Note de l'auteur : Cette histoire a germé dans ma tête après l'épisode 9 de la saison 3 "marionette". C'est donc des SPOILERS si vous n'avez pas vu la saison 3. L'histoire ne suit pas le cours actuel de la série et notamment des deux derniers épisodes déjà diffusés au Etats-Unis. On peut donc considérer qu'elle est une sorte de UA dans lequel Olivia peine à pardonner à Peter et l'évite au maximum et où celui-ci rumine sa culpabilité en laissant déborder son côté cynique.
WARNINGS : SPOILERS saisons 3, OOC car dévie du canon, histoire de type "angst", attendez-vous donc à ce que ce ne soit pas tout rose et dernière chose, je suis lente à mettre à jour étant donné le peu de temps que ma vie professionnelle et personnelle me laisse pour écrire. Si toutefois cette histoire vous plait, faites-le moi savoir afin que je sache si ça vaut la peine que je continue à la partager. Merci.
Il devait être presque minuit, quand elle entra dans l'immeuble de son appartement. Elle fouilla dans sa poche de manteau pour en sortir son trousseau de clés. Il lui fallut quelques secondes pour trouver parmi la douzaine de clés présentes, celle qui correspondait à la serrure de la porte de son nouvel appartement. Elle l'introduisit dans la fente et déverrouilla la porte. Elle entra, alluma la lumière et referma derrière elle. Puis, elle se retourna vers l'intérieur et jeta un regard circulaire à la pièce, soupirant avec lassitude. Cela faisait maintenant quatre semaines qu'elle vivait là, et elle se sentait toujours aussi étrangère à ce lieu qu'au premier jour. Elle ôta son manteau qu'elle posa avec ses clés, son badge et son arme de service sur une pile de cartons près de l'entrée, faisant office de vide-poche et porte-manteau à la fois. D'ailleurs les cartons étaient les principaux objets qui meublaient les pièces, hormis le lit et le canapé neufs qu'elle avait faits livrer dès son emménagement. Elle ne montrait aucune précipitation à défaire ses cartons. Elle ne ressentait aucun manque et depuis qu'elle était là, elle n'avait pas eu le besoin de déballer des cartons supplémentaires pour mettre la main sur un quelconque accessoire indispensable. Aussi en arrivait-elle à la conclusion que ce qui restait empaqueté ne lui était pas utile au quotidien.
Elle alla à la cuisine en se faisant la réflexion, sans grande conviction cependant, qu'il fallait qu'elle demande à Rachel de venir décorer et aménager son appartement durant les prochaines vacances scolaires d'Ella. Elle n'avait ni le temps ni l'envie de le faire elle-même et Rachel adorait ça. Et puis, ça lui permettrait de passer un peu de temps avec sa nièce.
Rachel et Ella.
Sa seule consolation depuis qu'elle était revenue était le fait qu'elles soient restées à Chicago tout le temps où son double avait pris sa place. Au moins, elle n'avait pas laissé son empreinte sur elles et elle chérissait ce seul lien qu'elle n'avait pas souillé. La pensée lui arracha une moue amère et l'envie d'un verre se fit trop présente pour qu'elle l'ignore. Elle en saisit un dans le placard au-dessus de l'évier et y versa une rasade du liquide ambré de la bouteille abandonnée sur le comptoir la veille. Elle but une gorgée et ferma les yeux, appréciant avec un peu trop de plaisir la sensation de brûlure le long de son œsophage et de son estomac à jeun depuis des heures. Elle se sous-alimentait, elle le savait. Et l'idéal aurait été qu'elle mange à la place de boire. Mais son frigo était vide et il était trop tard pour se faire livrer.
Elle rouvrit les yeux et les posa sur la bouteille presque vide posée sur le plan de travail. Elle fronça inconsciemment les sourcils quand elle réalisa avec quelle rapidité, elle l'avait délestée de son contenu au cours de cette simple semaine. Pour la première fois, elle considéra la possibilité de faire des excès de boisson. Ce verre était peut-être le premier de la journée, mais il était devenu, avec ceux qui suivaient inexorablement, un rituel quotidien qu'elle ne manquait jamais, depuis qu'elle avait fait part à Peter de ce qu'elle pensait et ressentait. Et instinctivement pour se donner bonne conscience, elle avait toujours justifié sa prise d'alcool par le stress des derniers évènements et des affaires en cours, confortée par le fait que son double n'en supportait pas le goût, prenant ainsi un infime plaisir à se différencier de celle qui a su duper ses proches. Mais ce soir, toutes les bonnes raisons qu'elle se trouvait lui semblaient bien dérisoires. Elle ne sentait pas mieux après qu'avant. Jamais. L'alcool n'était qu'un maigre réconfort éphémère. Et ce soir, pour une raison qu'elle ignorait, elle le trouvait pathétique.
D'un geste rageur, elle vida le contenu de son verre dans l'évier. La bouteille suivit le même chemin. Puis, elle se retourna et pressa les paumes de ses mains sur son visage. La brûlure de l'alcool dans sa gorge fut remplacée par celle de la montée de larmes dans ses yeux. Mais elle serra les dents et fit se replier les traîtresses, signes de faiblesse.
Elle avait cru qu'en déménageant, en remplaçant sa garde-robe donnée à des œuvres de charité par une nouvelle, en rachetant du mobilier, elle allait prendre un nouveau départ. Elle avait pensé qu'elle pourrait plus facilement passer à autre chose si elle repartait de zéro. Elle se trompait. La douleur était toujours là et le rythme endiablé des affaires qui s'enchainaient n'était qu'un écran de fumée qui se dispersait, dès qu'un moment de calme lui laissait l'esprit libre pour penser au gouffre qu'était devenue sa vie. Et ce soir, l'évidence lui sautait cruellement aux yeux. Plus rien ne serait comme avant.
Avant. Le mot revenait souvent ces derniers temps. C'était devenu le mot passe-partout quand elle réalisait toutes les petites différences avec la période où tout allait bien, à peine un an plus tôt. Avant, quand elle ignorait que Peter n'appartenait pas à ce monde et qu'il l'ignorait aussi. Avant d'aller braver un monde inconnu –rien que ça– pour le supplier de rentrer avec elle. Avant sa période de captivité, passée à moitié enfermée et testée comme un animal et à moitié dans la peau de son double après un lavage de cerveau dans les règles. Avant de revenir après bien des sacrifices et de découvrir ce qui s'était joué en son absence. Avant de ressentir la présence de Peter à ses côtés comme un malaise au lieu d'un soutien inconditionnel. Avant de perdre la saveur de tout ce qui constituait sa vie un an plus tôt. Avant.
Elle n'eut pas le temps de se morfondre longtemps. Son téléphone la sortit de son état de trouble et comme à son habitude, elle recouvra son self-control quand elle répondit à l'appel de Broyles.
- Dunham, dit-elle.
- Dunham, je sais qu'il est tard mais…
Elle se retint de justesse de dire qu'elle ne dormait pas. Pas la peine de donner de nouvelles excuses à Broyles qu'elle sentait déjà réticent à l'envoyer en mission.
- …je voulais être sûr que vous serez présente à la présentation des nouvelles consignes de sécurité du FBI demain.
Elle grimaça, mais fut soulagée qu'il ne voie pas son expression. La présentation annuelle ! Elle avait reçu la convocation un mois plus tôt, ainsi que les diverses relances qui l'enjoignaient à confirmer sa présence. Elle avait laissé cette histoire de côté, se disant qu'elle allait trouver une excuse –comme les années précédentes– pour se désister. De toute façon, elle jugeait ce genre de réunion complètement inutile et une perte de temps. D'autant plus qu'elle était suivie d'une courte formation –à laquelle elle ne pouvait pas échapper, car elle faisait partie des critères d'aptitude pour exercer au FBI– où on leur rabachait les consignes à longueur de journée au cours des exercices obligatoires. La présentation n'était qu'une formalité futile à son goût.
Et puis l'enjeu était différent cette fois, puisque Peter était au tableau. Bien que n'étant que consultant, la présentation était pour lui l'un des critères, car il ne suivait pas la formation annexe, obligatoire aux agents. Ce qui laissait raisonnablement penser qu'il y serait. Et ce n'était qu'une raison supplémentaire de ne pas y mettre les pieds.
Ces derniers mois, elle avait soigneusement évité de croiser Peter plus que nécessaire, préférant faire cavalier seule dans les enquêtes tandis qu'il restait assister Walter. Elle avait même –et elle n'en était pas très fière– insisté auprès de Broyles, pour emmener plus souvent Astrid dans ses interrogatoires sous prétexte de lui permettre d'acquérir de l'expérience sur le terrain. Broyles n'avait pas commenté et avait simplement donné son consentement. Mais elle savait qu'il n'était pas dupe. La brunette avait pris la nouvelle avec surprise et Olivia ne savait dire si cette « opportunité » lui faisait plaisir ou non. Quant à Peter et même si elle n'avait pas pu tester les eaux, elle se doutait bien qu'il avait compris son manège.
Elle avait considérablement réduit leurs rapports, préférant se rendre aux locaux du FBI plutôt qu'au labo pour travailler sur les dossiers et ne communiquant que par téléphone interposé, poussant même le vice à ne l'appeler que si Astrid n'était pas disponible. Et elle ne se présentait au labo que si Walter ou Astrid estimaient utile qu'elle voie leurs trouvailles de ses propres yeux. Elle n'y restait jamais plus que nécessaire et se contentait de rapports strictement professionnels.
Peter, quant à lui –et ce n'était qu'une supposition faute de détails– acceptait la situation sans broncher, même s'il n'hésitait pas à la contacter pour l'informer des avancées de leurs découvertes. Quand elle était là, il ne s'imposait ni ne cherchait jamais à la retenir, respectant docilement les distances qu'elle avait placées entre eux. Elle n'était pas assez naïve pour croire que cette situation durerait toujours, mais elle reconnaissait qu'elle cédait à la facilité en faisant l'autruche sur la possibilité d'une amélioration de leurs rapports. Elle était consciente qu'elle ne pourrait pas éternellement l'éviter, mais malgré les trois mois passés dans ces conditions, elle ne se sentait toujours pas prête à reprendre le style de vie qu'elle connaissait un an plus tôt. Elle avait cru que le temps lui permettrait de faire passer la pilule plus facilement, mais s'il était vrai qu'il avait atténué la douleur, la déception et le sentiment d'injustice, il ne les avait pas faits disparaître, loin de là.
Pourtant, elle ne s'était jamais sentie aussi seule et isolée que maintenant, loin de ceux qui avaient constitué son équipe et en quelque sorte sa famille. Alors qu'elle avait toujours fait cavalier seule dans sa carrière et par extension dans sa vie personnelle, elle se rendait compte qu'elle ressentait un manque de cet environnement qui avait été le sien et qu'elle avait retrouvé dégradé à son retour. Ce « chez soi » qu'elle avait désespérément tenté de regagner durant le temps qu'elle avait passé de l'autre côté, à lutter pour une cause qui n'était pas la sienne, avant de devoir lutter pour sa propre vie, n'avait plus la saveur de ses souvenirs. Son retour, qui aurait dû être un moment de joie, n'était qu'une épreuve et une désillusion de plus. Et alors qu'à une époque, elle aurait été ravie d'agir en solo, aujourd'hui, la privation de son travail d'équipe se faisait cruellement sentir. A croire que ses envies et sa vie étaient en perpétuel décalage.
- Dunham ? dit soudain la voix de Broyles.
Le ton concerné de son supérieur la sortit de sa rêverie.
- Pardon, je…, commença-t-elle.
Mais elle se trouva incapable de trouver une explication convaincante à son soudain mutisme.
- Dunham, est-ce que ça va ?
Elle retint un rire amer de justesse. Elle pouvait imaginer le regard perçant et le froncement de sourcils inquiet qui faisait se rider son front tandis qu'il posait cette question qu'elle avait entendue maintes fois durant les derniers mois. Elle donnait inlassablement la même réponse. Oui, elle allait parfaitement bien. Merci. Et pourtant, ses interlocuteurs ne semblaient pas la croire puisqu'ils continuaient à demander encore et encore. Elle avait cru qu'ils finiraient par se lasser à force et qu'ils n'auraient plus à faire semblant de la croire tandis qu'elle n'aurait plus à faire semblant d'y croire elle-même en le disant. Et quand ils ne disaient rien, elle sentait leurs regards chargés d'inquiétude sur elle comme un étau qui l'étouffait. C'était une autre raison qui la tenait éloignée de leur sollicitude excessive. Walter, Astrid, Rachel, Nina. Et Peter. Et maintenant même Broyles ajoutait son grain de sel. Ca ne s'arrêtait donc jamais.
- Je vais bien, Monsieur, dit-elle d'un ton las qu'elle ne parvint pas à maîtriser.
Même elle, pouvait entendre comme son mensonge sonnait faux. Et elle n'eut pas à attendre longtemps avant de comprendre la réaction de son supérieur dans sa seule façon de soupirer bruyamment à l'autre bout du fil. Un soupir broylesien typique. Mauvais signe, pensa-t-elle aussitôt, dépitée.
- Dunham, vous vous impliquez trop dans votre travail. Vous êtes épuisée et à bout de nerfs. Puisque vous ne prenez pas l'initiative de votre propre chef, je vais le faire pour vous. Prenez quelques jours de repos. C'est un ordre.
Bingo ! pensa-t-elle, amèrement.
- Monsieur, je…
- Cependant, l'interrompit-il avant qu'elle ne puisse plaider sa cause, j'insiste sur le fait que je tiens à ce que vous participiez à la présentation sur les nouvelles consignes de sécurité.
La perspective d'être suspendue –certes ce n'était pas les termes exacts de Broyles, mais à ses yeux, cela revenait au même– et d'être confrontée à Peter durant toute une journée suffit à lui redonner toute sa ténacité.
- Sauf votre respect, Monsieur, ce n'est pas nécessaire. Je suis capable de continuer à travailler, dit-elle avec conviction.
- Et selon quels critères vous jugez-vous apte à continuer ? Sur le fait que vous tenez encore sur vos jambes et que vous savez tenir une arme ? répondit Broyles sur un ton mordant qu'elle ne lui avait connu qu'à leurs débuts avant qu'il ne l'engage à la division Fringe.
Elle fronça les sourcils, surprise de la rare et soudaine animosité de la voix de son supérieur.
- Monsieur ? dit-elle, surprise. Y a-t-il quoi que ce soit dans mon attitude des derniers mois qui soit susceptible de m'être reproché ?
Elle l'entendit à nouveau soupirer. Il dut réaliser qu'il s'était laissé emporter car sa voix se fit plus maîtrisée quand il reprit la parole.
- Bien sûr que non. Votre attitude est comme toujours au-delà de toute attente. Du moins, de ce qui remonte jusqu'à moi, sous-entendit-il.
- Je vous envoie mes rapports en temps et en heure, dit-elle en bonne élève.
- Les vôtres, oui. Mais je n'ai pas ceux du Docteur Rose. Elle m'a appelée aujourd'hui. Vous ne vous êtes pas présentée aux séances du mois dernier, annonça-t-il.
Elle entrouvrit la bouche, surprise et à court de mots. La voix de Broyles ne sonnait pas comme une accusation. Ça ressemblait plutôt à une constatation résignée. Mais elle n'en aurait pas mis sa main à couper.
- Je pourrais vous suspendre, rien que sur ce motif, dit-il sans animosité.
Elle referma la bouche et déglutit avec difficulté, se demandant avec anxiété ce qui allait suivre.
- Mais je ne le ferai pas, annonça-t-il enfin. (Elle ferma les yeux, soulagée). Dunham, vous êtes un excellent agent, poursuivit-il. Peut-être le meilleur que j'ai connu tout au long de ma carrière au FBI et je tiens à ce que ça le reste. La division Fringe a besoin de vous et qui plus est étant donné vos aptitudes qui vous rendent incontestablement unique pour ce poste, mais je m'inquiète pour vous. Vous avez enduré plus d'épreuves qu'il est humainement possible d'en endurer. Et même si vous êtes forte, vous avez vos limites. Je voudrais éviter de vous voir les franchir.
Elle rouvrit les yeux, avec toute la détermination possible.
- Monsieur, je suis touchée de votre sollicitude, mais je connais mes limites et avec tout le respect que je vous dois, je n'ai nullement besoin du tampon d'une bureaucrate sédentaire qui se dit capable de comprendre ce par quoi je suis passée quand sa seule prise de risque a été de griller un jour un feu rouge, pour décider si je suis apte ou non au service.
Elle y allait franchement au culot et c'était risqué, elle le savait. Mais elle refusait de laisser quiconque lui dicter sa conduite et décider de son mode de vie à sa place. Et puis, elle n'avait jamais mâché ses mots face à Broyles. L'autorité ne l'intimidait pas. C'était quitte ou double. Soit Broyles décidait que son franc-parler était la goutte d'eau, soit il se laissait amadouer par ses arguments. Elle savait qu'il n'était pas non plus un grand fan des psy en général. Il soupira de plus belle et elle sut qu'elle avait gagné.
- Très bien Dunham. Pas d'arrêt et je vous dispense de vos prochaines séances avec le Docteur Rose. Je lui ferai parvenir ma décision dès demain.
- Merci Monsieur, dit-elle en tentant de contenir sa voix pour ne pas trahir son sentiment de victoire.
- Mais la présentation tient toujours et à défaut de jours de repos, ce sera au moins une journée sans le stress des affaires en cours.
Elle perdit le petit sourire qu'elle n'était même pas consciente d'avoir affiché sur ses lèvres avant de répondre.
- Monsieur, j'avais d'autres plans pour demain et…
- Annulez-les, trancha-t-il. J'insiste.
- Et j'insiste à mon tour, dit-elle avec audace. Ce que j'avais prévu est plus important que cette présentation.
- Et qu'aviez-vous donc prévu ?
Elle fit la grimace, cherchant une justification suffisante.
- Je dois me rendre à Massive Dynamic pour y rencontrer Nina Sharp. Elle doit me présenter l'état d'avancement des recherches sur les plans de la machine et sur les pièces que nous avons trouvées. Et leurs scientifiques ont peut-être trouvé le moyen de réparer la fenêtre créée par Walter, afin de nous donner une vision sur l'autre côté et nous permettre de les observer, dit-elle.
- Je comprends l'importance de ces révélations et je ne les sous-estime pas, mais en quoi cela ne peut-il pas attendre une journée ?
- Chaque jour compte, Monsieur. L'autre côté est en guerre contre nous, comme vous le savez. Et je doute que la présentation de demain ne me serve à quoi que ce soit, si l'autre côté trouve le moyen de faire une percée dans notre monde. A moins que le sujet habituel n'ait été élargi à comment se défendre face à un shape-shifter ou comment refermer une brèche inter-dimensionnelle.
Après un moment de silence qui lui tordit l'estomac, il finit par reprendre la parole.
- Y a-t-il un rapport avec le fait que le jeune Bishop a également été convoqué à cette présentation ? demanda-t-il enfin.
Il était trop perspicace, pensa-t-elle. A moins qu'elle ne soit trop transparente ?
- Non, répondit-elle après un court silence.
Mais elle savait qu'elle s'était trahie. Elle pouvait l'entendre dans sa propre voix. Le même son faux que lorsqu'elle lui avait dit qu'elle allait bien. Et à en juger par le silence qui suivit, il n'était pas dupe. Elle ferma à nouveau les yeux, furieuse de se trahir de la sorte.
- Dunham… commença Broyles, avant de pousser un long soupir.
Elle craignit le pire, mais rien ne vint. Alors elle comprit. Elle comprit qu'il savait qu'elle évitait le labo, qu'elle n'avait que des contacts indirects avec son équipe au complet. Astrid devait certainement, sur ordre de sa part, lui remettre des rapports sur son attitude. Même sans le voir, elle le sentit hésiter, à la frontière du conseil amical et de la mise en garde professionnelle, tanguant entre adopter l'attitude d'un ami protecteur et celui de son supérieur hiérarchique. Mais le combat dut être rude car il abandonna l'idée de pencher d'un côté ou de l'autre.
- Je continue de penser que cette journée ne vous ferait pas de mal, dit-il.
Elle décida d'abattre sa dernière carte, honteuse d'en arriver là pour parvenir à ses fins.
- Et j'ai toujours cette promesse à un ami cher à tenir. J'aurais l'impression de la trahir et de trahir ce pour quoi il a donné sa vie si je ne faisais pas tout ce que je peux pour l'honorer.
Il soupira à nouveau de façon bruyante. C'était presque un coup bas, car elle jouait la carte des sentiments et des responsabilités. Elle savait cet argument quasi imparable étant donné la nature du lien de Broyles avec cette affaire. S'il refusait maintenant, c'était comme renier ce qu'il était, ce que son double était et ce pour quoi il s'était sacrifié.
- Je suppose que l'agent Farnsworth pourra vous remplacer, annonça-t-il, rendant les armes.
- Merci Monsieur, répondit-elle simplement sans une once de plaisir dans la voix, honteuse envers elle-même.
- Faites-moi parvenir les résultats de Massive Dynamic dès que possible.
- Bien sûr, Monsieur.
- Et Dunham…
- Monsieur ?
- Ne me faites pas regretter ma décision.
Le ton du supérieur était revenu.
- Bien sûr, Monsieur. Bonne nuit.
- Bonne nuit à vous, Dunham, dit-il avant de raccrocher.
Il avait insisté sur le « vous », comme s'il savait qu'elle souffrait d'insomnies récurrentes depuis son retour. Trop perspicace. Le sommeil aussi, elle avait cru que ça s'arrangerait dès qu'elle aurait déménagé de son ancien appartement. Mais ça n'avait rien changé. Ses nuits demeuraient peuplées de souvenirs virulents des moments d'angoisse de l'autre côté où elle avait cru que sa dernière heure était arrivée. Parfois agrémentés de ses souvenirs à elle ou de cauchemars torturés dépeignant une version alternative du séjour de son double sous son identité où au lieu de « se contenter » de prendre sa place, elle faisait du mal à ses proches. A Rachel et Ella. Et à Peter. Elle se réveillait généralement en sursaut et en sueur, haletant pour reprendre son souffle et le cœur battant la chamade à un rythme effréné. Et elle était incapable de se rendormir ensuite, mais mettait à profit les heures inutilisées à faire des longueurs dans la piscine mise à disposition aux locaux du FBI ou à se défouler sur les sacs de box ou tapis de course que la salle de sports offraient aux agents pour se maintenir en forme. Ce nouvel appartement avait au moins cet avantage : il était beaucoup plus près de son lieu de travail « officiel », mais plus éloigné du labo, lui donnant un autre prétexte de s'y rendre moins souvent et de préférer le téléphone pour communiquer.
Elle replia son mobile mais le garda en main, avant de se diriger vers sa chambre. Malgré son retard de sommeil, elle n'était pas fatiguée et elle appréhendait toujours le moment de se coucher. Mais puisqu'elle avait prétexté d'aller à New-York demain, mieux valait tenter de dormir un peu, car elle allait partir tôt. Soupirant, elle posa son téléphone sur sa table de chevet avant de se déshabiller et passa un pyjama quelconque et sans âme, regrettant avec toujours autant d'amertume le t-shirt de son université que dans un geste rageur, elle avait mis avec les autres vêtements dont le t-shirt du MIT de Peter dans les cartons destinés aux œuvres de charité. Elle se glissa sous les draps de son lit, éteignit la lumière et ferma les yeux, priant silencieusement de tomber dans un sommeil sans rêves.
Alors, je continue ?
