Chapitre I : L'anniversaire d'Harry Potter

Privet Drive était désert ou presque : en tout cas la rue était vide. Midi et le soleil, à son zénith, brûlait cloîtrant les habitants chez eux. On avait fermé tous les volets tentant de préserver un peu de fraîcheur aux maisons coquettes et aux jardins bien entretenus. Pourtant les massifs de fleurs et les pelouses souffraient de la chaleur. Ils ne renaissaient qu'au crépuscule, lorsque les propriétaires sortaient de leur cachette pour les arroser ... en attendant que les restrictions d'eau ne s'étendent.

Au numéro quatre, rien ne semblait laisser présager la tempête qui couvait à l'intérieur de la maison.

A l'étage, dans sa chambre, Harry Potter bouillonnait ... de rage ... de haine ... de désarroi aussi. Depuis qu'il était revenu en ces lieux, il tournait en rond, avide de changer d'air. Mais, il ne le pouvait ... pas encore ... Il avait fait une promesse qu'il se devait de tenir.

Sur le mur, un petit calendrier était punaisé. Le jeune homme de bientôt dix-sept barrait chaque soir la case d'un geste rageur.

Au rez-de chaussé, il entendait sa tante se démener dans sa cuisine.

C'était la seule personne de sa famille encore en vie.

Car Harry Potter était orphelin. Jusqu'à l'âge de ses onze ans, il avait vécu – ou plutôt survécu- dans cette maison. D'abord dans un placard sous l'escalier puis dans cette pièce.

Le changement avait été brutal, tout comme ce qui l'avait provoqué. L'été de ses onze ans, le jeune garçon avait appris une bien surprenante nouvelle : il était un sorcier ! Et depuis ce jour, sa vie en avait été changée. Ce qui au début faisait sa joie, maintenant le rongeait d'inquiétude.

Les temps étaient troubles ... pour tout le monde : sorciers comme moldus.

Un puissant et terrifiant mage noir était de retour – celui-là même qui avait tenté de tuer Harry après avoir massacré ses parents avant de disparaître pendant de longues années ... Mais le cauchemar était bien réel. Lord Voldemort étendait son ombre sur tout le monde sorcier.

Son retour avait été accompagné d'un funeste cortège : Cedric Diggory d'abord, puis Sirius Black, le parrain du jeune sorcier et pour finir le seul sorcier capable de se dresser contre les Ténèbres qui affluaient : Albus Dumbledore.

Le coeur d'Harry battait à tout rompre en songeant au grand homme (l'ancien directeur de Poudlard). Il avait été tué de la manière la plus ignoble qui soit ... lâchement, par un sorcier en qui Albus avait mis sa confiance. Severus Rogue. En songeant à lui, un rictus haineux apparut sur le visage du jeune garçon. Ses yeux aussi verts qu'un avada kedavra brillèrent d'une lueur meurtrière.

Il lui tardait de quitter Privet Drive ... Il lui restait tant de chose à accomplir. Venger Dumbledore, trouver les horcruxes et les détruire pour débarrasser le monde du mage noir. Beaucoup de choses pour les frêles épaules d'un jeune sorcier. Et cette fois, il se l'était juré, il serait seul. Il ne voulait pas impliquer ses meilleurs amis dans tout cela, les risques étaient trop grands ... et puis la prophétie était claire ... C'était seul qu'il devrait affronter Voldemort.

Il soupira et tenta de reprendre la lecture d'un gros grimoire de métamorphose ... mais en vain. Il n'était pas comme Hermione Granger. La jeune fille passait tout son temps le nez dans les bouquins ... Mais c'était la seule activité qu'il avait trouvée à faire ... pour attendre.

Il leva les yeux qui s'attardèrent sur le calendrier ... Après-demain ... Après-demain, il aurait dix-sept. La majorité chez les sorciers. Il pourrait alors quitter cette maison et ne plus jamais y remettre les pieds.

Où irait-il ? Il ne le savait pas trop. Sans doute au douze Square Grimmault. L'ancienne demeure de son parrain.

Peut-être y trouverait-il quelques indices. Dumbledore y aurait peut-être laissé quelque chose ... une piste, même maigre pour savoir où commencer.

Les derniers jours, les dernières heures filèrent à toute allure.

Les bagages du sorcier étaient prêts depuis longtemps. Hedwige, la chouette Harfang du sorcier protestait d'être enfermée ainsi.

- Patience, lui murmura Harry alors qu'elle battait des ailes de désapprobation.

Il regarda la vieille montre qu'il avait récupérée de son cousin Dudley. Elle indiquait 23h59.
Dans une minute, il serait libre et majeur ...

Les petits chiffres de la montre clignotèrent. 00 : 00.

Harry poussa un soupir.

-Joyeux Anniversaire, se félicita-t-il à voix basse.

Il sortit sa baguette et lança un sort :

- Reducto, dit-il en visant ses maigres affaires.

Aussitôt ses bagages devinrent minuscules. Il s'en saisit et les mit dans ses poches. Il s'approcha alors de la cage d'Hedwige et la porta.

Sans bruit, il ouvrit la porte de sa chambre.

Un ronflement impressionnant résonnait avec force : sans doute son cousin Dudley qui faisait autant de bruit qu'une troupe d'éléphants.

Il descendit avec précaution les escaliers, prenant soin d'éviter la marche qui grinçait.

Arrivé devant la cuisine, il s'arrêta. Le sorcier se demandait s'il devait laisser un mot ou non aux moldus. Se rappelant alors toutes ses années de privations, il décida que non ... A quoi bon ? Ils seraient assez ravis de sa disparition.

Il ouvrit la porte et sortit dans le jardin.

Ses pieds ne faisaient aucun bruit sur l'allée dallée qui menait jusqu'à la rue. Il poussa la petite porte qui délimitait le jardin des Dursley et sortit.

Une page se tournait.

Il regarda une dernière fois la maison qui l'avait vue grandir puis s'éloigna.

Il ouvrit la cage de sa chouette et elle s'élança aussitôt dans le ciel clair. Elle poussa un bref hululement avant de disparaître. Harry suivit longuement des yeux le petit point clair dans l'obscurité de la nuit. Puis il se décida à réduire aussi la cage.

Il était libre ...

Où ses pas allaient-ils le mener ? Il n'en savait rien.

Il s'assit sur le bord du trottoir, comme il l'avait fait quelques années auparavant.

La situation alors était bien différente.

Il sortit sa baguette et l'agita. Son extrémité brillait comme un fanal dans la nuit.

Il attendit de longues minutes.

Le Magicobus allait-il seulement arriver ? Après tout, Stan avait été arrêté -sans doute injustement. Y aurait-il quelqu'un pour prendre la relève ... Les temps étaient troublés ... Les sorciers n'avaient pas forcément envie de se déplacer, surtout de cette manière ... Tout le monde était redevenu méfiant ...

Il n'entendit pas le ronronnement immédiatement. Aveuglé par une lumière soudaine, il ne réagit pas tout de suite. Ce ne fut que quand il sentit le souffle chaud d'un moteur, qu'il bondit sur ses pieds et sauta en arrière. A une seconde près, il se retrouvait sous les roues du Magicobus. De grosses gouttes de sueur glissèrent le long de son front.

Quel idiot il faisait ... Manquer de se faire maladroitement écraser ... Lui qui devait affronter Voldemort.

Il eut un rire étranglé.

La porte du Magicobus s'ouvrit brutalement, en claquant.

- Eh bah, faut faire attention ! Lui cria une voix.

Il éclata de rire avant de poursuivre :

- - Bienvenue à bord du Magicobus, déclama-t-il fièrement. Transport d'urgence pour sorcières et sorciers en perdition. Faites un signe avec votre baguette magique et montez ! Montez, nous vous emmènerons où vous voudrez ! Je m'appelle Tom ! Tom Neko !

Harry leva les yeux. Le sorcier qui était assis derrière le volant ne semblait pas être plus vieux que lui. Ses yeux noisette pétillaient et un grand sourire illuminait son doux visage.

-Salut, lança Harry. Je suis désolé ... j'étais perdu dans mes pensées ...

Le conducteur rit.

- Allez monte ! T'as pas de bagages ?

Harry tapota ses poches, en souriant.

Le bus allait fermer ses portes quand des cris furent poussés.

- Attendez-moi !

Harry se retourna. Une jeune femme essoufflée qui se tenait les genoux venait d'apparaître. Elle avait de longs cheveux châtains parsemés de mèche violettes et vertes.

- Je ... je ... monte aussi ! Haleta-t-elle.

Elle dévisagea Harry et lui fit un clin d'oeil.

Il sursauta. Tonks, sans doute. Elle portait un jeans aux genoux déchirés, un tee-shirt noir dans un état peu respectable.

Elle releva la tête et salua le conducteur.

- Salut ! Lança-t-elle.

Puis elle se tourna vers Harry.

- Tu aurais pu m'attendre. Tu sais bien que j'ai horreur de te courir après ! Le sermonna-t-elle.

Puis elle reporta son attention sur Tom.

-Au fait, moi c'est Elaia et ça, c'est mon p'tit frère Nelson ...

Harry fit la grimace : Nelson ? Où avait-elle été pêcher ce prénom ?

- - Très bien ! Et vous allez où comme ça ?

- Londres, lança précipita le sorcier.

- Parfait.

- On prend le premier tarif, précisa Elaia. Soit vingt-deux mornilles ! C'est ça ?

- Oui. Je vous laisse vous installer ... Comme vous le voyez, ce n'est pas la place qui manque !

Les lits qui remplaçaient les sièges étaient tous vides.

Tonks et Harry s'installèrent tout au fond. Ils s'assirent sur la même couchette et se mirent à discuter à voix basse.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ? Demanda Harry étonné de la voir.

- Tu croyais que nous allions te laisser sans surveillance ? Les autres sont plus loin ... Ils nous suivent à distance ... Encore une idée de Maugrey ... Trop de sorciers dans un même endroit pourrait paraître suspect ... ne t'en fais pas ... tu es sous bonne garde ! Personne ne t'a oublié !

Elle leva les yeux au ciel ... Harry baissa la tête.

- C'est ... c'est que je n'ai eu des nouvelles de personne ...

- Je sais ... mais les ... hiboux ... ils sont surveillés ... beaucoup ne peuvent même par remettre leurs lettres : ils sont interceptés ...

- Comment vont les autres ? Demanda alors Harry.

- Ils vont bien. J'ai vu les Weasley récemment. Les préparatifs du mariage avancent ... Même si tout est gardé secret. Les invités seront prévenus au dernier moment ... Les défenses du Terrier ont été renforcées. Hermione est là-bas. Je crois qu'elle va bien ... même si elle est morte d'inquiétude.

Elle se tut. Elle ne savait pas quoi ajouter.

- Pourquoi Londres ? Demanda-t-elle soudain. Et où exactement ?

- La Maison de Sirius, marmonna simplement Harry. C'est le seul endroit qui m'est venu à l'esprit.

- Tu pouvais rester chez ta tante ... même si sa protection n'est plus efficace désormais ...

- Je n'en avais pas envie.

Les deux passagers étaient secoués tandis que le véhicule bondissait vers la City. Finalement, il freina brusquement. Tous les lits avancèrent ensembles. Tonks et Harry se cognèrent.

- Vous y êtes ! Annonça Tom. Comme vous ne m'avez pas de donné plus de précision, je vous ai arrêté en plein centre ! Cela vous convient-il ?

- Parfait, répondit Elaia en souriant et en se massant le front.

- Merci, ajouta Nelson.

Ils descendirent tous les deux. Alors que la sorcière s'engageait sur les marches, elle glissa et tomba sur Harry, l'entraînant dans sa chute.

Tom éclata de rire.

- Eh bien ! La maladresse est de famille !

Harry et Tonks étaient étalés au sol.

Les portes du Magicobus claquèrent : il avait disparu.

- Nous ne sommes qu'à cinq minutes de chez les Black. Ca devrait aller, constata Tonks. Mais ouvrons l'oeil !

Ils marchaient d'un pas vif. Les rues étaient sombres et désertes : personne ne se promenait à une heure du matin. Tout était calme. Un chat errant sauta devant les deux sorciers qui s'arrêtèrent brusquement. Le chat les regarda et miaula. Puis il repartit en courant à ses occupations.

- Ce n'était qu'un chat, souffla l'Auror visiblement soulagée. Viens, continuons ! Nous ne sommes plus très loin.

Ils étaient arrivés sur la petite place.

La façade du numéro douze était toujours aussi délabrée et lugubre. La poignée d'argent en forme de serpent luisait doucement dans la nuit.

Harry monta les quelques marches du perron et se planta devant la porte. Il leva les yeux et regarda la bâtisse.

Son coeur battait la chamade ... Cette maison était sienne désormais ... Certes il n'y était pas retourné depuis la mort de Sirius ... mais cette nuit, c'était différent.

Il soupira.

Tonks posa amicalement la main sur son épaule ; il se retourna et se sourirent.

Harry posa la pointe de sa baguette sur le bois usé de la porte. Il y eut un cliquetis et le battant s'ouvrit. L'entrée était sombre. Tonks et Harry s'engouffrèrent à l'intérieur.

L'Auror poussa un soupir de soulagement lorsque la porte se referma. Ici, ils étaient à l'abri.

Ils allèrent dans le salon.

La poussière avait regagna sa place maîtresse : elle avait tout envahi de nouveau. Cela n'aurait pas plu à Molly Weasley : elle avait passé tellement de temps à tout nettoyer avec Harry, Ron et Hermione.

Tonks et Harry s'assirent dans le vieux canapé : un nuage de poussière s'éleva et elle éternua.

- Bon anniversaire Harry ! S'exclama-t-elle soudain. Je préférais attendre que nous soyons en sécurité !

Elle farfouilla dans ses poches et en sortit un paquet de lettres.

-Je te l'ai dit : les hiboux sont surveillés ! Mais pas moi ! Quand tes amis ont su que je devais garder un oeil sur toi, ils m'ont confié ces lettres !

Harry eut un immense sourire et remercia Tonks.

- Ce n'est pas tout.

Elle fit apparaître plusieurs petits paquets.

- Voilà tes cadeaux !

- Merci ! Merci beaucoup.

Nymphodora se leva.

- Je vais te laisser lire tes lettres : je vais essayer de faire du thé ...

- Je peux te donner un coup de main ...

- Non ! Je sais que tu meurs d'envie d'avoir des nouvelles de tes amis ... Je pense ne pas faire trop de dégâts ... ajouta-t-elle en faisant la moue.

Elle lui fit signe de la main et descendit au sous-sol, là où se trouvait la cuisine.

Harry regarda les lettres. Il reconnut l'écriture de Ron, d'Hermione et celle d'Hagrid.

Il décacheta les enveloppes et se jeta sur les quelques mots tracés sur le parchemin. Toutes les missives avaient un point commun : elles étaient très courtes. On prenait des nouvelles d'Harry, on en donnait et c'était tout ...

Le sorcier soupira, il lui tardait de les retrouver ...

Il ouvrit ensuite les paquets : des chocolats et des gâteaux d'Hagrid. Encore des friandises de la part de Ron, ainsi qu'une boule étrange. Ron expliquait que cela faisait fureur en ce moment chez les jumeaux : rien de tel que cette boule pour remonter le moral. Harry se demandait bien comment. Il la secoua dans tous les sens. Rien ne se passa. Un peu dépité, il la jeta au sol. Aussitôt, elle se mit à bondir dans toute la pièce, en faisant des bruits étranges et en changeant régulièrement de couleur. Ces facéties arrachèrent un sourire à Harry.

Il sursauta soudain : en bas, un immense vacarme retentit : bruits métalliques tombant au sol, jurons de Tonks.

Il courut descendre voir ce qui se passait.

Il ne put s'empêcher de rire. La sorcière était mouillée des pieds à la tête. Elle tenait encore à la main le manche de la casserole ... le reste de l'ustensile gisait au sol ... Il y avait aussi des débris de tasses ... Voulant éviter la gerbe d'eau, Tonks avait malencontreusement renversé le plateau avec les tasses.

Elle avait un sourire gêné.

Harry sortit sa baguette et l'aida à tout nettoyer.

- Tu vois, j'aurais mieux fait de te donner un coup de main !

- C'est vrai.

Ils finirent de préparer le thé ensemble et remontèrent dans le salon. Ils le burent accompagné des gâteaux et des chocolats d'Hagrid. Tonks faillit se casser une dent en mordant dans un sablé du Gardien des Clés de Poudlard.

La fatigue gagnant, Harry alla rapidement se coucher. Emportant avec lui les lettres de ses amis, il retrouva la solitude de sa petite chambre.