Cette suite d'OS a été écrit dans le cadre d'une Nuit du FoF. Il fallait écrire un OS en une heure, le premier a été écrit pour le thème "Anarchie", et le second pour le thème "Aimer".
Esmeralda laissa son corps se relâcher contre le dossier de sa chaise en soupirant. Une main passa dans ses cheveux, les repoussant en arrière sur un seul côté, tandis qu'elle réfléchissait à sa réponse. Sur sa droite, Fleur pris la parole – tant mieux, elle avait encore un peu de temps. Sur le mur en face d'elle, l'horloge indiquait 15h18 et, derrière les aiguilles, elle pouvait lire le message ridiculement optimiste : « ne comptez pas les heures, faites que les heures comptent. » Elle adorait ce message, et elle essayait de le garder dans un coin de sa tête. C'était un rappel qu'elle faisait des choses utiles. Que dans cette petite salle que l'université leur laissait, ils se rejoignaient, s'organisaient, et faisaient avancer les choses – aussi infimes soient leurs pas. Aujourd'hui, en tout cas, Esmeralda avait du mal à y croire, et elle avait plutôt l'impression d'aller à reculons. Ça faisait partie du combat, finalement. C'était comme la santé, se disait-elle, et les mots de sa psy lui revenaient alors pour lui rappeler que la guérison n'était pas une ligne droite. La lutte, peut-être, suivait la même logique.
« Non non non, mais tu écoutes ce que je dis ? »
Son regard retomba sur Fleur-de-Lys qui tentait de rester calme, mais au pincement de ses lèvres, Esmeralda savait qu'elle était à deux doigts de s'emporter. Ça ne valait pas le coup – est-ce que cette conversation valait le coup, même ? Plus le temps passait, plus Esmeralda avait envie de clore la réunion et de rentrer chez elle, retrouver une bonne tasse de thé et Djali.
« Oui ! Et je dis que, en fait, tu as une vue trop restreinte. Tu as clairement une opinion de quelqu'un qui n'a aucune connaissance du milieu policier. Mon père m'a déjà dit que-
-Phoebus... » l'interrompit Esmeralda.
Les mots se bousculaient dans sa gorge. Par où commencer ? Elles venaient de passer la dernière demi-heure à lui expliquer le problème, si Phoebus refusait de l'entendre... que pouvaient-elles encore ajouter ? Se disputer sur le rôle des flics n'était clairement pas dans l'ordre du jour, et quand bien même les dérives étaient courantes durant leur réunion, cette-dernière avait commencé à 13h et ils n'avaient que très peu avancé.
« Ce n'est pas à propos de ton père et de son expérience. On parle d'un système, là.
-Mais-
-Mais rien du tout. Écoute je suis fatiguée, aucun de nous changera d'avis cet après-midi, est-ce qu'on peut suivre le programme ? »
Esmeralda ignora le regard incrédule que lui lançait Fleur – elle avait certainement déjà sa réponse prête, non dénuée du goût acerbe que son éloquence prenait dès qu'un débat tournait en rond. Phoebus leva les yeux au ciel, mais Esmeralda savait que c'était bon. Pour cette fois, au moins.
« Merci. »
Merci pour rien, à vrai dire, mais elle tenait à rester cordiale. Au fond, Phoebus n'avait pas l'air méchant, ni foncièrement mauvais. Iels n'étaient même pas en désaccord sur tout. Mais il avait beaucoup trop d'influence, et son comportement n'avait jamais rien fait pour qu'Esmeralda se décontracte en sa présence – prudence, donc, surtout lorsqu'elle n'avait aucune force émotionnelle pour gérer de plus grands conflits.
« On en était à.. » Fleur jeta un œil sur l'écran de son ordi avant de continuer. « à la com. »
Quand ils arrivèrent à la fin de l'ordre du jour, les prochaines tâches réparties et Phoebus reparti, Fleur traîna à ranger ses affaires, et Esmeralda savait très bien pourquoi – mais elle attendit qu'elle ait trouvée ses mots, beaucoup plus délicats et difficiles à organiser quand ils s'adressaient à elle.
« On aurait pu continuer. » Fleur se rassit, son écharpe autour d'elle maintenant cachait son mordillement de joue. « Je veux dire.. ok, c'est pas le but de cette asso, mais est-ce que c'est pas aussi ça qu'on fait ? Qu'on veut faire ? Éduquer dès qu'on peut ? Où qu'on peut ?
-Bien sûr, Fleur. Mais, surtout, on éduque quand on peut. Vous tourniez en rond.. c'est pas grave de laisser tomber, ça aurait rien donné de toute façon.
-On sait pas. On sait jamais. L'autre fois, je crois qu'il a compris.
-Et tant mieux ! Mais là, honnêtement, il a sorti son portable pendant ta dernière tirade, il attendait juste son tour de répondre. »
Fleur voulait toujours tout dire, tout expliquer, tout répondre. Son énergie était admirable, mais Esmeralda ne l'avait plus. Faire avancer leurs projets quand ils n'étaient que trois en réunion était déjà bien usant, alors en plus, gérer une discussion politique avec Phoebus ?
« Tu en as dit bien assez » continua Esmeralda. « Il n'y avait rien à ajouter. Maintenant c'est à lui de prendre, ou non, de laisser les mots germer, ou non. »
Fleur grogna dans son écharpe en se levant de son siège, et Esmeralda rit, sachant que c'était une approbation.
« La pédagogie, c'est fatiguant. »
Surtout quand on avait l'impression que ça ne servait à rien, compléta Esmeralda. Mais ça servait, petit à petit. Pas tout le temps, certainement, mais suffisamment. Esmeralda essayait de se rattacher à ça, à l'espoir qui démarrait chacune de ses actions et qu'elle gardait en vue, même quand il avait l'air trop infime pour avoir un impact.
« Viens te reposer à la maison, si tu veux. J'ai un nouveau livre qui devrait te plaire. »
Le visage de Fleur s'illumina tandis qu'elles prenaient leurs sacs. « Rien qu'à l'idée, je vais mieux. Ça parle de quoi ?
-De vie, d'être libre, sans dieu ni patrie, tout ça. »
