Un matin de septembre, quelque part en Irlande, là où la terre d'émeraude offre aux yeux des humains émerveillés mille splendeurs lumineuses. Un matin où la rencontre du ciel à la terre se fait au-delà d'un lac antique : le lac Erne au comté de Fermanagh.

D'ici, au-delà de la brume épaisse annonçant l'arrivée de l'automne, se dessine la silhouette fluette d'un homme que la guerre a fatigué, avachi, rendu âcre et peu disposé à la présence d'étrangers.

Harry Potter…un visage et un nom que l'on ne présente plus dans le monde sorcier. Il est celui qui a défié Voldemort, survécu à ses attaques et mit fin à son règne funeste, il reste au-delà de ça un homme en quête de repères qu'il n'a semble-t-il jamais eu.

Personne ne fut étonné de le voir disparaître le lendemain matin de cette soirée qui allait restée gravé dans les mémoires de chacun. Personne n'avait cherché à le rattraper, ni même à lui demander où il allait et s'il comptait revenir. Ca non… tout le monde lui était reconnaissant… mais tout le monde voulait oublier ce passage de l'histoire du peuple sorcier.

Harry Potter n'était plus que l'ombre de lui-même, cherchant à trouver au fond de son âme une raison de vivre… de rester vivant. Lui qui avait eu en tête ce devoir ancré sur son front depuis l'âge de un an, se trouvait bien démuni… bien fade pour un homme qui voyait sa tête sur tous les quotidiens du moment. La solitude lui pesait, la solitude lui plaisait.

Déambulant dans les hautes herbes fantomatiques, il remerciait Merlin d'avoir pu laisser sur cette terre un lieu aussi pur et démuni de la malveillance de l'homme. Il n'y avait que là qu'il se sentait serein. Un autre monde qui s'offrait à lui… qui offrait à son âme la possibilité d'être en paix. Au moins pour un moment.

Il s'arrêta sur la berge de ce lac immense qui par quelques côtés lui laissait à ce souvenir de Poudlard : premier chez soi. Désormais adulte et ayant obtenu ses aspics, il se trouvait comme ces SDF que l'oncle Vernon chassait à coup de seaux d'eau et de jets de pierres. Il n'avait d'autre chez lui que celui que son esprit lui laissé entrevoir : une péninsule presque féerique par sa futilité. Pourtant… pourtant la guerre finie, quelque chose de fou et indistinct le laisser à rêver que cela pouvait être possible. Oui, il aurait un chez lui, un endroit où héberger sa famille…

Les yeux posés sur l'horizon que la brume diminuait amplement, il jetait des cailloux dans l'eau assombrie par la présence d'algues magiques que nul moldu n'était apte à voir. Il y avait tant de choses mystiques ici, tant de légendes fascinantes qui donnaient à cette terre irlandaise une attirance toute aussi mystérieuse aux yeux de Harry. Que s'était-il passé ici pour que ces fabulations soient devenues aux oreilles des moldus des dires qui ne pouvaient être démentis ?

L'esprit emporté par les tourments que causaient ses cailloux en frappant l'eau, le jeune homme n'entendit pas les pas s'approcher dangereusement et venir s'arrêter près de lui, attendant un geste qui ne vînt pas. Harry suffoqua en laissant l'air franchir la barrière de sa gorge sèche et ne put qu'entendre la voix roque de cette homme venu de nulle part :

- L'oubli est une utopie qui ne prend pas en traître. Faut-il pouvoir en imaginer les conséquences…

Le survivant leva ses yeux brisés par le froid vers la silhouette haute qui le toisait d'un œil trouble. Des cheveux blancs qui lui faisait penser à Dumbledore et des yeux d'un gris plus profond encore que la brume de ce matin là. Il se leva, fit quelques pas de côté et se retourna finalement en serrant ses poings.

- Vous oubliez qu'il est bien utile parfois d'oublier !

- Pourquoi ? Rien ne vaut la peine de se perdre. Pas même les pires erreurs.

Harry songea un instant à répliquer mais il se sentit pris en traître, il n'était pas doué pour l'occlumancie, il le savait mais l'aura que dégageait cet homme le poussait à croire qu'il n'avait pas lu dans son esprit.

- Trop d'erreurs mènent à plus de fautes…

- Alors il suffit de ne pas les faire.

- C'est bien facile à dire ! Quand on vous demande de faire une chose dont vous ne savez rien ! Quand vous avez cette voix qui vous hurle sans cesse des « mais si », et quand finalement le résultat en est trop de corps sans vie allongés à vos pieds. On ne peut jamais être certain de ses choix.

- Réellement ?

Harry fixa un instant le vieil homme apparemment sénile et jeta avec force une nouvelle pierre dans le lac. Par Merlin, lui qui s'était laissé surprendre… lui qui s'était juré de ne plus dévoiler le moindre trait de sa vie.

Il fixa une nouvelle fois les crachins portés par la secousse du violent contact et attrapa sa baguette en les voyant se faire plus forts que prévus. La tenant fermement, il s'éloigna sans pouvoir détacher son regard de cette eau qui commençait à prendre une teinte verdâtre. La curiosité le menait à mal et bientôt, il se surprit à baisser sa garde, regardant le spectacle avec les yeux d'un enfant.

- Choisissez votre vie jeune homme… vivez là de mille et une façons. Mais au bout du compte, vous réaliserez que tout le bonheur du monde ne tient que dans une seule et même chose : l'apaisement de l'âme. Toute vie a son lot de malheur et d'erreur, au cas contraire, le monde s'appellerait paradis. A vous de trouver l'équilibre, vous seul aurez le choix final… celui de votre destin…

Harry voulu se retourner, faire comprendre à cet homme que les contes de fées ne l'intéressaient plus mais l'eau se fit plus agitée et voyant une forme arrondie se dessiner dans l'eau plus claire que jamais, il en oublia son amertume. Hélas pourrais-je dire ? Une pierre d'un vert intense s'avança avec force vers son corps immobile et vînt se fondre dans son regard.

Plus d'une vie s'offraient à lui.