Hello, me voici avec une autre fic, qui est en fait le bonus de ma trilogie de la Résistance, dont je suis en train de publier le premier volume. Ici, nous revenons aux dernières années d'études de mon OC, William Melbourne.

Résumé: William Melbourne est un étudiant de Ravenclaw, Né-Moldu, et tente au mieux de gérer au quotidien une existence jalonnée de douleurs. Severus Snape, enseignant depuis un an, apprend à parfaire son rôle de professeur imbuvable, mais devant cet idiot de Melbourne, il a parfois du mal à faire comme si leur passé commun n'avait jamais existé. Histoire qui débute en 1982.

Rating: M (et je suis sérieux, même si je tente au mieux de ne pas partir dans le glauque et le sordide, néanmoins, mon perso traverse des périodes difficiles à son adolescence, donc vous êtes prévenus!)

Particularité de la fic: contrairement à mes autres récits, celui-ci contient des chapitres deux fois plus longs que la moyenne que j'écris, donc ne soyez pas étonnés de leur longueur et du nombre de mots (qui dépassent la barre des 9000). Comme c'est un récit assez introspectif, les actions ne sont pas tout le temps présentes, m'attardant avec soin sur la psychologie de mon personnage. Et puis, ok, quand j'écrivais mon premier chapitre, ce fut comme si je me réveillais d'un coup car je n'avais pas réalisé que j'avais déjà écrit 15 pages. Bref.

Le rythme de publication est d'une fois par semaine pour le moment et je tiens à préciser que je n'ai écrit que les 4 premiers chapitres et que j'ai une année très chargée, donc il se peut que je change ce rythme-là à un moment donné. Ne vous inquiétez pas, je vous tiendrai informés en temps et en heure. De toute façon, je ne pense pas écrire un très long récit.

Je vous souhaite sans attendre une bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des reviews! A bientôt.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

1. Loneliness

Ils me disaient sans cesse que cela n'était pas de ma faute, mais je ne pouvais pas penser le contraire, en tout temps, chaque seconde. Leur attitude, en dépit de nos liens familiaux, m'était conçue comme injuste, ignoble et infondée. Comment pouvait-on renier des membres de sa propre famille sur un motif, quelque peu atypique et effrayant en perspective, dont ils ne pouvaient rien changer et en lien avec ce qui constituait l'identité de leur neveu, filleul, petit-fils – moi?

Qu'on me rejette, soit; mais pas mes parents! Ils n'y étaient pour rien, ils n'y étaient pour rien. Ils n'y étaient – Ma gorge se serre, mes mains enserrées tremblent, mes yeux s'embuent de larmes.

Qui suis-je, qui suis-je pour que je sois renié, banni, honni, rejeté, déshérité, déraciné? Un enfant – je n'étais qu'un enfant. Croyez-vous qu'en naissant, et en grandissant, j'avais fait le choix d'être ce monstre rien que pour faire voler en éclat ma famille -mes familles? Je suis né ainsi, malheureusement. Je n'ai pas fait exprès. Puis, ce n'était pas comme si des équipes de chercheurs ne se penchaient pas sur ce phénomène que nul chez eux – cette communauté, ma communauté – ne parvenait à s'expliquer et, pour la plupart, refusaient que c'était l'ordre naturel des choses. Ah oui, que je mette les choses au clair: mes familles ne furent pas les seules à me rejeter - eux tout autant.

Un sorcier Muggle-born n'incarnait que l'aberration, autant chez les Sorciers que chez les Muggles.

En 1970, un Sorcier puissant, connu pour sa force, ses compétences, sa ruse, craint de toutes et tous, une personne baignée dans la Magie Noire jusqu'au cou, mue par des idéaux dangereux et destructeurs, menaçant l'équilibre de la société Britannique, a pris le pouvoir et depuis lors terrorise le monde sous sa coupe. Cet homme, que nul ne connaît vraiment, ou presque, se fait nommer Lord Voldemort – et comme si cela ne suffisait pas, son nom est tabou. Tout le monde le craint tant qu'il est cité par des pseudonymes, parce que si, d'aventure, l'on prononçait son nom, il était au courant, et on était traqué, torturé et tué. Cet homme est entouré d'un groupe de gens qui ont adhéré à ses idéaux, les Death Eaters. L'on soupçonne l'identité de certains, mais rien n'est confirmé. Personne n'a jamais pu de toute façon, et pas seulement parce qu'ils sont dissimulés sous de grandes capes noires, des masques ouvragés et tuent à tout va.

Je suis né en 1966, le vingt-neuf juillet – trop tôt, un peu trop en avance par rapport à ce qui était prévu. Je crois que ma naissance précipitée était annonciatrice que je ne ferais pas comme il aurait fallu que ce soit. Dès le départ, j'ai tout fait de travers. J'aurais pu mourir, j'ai failli mourir. Cependant, j'ai survécu. Sans séquelles semblait-il. Erreur. Quoique… Je ne sais que penser encore de mes hypersensibilités car elles me gâchent l'existence. Parfois, je m'acclimate, je m'y fais, je parviens à appréhender le monde qui me saute à la gorge non-stop. Le plus souvent, je suis noyé, je sature de toutes ces informations que tous mes sens me communiquent que je craque, je lâche prise. Je n'en peux plus. Vivre est éreintant. Je n'arrive pas à gérer en permanence. Je suis crevé. Cette condition est source d'angoisses – je suis tout le temps angoissé, le stress me brûle, me ronge, me bouffe de l'intérieur. Je n'en dors pas, très mal, trop peu. Il y a des jours où je tiens à peine debout.

Mes parents avaient les bons mots, les bons gestes, le silence adéquat, la présence nécessaire, la sécurité efficace pour moi. Je n'avais qu'eux. Ils étaient ma vie, mon monde, mon pilier, le sens à ma vie. J'ai peut-être eu tort de trop me reposer sur eux. Je ne sais pas, je ne sais plus – je suis perdu.

La famille – paternelle – Melbourne est réputée pour être une et indivisible. Jusqu'à ce que le petit dernier, à l'époque, naisse, cause grand souci, et déclare ses premiers phénomènes magique à l'âge de six ans.

Rupture. Nous nous sommes installés à Reading, dans le Berkshire. Mes parents avaient souhaité s'éloigner d'eux, parce que de toute façon, eux-mêmes avaient été meurtris par leur attitude à tous, mais pas trop loin non plus dans l'espoir qu'ils recouvreraient un peu de raison. Nous étions en 1972, on avait déménagé dans le courant de l'été, pour que je puisse rentrer en Primary School en même temps que tout le monde, cantonné aux nouveautés comme mes camarades, sans avoir la difficile situation de lâcher un établissement pour un autre. C'était surtout pour écarter tout risque de crise, car si on m'arrachait un peu trop vivement de mon monde, de la manière dont il fonctionnait, car immuable dans ma tête, je paniquais très fort, je paniquais tellement que je hurlais, je pleurais, je me roulais par terre. J'étais invivable – je crois. Je ne sais pas bien. Alors, déjà que le changement brutal qui découlait de ce rejet familial avait rendu mon existence morcelée et bouleversée, mes parents avaient pris soin de déménager au meilleur moment selon eux. Subséquemment, cela leur avait permis de choisir avec soin et avec regard. Oh, mais tant qu'à assumer jusqu'au bout qu'ils aimaient leurs fils tel qu'il était, ils s'étaient débrouillés pour se nicher dans un quartier déclaré par le Ministère de la Magie comme étant une zone géographique où résidaient des Sorciers – pour que je me familiarise avec des gens de ma communauté. Comment dire… Oui, pourquoi pas, or je ne pouvais pas renier mes racines, ce que j'étais aussi par le sang, la culture, l'Histoire, la littérature, la civilité. Et j'allais entrer dans une école de Muggles, parce qu'autant mes parents que moi-même le voulions.

Et j'aimais trop Victoria pour l'abandonner.

Cela aussi faisait partie de ces détails qui constituaient ce que je suis. L'on ne peut appeler cela une obsession, car je suis bien capable de la délaisser et ai d'autres centres d'intérêt. Disons que lorsque je tombe sur un sujet, n'importe lequel, qui m'intéresse – qui me plaît, me passionne, m'intrigue, me fait vivre bien plus d'émotions que n'importe quel être humain sur Terre (ou presque, à mes dépends), je l'étudie au maximum de mes capacités, j'en forge une carapace, un bouclier pour me préserver du monde agressif, j'en façonne le nid, la bulle dans laquelle je me réfugie pour me sécuriser – parce que je n'ai plus que cela aujourd'hui.

Et Victoria en fait partie. Je vous explique. Prenez-moi pour un fou, si vous le voulez, je m'en moque – c'est vrai qu'être passionné par une Reine d'Angleterre du dix-neuvième siècle, ce n'est guère commun. Je ne saurais vraiment exprimer en quoi je suis fasciné par cette dame, néanmoins je le suis. Puis-je l'introduire un peu? Cela me rassure, voyez-vous. Alors, la Reine Victoria, de nom de baptême Alexandrina Victoria, est montée au trône en 1837 à l'âge de dix-huit ans, après que son oncle fut mort. Devinez qui était son Premier Ministre à cet instant et ce, jusqu'en 1841? William Lamb, second Viscount Melbourne. Lord Melbourne – Lord M. Et son époux, son cher cousin, Prince Albert of Saxe-Coburg, un homme charmant, un homme qu'elle a aimé – pour de vrai.

Je me demande, par moments, si mes parents, en me nommant William Albert, n'avaient pas scellé mon existence d'une manière comme d'une autre à ces gens-là.

Ou vais-je trop loin – je ne saurais dire. En tout cas, Albert est également le prénom de baptême d'un autre Monarque, que j'apprécie, nul autre que le cher défunt père de la Reine actuelle: George VI. Ou sommes-nous, étions-nous, pauvres Melbourne, un peu sonnés. Ou mes parents tant attachés à la Monarchie britannique qu'ils se sont inspirés de ces grandes et belles personnes, en songeant sans doute que cela ferait de moi quelqu'un de bien. Spécial, oui, trop pour certains, une grande majorité de personnes – bien… J'en doute fort. Lorsque je m'observe au travers du reflet que me renvoie un miroir, je ne vois qu'un gringalet qui n'a rien de grand, de bon, de bien en lui qu'il incarnerait.

Je m'étais perdu, jusque dans mon identité. Et je devais composer avec – comment imposer cela à un garçon de douze ans? Soit, je suis mû par la colère, elle m'aveugle et m'empoisonne. Ce qui acheva de condamner cette identité fragile se passa un soir, un soir comme un autre jusque là, je m'étais acclimaté au cottage de Reading. Il était devenue ma maison, mon foyer, mon refuge où une routine usuelle et rassurante y régnait. A chaque congé, je retournais donc au sud de l'Angleterre, j'embrassais longuement mes parents, et je me réfugiais dans le jardin, enneigé ou non, venteux ou pluvieux, accompagné de Nightingale, mon chat, mon ami en vérité. Le silence soulageait mes nerfs et mes sens éprouvés par plusieurs semaines à cohabiter avec un millier d'autres étudiants. Sauf qu'ils me l'avaient volé, ils me l'avaient volé aussi. Il ne fallut que très peu de temps, quelques secondes peut-être, pour que le pilier de mon existence cessât de vivre. La notion même de l'état d'orphelin eut atteint sa totalité en ce soir du vingt-sept décembre 1978. J'en pleure encore aujourd'hui, je n'en dors toujours pas aujourd'hui, parce que dès que je ferme les yeux, leur mort me hante avec la même intensité que ce soir-là.

Il ne me reste plus rien, plus grand-chose sur lequel me reposer pour tenter, ne serait-ce que tenter, de me reconstruire: on m'avait arraché tout le reste.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

Le professeur Flitwick, les sourcils froncés, l'air soucieux, lisait un parchemin dans son bureau, où une musique douce, au volume bas, résonnait dans la pièce grâce au gramophone ensorcelé qui trônait sur une table dédiée uniquement à cet artefact. De la fenêtre derrière lui, la lumière du jour baissait avec lenteur, le ciel se tentait de l'encre sombre de la nuit. Les lumières artificielles rayonnaient depuis une demi-heure, par les bougies qui fondaient tout doucement. Une autre source de lumière, naturelle, brûlait et craquait devant le Directeur de Ravenclaw, dans l'immense âtre. La cheminée diffusait en sus de la lumière la chaleur dans le bureau, chassant au mieux le froid et l'humidité typiques régnant dans un château presque millénaire de cet acabit dans cette région particulière de l'Ecosse. Le dîner dans la Grande Salle serait servi sous peu, mais ce n'était pas son souci majeur à l'heure actuelle. Il avait fini une heure plus tôt en ce jour, son emploi du temps d'enseignant un peu allégé les vendredi pour consacrer davantage de son temps dans ses responsabilités de Directeur. Cependant, lorsqu'il en venait à traiter les problèmes d'ordre personnel de ses protégés, ce n'était pas deux heures de plus par semaine qui en seraient venues à bout. Il avait craint la prise de pouvoir de He-Who-Must-Not-Be-Named, mais il avait, hélas, pas mesuré les conséquences psychologiques, plus terre-à-terre, plus humaines, que ce règne causerait sur des adolescents. Et depuis 1970, il en prenait pour son grade, et depuis 1970, il priait pour que des jours meilleurs puissent poindre.

Le rouleau de parchemin sous ses yeux était le rapport hebdomadaire rédigé et émanant de l'infirmerie – les bagarres entre élèves était devenues monnaie courante. Or, depuis la nomination de Severus Snape, un Death Eater, un ancien étudiant, au poste de Directeur des Slytherins, la répartition des punitions, des avertissements et le retrait des points avait pris une tournure déséquilibrée. Pourquoi devait-on sévir les Gryffindors, les Hufflepuffs et les Ravenclaws durement et être plus clément envers les Slytherins, alors qu'une écrasante majorité d'entre-eux avait un lien plus ou moins direct avec des Death Eaters qui torturaient et tuaient des citoyens au dehors? Craignait-on d'attiser le courroux de leurs parents, malgré le fait que cela empiétait sur les plates-bandes d'une institution neutre à toute mouvance politique? Cela était un sujet de préoccupation, de débats houleux, de conflits; mais le Directeur de Hogwarts ne semblait jamais concerné par ce genre d'injustices. C'était sans doute cela qui rendaient furieux tous les enseignants, ou presque tous, car s'ils n'avaient pas un soutien franc et ferme de la part de leur supérieur hiérarchique, jamais pourraient-ils adopter une ligne de conduite commune et forte pour rétablir un ordre particulier au sein même de l'établissement scolaire, qui devrait être le bastion de sécurité et de neutralité par excellence. Malgré cela, malgré leurs convictions, ce n'était plus le cas depuis que Lord Voldemort avait pris le pouvoir. Et tous les professeurs devaient s'asseoir sur leurs principes depuis lors.

Flitwick soupira et plia le parchemin. Cette semaine, exceptionnellement, il n'y avait eu que deux élèves de sa Maison qui avaient été admis à l'infirmerie – et pas suite à des blessures causées par des bagarres irrégulières dans les couloirs. Il rédigea une note adressée à Mrs Pomfrey pour la remercier de ses services avant de passer à la lecture de la lettre que lui avait écrit McGonagall en qualité de Directrice-Adjointe – et c'était par ce rôle-là que l'homme avait conscience que le sujet dont elle lui ferait part, n'importe lequel, était à même un cas d'inquiétude qui ne pouvait mobiliser que la Directrice-Adjointe qu'elle incarnait. Au bout de deux lignes, il comprit et il ne pouvait qu'abonder dans le sens de ses inquiétudes – qui ne se souciait pas avec exactitude de William Melbourne? Qui ne pouvait remarquer que le garçon n'allait pas bien? Oh, il était loin d'être un cas isolé. Beaucoup de jeunes gens scolarisés ici traversaient des périodes difficiles, au bas mot, entre les décès tragiques qu'ils devaient essuyer, les pressions politiques extérieures qui les pilonnaient eux et leurs familles, les problèmes de cohabitations entre eux suivant les allégeances embrassées par les uns ou par les autres.

Bizarrement, le cas de Melbourne marquait l'équipe pédagogique et ce, depuis le début de sa scolarité. L'enfant d'alors s'était peu à peu, au fil des mois, des années, enfoncé au plus profond de lui-même et nul ne savait comment l'en extirper – chaque essai tourné en fiasco total.

Je me permets de vous écrire à propos de Mr Melbourne, mon cher Filius, car depuis le début de l'année, j'ai noté qu'il est épuisé, au point de s'endormir en classe – et pas qu'en Histoire de la Magie! Il semblerait que cela lui arrive de manière régulière à n'importe quel moment de la journée, et c'est pour cela que son état n'a échappé à personne. Pour avoir un comte-rendu de toutes les retenues données dans cet établissement, j'ai d'abord été surprise que Mr Melbourne ait multiplié ces punitions avec une bonne partie du staff, alors j'ai fini par demander les motifs, clairs, les vrais en tout cas, auprès de tous nos collègues – et leurs réponses furent sans appel.

Aussi, avant de faire remonter cette information auprès du Directeur pour appeler Mr Melbourne à répondre de ses actions devant lui, je vous demande, Filius, d'essayer d'en discuter avec le garçon car je ne souhaite pas arriver à des extrêmes pédagogiques, comme nommer une commission éducative – car, hélas, nous avions déjà discuté de sa condition avec lui un mois et demi en arrière et aucune amélioration, aucun progrès ne fut noté depuis lors.

Lui-même avait noté cela, cependant il n'avait pas songé que l'assoupissement de quelques minutes à peine de la part de sa charge la semaine précédente se devait d'être sévi – l'adolescent s'était réveillé avec une soudaine frayeur que le professeur avait jugée suffisante comme punition. La peine et la peur qui avaient brillé dans les yeux du garçon avaient tant marqué Flitwick qu'il le visionnait avec une netteté telle encore en ce jour qu'il en vint à soupirer à nouveau, non pas de lassitude mais de défaitisme.

Après plusieurs minutes de considération silencieuse, seulement entrecoupée par le craquement du bois dans la cheminée, il tira un autre bout de parchemin pour répondre à McGonagall. La note fut courte, cependant difficile pour lui à l'écrire. C'était comme si sa main qui tenait la plume et son coeur battant frénétiquement contre ses côtes étaient lestés de plomb.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

Il avait passé plusieurs heures les orbes ouverts durant la nuit, puis l'aube, avant de se rassurer que cinq heures trente, demeurant très tôt encore, était assez correct pour se lever et descendre dans la salle commune. Un plaid sur ses épaules, par dessus son pyjama, de grosses chaussettes aux pieds, l'adolescent piocha dans un des rayons de la bibliothèque des Ravenclaw avant de s'installer à l'une des chaises les plus proches de la cheminée et d'une fenêtre par la même occasion, qui donnait sur le parc au loin. Le grand froid extérieur se transformait en buée gelée aux recoins de la fenêtre, au contact de la chaleur interne de l'autre côté. Reconnaître le privilège d'être enroulé dans un plaid et d'être auprès d'un âtre alors que l'hiver se montrait particulièrement féroce n'en rendait pas moins cette sensation d'injustice virulente qui grouillait en William. Il avait tant conscience que des centaines et des centaines de personnes rien qu'en Angleterre subissaient cette saison de plein fouet en vivant dehors, en ayant faim, en (sur)vivant au jour le jour qu'il ne pouvait réfréner cette culpabilité en lui. Les lignes sous ses yeux devenaient floues, tant il ne parvenait à se concentrer, à la fois trop submergé par ses émotions et las d'un manque de sommeil. Il referma le livre, sûr qu'il n'y arriverait pas cette fois-ci, qu'il ne parviendrait pas à donner le change. Il se carra un peu plus confortablement et se laissa gagner par une sorte de somnolence, un état de semi-éveil, encore ancré par le réel, mais plongé dans ses songes tout en même temps. Il y avait de quoi être distrait, encore plus ces temps-ci, car les voilà aux vacances de Noël. Le remue-ménage qui animait la salle commune une fois que tout le monde était réveillé à une heure décente aurait une touche différente de d'habitude, car le train qui ramenait une bonne partie des étudiants chez eux pour les congés était programmé pour onze heures en ce samedi. Et William serait parmi les rares qui demeureraient au château lors de cette trêve. Encore se posait-il la question de la raison qui poussait le Directeur à rendre obligatoire la présence de toutes et tous lors des banquets de Noël et du Nouvel An – parce qu'au fond, qui n'en avait pas marre de ces artifices, de cette hypocrisie totaux dont regorgeaient de telles festivités? Pour que nul se sente isolé? Foutaises. Même au milieu d'une foule dans une salle pleine à craquer, la solitude se ressentait. Un bâillement le sortit de son état presque second, le réveillant pour de bon. Puis, il fouilla dans les poches de son pantalon pour en extirper la montre à gousset que son père lui avait remis le jour de son premier départ pour Hogwarts. Sept heures treize. Il se leva, un peu courbaturé, rangea le livre à sa place et sortit de la salle commune avant même que les premiers bruits venant des dortoirs ne se fassent ouïr. Les couloirs étaient plongés dans le silence le plus total. Seules les statues et les armures brisaient ce dernier, en chantant des cantiques de la Nativité à son passage. Comme cela était ridicule.

William dévala les marches des cinq étages et s'engouffra dans la Grande Salle avant de s'attabler à sa place usuelle. Oh, il n'avait pas été le seul matinal. Une poignée d'autres étudiants s'y trouvait déjà, tout comme une partie du staff. Plaisant. Il convergea son attention sur la carafe de thé, maintenue dans la température adéquate par enchantement, et se servit un plein bol. Thé noir bien costaud – il ne s'était pas accoutumé au café, pas encore, beaucoup trop amer pour son palais sensible. A chaque fois qu'il en sirotait, il en grimaçait de dégoût. Le bol fumant sous ses narines, il contempla longuement les différentes victuailles pour savoir si quelque chose lui venait en goût ce matin – la veille au soir, il n'avait avalé qu'un bol de soupe chaude et, même s'il n'avait pas faim, il se résonnait cependant à avaler quelque chose de consistant s'il ne voulait pas s'étaler comme une crêpe au moindre étourdissement. La fatigue chamboulait tout. Vraiment tout.

Des bruits de pas précipités s'approchant l'arrachèrent de sa réflexion et il leva la tête pour mirer son Directeur. Ah.

- Bonjour, monsieur Melbourne, le salua Flitwick, avec le sourire, mais sans la bonhomie habituelle dans le ton de sa voix.

- Monsieur, murmura William, n'étant pas encore en mesure de parler à haute et intelligible voix, à cette heure de la journée.

- Je souhaiterais vous voir pour un entretien privé… Ce matin, à dix heures? Cela vous convient-il?

L'adolescent hocha la tête avec lenteur. De toute façon, aucune obligation particulière ne le retenait. Ses deux semaines de retenue avec Snape étaient achevées depuis un mois. D'ailleurs, le dernier soir, lorsqu'il était sorti des cachots, il avait ressenti une forme de tristesse. Il n'avait plus aucun prétexte pour s'occuper l'esprit autrement que par ses devoirs et ses révisions pour les NEWT. Il ne révélerait rien de cet état des faits, il ne souhaitait pas que cela arrivât aux oreilles du professeur en question pour qu'il lui retourne un ricanement moqueur et suffisant en pleine poire – bien qu'au fond, l'attitude de son enseignant lui faisait ni chaud ni froid. C'était étrange au passage qu'il réussisse à outrepasser cela, alors qu'en temps normal, il se serait senti blessé et vexé, seulement concentré sur le puits de connaissances qu'était Snape.

Flitwick l'en remercia avant de retourner à la table professorale et William était désormais sûr que leur entretien n'aurait rien d'une visite de routine au vu des regards concernés et insistants que tous les professeurs présents lui lançaient à l'unisson à cet instant. Perturbé par cette scène ô combien inconfortable, et irritante car il ne supportait pas d'être le centre d'attention de qui que ce soit, il ne put revenir à des réflexions plus terriennes qui étaient de déterminer ce qui était le mieux à même de passer dans son estomac, saisissant au hasard un paquet de céréales – son geste fait plus pour avoir l'impression de s'occuper et de donner le change qu'autre chose. Il tira un second bol devant lui et y versa un peu de céréales. D'abord, il but du thé, car les quelques mots prononcés tantôt avaient vite fait d'assécher sa gorge. Infusé comme il fallait. Parfait. Un équilibre entre le respect des saveurs subtiles et le dosage plus prononcé. Puis, les céréales: mélange d'avoine – oh, cela n'égalait peut-être pas les produits de la ferme Jordans, néanmoins, le mélange de l'avoine avec des fruits et coques de saison était correct. Il mangea cependant sans réel entrain. Tout ou presque n'avait aucune saveur depuis des lustres. Il n'avait pas encore conscience que cela n'était que le fruit de cette satanée dépression qui l'emprisonnait et le dévorait. Pour lui, c'était normal que de ne pas être bien, de ne pas être animé par la vie, avec le contexte extérieur, les bagarres et les mots insultants qui pleuvaient sans cesse, la mort de ses parents voilà près de quatre ans. Son existence avait cessé en ce soir morbide. Soit, le Killing Curse ne laissait aucune trace, or voir tomber ses parents sous ses yeux était une expérience traumatisante.

Son petit-déjeuner bouclé, William se hasarda à jeter un œil vers ses enseignants qui, comme s'ils l'avaient pressenti, l'observaient encore. Ceci l'agaça, et cela se transcrit sur son visage – pas trop brutalement, mais bon, il n'y pouvait rien. Cela l'agaçait vraiment. Il resserra son plaid sur ses épaules, tourna les talons et quitta la Grande Salle, sûr que la sensation de froid désagréable ne pouvait émaner que de son enseignant de Potions. Au Diable Snape.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

- Un thé, monsieur Melbourne, demanda Flitwick alors qu'il s'en servait une tasse.

Un peu amorphe, enfoncé dans la chaise qui lui avait été attribuée en rentrant, le plaid habituel sur ses épaules, l'adolescent ne put que hocher la tête. Une autre tasse arriva bientôt sous son centre d'attention. Thé vert, cette fois-ci. Oh, comme le Twinings, approuvé par la Reine, lui manquait. Un soupir profond s'échappa de ses lèvres avant même qu'il en prenne connaissance et conscience, empli de regrets, de nostalgie et de chagrin. Oh, zut. Voilà que son Directeur le fixait avec attention, avec inquiétude. William se renfonça autant qu'il le pouvait dans sa chaise, cependant cela ne suffisait pas à le soustraire de cette marque d'inquiétude qui se lisait sans peine sur le visage du professeur de Charmes.

- Au lieu de rentrer par le chemin usuel pour discuter avec vous, je vais procéder autrement, murmura l'enseignant qui posa ses mains jointes devant lui sur le bureau. A quoi songiez-vous à l'instant, demanda-t-il.

Pour sûr que ce «chemin» était atypique venant de son Directeur, mais même si William reconnaissait un effort de taille de s'y prendre autrement avec lui, il n'en demeurait pas moins qu'oraliser ce qu'il ressentait était… délicat. Il ferma les yeux un bref instant, se disant, comme d'habitude, que ce qu'il pensait, songeait, ressentait, endurait, n'avait aucune espèce d'importance, tant cela était ridicule. Néanmoins, il se secoua un peu, après tout Flitwixk fournissait des efforts monstres à son égard, toute l'équipe pédagogique en vérité, alors… alors, il se devait de s'exprimer.

- Au risque de paraître ridicule, j'ai associé ce thé vert à un autre thé que je bois – buvais – quand j'étais chez moi, marmonna-t-il, n'osant lever les yeux vers son enseignant.

- Oh, cela n'a rien de ridicule, le contredit le professeur avec douceur. La plupart du temps, nous, humains, associons nos gestes avec ceux du passé. C'est on ne peut plus normal, avancerais-je. Et puis-je me permettre de vous demander ce que ce thé avait de particulier pour que vous en souffriez par son absence.

Ah, si seulement il pouvait être moins lisible tel un livre ouvert, s'admonesta l'adolescent qui se mordit la lèvre inférieure. Tant pis, ce n'était pas comme s'il était le sujet d'attention de ses pairs, de ses harceleurs. Ici, il pouvait se ridiculiser, Flitwick ne lui en tiendrait pas rigueur.

- Oh, heu… Eh bien, le thé que nous buvons – buvions – est approuvé par la Reine alors…, bredouilla-t-il, le regard toujours baissé.

Il déglutit avec difficulté alors que son Directeur hochait la tête, acceptant sans arrière-pensée ses confidences.

- Ca me manque, finit par lâcher William, ses lèvres tremblant, sa gorge se nouant. Je sais… Oh, j'ai bien conscience que d'avoir grandi parmi les Muggles n'est pas bien vu ici, se reprit-il en se redressant un peu dans sa chaise, mais… Il s'interrompit, pinçant ses lèvres, jetant un bref œil vers son interlocuteur.

- Demander aux sorciers de renier leurs origines Muggles est absurde, vous savez ce que j'en pense, le rassura le professeur de Charmes. J'ai bien conscience que vous êtes très attaché à vos origines, monsieur Melbourne – alors, n'ayez pas honte de regretter des moments, des souvenirs, des gestes qui rythmaient votre enfance, votre vie parmi vos parents, sous prétexte que c'est mal vu d'être enfant de Muggles.

- … Ce n'est pas ce que certains partagent avec vous, souffla l'adolescent qui se réfugia dans son plaid, comme pour se protéger d'une menace quelconque.

Flitwick lâcha un soupir, saisit sa tasse pour chauffer ses mains, et maintint le contact visuel sur son élève.

- J'en ai bien conscience, dit-il au bout d'un moment. Ce n'est pas une raison de vous défendre œil pour œil, dent pour dent. Laissez les désordres disciplinaires à notre charge, et occupez-vous de vous-même, monsieur Melbourne. Oui, je sais, nous ne pouvons sévir à chaque acte malheureux perpétré à votre égard, et vous n'êtes pas le seul dans ce cas; mais sachez que nous faisons notre maximum et de notre mieux pour assurer à la fois la sécurité et le bien-être de nos étudiants, poursuivit-il d'un ton ferme, étouffant dans l'oeuf toute réaction qu'aurait eue sa charge qui avait commencé à ouvrir la bouche pour protester. Continuez à faire profil bas, comme vous le faites, mais jamais, au plus grand jamais, je vous demanderais de renier vos racines. C'est ce qui vous définit, ce qui forge votre identité.

Là, l'enseignant se leva, fit le tour du bureau et s'approcha de l'Aiglon, cependant se retint à la dernière seconde à établir un contact tactile avec ce dernier.

- Il faut parfois du temps, néanmoins cela fonctionne. Plus personne ne m'agresse par rapport à mes origines, dit-il en fixant dans le blanc des yeux William. Un dernier mot pour conclure cela: ne réfrénez pas votre allégeance envers la Reine, si tel est censé faire tout bon citoyen britannique Muggle.

Puis, il retourna à sa place. William lui jetait des coups d'oeil par intermittence. Soit, il avait raison, il avait terriblement raison – et il serait temps de raisonner et non plus se laisser dicter son attitude par ses émotions.

- Bon, passons à la raison première de cette entrevue, murmura Flitwick. Madame la Directrice-Adjointe m'a écrit hier soir pour me faire part de vos assoupissements en classe, ajouta-t-il en prenant parmi la pile de parchemins à sa gauche un feuillet distinct et le posant devant lui et le lissant. Hormis le fait que depuis que nous nous sommes rencontrés au bureau du Directeur suite à l'incident qui s'était déroulé en classe de Potions, il n'y a eu aucune amélioration de votre sommeil, le professeur McGonagall a eu noté que vous cumuliez diverses retenues depuis le début de l'année et elle a mené son enquête. Tout revient à votre insomnie alors elle m'a demandé de vous en parler de vive voix avant que nous ne prenions des mesures… plus radicales.

William se tendit, tous ses muscles crispés, les poils sur ses bras et sa nuque dressés. Son souffle fut coupé, son visage proche du choc. De ce que sous-tendait son Directeur, ces «mesures» ne pouvaient qu'être une commission éducative, en s'appuyant sur le règlement intérieur de l'établissement.

- Est-ce que vos entrevues avec Mrs Pomfrey se passent bien? Est-ce que vous arrivez à parler avec elle?

L'adolescent ne parvenait à répliquer, sa gorge encore nouée par l'émotion. Non, bien sûr que non, cela ne se passait pas bien parce qu'il gardait bouche close – quand il se forçait à rendre visite à l'infirmière, clairement forcé par cette démarche. Personne ne le faisait parler, ne réussissait à le faire parler. Oraliser ses pensées, ses réflexions, ses blessures, ses peines, son chagrin, ses cauchemars – Merlin, ses cauchemars! Le silence suffit comme réponse à l'enseignant. Il passa ses mains sur son visage, comme s'il souhaitait se frotter les yeux par fatigue.

- L'on ne peut continuer de cette manière, monsieur Melbourne, concéda-t-il, vous ne pouvez continuer de cette manière…

- … Je n'y arrive pas… à parler, avoua l'Aiglon, sa voix rendue aiguë par ses émotions.

Bon, il serait temps d'admettre et de composer avec le fait que, même contraint par des forceps, la thérapie par l'oralisation ne fonctionnait pas avec ce garçon, songeait Flitwick.

- Avez-vous songé à les écrire… Ou les dessiner, demanda-t-il avec sérieux.

Un frisson traversa le jeune face à lui avant qu'il ne finisse par acquiescer. Bonté divine, on y était! Il arrivait à s'exprimer. Il lui faudra subséquemment en faire part à Mrs Pomfrey.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

- Si monsieur Melbourne veut bien nous exposer en quoi l'Amortentia est classée parmi les potions à usage restrictif, voire proscrite, au lieu de rêvasser dans son coin comme d'habitude, cela lui permettrait sans doute de ne pas amputer sa Maison de quelques dizaines de points, claqua la voix de Snape qui circulait dans sa classe, les pans de ses sur-robes noires voletant derrière lui au rythme de ses pas.

Les commentaires du professeur de Potions furent suivis de ricanements, comme cela se passait à chaque fois. Oh, ce n'était pas que William rêvassait, pas vraiment, mais pour alimenter son esprit, en sus du cours, il songeait à autre chose en parallèle pour maintenir son attention au maximum tant il s'ennuyait de la lenteur venant des autres. Oh, soit, il s'était un peu affaissé et posé son visage sur sa main, geste hautement honni par tout enseignant et interprété comme un ennui ou un désintérêt total. C'était pourtant plus confortable pour lui de savourer sa contemplation, tout en suivant le déroulé du volet théorique de cette leçon.

- Parce que les effets de l'Amortentia sur l'esprit humain peuvent provoquer des problèmes d'ordre public, fondé sur des statistiques de meurtres divers et variés, le Ministère de la Magie a dû reconsidérer la production et la vente de cette potion et l'a incluse dans la liste restrictive selon les critères établis par le Restriction of Most Potente Potions Act, article 4-B.

- Très laconique, pour une fois, commenta Snape d'un ton suffisant, dardant ses orbes d'onyx sur l'adolescent, assis au fond de la salle comme d'habitude. Trop, si vous voulez mon avis, à moins que vous vous préserviez pour la dissertation que je vous demanderai de produire à la suite de ce cours?

- Non, monsieur, osa William, sans le provoquer pour autant. Je me suis interdit tout fioriture parce que nous sommes tous sensés avoir lu nos livres avant de venir ici, alors je n'allais pas nous ennuyer des effets de la potion sur l'être humain, ni des critères dictés dans cet Act, que nous pouvons aisément trouver à la bibliothèque.

- Moins dix points pour votre impertinence, et encore, je suis clément, parce que je ne peux nier le fait que vous avez fait vos devoirs, siffla le Directeur des Slytherins.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

- Moins dix points, demanda simplement et d'un ton neutre Flitwick, ayant abandonné depuis longtemps toute agressivité avec son têtu de collègue.

- Seulement, parce qu'il travaille, rectifia Snape.

Un long échange visuel insistant coulissa entre eux deux. Le Maître de Potions avait le port altier fier, les bras croisés, et ne se gênait pas à montrer sa suffisance de toiser le professeur de Charmes. Cependant, ce dernier ne s'en formalisait pas, ni s'en offusquait, parce qu'il connaissait bien cet ancien élève et catégorisait ainsi sa fierté irritante parmi les traits de son persona.

- Au moins lui reconnaissez-vous son investissement personnel, sourit le Directeur des Ravenclaws. Venant de vous, cela est positif.

- Je ne peux nier en bloc le savoir qu'il possède – bien qu'il manque cruellement de résilience et de self-control, quitte à entrer en hors-sujets à certains passages de ses argumentations. Hors-sujets qui sont pénalisants et recalent le candidat aux NEWT, si vous vous en rappelez bien.

- Cela, oui, je me souviens, répliqua Flitwick, le moins du monde déstabilisé. Il se montre, certes, un peu trop vivement fervent la plupart du temps, parce qu'il ne peut échanger cela avec qui que ce soit.

- Eh bien, il n'a qu'à socialiser avec ses pairs.

Le professeur de Charmes fronça les sourcils.

- Venant de vous, cette remarque est nulle et non avenue, rétorqua-t-il d'un ton sec. Et qui, parmi tous ses pairs, connaît aussi bien les textes de lois qui régissent notre communauté?

Nouvel échange visuel appuyé silencieux. Flitwick marquait des points, il le savait, cependant Snape ne l'admettrait pas ouvertement. Surtout pas devant le responsable de l'élève en question.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

Le château s'était vidé de la majorité de ses habitants. Ne lui parvenait aux oreilles que l'écho de ses pas. William avait fait un saut à la salle commune après avoir dit au revoir à Elizabeth et Virginia devant le portail surplombé des statues de sangliers, pour récupérer quelques affaires et désormais il se dirigeait vers la bibliothèque farouchement gardée par Mrs Pince. L'esprit un peu ailleurs, comme à son habitude, il percuta de plein fouet quelqu'un – encore.

- Gumbling Gargoyles, regardez où vous mettez les pieds, gronda une voix basse.

Un frisson le saisit à l'épine dorsale et il se risqua à jeter un œil vers… le professeur Snape. Bien. Bien. Parfait. Comme cinq ans en arrière. Comme l'an dernier dès le premier jour des cours. Splendide, cela devenait une routine, se dit-il intérieurement, cynique. Un long silence les engloba, alors qu'ils se fixaient en chien de faïence, le Maître de Potions le toisant avec sévérité, William en se demandant s'il le disséquait plus comme une plante ou un scarabée.

- Veuillez m'excuser monsieur, marmonna-t-il - enfin,selon le point de vue de l'enseignant qui le trouvait toujours très lent à réagir, mais ça me déconcentre, ces armures qui chantent des cantiques.

A cela, Snape haussa un sourcil car il nota un soupçon d'agacement dans le ton employé par son élève.

- Non, mais, c'est vrai quoi. On n'est pas des bébés, poursuivit l'adolescent qui interprétait le geste de son professeur comme une demande tacite d'explications. Puis, Noël, c'est pour les hypocrites et les innocents d'esprits, conclut-il en resserrant son étreinte contre ses livres pressés à son torse.

- Vous n'aimez pas cette fête, se permit de murmurer le Directeur des Slytherins sur le ton de l'évidence. Etrange, parce que je vous aurais cru apprécier ces coutumes-là.

- Parce qu'elles sont Muggles, c'est cela, répliqua l'Aiglon, le défiant du regard, le menton levé. Eh bien, non, au risque de vous décevoir.

Sur ce, il le contourna pour filer à la bibliothèque, avant qu'une main vive et ferme ne l'achoppe au niveau de l'articulation du coude, ce qui le freina net et le fit se retourner.

- Pas d'impertinence à l'égard de vos enseignants, Melbourne, même lorsque ce sont les congés, susurra le professeur de Potions, toute colère froide sortant par les pores de sa peau. Nous sommes en mesure de vous coller et de vous retirer des points à cause de tels manquements, vous souvenez-vous, vous qui connaissez le règlement intérieur par coeur.

L'adolescent mit un peu de temps à atterrir, car son cerveau s'était comme figé suite à cette prise tactile forcée et brusque. Son enseignant en prit note et le relâcha, or il maintint son contact visuel pour lui indiquer de manière claire qu'il n'en avait pas fini avec lui.

- Ce qui m'agace particulièrement avec les jeunes dunderheads qui grouillent dans ce château est bien leur impertinence, comme s'ils pensaient se situer au-delà de toute règle, au risque d'être impolis et insultants à l'égard des adultes – malheureusement pour eux, et pour vous, la moindre des choses que tout enseignant attend de ses élèves est du respect et de la courtoisie, ce que, en dépit de ce que l'on peut penser de vous, vous ne semblez guère enclin à faire, lâcha le jeune professeur d'une voix dure. Tout manquement à ces règles de bienséance se doit d'être sévi.

Encore un long silence se mit en place, pour tester William. Comme il ne bronchait pas, Snape esquissa un sourire ironique.

- Bien, je vois que vous n'êtes pas complètement idiot. Que comptiez-vous faire dans cette bibliothèque, Melbourne?

D'abord étonné par la tournure que prenait le sermon du Maître de Potions, l'adolescent finit par lui répondre néanmoins:

- Votre devoir, monsieur.

- Bon, dans ce cas, cela ne vous posera sûrement aucun problème si vous travaillez mon cours dans les cachots, lieu plus propice et inspirant, n'est-il pas, pour ce genre d'exercice. Deux heures de retenue pour votre impolitesse vous conviennent-elles? Effectives sur-le-champ.

- Non, monsieur, cela ne me dérange nullement, murmura l'Aiglon.

Tous deux firent demi-tour dans le couloir pour atteindre les escaliers à son extrémité et descendre jusqu'aux sous-sols du château. Au fond, cela ne lui était pas vécu tant comme une punition, car William retrouverait un lieu auquel il était devenu familier et dans lequel il se sentait assez à l'aise. D'autant qu'il avait remarqué que c'était dans l'une de ces classes vides qu'il rédigeait ses dissertations de potions les plus abouties. Malgré cela, il se retenait d'exprimer quelconque signe de contentement, de peur de mettre la puce à l'oreille de son enseignant, qui ne se priverait pas de changer le genre de punitions qu'il lui ordonnerait d'accomplir – beaucoup moins plaisantes et agréables. L'adulte s'installa à son bureau, une pile de copies à corriger l'attendant sagement; tandis que l'étudiant s'assit à l'une des paillasses, devant cette fois-ci, et posa ses affaires avant de les placer selon un rangement particulier. Livre de potions, rouleau de parchemin, carnet de notes, crayon et plume. Il relut dans un premier temps la consigne dictée pour la dissertation et ouvrit ensuite manuel scolaire et carnet aux pages concernées. Bien, il avait des éléments intéressants, autant en qualité qu'en quantité, qu'il pourrait exploiter sans peine. Subséquemment, il aplatit et lissa son rouleau de parchemin et trempa sa plume dans l'encrier avant d'écrire l'en-tête usuelle contenant son nom, son année scolaire et sa Maison, sauta une ligne imaginaire et écrivit en centré l'intitulé de la question à traiter.

L'adolescent n'osait pas lever les yeux parce qu'il avait conscience que Snape l'observait un peu trop régulièrement pour que cela soit naturel. L'aura de cette personne résonnait dans toute la salle au point que, par moments, cela en devenait écrasant et étouffant. Alors, il se concentra de telle sorte qu'il en oublie cette sensation désagréable et le fait que son coeur palpitait selon une mélodie qu'il ne connaissait que trop bien – et s'il cédait, il allait se noyer dans le regret, la peine et la nostalgie.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

- Pardon, pardon, pardon, chuchotait tout bas l'enfant, qui tentait de se frayer un chemin parmi la foule entassée dans Floury&Blotts.

C'était pénible lorsqu'on était petit et qu'on se faisait presque broyer littéralement par cet attroupement singulier, mais typique en cette période de l'année. Collé à une étagère, il put reprendre un peu sa respiration, avant de lever le nez et … Oh, ce livre a l'air sublime, songeait-il tout à coup, alors que la reliure dudit livre l'avait charmé. Un rapide coup d'oeil autour de lui pour vérifier que nul ne semblait s'y intéresser, et il se mit sur la pointe des pieds pour atteindre le rayonnage et attraper le bouquin du bout des doigts. Enfin, la délivrance. Mh. The Art of Making Potions: A Guide for Beginners. Tiens, pourquoi celui-ci n'était pas référencé dans la liste émise par Hogwarts, s'interrogea l'enfant alors qu'il parcourait l'index. Ensuite, il s'arrêta à une double-page au hasard pour se faire une idée de son organisation, et il fut encore plus charmé. Des croquis, des schémas explicatifs étape par étape nourrissaient les propos. William raffolait des croquis et des schémas. Il ne cessait d'en faire lui-même dans ses carnets de notes qui s'entassaient dans sa chambre. Oh, nota-t-il au bout d'un moment, en se redressant, un tabouret plus loin. Parfait. Il pourra potasser tranquillement. Il referma le livre et s'y dirigea d'un pas preste.

Bam – enfin, le bruit que cela fait lorsqu'on se cogne un peu trop vivement, au point d'en avoir le nez douloureux et les larmes aux yeux, contre quelqu'un.

- Désolé, souffla-t-il, avant de risquer un œil vers la personne qu'il avait sauvagement percuté.

- … Peux pas faire attention à où tu mets tes sales pattes, grommela une grande asperge – oh, oui, il était grand, et menaçant – ou alors c'était son regard glacial, son nez crochu, ses cheveux mi-longs noirs, son teint livide, et le ton de sa voix qui le rendaient menaçant.

Pour couronner le tout, la grande asperge était enveloppée de noir, tout de noir, longue cape noire, chaussures noires, pantalon noir. William en avait même bloqué sa respiration.

- Pardon monsieur, murmura-t-il tout aussi bas, penaud. Je voulais… je voulais juste… m'asseoir là pour lire ce livre, appuya-t-il en montrant inutilement son bouquin, dont il se servit en vérité de bouclier.

Long silence. Regard circonspect. Lueur indescriptible dans les orbes d'onyx du grand gringalet.

- Oh, souffla-t-il, un oh surpris, presque extatique. Te passionnes-tu pour les potions?

Oh my, pourquoi les adultes posaient de telles questions, se demandait pour la dix millième fois au moins l'enfant. Il haussa les épaules, un peu confus.

- Heu… Je ne sais pas encore, avoua-t-il, gêné. C'est la première fois que je tombe sur cette discipline, monsieur (et là, il remarqua que le terme monsieur le faisait tiquer)… en dehors du livre prévu dans le programme. Mais ça a l'air passionnant, donc… C'est pour cela que je voulais…

- Cela n'en a pas l'air, le coupa l'asperge. C'est passionnant.

L'enfant comprit sur-le-champ qu'il touchait à un sujet de prédilection chez son interlocuteur. Une forme de respect, avant toute chose, toute connaissance concernant la personne, s'instaura chez le petit. Le plus âgé lui laissa le passage libre pour qu'il s'asseye au tabouret. Il se posta par la suite à son côté, et lorsque William s'interrompait de temps en temps en feuilletant, il agrémentait ces pauses de ses commentaires de passionné, ravi de transmettre et de partager ce qui l'animait littéralement.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

A bien des égards, le professeur Snape aimait transmettre son savoir emmagasiné en ces plusieurs années de scolarité, puis de spécialisation, la flamme qui l'animait brillant encore dans ses orbes sombres lorsqu'on y prêtait attention. Néanmoins, et il n'avait pas fallu super longtemps pour William de le saisir, comme l'homme ne s'était pas contenté de se spécialiser dans le savoir théorique dans ce domaine, mais tout autant celui de la recherche, enseigner à des adolescents un programme qui en ferait bâiller plus d'un n'était pas fait pour le Maître de Potions de l'acabit de Snape – après tout, n'était-il pas déjà réputé pour être le seul et l'unique Maître (ajoutez italique, gras et soulignage, voire double-soulignage) de toute la Grande-Bretagne. A l'exception des profilers, rares et précieux dans le monde des Muggles, peu ou prou de corps de métiers pouvaient se targuer d'avoir parmi eux des personnes remarquables à ce point.

En reconsidérant la chose, le professeur plutôt, l'adolescent s'interrogeait parce que ce qui aurait mieux correspondu au Directeur des Slytherin aurait été un poste éminent de maître de conférences, tout en poursuivant ses recherches dans l'un des meilleurs laboratoires du pays – si tant était que les études supérieures sorcières imitaient le système de celles Muggles…

- Que regardez-vous encore, maugréa le Maître de Potions. Cessez de rêvasser, comme vous en avez la fâcheuse tendance, et concentrez-vous sur votre travail.

Oh, dommage que ses sur-robes ne claquaient pas en même temps que sa voix – parfait ensemble. William ne put réfréner un haussement de sourcil, puis un sourire. Claquage de langue contre le palais, signe ultime d'agacement de la part du concerné. Le sourire se décomposa direct, et l'Aiglon fit profil bas dans l'immédiat.

- On ne peut vous retirer le mérite de comprendre vite que vous allez loin, monsieur Melbourne. Dommage que cette capacité de promptitude ne soit pas générale…

Oh, à la rigueur, il préférait se faire reprocher de lent que de Mudblood, à coups de sorts, de blagues douteuses, de destructions d'effets personnels – vraiment. Puis, il était lent, pour de vrai, n'est-il pas, donc se faire répéter une certaine vérité, somme toute innocente à contrario de son quotidien, n'avait rien de bien méchant et blessant.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

Les deux heures de retenue passèrent à vitesse grand V, sauf que William n'avait pas terminé, ne voulait pas retourner dans sa salle commune, ne souhaitait pas quitter la sécurité relative que lui procurait cette salle de classe.

- Votre retenue est achevée, l'informa Snape, nullement au courant de l'état actuel de l'adolescent.

En temps normal, tout étudiant typique n'avait pas besoin de se le faire répéter, comme remonté sur des ressorts tant il s'éclipsait si promptement qu'on avait guère le temps de dire Quidditch. Cependant, le professeur de Potions ne devrait ni s'en étonner ni s'en irriter car le dunderhead en ce soir n'avait rien du boutonneux habituel.

Il se leva et s'approcha de la paillasse où était installé son élève occupé à gribouiller – en plus, il ne… Ah si, il travaillait, autant pour lui.

- Que ne comprenez-vous pas dans la phrase au présent simple «votre retenue est achevée», demanda le Directeur des Slytherins, ombre menaçante par-dessus l'Aiglon.

- Dans son sens sémantique, syntaxique ou interprétatif, questionna en retour le gosse, toujours l'attention portée sur son schéma – on ne peut plus précis de la fleur de pavot.

- Oh, vous vous permettez quelque notion de linguistique, se moqua Snape, qui croisa les bras.

- Non, en vérité, ce sont mes parents qui m'ont évoqué ces distinctions quand j'avais…

Il s'arrêta soudain et leva les yeux, se mordillant la lèvre inférieure. Un sourire en coin, de ceux qui déclinent une certaine satisfaction à vous avoir poussé dans une pente glissante que vous évitiez au maximum par tous les moyens, que lui offrit son enseignant.

- Heu, j'imagine que vous me tenez au courant de l'heure passée parce que vous n'avez pas envie d'endurer plus que nécessaire la présence des élèves, marmonna William, tout en rangeant en vrac ses affaires et finissant par se lever.

Snape s'écarta et lui indiqua la porte d'un large mouvement souple du bras. Lent, certes, mais il finissait toujours pas comprendre. Son cas n'était pas si désespéré que cela, en fin de compte, se disait le jeune homme alors que le sujet de ses pensées quittait la salle de classe.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

A peine avait-il mis le pied dans un compartiment vide, il avait revêtu son uniforme scolaire, content de retrouver ses marques de sorcier. Hum, songeait-il alors qu'il lissait avec soin sa sur-robe noire sur laquelle était brodée l'armoirie de Salazar Slytherin, il n'était pas que content, doux euphémisme en vérité. Puis, à mesure que le train s'emplissait de ses passagers, il risqua un œil sur le quai. Une moue revêche s'esquissa sur ses fins traits. Ces gens alors, ces plébéiens, qui s'émeuvent pour pas grand-chose – oh, non parce que partir dans l'Ecosse profonde pour plusieurs mois n'avait rien d'une séparation tragique, parce que d'un cela permettait à pleins de jeunes de grandir, et au vu du comportement d'une partie d'entre eux, cela ne leur ferait pas de mal; mais aussi de deux: le plus tragique se déroulait au dehors, dans la vraie vie.

Douce ironie, se dit-il amer, alors qu'il sentait le chuchotis du sort d'appel apposé à sa Marque qui s'étalait sur son avant-bras. Il interrompit sa contemplation, salua quelques camarades qui avaient élu domicile dans ce compartiment avant de s'asseoir nonchalamment mais avec une certaine classe. Oh oui, être sorcier était ce qui lui était arrivé de mieux. Au moins gravissait-il les échelons des classes, lui pauvre fils d'ouvrier au chômage de la région de Manchester. Nul ne pourrait s'y méprendre, tant ses manières soignées, nobles, son langage corporel digne et fier, son accent à peine chantant car posh, façonné, tel un bijou d'orfèvre, le confondraient aisément avec un de ces sorciers issus de familles de Pure-Blood. Le train s'ébranla. Voilà, c'était son dernier voyage. Une année importante, capitale, l'attendait au bout du trajet. Il devra faire ses adieux à Hogwarts, sa maison. Ne pas y penser, se reprit-il sur-le-champ. Alors, il reporta son attention sur ce quoi discutaient ses camarades. Oh non, pourquoi s'amusaient-ils à imiter tout individu moyen, c'est-à-dire partager leurs expériences de congés estivaux? Qu'avait-il bien pu faire pour se coltiner de telles personnes autour de lui. Il se retint de soupirer, de s'affaisser sur sa banquette, gardant pour lui le fond de son opinion.

En début d'après-midi, il abandonna sa place pour aller aux petits coins. En sortant du compartiment, il put se rendre compte du bruit qui régnait dans le train, entre les sons émis par ce dernier et le remue-ménage de centaines et centaines d'étudiants qu'il transportait. Les lèvres pincées, il marcha d'un long pas souple jusqu'à sa destination, mais s'interrompit d'un coup lorsqu'il ouït ce que ses oreilles estimèrent comme atypique. Une bagarre? Poussé par une certaine curiosité, et un certain pressentiment, il s'avança dans le couloir et tomba sur un groupe de trois personnes – analyse, des cinquièmes années (?) Slytherins, qui formaient un cercle autour de – analyse, au vu de son incapacité à voir, sans doute un petit, un première année ou un seconde année (?). Déséquilibre total. Eh bien, bravo. Allez-y, salissez les valeurs véhiculées par la Maison des Serpents, applaudissez bien fort votre stupidité congénitale. Encore des adolescents qui voulaient prouver, se prouver, qu'ils étaient des terreurs. Comme si cela était le seul critère requis pour oser porter allégeance au Lord. Amateurs.

Il s'avança encore, et savoura le petit effet qui était de littéralement souffler dans la nuque du boutonneux le plus proche de lui. Silence soudain, pause, et les trois gugusses pivotèrent à l'unisson – oh, joli ensemble, vraiment, que c'est charmant! Ils pâlirent lorsqu'ils le reconnurent.

- Vous gênez le passage, gronda-t-il d'une voix doucereuse, implacable.

Ils se confondirent en excuses, et – ah, comme c'était drôle, leurs voix s'entremêlèrent tant ils avaient peur. Ils ne demandèrent pas leur reste et disparurent aussi vite qu'on le pouvait lorsqu'on était secoué par un train en marche.

Oh. Non, vraiment, les coïncidences n'existaient pas, se disait-il, alors qu'il identifia sans peine le petit – William. Ce dernier avait gardé la bouche close, comme figé, et le fixait droit dans les yeux – par Merlin, quel azur déroutant!

- Merci, bredouilla l'enfant, qui avait baissé le regard – et il se faisait tout petit, vraiment tout petit, ratatiné sur lui-même.

Son aîné haussa un sourcil, cependant rien d'autre ne transparût de lui. Néanmoins, et il ne saura se l'expliquer plus tard avec le recul, il plaqua contre le mur des toilettes le pauvre William qui en tremblait, et fit rempart entre lui et le monde avec son propre corps.

- Fais vraiment, vraiment, vraiment attention, lui chuchota-t-il, souffla même, c'était si bas que nul n'aurait pu l'entendre. Fais-toi tout discret, transparent, invisible.

Il sentit plus qu'il ne vit le gosse acquiescer vivement.

- Je ne serais pas tout le temps là pour te sauver la peau, poursuivit le Slytherin. Et je ne pourrais pas agir la plupart du temps, donc il te faudra te débrouiller par toi-même.

Puis, il s'écarta pour permettre à l'enfant de se réfugier dans son compartiment. Le voilà désormais tout seul. Oups. Quel poison avait ensorcelé ses sens pour qu'il agisse de la sorte?

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0

Severus Snape buvait son thé dans son bureau de Directeur l'avant-veille de Noël. Il repensait à ce que cet idiot de Melbourne avait exprimé quant aux festivités de fin d'année. Il ne lui en avait pas tenu rigueur sur le fond, parce qu'il partageait son avis. Ah, s'il pouvait esquiver ces futilités, mais bon, Dumbledore tenait à ce que tous les occupants du château partagent ce moment de joie. Cela avait été sa ligne de conduite depuis le début de son mandat, insistant lors du règne de Voldemort: rassembler, partager, transmettre les sentiments positifs de l'être humain pour les plus démunis et les plus esseulés. Or, l'homme, malgré son intelligence, son expérience, sa vision idyllique de la nature humaine, se trompait lourdement. Ce n'était pas en se déguisant et en jouant un rôle de pacotille qu'on pouvait prétendre à tout cela.

o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0o0