" Tout le monde connaît ce moment de bonheur, ce jour presque parfait,
juste avant que tout bascule, juste avant que le ciel nous tombe sur la tête. "
Céleste :
Je vérifie une dernière fois dans le miroir ma chevelure, et suis satisfaite du résultat. Je ne regrette pas d'avoir bouclé mes cheveux châtains, cela me va tellement bien. Je remets correctement, ma robe couleur vanille et met mon petit gilet gris par-dessus.
Je suis prête à aller le rejoindre.
Je prends la poignée couleur or entre mes mains et la tourne pour sortir.
Le village de mon district est vraiment magnifique et le temps est au beau fixe, à vrai dire tout semble absolument parfait aujourd'hui.
Je souris en pensant à demain, au déroulement de la moisson, à mon avenir. J'essaye d'être assez optimiste et me rassure en me répétant que tout va bien se passer et que je n'ai pas à m'inquiéter.
Je marche dans les jolies rues pavées avec légèreté et me dirige vers le café, là où l'on s'est donné rendez-vous.
Quand j'y suis enfin, je m'arrête une seconde et le regarde, j'adore ses cheveux bruns désordonnés et son corps si bien dessiné a mes yeux.
Il se retourne, sentant sûrement mon regard sur lui.
- Céleste, tu es encore en retard, dit-il contrarié.
Je lui offre mon plus beau sourire et m'assieds devant lui juste après l'avoir embrassé furtivement sur la bouche.
Kentin, mon premier amour.
Je lui ai toujours dit que nos yeux verts étaient un signe, que l'on était fait l'un pour l'autre. A chaque fois que je lui dis ça, il roule des yeux, mais rougit.
Kentin, l'instructeur de carrière pour qui j'ai craqué à chaque fois que j'allais m'entraîner dans la perspective de participer au Hunger Games.
Dans mon district, on nous entraîne dès que nous entrons à l'école et jusqu'à nos 18 ans, et ce n'est pas un choix.
Parce que, nous sommes l'un des Districts préférés du Capitole, et qu'ils aiment nous voir, gagner.
Nous sommes dans l'industrie du luxe, bijoutier ou artisan haute couture, et encore bien d'autres.
Mes parents par exemple son Parfumeur et je compte bien faire aussi carrière dans ce domaine.
J'ai appris à me fier à mon odorat et à lui faire confiance, à reconnaître les odeurs en ayant les yeux bandés, cela à demandé du temps, mais j'ai fini petit à petit par réussir.
Kentin me caresse la main, ce qui me coupe de mes pensées.
- Et dire que demain, c'est la dernière fois que tu participes à la moisson.
Je ne peux m'empêcher de ressentir un peu d'anxiété, mais je n'ai rien à craindre, même si je suis tiré au sort, il y aura quelqu'un pour se porter volontaire, comme à chaque fois.
Il arrive que, parfois, il n'y ait pas de volontaire, mais ce n'est pas si fréquent que cela. Je me rassure encore une fois, et rends la caresse à celui que j'aime.
Notre relation est assez discrète, je n'aime pas trop me vanter que je sors avec l'instructeur de carrière.
Cela ne fait qu'un an que nous sortons ensemble, mais je me sens vraiment épanouie même s'il a quelques années de plus que moi et qu'il a déjà eu des petites amies.
A ce jour, il m'appartient à moi et à moi seule, et j'ai l'intention de le garder le plus longtemps possible.
- Bon, qu'allons nous faire aujourd'hui? me propose-t-il.
- Et si l'on allait s'allonger dans le parc et qu'on ne faisait rien pour une fois?Demandais-je avec un regard séduisant.
Maceo :
Je continue de taper avec mon maillet sur le ciseau, la pierre cède encore une fois face à ce coup.
Je déteste ça, je déteste ma vie et je déteste mes parents. Ils n'ont aucune véritable ambitions, ils font jour après jour la même chose sans penser à évoluer. Ils auraient pu créer leur propre entreprise de tailleur de pierre, mais non, c'est tellement plus facile d'être un simple sous-fifre.
Je soupire avant de fermer les yeux pour essayer de me calmer un peu, ce n'est pas parce que je viens de me disputer méchamment avec eux que je dois penser de façon trop excessive.
Au fond, je sais que je les aime quand même, mais cela me révulse de les voir satisfaits du simple minimum alors qu'ils pourraient avoir bien plus.
Moi, je ne veux pas faire comme eux, je veux avancer et aller le plus haut possible, je suis ambitieux et je n'ai pas peur de monter dans la hiérarchie de mon District, de devenir quelqu'un.
Je viens du District 2, nous somme dans la maçonnerie, mais aussi, dans l'exploitation et la taille des pierres.
Le capitole nous chouchoute, et on à régulièrement de la distribution de nourriture.
Ils recrutent aussi, souvent dans nos rangs pour les pacificateurs.
Demain c'est la moisson et quoiqu'il arrive, je me porte volontaire. C'est la dernière fois que je participe, et je me suis entraîné durs pour mettre toutes les chances de mon coté.
Si je gagne, un avenir radieux se dessinera devant moi.
Un sourire se fend sur mon visage pendant que je m'imagine en Chef des Pacificateurs
Je ferrais du bon travail, je le sais, je ne m'amuserais pas à humilier des gens pour mon simple plaisir.
Je ne suis pas ce genre de personne cruel qui aime faire du mal.
Je continue à taper sur la pierre pour me calmer les nerfs et cela marche parfaitement bien.
Une petite tête brune m'interrompt dans mon travail :
- Maceo, tu t'es encore disputé avec les parents? Me demande mon petit frère, Tim.
Il a 11 ans et me ressemble physiquement. Brun, yeux chocolat et il commence à prendre du muscle au niveau de ses bras. Les parents ont commencé à lui faire porter de la pierre, il ne le considère plus comme un bébé, à son grand dam. Tim choisit l'un de mes ustensiles et le prend dans ses doigts pour le faire tourner.
Comme je ne lui réponds pas, et que je continue de l'ignorer, il me pose une deuxième question :
- Je croyais que tu n'aimais pas faire ça? D'autant plus qu'aujourd'hui les parents t'ont donné ta journée...
Je m'arrête et lève les yeux au ciel.
Je suis actuellement dans le petit atelier personnel de mon père, il m'apprend le métier depuis que je suis petit, les jours où je n'ai pas école.
- Ce sont eux qui t'ont demandé de venir me chercher?
Il hoche la tête avant de sourire et de me dire :
- Ils veulent s'assurer que, ce soir, tu manges bien avec nous, comme parfois après une dispute tu reviens tard le soir.
Je commence à ranger mes ustensiles et caresse la pierre avec mes mains calleuses.
C'est peut-être la dernière fois que je ferrais ce geste, et aussi, peut-être, la dernière fois que je passerais une soirée avec eux.
- Bien sûr que je serais là, lui répondis-je.
- Dans ce cas, cette après-midi, on peut jouer ensemble au basket? Me demande-t-il avec sa voix de bébé.
Il a toujours besoin d'attention, que ce soit moi ou mes parents, il aime que l'on s'occupe de lui.
Pourtant, comme les autres fois, je n'ai pas envie de jouer avec lui.
J'ai d'autres choses de prévus, comme par exemple traîner avec mes amis.
- J'ai déjà quelque chose de prévu, va jouer avec le voisin.
Il croise les bras et marmonne quelque chose avant de quitter l'atelier.
Je ne peux m'empêcher de laisser un sourire planer sur mon visage. J'adore taquiner ce gosse, c'est sûrement l'un des plaisirs égoïstes qui va le plus me manquer si je me porte volontaire.
Albane :
Assise sur le canapé et enroulée dans une couverture que j'ai depuis l'enfance, j'observe par la fenêtre les éoliennes qui sont très loin. Elles ressemblent à un point flou entre les centrales qui entourent notre ville.
Je suis dans le District 5, et nous produisons l'électricité pour le Capitole. Grâce aux éoliennes, aux centrales et au barrage. Nous n'avons pas beaucoup d'habitant par rapport aux autres districts, et notre ville n'est pas aussi grande que ça.
Je vis dans l'une des maisons en hauteur, avec mes parents, qui sont électriciens et installateur.
Ils n'ont pas voulu d'autres enfants à cause des jeux de la faim. Ils ont déjà si peur de me perdre moi, qu'ils m'ont souvent avoué qu'il ne supporterait pas de s'inquiéter pour une deuxième personne.
Quand j'étais petite, je ne comprenais pas vraiment ce que cela pouvait vouloir dire, j'avais tellement envie d'avoir un petit frère ou une petite sœur.
Mais maintenant je comprends, ma cousine vient tout juste d'avoir 8 ans, mais j'arrive déjà à l'imaginer au milieu d'une arène en train de mourir à l'écran sans que je ne puisse rien y faire.
Les larmes me montent aux yeux et j'essaye de repousser cette image terrifiante.
Ca ne sert à rien que je me mette dans cet état-là, alors qu'elle a encore quelques années devant elle, paisible.
La lampe au plafond grésille, ce qui me coupe de mes pensées, et me fait prendre conscience que je suis en retard pour notre rendez-vous.
Je me lève de mon canapé, quittant le confort de cet endroit et prends un blouson. Le vent est frais et s'engouffre entre les ruelles.
Je descends les escaliers, heureuse à la perspective de revoir mon amie.
Les murs sont d'un jaune délavé, mais contrastent avec le ciel qui est d'un bleu intense. Même si les poteaux et les fils électriques gâchent le paysage.
L'air qui est saturé en énergie ne me fait plus aucun effet, j'ai l'habitude maintenant. Mais cela n'empêche pas mon corps d'avoir des effets secondaires, souvent je ne dors quasiment pas la nuit.
Malgré mes 15 ans, j'ai l'impression de faire plus quand je me regarde dans un miroir.
Mes cernes sont gravés dans ma peau, comme la plupart des gens qui habitent ici.
Notre santé se dégrade à chaque fois que l'on prend de l'âge, mais surtout à cause de toute cette énergie électromagnétique qui nous entoure.
Malheureusement, on ne peut rien, y faire. Puis je me dis qu'il y a pire, comme, par exemple, le district 12 qui perd chaque année les Hunger Games. Là-bas, on remarque qu'ils ont du mal à joindre les deux bouts, surtout quand on voit les tributs, si maigre pendant la moisson.
Au moins, ici, nous mangeons à notre faim.
Je marche encore un peu, et croise un pacificateur qui fait sa ronde. Les autres ne doivent pas être loin, je baisse la tête de peur d'avoir des problèmes.
En général, ils laissent tranquilles les enfants tant que l'on obéit aux règles et qu'on les respecte.
J'ai cet avantage de passer inaperçue. Les gens ont souvent tendance à m'ignorer, ce qui m'arrange bien.
J'arrive enfin devant la maison de Peggy, cette fille bavarde qui comble les blancs à ma place.
Linael :
J'observe mon œuvre avec un œil critique. Le tissu rose irait bien avec sa robe qu'elle met à chaque fois à la moisson. Et les minis roses que j'ai cousu sont meilleures que ma première tentative.
J'ai préparé ce cadeau pour elle au cas où je serais tiré au sort cette année.
Je le prends entre mes mains et le cache dans le tiroir de mon bureau. J'observe ma chambre. Elle est petite, il n'y a que mon lit, le bureau et le peu d'affaires que j'ai sont entassés sur une chaise. Les murs sont d'un gris terne, comme partout ailleurs, les immeubles sont gris béton, le ciel est gris orage et nos vêtements sont gris pâles.
Je tousse encore une fois avant de sortir de cette chambre et de me poser sur une chaise dans la cuisine.
J'attends mon frère et mon père qui travaille, tous les deux comme ouvrier dans une usine.
Je me rappelle que l'école m'a déjà tracé un avenir comme couturier, ils nous apprennent et si jamais nous avons le talent pour, nous allons dans une usine pour coudre.
Mais c'est peine perdue pour eux, je sais que, demain, je vais être tiré au sort.
Le fait que les années précédentes, je le croyais aussi n'a aucun rapport avec cette certitude.
A cause des tesserae que j'ai pris les autres années, mon nom à plus de chance d'être tirée au sort.
Pas que j'ai envie d'y participer, loin de là, car je ne survivrais pas longtemps dans ces jeux.
Mais, je n'ai jamais eu de chance dans la vie, et je ne vois pas pourquoi cela changerait.
Je repense à maman qui est morte il y a quelques années d'un cancer des poumons.
Le nuage toxique qu'ont crée les industries n'y est pas pour rien. Dans le district 8, nous grandissons dans la pollution de l'air et de l'eau, et notre industrie principale est la fabrication de textiles et de vêtements.
La vie ici est difficile, et je me demande encore parfois combien de temps ma famille va tenir à ce rythme-là.
Capucine, ma meilleure amie, mais aussi la fille dont je suis secrètement amoureux, me traite de pessimiste.
Elle dit que j'imagine toujours le pire et que je broie souvent du noir. Elle n'a pas peut-être pas tort, mais cela ne changera pas ma façon de penser.
Elle l'une des seules personnes qui arrive à me faire sentir bien quand, je suis en sa présence, mais cela je ne sais pas si je lui dirais un jour.
Je pose ma tête sur la table bancale et mes cheveux blonds crasseux bloquent ma vision.
Je me laverais demain matin. Avec la moisson, il devrait y avoir de l'eau courante pour qu'on puisse être présentable à l'écran.
Je vais bientôt devoir préparer à manger pour mon frère et mon père. Je pense à la boîte de conserve que je dois réchauffer dans la casserole, et au pain sans goût auquel on a droit à chaque repas. L'eau qui a un gout dégoutant que l'on va devoir boire.
Je me demande, quel autre goût elle doit avoir dans les autres districts?
La vie est tellement injuste, j'aurais aimé naître dans un autre district.
Pourtant, une petite voix dans ma tête me répète que "non", car je n'aurai jamais pu rencontrer Capucine et que je l'aurais regretté.
Je sens mes yeux bleus briller quand j'imagine déjà, comment elle va être demain, avec sa jolie petite robe rose.
