Le vent soufflait fort sur la ville de Londres alors que le ciel se couvrait de plus en plus d'un épais manteau grisâtre, cachant ainsi les rayons bienfaiteurs du soleil. Sur les trottoirs les passants se pressaient de rentrer chez eux de peur de se prendre la tempête à venir alors que les plus hardis marchaient comme s'il s'était agi d'un jour comme les autres. Parmi ses derniers, Sherlock Holmes déambulait vêtu tel un SDF, tête basse sans pour autant perdre une miette de ce qui l'entourait. Cela faisait longtemps maintenant qu'il traquait en solo un être qui était potentiellement la seule piste pouvant le mener à James Moriarty, son Némésis tant redouté qui avait enlevé et presque fait brûler John un jour. Un léger frisson de colère lui parcouru l'échine. Son seul point faible, son seul ami. Non. Son meilleur ami.
Soudain, il le vit.
Ce rouge carmin ressortant tant au travers le gris terne de la ville.
Cette écharpe, seule source de couleur dans son attroupement de blanc immaculé qui le faisait ressembler à un ange. Sa démarche était assurée, sa posture fière comme un lion sans être prétentieux alors que ses cheveux châtains foncés étaient peignés avec soin. Ses yeux, même de loin, marquaient l'esprit de tout être vivant croisant ce regard d'un bleu électrisant et glacé comme si une mer de froid y était tapi malgré que le détective pouvait y voir une détermination qu'il n'avait vu qu'une fois dans sa vie. Le jour où John Watson lui avait sauvé la vie, façon de parler, en tirant dans l'épaule d'un chauffeur de taxi qui voulait lui faire prendre une pilule empoissonné pour un pari. La première enquête avec le docteur et aussi le moment où il avait su que Watson n'avait pas hésité un seul instant à tirer. Et maintenant, il voyait le même regard dans les yeux de glace de cet homme. Un être don la détermination et le courage n'avait d'égale que sa loyauté, mais cette dernière allait envers qui? Sherlock se le demandait, mais ses yeux acier ne pouvait se détacher de sa cible.
Lui.
Le seul et l'unique à détenir la clé pour retrouver James et l'arrêter.
Le propre frère de ce criminel consultant.
Hunter Moriarty.
Pressant le pas, Sherlock arriva bientôt à la hauteur de cet être et le simple fait d'être à porter de main de sa cible le fit frissonner d'excitation. Où était-ce autre chose? De froid? Peut-être. Sherlock avait bien l'impression que la température venait de baisser d'au moins vingt bons degrés! Lentement, il sentait la température de son corps diminuer comme si on le plongeait dans un bain glacé. Il sentait même l'eau entourer son corps et, durant un seul instant, il eut l'impression de manquer d'air, mais la sensation disparut aussi rapidement qu'elle était venue.
« Il fait froid pour la saison, n'est-il pas? » demanda une voix chaude et clairvoyante qui fit redresser la tête à Sherlock Holmes. « Une journée parfaite pour la traque, n'est-ce pas monsieur Holmes? Cependant, laissez-moi vous dire que vous manquez de subtilité dans votre comportement. Vous êtes tellement presser de me mettre la main dessus que vous en oubliez la discrétion » dit-il doucement, un sourire qui se voulait fraternel sur les lèvres, mais qui figea Sherlock Holmes jusqu'au plus fort de son âme.
Comment est-ce possible? Comment a-t-il deviné la supercherie aussi rapidement?
« Vous me rappelez mon frère monsieur Holmes. Allez venez, il fera bien mieux dans l'autobus » ajouta l'homme, invitant le déguisé à le suivre d'un simplement mouvement de tête et il monta dans un autobus que Sherlock n'avait ni vu ni entendu arriver.
Après qu'Hunter Moriarty ait payé pour eux deux, ils s'installèrent au font du véhicule qui était pratiquement vide. Ils restèrent ainsi, côte à côte sans dire un mot durant un long moment et plus le temps passait et plus Sherlock sentait son âme se glacer comme si un événement catastrophique allait bientôt se produire. Le détective consultant n'osait, pour une fois, dire un seul mot comme s'il savait qu'un seul mot de travers lui vaudrait une balle dans la tête. Hors, son homologue n'avait pas d'arme, il en était sûr.
« Cela me surprend venant de vous monsieur Sherlock, ne pas dire un mot… » entama l'homme au costar blanc, chassant de son épaule droite une poussière invisible qui semblait l'amuser, mais se sourire fit encore plus hésiter Sherlock. Quelque chose clochait.
« Simple impression »
« Développez mon cher! »
« D'abord cet autobus n'a pas bouger d'un seul millimètre, mais les gens qui se trouvait à l'intérieur ont disparus les uns après les autres jusqu'au chauffeur alors soit vous aviez prévu tout ceci, soit je suis en plein rêve »
« Et si s'était les deux monsieur Holmes? » questionna Hunter, encrant son regard de glacier dans celui acier d'Holmes qui ne put réprimer un nouveau frisson.
« Les deux? »
« Nous n'avons plus grand temps. Je croyais en avoir plus pourtant… » marmonna l'homme, qui ne pouvait être plus âgé que son frère que de deux ans, tout en regardant sa montre. « Écoutez-moi attentivement Sherlock Holmes. James n'est pas quelqu'un de mauvais. Je sais que vous n'avez pas une bonne vision de mon petit frère, mais cette fois ce qui vous attend est trop gros pour vous. Je vous aiderai à retrouver Jim, mais vous aurez besoin de son aide d'ici très peu. Alors écoutez ce que je vais dire monsieur Holmes. Le cygne ne chante qu'une fois lorsque l'aube de sa vie s'achève, son chant s'élève au-delà de la rivière et des morts pour prévenir ces prédécesseurs qu'il vient les rejoindre. Au 81e vous trouverez toutes vos réponses Monsieur Holmes. Oh! Et avant que j'oublie, suivez les serpents… » termina Hunter Moriarty avant d'offrir un ultime sourire à Sherlock Holmes suivit d'un clin.
Une sensation de peur et de froid emplit alors le cœur de Sherlock lorsque l'homme disparut sans aucune raison, comme ça. Les lumières de l'autobus commencèrent à s'intensifier jusqu'à devenir aveuglantes et submerger le détective qui hurla avant d'ouvrir de nouveau les yeux. Un bip effréné et strident se faisait entendre à sa gauche, semblant provenir d'un moniteur cardiaque, mais Holmes sentait son cœur battre dans sa poitrine comme s'il allait en sortir. Ses yeux parcoururent la salle dans laquelle il était. Petite, un seul lit avec une grande fenêtre donnant sur un petit parc où se promenait des malades. Il était dans un hôpital et sa chambre empestait la propreté. La porte s'ouvrit et John Watson entra, suivit de deux médecins.
« Sherlock! Dieu merci tu t'es réveillé! » soupira le docteur en s'effondra sur le fauteuil qui se trouvait à côté du lit. « Tu nous as fait une telle peur! »
« John? Que s'est-il passé au juste? » demanda Sherlock, laissant les médecins l'examiner, complètement dérouter par la situation.
« Tu ne te souviens pas?! Nous étions en train de revenir du marché en parlant de James Moriarty quand tu t'es écroulé au sol en convulsant! Tu étais dans le coma Sherlock… » soupira John dont l'inquiétude transpirait par chacune des pores de corps
« Dans le coma? Combien de temps? »
« Une semaine, jour pour jour, heure pour heure, minute pour minute… » répondit le docteur en regardant sa montre. « Incroyable! C'est du jamais vu… »
« John, je crois que j'ai parlé avec un mort… » coupa Sherlock Holmes qui se laissa retomber sur son oreiller livide, venant de voir dans le journal qui se trouvait sur la table de chevet une chronique nécrologique portant sur les dix ans de « disparitions violente d'un homme bon et généreux » qui n'était nul autre qu'Hunter Moriarty retrouvé assassiné dix ans plutôt dans un autobus, une balle de fusil de chasse en plein cœur.
