Bonjour bonjour ! Bienvenue sur la version révisée de Nature Morte. Il ne s'agit pas d'une réécriture complète- j'ai seulement éliminé certaines tournures ampoulées. Cette fanfiction publiée en janvier 2015 était un cadeau d'anniversaire pour mon amie Miss Poulpi.)

Rating : T

Personnages : Sebastian Michaelis, Ciel Phantomhive

Pairing(s) : SebaCiel (implicite)

Warnings : Légèrement AU/Gore

Genres : Angst/Drama.

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L'observateur

Sur l'écran de l'ordinateur, des fenêtres s'affichent et disparaissent. Ces annonces supposées allécher l'utilisateur finissent par supplanter la page active. Des attaques de personnes déguisées en clowns, la condamnation du coureur Oscar Pistorius, l'échec du référendum écossais... Rien de tout cela n'intéresse l'Homme il continue de fixer la seule source de lumière de la pièce. Ces actualités dépeignent les erreurs constantes des humains. Elles signifient peu de choses pour lui.

C'est alors qu'une fenêtre attire son attention. Ses yeux semblent reprendre vie. En un éclat, l'observateur est sorti de sa torpeur. D'un mouvement vif, il clique sur le titre. Il tombe sur un article concernant une FTN anglaise bien connue du public. Cette dernière, nommée Funtom, bénéficie d'une renommée internationale. En effet, elle propose des produits de qualité à bas prix. Mais selon l'article, sa cote en bourse chute de plus en plus chaque semaine.

En effet, un scandale sanitaire touche la société depuis quelques temps. A l'image de la plupart des entreprises actuelles. Les normes qu'ils avaient bafouées semblaient bien dérisoires face à la promesse d'un profit plus élevé. Mais cela nuit à ce que d'autres appellent pompeusement « des conditions de travail humaines ». Deux réactions lambda se présentent au monde : condamner le capitalisme ou l'encenser. Après tout, « Avec la crise que nous traversons aujourd'hui, ils devraient se réjouir d'avoir un travail. Ceux qui sont dans la précarité n'ont pas le temps de faire grève eux !».

Qu'importe. L'observateur n'est pas un humain ordinaire (il n'est même pas un humain lui-même). Le caractère socio-économique de l'affaire ne l'intéresse pas. Pas besoin de lire une ennuyeuse théorie établie par un ennuyeux petit écolier. Il poursuit pourtant sa lecture pour et remarquer un petit historique. Ce n'est pas mal. Les antécédents de la société sont dressés dans un tableau qui appuie la critique de Funtom voulue par l'article. Un lapin borgne souriant de toutes ses dents avec une canne à sucre dans la patte accompagne l'encadré. Il s'agit du logo de la société. Un texte se dresse sous le charmant animal (est-ce cela, ce que l'on appelle un slogan?) : « Makes you grin like a Cheshire cat since 1886 ! ». De telles techniques de vente l'ont toujours laissé sceptique. Mais lorsqu'il lit ces mots, aucun doute sur leur véracité. Puisqu'il a assisté à sa création. Un lambeau de curiosité vient prendre possession de lui.

Personne ne sait qui a fondé la société Funtom. En 1886, elle paraissait déjà prometteuse. Ensuite l'entreprise change de propriétaire en 1894. Le successeur, un dénommé Edward Middleford. Mais ce dernier fait sombrer la société à coup d'affaires calamiteuses. Il doit la céder à un tiers. C'est ainsi qu'une nouvelle famille en prend possession en 1902. Enfin, Johnny Marr, l'héritier, est celui impliqué dans le scandale sanitaire.

L'observateur a terminé sa lecture. Il ferme l'onglet.

L'écran est noir désormais. La pénombre. Un temps. La pause s'étire dans l'air.

Ses traits se détendent. Se détendent de plus en plus. Ses traits deviennent des traits grotesques. Un rire monte. Bas au début. Pour mieux éclater dans la pièce.

« Les humains ne changeront jamais ! Qu'en pensez-vous, monsieur ? »

Il ne s'agit pas de la première fois qu'il prononce cette phrase. Si ses souvenirs sont bons, il l'avait dit deux mois avant la disparition de Ciel Phantomhive, avant que la fabrique change de propriétaire. Lorsque tous deux étaient encore dans la lumière...

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Failles

La discussion avait démarré comme aujourd'hui, par cette phrase que Sebastian avait prononcé d'un ton innocent.

« Qu'en pensez-vous, monsieur ?

-Mes pensées…ne te regardent pas. Quand t'es-tu dit que tu pouvais prendre des initiatives aussi…personnelles ? On pourrait penser qu'après six ans à mon service en tant que majordome, tu serais bien dressé. Mais il semble qu'un diable, aussi malin et cruel soit-il, ne pourra jamais satisfaire les désirs des humains à la perfection.

-Pourquoi un tel échauffement d'humeur ? Seriez-vous insatisfait du menu du déjeuner ? Evidemment que cela n'est pas ça. Il est peu recommandé pour un jeune noble d'être aussi puéril. Vous me reprochez de ne pas satisfaire vos désirs pourtant, vous êtes celui qui donne les ordres. Alors, qui est à blâmer ? Par exemple, si vous souhaitez retrouver, après tant d'années, le meurtrier de vos parents, il vous suffit de m'en donner l'ordre. Ce répugnant humain serait je vous l'assure, avec nous sur l'heure. Ah, mais cela gâcherait le plaisir n'est-ce pas ? -lui répliqua Sebastian sans se départir de son éternel sourire sarcastique-

-Nous en avions convenu en établissant le contrat. Je veux connaître les raisons derrière l'anéantissement de mon illustre famille. Dois-je te rafraichir un peu plus la mémoire et t'apprendre à être à ta place? Je n'ai que faire de tes digressions. Revenons à cette histoire de portrait.

-Très bien Monsieur. Parlons de ce portrait...dont l'idée même semble fort vous rebuter.

-Que tu es vif d'esprit Sebastian !

-Puis-je savoir les raisons de ce refus ? Posséder un autoportrait est tout à fait banal pour un noble de votre rang. Poser pour contribuer à sa réalisation me paraît tout ce qu'il y a de plus sensé –lui répond son serviteur avec un sourire plastifié.

C'est celui qui se montrerait le plus dédaigneux, le plus méprisant qui l'emporterait. Ciel n'est pas prêt à perdre la partie. Pas aussi facilement, après cinq minutes de conversation.

« Premièrement, tu sais mieux que quiconque le rôle primordial que je tiens dans le monde de l'ombre- en plus de gérer la société Funtom. Pour ma sécurité, toute preuve de mon identité doit être habilement dissimulée. Qu'il s'agisse d'une personne…ou d'un objet. De plus elle doit être mise hors de portée de ces souris, si avares d'informations pouvant me faire perdre pied. Et toi, tu voudrais leur fournir sur un plateau d'argent le moyen de faire tomber mon secret ? Et cela pour une raison aussi ridicule qu'un portrait ? Je ne crois même pas avoir déjà manifesté une telle envie.

Je ne te pensais pas sénile au point d'oublier que nous autres humains avons inventé d'autres façons de se créer des souvenirs. Si tu tiens tant que ça à conserver une image de moi-même par pur attachement sentimental -un sourire caustique- contente-toi d'une photographie de ma personne. Cela m'éviterait ainsi de longues heures de pose à caser dans un emploi du temps très occupé. Qui plus est, tout ce temps perdu ne produirait qu'une représentation approximative de mon apparence. Avec une simple photographie, nous nous éviterions enfin d'entrer en contact avec un de ces fâcheux « artistes maudits » de la capitale.

-Se pourrait-il que Monsieur n'ait pas encore traversé cette phase de l'enfance où, vous autres humains ne pouvez pas tenir en place ? Cela expliquerait sûrement pourquoi l'idée de rester immobile pendant quelques instants vous paraît insupportable.

Les traits du visage de Ciel se contractent, ce qui n'échappe pas au majordome.

-Dois-je te rappeler que je suis un adulte à présent ?

Le démon ne peut qu'approuver. Le jeune garçon de treize ans aux expressions parfois enfantines est devenu un beau jeune homme maître de lui-même. Cependant, plus il s'efforce de consolider un masque autour de ses émotions, plus le masque se craquelle. Ces failles fragiles, le démon les exploite habilement. Des émotions facilement provoquées transparaissent bien plus ostensiblement sur le visage du comte.

Le majordome s'amuse beaucoup, en trouvant les failles de son costume d'apparat. De même, il se délecte des failles de ses ordres qu'il peut tourner à son avantage.

Et Ciel lui offre sans cesse des opportunités.

« Il est en effet inutile de me le rappeler. Vous êtes devenu une si charmante personne en grandissant qu'il serait difficile de l'oublier.

Ciel lui montre clairement son dédain. Une de ses expressions préférées.

-Tss. Épargne-moi les flatteries. Qu'attends-tu pour réfuter mes arguments ? »

-Mais j'y viens Monsieur. Ne vous attendez-pas à ce que je rattrape deux de vos fléchettes en même temps, tout diable que je suis. Votre seul but, c'est de me rabaisser n'est-ce pas ?

Quelle plaie. Il aimerait qu'on cesse de lui rappeler qu'il est très puéril. Il le sait déjà, de toutes façons. Depuis quand se laisse-t-il troubler par les remarques de ses pièces d'échecs ? Est-il devenu ce qu'il redoute le plus : un faible ?

Finalement, son serviteur semble détenir la clé de tous ses actes et pensées. Cette idée lui déplaît. En effet, le contractant ne peut se targuer de tout connaître de de son majordome. Voilà un domaine dans lequel il admet qu'il est inférieur. Le mot lui brûle la langue comme ce feu qui ne sera plus jamais étouffé. Il en est de même pour ses émotions.

Le mutisme du maître demeure. Alors Sebastian ne se prive pas de continuer.

« Et bien, voici ma théorie. J'espère réfuter votre argument de manière satisfaisante. La peinture relève du domaine artistique. Elle représente des valeurs esthétiques destinées aux humains. Mais le portrait, qui n'est qu'une nuance de la peinture, possède une signification implicite. Evidente. Elle permet de garder une trace du passé certaine. Ainsi, on peut dire : cet être a existé, regardez, voici son portrait. Voilà comment, même après la mort une personne peut subsister sur Terre. Vous voyez où je veux en venir Monsieur ?

Un portait permet ainsi aux humains d'entretenir leur nostalgie. Il permet aussi de pleurer à chaudes larmes ses êtres chers. Mais cela ne sert à rien, n'est-ce pas ? Comme vous aimez le répéter, « Ce qui est perdu ne revient jamais ». C'est pourquoi, ce portrait aurait un sens entier pour vous. La preuve que vous avez existé. La marque d'une vie misérable où vous avez aimé et tout perdu. Alors, pourquoi conserver le modèle original quand une multitude d'humains grouille à la surface de la planète ? Poser pour ce portrait, c'est montrer que vous êtes prêt à mourir.

Des yeux clairs le fixent en silence.

Vous croyiez que je ne le remarquerais pas ? Ces derniers temps vous vous préoccupez moins de votre vengeance. Vous ne pouvez le nier. Où sont passées les belles paroles prononcées lorsque vous avez obtenu le titre de comte ? C'est comme si vous étiez redevenu cet enfant innocent craignant la mort. Pourtant, n'avait-il pas été sacrifié par cette secte ce jour là ? N'avez-vous pas fièrement enjambé son cadavre ? Je me dois de vous le dire en tant que votre honnête serviteur : vous m'avez déçu. »

Ciel prend du temps pour avaler les paroles de son majordome. Puis il éclate avec fureur :

« En quoi t'ai-je déçu Sebastian ? Est-ce ma vie qui t'ennuie ? Pourtant, elle aurait pu se terminer il y a bien longtemps si tu en avais eu l'envie, que dis-je, la volonté ! Si tu arrives à exploiter les failles de mes ordres, pourquoi ne pas exploiter celles du contrat ? Glisser quelques indices par ci, par là, pour en finir rapidement avec la vengeance et prendre mon âme. Mais non ! Au lieu de cela, tu prends un malin plaisir à me voir souffrir devant ce qui reste de ma vie. Je l'ai supporté chaque jour, pour finalement peu-à-peu m'y habituer...M'habituer à vivre simplement sans aucun buts. Et ne plus vouloir que la vie me quitte ! Et maintenant, tu me fais des reproches, alors que tu es certainement le responsable de mon état ? Après tant d'années passées ensemble, après...

-Ah là là monsieur, je ne vous savais pas si sentimental. Décidément, vous n'êtes qu'une pâle copie du Ciel Phantomhive d'autrefois. En outre vous me tenez pour responsable de vos actions...Vous n'avez rien appris, après toutes ces années passées ne ma compagnie ?

Vous autres humains, quand vous êtes accablés par le malheur, vous criez aux diables et aux esprits. Ils vous détestent et donc causent votre malheur. Mais sachez, chers humains, que les diables ne ressentent que de l'indifférence à votre égard. Les seuls à blâmer pour vos peines sont d'autres êtres humains...Ou tout simplement vous-mêmes. Quand aurez-vous fini de rejeter la faute sur les autres ? »

Le regard de Sebastian se fait plus dur que jamais.

« Sors.

-Plait-il monsieur ?

-Sors d'ici tout de suite. Sans poser de questions futiles.»

Ciel essaie de faire comme s'il n'était pas atteint, espérant regagner un peu de sa contenance. Mais il est déjà au bord du précipice. Et s'il veut prouver sa valeur, comme ce jour là, il doit…

Sebastian amorce alors un mouvement pour partir mais lance tout de même une dernière remarque à son contractant. Après tout, il n'a pas dit "C'est un ordre".

«Concernant le portrait j'espère que vous y réfléchirez. Vous devez bien ça aux serviteurs et à mademoiselle Elizabeth. Rassurez-vous, je me chargerai de trouver le meilleur peintre de Londres.»

Il s'incline, sort tout en souriant à son maître.

Ainsi, c'est donc comme ça...De la pure indifférence à son égard...Le pire, c'est qu'il n'a pas pu répliquer un seul mot face à ses remarques sournoises. Cela ne lui ressemblait pas. Laisser tomber volontairement son masque...

Pendant les deux mois qui suivent Ciel recherche l'assassin de ses parents avec férocité. Il a choisi entre les deux maux qui s'offrent à lui. La peur du précipice est trop forte...

Et finalement, en mars 1892, Ciel Phantomhive est porté disparu. Son corps n'a pas été retrouvé.

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Vanité

« Qu'en pensez-vous, Monsieur ? »

Le silence seul lui répond. Il se lève péniblement de sa chaise. Son corps est lourd. Mais il se rend vers la chambre. Là où se trouve l'objet de sa convoitise.

« Vous savez Monsieur, il est très puéril d'ignorer son interlocuteur. Même s'il vous dit des mots que vous n'avez pas envie d'entendre. Vous pensez que c'est ainsi que doit se comporter un Phantomhive. ? »

Il franchit le seuil de la chambre.

« J'étais sûr de vous trouver ici. Ah, vous essayez de me cacher quelque chose. Vous n'avez pas pu résister à goûter ma dernière confection n'est-ce pas ? Comment trouvez-vous ce sponge cake ?

Ce qui se trouve sur le bureau aurait pu être considéré comme consommable autrefois. Peut-être même bon. Mais à présent, ce n'est plus qu'un morceau de gâteau moisi entouré d'insectes bourdonnants.

Mais cela ne semble pas déranger. Sebastian. Ni Ciel Phantomhive, assis sur la chaise en face du bureau. Il faut dire qu'il a fière allure !

Qui ne serait pas émerveillé devant un corps constitué de quatre cadavres différents ? Pour parfaire cette élégance, la chose ne possédait qu'un œil. Ooh, c'est donc ça la substance visqueuse par terre !

L'oeil restant en revanche est d'un bleu éclatant. Il ressemblerait à l'œil d'un jeune comte bien connu, s'il n'était pas entouré de chair en décomposition. Mais bon, tout est relatif en ce monde.

« Vous ne répondez toujours pas ? Si vous persistez dans ce comportement ridicule...

Silence.

-Très bien ! Vous n'aurez pas de dessert ce soir ! »

Sebastian veut retirer la nourriture de la chose, mais dans sa précipitation il fait basculer la chose par terre. Un petit bout de chair se détache dans la chute.

« Ce n'est plus amusant de continuer vous infliger du mal ainsi My Lord. Vous savez, ce n'est pas comme cela que vous allez attirer mon attention. Et puis, je serai toujours capable de vous remettre sur pieds. N'est-ce pas ?

Il remet la chose sur la chaise et sort un peigne de Dieu-sait-où. Et il commence à brosser les cheveux de la chose, des longs cheveux de femme.

« C'était quand même de très mauvais goût, ce que vous avez fait ce jour-là. Tout cela pour voir si vous étiez plus important que les murs du manoir pour moi. Voir si « vous briser me ferait plus d'émotion que de briser ces murs ! ». La réponse est évidemment oui, contrairement à ce que votre bêtise humaine vous dictait. Faire comme si vous étiez mort... Nous savons tous les deux que ce n'était qu'un de vos petits jeux. La preuve, je suis en train de vous coiffer. Vous êtes bien vivant non ? »

Pourtant le démon en possède la preuve. Après la mort de Ciel, il avait passé des jours et des jours à contempler son cadavre.

Tout cela jusqu'à la fin de sa lente altération… jusqu'à ce qu'il ne reste que des os. Et un jour il ne resta plus rien. Il lui fallait un autre cadavre à contempler et vite. Au fil des mois (des années ? des siècles ?) l'ancien majordome s'était retrouvé avec la chose, dans cette chambre, avec ces moisissures de gâteau chiffon.

« Ah Ciel... jamais je n'aurai été capable de te tuer. Ce portrait, cette mise en scène, ces remarques provocatrices, toutes ces choses ne faisaient partie que de notre petit jeu. Tu l'as dit toi-même : après toutes ces années passées ensemble...n'est-ce pas ? »

Sebastian décide que le silence de la chose signifie « oui ». Pendant trois heures, il continue à brosser joyeusement les cheveux morts. Puis il revient enfin à son écran et ses actualités.

FIN

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Les Vanités sont une catégorie de natures mortes. Elles comportent toujours un crâne, pour symboliser la vacuité de l'existence humaine.

Flesh Delirium