de Justice Absolue. Cette fic n'a aucun rapport avec celle-ci.
Bonne lecture
I
Jusqu'en enfer
Partir c'était facile, tout devenait aisé dès lors que le pas de la porte était franchi. Il suffisait de prendre une grande inspiration et de faire face au calme pesant de la nuit. Venez ensuite l'excitation mêlée de peur, le côté doux amer de l'aventure, l'exaltation de l'ailleurs. Là-bas n'était jamais assez loin, il fallait traverser monts et vallées, passer par les chemins escarpés, les tunnels sombres et les villages inconnus. Les paysages finissaient par se confondre, se mélangeaient dans un joyeux kaléidoscope sur lequel s'élevait le chant nostalgique de mille oiseaux.
Puis venaient les regrets. Il y avait toujours quelque chose à regretter. Le bruit du battant de la porte, la troisième planche en partant de la droite qui grinçait, l'armoire en bois blanc, l'oreiller moelleux, le regard chaud d'une personne aimée, le rire d'une amie. Le regret prenait place, s'installait tel un guerrier despotique et victorieux. Il envahissait peu à peu l'esprit, réduisant en miettes les heureux souvenirs. La pluie devenait larme, tonnerre devenait colère. Il fallait quitter la terre, s'enfuir loin de cet endroit devenu maudit, trop plein de souvenirs brisés. Abandonner la mer pour la terre.
Partir c'était facile. C'était d'abord des visions enchanteresses qui s'offrait aux regards. Des étendus d'eau à perte de vue, calme et d'un bleu limpide. Ce repos offert par la mer ne durait cependant jamais longtemps. La mer finissait par s'élever, le ciel se couvrait, les flots rugissaient.
Ce fut le fracas que causa son mât en se brisant qui alerta la jeune femme. Perdue en pleine tempête, son champ de vision était obscurci par les vagues immenses qui s'approchaient de sa trop petite embarcation. Jamais elle ne pourrait supporter une telle tempête. Et pourtant, elle se jeta sur son mât dans le fol espoir de le maintenir et dû renoncer lorsqu'un morceau de bois lui rentra dans la main droite, la blessant profondément. Son cri se répercuta sur les flots. La douleur l'immobilisa momentanément. Ce fut seulement à cet instant, alors que l'océan se déchainait contre elle qu'elle songea que son voyage s'achevait ici. Et pour la première fois, elle n'éprouvait aucun regret. Juste un ennui profond, animé par des réflexions tel que « personne ne retrouvera mon corps » ou « je n'aurais jamais le droit à un cercueil confortable ». Son esprit était à l'image d'un lac, sans remous, comme figé dans le temps, tandis qu'autour d'elle c'était la tempête.
Elle vit l'eau envahir le bateau, le bois disparaître sous le liquide glacial. Son seul geste fut de serrer le sac qui contenait une bonne partie du peu qu'elle possédait. Elle le maintient contre elle comme une bouée de sauvetage, bien qu'elle sache déjà que rien ni personne ne pouvait l'aider. Il n'y avait que son sabre, qu'elle avait sagement conservé dans son fourreau depuis un an. Il suffisait de se trancher la carotide et la vie la quitterait en quelques minutes. Une question se posait alors : mourrait-on plus vite par noyage ou par perte de sang ?
Elle allait enfin découvrir cette réponse à cette question.
Le bois, rongé par le sel, se craquela avant de se briser définitivement. Une vague plus haute que les autres l'emporta. Elle bascula alors dans un monde où le mot sens n'avait plus de sens.
*Satan*nous*sauvera*
- Tu crois qu'elle est vivante ?
- Elle serait devenue bleue si ce n'était pas le cas.
- Là ! Regardez, du bleu !
- Orias, tu es daltonien.
- J'avais oublié.
- Quelqu'un peut m'expliquer pourquoi on l'a repêché ?
- On peut toujours la balancer à l'eau si tu veux.
Ce fut ce moment que choisit la jeune femme pour papillonner des yeux. La lumière l'éblouit. Aucun nuage ne venait troubler l'azur. De violents toussotements lui meurtrissent la gorge. Il lui semblait qu'elle son corps avait décidé de se défaire de ses poumons sitôt réveillé.
- Eh ! Calme-toi, tu vas te mettre à cracher du sang si tu continues à tousser ainsi.
Elle retira sa main de sa bouche et l'examina. Elle avait été partiellement bandée, dans un tissu sale qui ne ferait que lui causer des infections. Fronçant les sourcils, elle s'appliqua à défaire le bandage. Du sang avait d'ores et déjà coagulé sur celui-ci, lui causant un nouveau pic de douleur lorsqu'elle dut arracher d'un mouvement brusque le bandage.
- Je peux savoir pourquoi tu réduis tout mon bon travail à néant ? se vexa un homme aux longs cheveux gris et au sourire d'ange.
La jeune fille l'observa avec perplexité. Il paraissait réellement offensé par son geste. Deux autres hommes étaient penchés vers elle. Le premier portait un masque à rayure bleu et blanche duquel dépassaient des cheveux blonds d'une épaisseur étonnante. La chemise à pois qu'il portait surpris quelque peu la jeune femme. Le second était tout aussi extravagant. Il portait un voile qui masquait presque entièrement son visage. Néanmoins, son regard empli d'étoiles restait toujours visible derrière le tissu bleu nuit. Il portait des bagues avec une perle à chacun de ses doigts boudinés.
- Puisque ce n'est visiblement pas l'heure pour moi de bruler en enfer, autant éviter de mourir d'une infection. C'est très douloureux, acheva dans un murmure la femme en tendant le bandage à l'homme à l'apparence de zombie.
- Qu'est-ce que tu connais de ce domaine toi ? répliqua-t-il avec une pointe de dédain en reprenant le bandage.
- Certainement plus que toi.
- Je sens une tension dans l'air, déclara pensivement l'homme au voile.
Le blond lui donna une tape à l'arrière de la tête. Il se tourna ensuite vers la jeune femme encore trempée jusqu'aux os et lui offrit sa main afin de la redresser. Elle put alors voir qu'elle se trouvait sur un navire de belle envergure. Sur le voile noire était dessiné un Jolly Roger qu'elle ne reconnut pas. Elle en déduisit cependant qu'elle avait été repêchée par des pirates. Peut-être qu'elle verrait l'enfer plus tôt que prévu finalement.
- Où sommes-nous ?
- À deux jours de Shabondy.
Cela eut le don d'éveiller l'attention de la jeune femme. Elle se passa rapidement la main dans ses cheveux rouges qui lui arrivaient aux épaules. Ce geste attira le regard du blond.
- Tu as les mêmes cheveux que notre capitaine.
- Vraiment ? Et qui est-ce ?
Il parut sur le point de répondre avant de se raviser subitement. Elle discerna une ombre dans son dos et se retourna.
- Pas de « qui est-ce » sur ce bateau quand on parle de moi, menaça l'homme qui lui faisait désormais face.
Le blond n'avait pas eu tort, leur chevelure était semblable en tout point, si ce n'est que la femme la portait plus longue. Mais c'était le seul point commun qui les rapprochait, le reste n'était que différence. Quand elle était fine, lui se rapprochait plus du bodybuilder sortant tout juste d'une nouvelle séance de musculation. Il était imposant, alors qu'elle passait presque toujours inaperçue, mis à part ses cheveux.
- Pardon, s'excusa-t-elle avec un mince sourire.
- Kidd, évite de traumatiser les jeunes filles si tôt dans la matinée, conseilla le blond.
Elle le remercia d'un regard pour l'avoir informé du nom de son capitaine.
- Encore un conseil sur la manière dont je dois procéder avec elle et je la rejette à la mer.
Il se tourna à nouveau vers elle et s'exclama :
- Je suppose que t'as un nom.
- Pas vraiment.
Il aurait haussé un sourcil s'il en avait eu un.
- Ce n'est pas une réponse ça.
- Ça dépend si tu veux vraiment le savoir.
Elle vit le visage du capitaine être lentement envahie par un voile de fureur. C'était visiblement une personne qu'il valait mieux éviter de contrarier.
- Nina ! Je m'appelle Nina ! s'exclama-t-elle brusquement.
- Je préfère ça. Donc, Nina, il va te falloir me convaincre que tu peux m'être d'une quelconque utilité car dans le cas contraire, tu retourneras joyeusement poursuivre ton séjour au fond de l'océan.
Nina se mordit la lèvre. Elle aurait bien aimé pouvoir répondre à cette question mais pour cela, il faudrait d'ores et déjà qu'elle sache ne serait-ce qu'un minimum en quoi elle pouvait être utile à quelqu'un. Il avait toujours tendance à dire qu'elle était d'une inutilité frisant le ridicule. Oh, bien sûr, elle n'écoutait jamais vraiment ce qu'il disait, feignant de ne pas tenir compte de son avis.
- Je sais… cuisiner ?
- Tu n'as pas l'air franchement convaincue, déclara Kidd en la prenant par le bras.
Il s'arrêta un instant et questionna :
- Tu sais faire le ménage ?
- Ah non pas ça !
- Bon bah dans ce cas…
Il la jeta sur une de ses larges épaules et s'avança sur le bateau. Plus loin, on entendait l'homme au voile fredonner gaiement. Ils arrivèrent près du bastingage et Kidd la suspendit au-dessus des flots. Nina regarda les vagues s'abattent contre la coque du navire et songea qu'elle préférait rester une éternité au service d'un roux fou furieux plutôt que de finir balloter par les courants. C'était ainsi, elle refusait de laisser les portes de la mort s'ouvrir devant elle aujourd'hui. C'était, elle le savait sans vouloir l'admettre, notamment dû au fait qu'elle avait pensé à lui. Cela suffisait généralement à réveiller son esprit combatif, bien que cela ne dure jamais longtemps.
- Tu aurais pu me dire que tu savais manier un sabre, t'aurais peut-être eu une chance de t'en sortir, dit Kidd.
- Pourquoi aurais-je dit cela ?
- Parce que quand nous t'avons retrouvé, tu te cramponnais à un sac contenant un sabre. Il est plutôt pas mal d'ailleurs, qui sait, une fois que je me serais débarrassé de toi, je le suspendrai volontiers dans ma cabine.
- T'as fouillé mon sac ! s'insurgea-t-elle.
Il lui adressa un regard d'avertissement.
- Ce n'est pas très poli… marmonna-t-elle.
Son corps se rapprocha dangereusement de l'eau tandis qu'il lâchait peu à peu. Alors que sa poigne allait la relâcher complètement, elle hurla :
- Je suis une sabreuse !
Il la remonta aussitôt, d'un geste si leste qu'elle en eut le tournis.
- Voilà qui est plus intéressant.
Elle fut jetée avec vigueur sur le pont. Se relevant avec peine, vidée de toutes ses forces après avoir manqué mourir noyée, elle répéta :
- Je suis une sabreuse.
- Prouve-le.
- Là tout de suite ? s'étonna-t-elle.
- Ai-je l'air d'être le genre de personne à accorder des délais ?
-…Non.
Il se détourna d'elle et appela l'homme à la longue chevelure blonde. ce dernier s'avança lentement, son visage toujours caché derrière son masque, ne laissant nullement deviner ses émotions. Du moins s'il en avait, car l'équipage sur lequel elle était tombée semblait tout bonnement dénués de sentiments ou de compassion. Aucun d'eux n'avait en effet bougé le petit doigt lorsque leur capitaine avait menacé de la jeter par-dessus bord.
- Killer, réduis-la en pièce.
- Réduis-la en pièce, gentiment, corrigeât-elle.
Il l'ignora et s'adossa contre un mur, prêt à assister au spectacle qui allait se dérouler sous ses yeux. Il s'attendait sans aucun doute à voir un bain de sang, d'où son apparente satisfaction. Il paraissait également évident qu'il était convaincu que le sang ne viendrait pas de son second mais de la jeune fille.
Killer dégaina son sabre et s'avança vers Nina. Cette dernière, perdue, fit quelques pas en arrière. Ce n'était pas censé se passer comme cela. Elle était partie il y a plus d'un an à sa recherche, mais jamais elle n'aurait cru que le chemin serait autant semé d'embûches. Après avoir parcouru tout East Blue à sa recherche, il lui avait fallu gagner Grand Line, seule. Elle avait bien cru ne jamais y parvenir, et pourtant elle avait atteint la première île saine et sauve. Ses maigres talents de navigatrice l'avaient de nombreuse fois égarés dans des endroits toujours plus dangereux, mais elle s'en était jusque-là sortie vivante. Il fallait croire que tout avait une fin. Était-elle réaliste ou défaitiste, elle n'était jamais parvenue à le déterminer. Cela ne l'empêchait cependant pas de ressentir des frissons de peur à la vue de la lame brillante de son ennemi.
Un pirate s'approcha d'elle et lui tendit son fourreau. Son cuir souple rassura la jeune femme, qui le suspendit à sa ceinture. Le poids de son sabre était familier. Lentement, elle plaça sa main sur la garde et dégaina, appréciant le bruit de la lame sortant de son fourreau. Elle était longue et plus fine que la normale, faîte dans un métal si blanc que la lame en devenait presque fantomatique. La garde était noire, et une obsidienne l'ornait, ajoutant à sa magnificence. La détermination gagna la peur.
- Défends-toi bien et tu resteras en vie, annonça le capitaine.
Elle hocha la tête et fit quelques pas vers la gauche, retrouvant avec stupeur le même plaisir qui l'habitait chaque fois qu'elle avait un sabre en main. Cela faisait pourtant si longtemps qu'elle n'en avait pas tenu un. Un an. Douze longs mois d'abstinence. Il avait fallu la menacer pour qu'elle le sorte de son fourreau.
Killer fit tourner sa lame. Ils s'approchèrent instinctivement l'un de l'autre. Ce fut lui qui porta le premier coup. D'un geste précis, il visa son abdomen. Elle parvint à esquiver et contra le coup qui ne tarda pas à suivre. Alors s'entama un ballet où se mélangeaient corps et acier. Les lames produisaient une symphonie mortelle en s'entrechoquant, évoquant le son de mille combats aux oreilles des pirates. Nina fut rapidement essoufflée. Elle tournoyait autour de lui. Ses membres portaient déjà plusieurs fines coupures. Killer, bien que son capitaine lui ait signifié de la tailler en pièces, prenait garde à ne pas enfoncer sa lame trop profondément.
Elle fut bientôt incapable de tenir le rythme et manqua perdre une main lorsqu'il fit de nouveau siffler son sabre. Son genou gauche la lâcha et elle tomba au sol, bloquant une dernière fois l'assaut de Killer. Il n'en retenta pas d'autre, s'écartant d'elle en la laissant au sol. Des pas s'approchèrent bientôt d'elle.
- Pas mal. Tu te serais fait tuer en vingt secondes si Killer n'avait pas été aussi gentil. Tes coups manquent de conviction mais tu es apte à bloquer un adversaire avec efficacité.
- Tout ça pour dire que tu ne me tueras pas aujourd'hui ?
- Je t'accorde un répit.
Nina poussa un soupir avant de s'effondrer totalement au sol. Un nuage traversait paresseusement les cieux. Il lui évoqua un lapin. Il avait toujours dit qu'il détestait les lapins, c'était des animaux pour les faibles, comme il disait. Et pourtant, elle l'avait un jour trouvé assis sur un tronc, un sabre posé sur ses jambes, en train de contempler un lapereau sortir de son terrier. Il avait l'air fasciné.
Elle l'avait été tout autant en apprenant son départ, sa fuite, elle ne savait comment l'appeler. Elle s'était alors promis de le retrouver, coûte que coûte.
Elle le chercherait jusqu'en enfer s'il le faut.
Je serais curieuse de savoir qui vous pensez que se cache derrière "lui" !
À bientôt
