C'est la première fois que je tiens un journal. C'est plutôt rassurant de se dire que pour une fois, je vais pouvoir raconter ma vie et exprimer mes points de vue sans que personne de me dise de me taire, et avec la sensation d'être écouté. Jusque là, ce n'est jamais arrivé avec une personne réelle, alors un amas de feuilles de papier, c'est déjà pas si mal…
Je me présente, je m'appelle Aphrodite. Tellement simple à porter, comme nom, surtout quand on est un garçon. C'est à se demander ce à quoi mes parents ont pensé quand ils m'ont donné un nom. À tous les coups, ils m'ont pris pour une fille. Comme la majorité des personne qui m'aperçoivent, d'ailleurs… Mais bon, je ne pourrais jamais leur demander, puisque je ne les ai jamais connu, et que je ne les rencontrerais sans doute jamais. Pas au point où j'en suis en tout cas.
Et si seulement il n'y avait que ça…Je m'appelle Aphrodite et mes cheveux sont… turquoises ! Je ne pensais pas que l'on pouvait venir au monde avec une telle coloration capillaire, mais visiblement la génétique, c'est décidément compliqué. Surtout si en plus on rajoute mes lèvres roses et mes yeux de biche. Ça aussi, c'est très facile à porter…Surtout quand on vit au quotidien dans un orphelinat où, c'est bien connu, tout le monde est si compréhensif, si mature… Dans celui où j'ai atterris, on te juge uniquement à ton nom et à ton physique, ce qui bien sûr, conduit à se retrouver affublé de tous les surnoms possibles et imaginables. J'ai eu droit au désormais célèbre « Affreux-dite », ce délicat surnom qui me colle à la peau depuis mon enfance. On comprend mieux pourquoi je n'ai jamais pris la peine d'écrire un journal avant d'être subitement arraché à ma Suède natale. Si c'est pour écrire « aujourd'hui on m'a traité de travesti » tout les jours et sur chaque page, ce n'est pas la peine. Et dernière chose, je suis natif du signe des Poissons (10 mars pour les curieux).Selon les classements, il s'agit du pire signe qui soit. Ah vraiment… Niveau physique, j'aurais tout gagné. Personnellement, je ne me considère pas comme particulièrement repoussant. Au contraire, je me trouve très beau. Mais quand on vit en communauté, on s'en fiche pas mal, de ton avis. Et j'en viens encore à me demander pourquoi les autres garçons me fixent d'un air étonné quand j'adresse la parole à une fille. Fichus clichés…
Bon, à ce rythme là, autant en dire encore plus sur moi. Premièrement, j'adore dessiner. Je suis un peu artiste, et honnêtement, plutôt doué. Deuxièmement, j'ai développé une espèce d'obsession pour les roses, et je ne sais pas vraiment pourquoi. J'aime ces fleurs, c'est tout. Et ça ne m'aide pas vraiment en matière de réputation.Bref, ma vie se résume à insultes quotidiennes et isolement constant. Je n'arrive pas à m'intégrer,et je m'en mords encore les doigts. Pourtant, je ne suis pas particulièrement timide. Je suis plutôt…comment on dit déjà… Introverti, c'est ça. Et ça ne va pas s'arranger.
Car ma vie est sur le point de changer. Et de manière radicale en plus. C'est ce qu'a dit Aiolos. Aiolos, c'est le type qui est venu m'enlever très délicatement à mon pays natal pour me traîner jusqu'en Grèce, dans un endroit qu'il appelle le « Sanctuaire ».Il disait que je suis un enfant très spécial, que j'était promis à un grand avenir, et se faisait appeler le « Cavalier »… euh non, « Chevalier d'Or du Sagittaire ». Et après, on dit que c'est moi qui suis égocentrique ! Sauf erreur de ma part, ce n'est pas moi qui me pavane devant les autres en me qualifiant de chevalier doré ou je ne sais quoi. Aiolos dit que ça viendra un jour. On verra.
Cela ne fait que deux jours que je suis au Sanctuaire, et je ne sais pas si c'est pire que si j'étais resté à l'orphelinat. Enfin si. C'est pire. À commencer par mes nouveaux camarades. Je me souvient de ma première rencontre avec eux comme si c'était hier (en fait, c'était avant hier mais bon…). Ils me mettent franchement mal à l'aise, et non, je ne dis pas ça parce qu'il viennent des quatre coins du monde (zut à la fin !). Ils me traitent de la même manière que mes camarades précédents. En gros, rien n'a changé. Mis à part le fait que je suis sois disant « spécial ».On ne me l'a jamais faite celle-là. Je vous présenterais bien mes nouveaux compagnons d'infortune, mais là je suis exténué. Je vais plutôt évacuer ma frustration en allant dessiner. Depuis mon arrivée ici, j'ai comme une soudaine envie de me mettre à la caricature.
