Petite série de textes indépendants sur Natasha, Clint et Steve de New-York à la Sokovie.

Niveau de spoiler pour le premier chapitre : Avengers & Captain America : First Avenger.


1. Quelqu'un pour veiller sur soi

Le formulaire de santé a une question sur les allergies. Steve cligne des yeux. Il approche son stylo pour commencer la longue liste des problèmes médicaux avec lesquels il est né mais l'éloigne avant d'avoir terminé la première lettre. Il pose la pointe sur le papier dans l'optique d'écrire aucune puis la retire à nouveau. Il laisse la ligne vierge et passe à la question suivante.

On lui demande d'autoriser quelqu'un à prendre pour lui les décisions médicales. Il pense à Bucky, puis se force à se rappeler que Bucky est tombé, et que, même si ce n'était pas le cas, il est septante ans plus tard.

Il lève la tête vers l'agent Maria Hill qui, en face de lui, passe en revue les formulaires qu'il a déjà remplis. Fière d'un sixième sens que tous les gradés du SHIELD semblent posséder, elle sent son regard et demande, sans même interrompre son annotation :

« Un problème Capitaine ?

- Un répondant médical est-il obligatoire ? il demande.

- Techniquement oui, elle répond, de son ton immuablement dénué d'émotion. C'est un métier à risque.

- C'est que… »

Steve déglutit. C'est que toute sa famille est morte avant même qu'il ne s'engage. C'est que Bucky est tombé. C'est qu'il n'a pas encore rassemblé le courage de visiter Peggy. C'est que tous les gens qu'il connait sont morts ou mourants. C'est qu'il serait bien incapable de citer une seule personne qui tient à lui dans ce nouveau monde.

« … je ne sais pas qui mettre, » il termine, et ça sonne pathétique à ses propres oreilles.

L'agent Hill lève les yeux et autorise une once de sympathie à détendre ses traits.

« Je pense que je mettrai l'un des Avengers si j'étais vous. »

Steve baisse les yeux sur la feuille de papier. Il doit admettre que c'est la meilleure solution au problème mais… L'agent Romanoff considère que voler le contrôle d'un aéroglisseur au fonctionnement inconnu à un extra-terrestre est amusant. Il n'a pas échangé plus de trois mots avec l'agent Barton. Stark est au moins aussi fou que son père et bien moins sympathique. Thor ne connait probablement rien à la médecine moderne, sans compter qu'il vit dans un autre monde. Le docteur Banner serait certainement qualifié, mais il est toujours en fuite à l'un ou l'autre bout de la planète, et Steve a l'impression qu'il n'apprécierait pas ce genre de responsabilité.

Il songe que les deux agents sont les meilleurs choix. C'est après tout quelque chose avec lequel ils sont familiers et ils vont bientôt devenir collègues.

L'agent Hill le regarde toujours.

« Vous pensez que l'agent Romanoff ou l'agent Barton accepterait ? il s'informe.

- Je ne vois pas pourquoi ils refuseraient. Mais… vous voudrez peut-être éviter d'inscrire l'agent Barton. Il n'est pas dans de bonnes grâces en ce moment…

- Et on m'empêcherait de le nommer répondant médical ?

- Non. C'est uniquement votre décision. »

Donc elle lui conseille de ne pas impliquer l'archer pour son image à lui. Pour ne pas faire mauvaise impression sur la hiérarchie en affichant une confiance en un agent à la psychologie douteuse.

Comme si ça a une importance.

« Les agents Romanoff et Barton sont certainement dans le gymnase au cinquième, reprend l'agent Hill. Si vous souhaitez leur demander leur accord avant de vous décider. »

Steve se demande si cette connaissance implique que les trois partagent une amitié proche ou si une traque intensive des employés est encore une autre chose à laquelle il devra s'habituer. Il réalise que l'intérêt qu'il porte à la réponse ne mérite pas de briser la politesse en posant la question, ou même l'énergie de former une phrase. A la place, il se lève et se met en route pour le cinquième étage.

Pour la troisième fois de leur séance, Natasha plaque Clint au sol et il déclare forfait avec à peine une pathétique pantomime de résistance. Elle le relâche avec un reniflement furieux, mais il ne se relève pas immédiatement, préférant fermer les yeux et plier les poings allongé sur le tapis.

« Tu n'essaies pas Clint ! feule Natasha. Tu n'essaies même pas ! Et tu ne leurres personne. Pas ton psy, pas Fury et surtout pas moi. Tu veux retourner en service ? Tu veux prouver que Loki n'a plus d'emprise sur toi ? Tu veux recommencer à faire la différence ? Alors reprends-toi ! Frappe-moi en pleine face et envoie balader ton psy. Fiche une flèche dans la tête de tous ceux qui voudront t'en empêcher. Tu n'iras nulle part en restant avachi par terre en attendant qu'on te roue de coup. »

Partie dans les basses, elle hausse la voix au fur et à mesure de son discours. Elle n'a pas peur d'une audience, ils ont réservé la salle pour eux. A ce point, elle crie sur son ami, qui, péniblement assis, garde le regard fixé au-delà d'elle. Elle brûle de lui cogner une nouvelle fois le crâne sur le mur pour effacer cet air perdu et hésitant et défait qu'il lui sert.

« On a battu Loki. On a été plus forts. Alors relève-toi idiot ! Et bat-toi ! Coulson serait en train de –

- Ta gueule Nat, » la coupe soudain Clint.

Ce n'est pas la sortie de rage et de vie qu'elle attend. Au contraire, elle y entend un soupçon de honte.

L'archer pointe l'entrée du gymnase du menton. Elle fait volte-face, prête à réduire en cendres l'agent qui a osé les interrompre, ou à reconstituer son masque professionnel pour Fury, selon. Mais c'est le capitaine Rogers qui se tient inconfortablement sur le seuil et pendant un infime instant, elle est prise de court. Ce qui lui laisse l'occasion de commencer maladroitement la conversation :

« Désolé de déranger. Je- j'avais juste une question à vous poser. … Je peux revenir plus tard. »

Natasha n'a pas envie de laisser une échappatoire à Clint, mais elle est curieuse de savoir ce que Captain America pourrait leur vouloir. Pour elle, ils se sont tout dit, les bien joué et merci d'avoir protégé mes arrières, dans le contrecoup de la bataille de New-York. Clint met fin à son dilemme en adressant le problème :

« Vous ne dérangez pas Cap', il lance en sautant sur ses jambes. Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous ?

- Je suis en train de compléter la paperasserie pour intégrer le SHIELD, explique Rogers en faisant quelques pas timides à l'intérieur de la salle. Et je me demandais si vous accepteriez que je vous inscrive en tant que répondants médicaux. »

Les deux agents échangent un regard, histoire de vérifier que l'autre est tout aussi surpris de cette requête. Eux ? Responsables de la santé, de la survie, du héros de la nation ? Complètement insensé. Le plus singulier étant certainement que, en toute objectivité, cela suit strictement la logique.

« Nat ou moi ? demande simplement Clint.

- N'importe lequel. Ou les deux, si ça ne vous dérange pas. »

Natasha toise Rogers, à la recherche du froncement qui trahira qu'il réalise la portée de ce qu'il est en train de demander. La contraction de muscle qui lui prouvera qu'il est envoyé par Fury, ou par le psy de Clint, comme un moyen de lui redonner confiance en lui. Mais elle ne trouve rien ; le super-soldat patriote ne présente à son œil entraîné qu'une honnêteté candide.

Tout aussi méfiant qu'elle, Clint ne se retient pas de demander :

« 's avez pas peur de confier à l'ex-pantin d'un psychopathe la possibilité de prendre des décisions influant sur votre vie ?

- Je l'ai déjà fait. Ne le regrette pas, répond immédiatement Rogers, son assurance retrouvée. Plus, je ne prévois pas vraiment d'avoir besoin d'un répondant médical, c'est juste pour faire plaisir à l'administration.

- Justement, insiste Clint. Si vous voulez leur faire plaisir, éviter d'afficher de la confiance envers le type qui a failli coûter un héliporteur.

- D'accord. Faire plaisir est la mauvaise expression. C'est juste pour éviter de les avoir sur mon dos. »

Et Natasha revoit Rogers accepter la fiabilité de Clint sur un simplement hochement de tête. Une vague de reconnaissance douche ses soupçons et son énervement précédent, et, avant que son abruti de partenaire n'ait le temps de tout gâcher, elle intervient :

« Mettez-moi en premier répondant et Clint en second. Ça ne le dérange pas du tout, pas plus que moi. »

Rogers cherche une confirmation chez l'archer d'un regard incertain. L'intéressé envoie une œillade flamboyante à Natasha, mais cède :

« C'est un honneur. »

La légende vivante dédaigne l'affirmation avec un haussement d'épaule. Puis, avec pas plus que des remerciements et un sourire tendu, il est parti, fermant soigneusement la porte en partant.

« Ça ne veut rien dire ! lance directement Clint.

- Captain America vient de te dire qu'il en a rien à foutre que tu aies été sous l'influence de Loki, rétorqua Natasha. Qu'il te fait confiance –

- Rien du tout. Il ne connait juste personne d'autre. Nous sommes un choix par défaut.

- Alors pourquoi il a demandé à toi et moi ?

- Il voulait juste être poli ! Et même si, même si, ça ne change rien.

- Alors qu'est-ce qu'il te faut Clint ? Le monde n'arrête pas de te prouver que tu as exactement la même valeur qu'avant Loki. Tu as regagné ta place en te battant aux côtés des Avengers à New-York, et tout le monde le voit sauf toi. Tout le monde qui n'est pas un abruti au moins. »

Clint n'a toujours pas l'air convaincu, mais c'est plus de progrès qu'il n'en a jamais fait depuis les événements. Natasha ajoute Steve Rogers dans la liste des personnes à qui demander des services.