[1]
Zoro fronça les sourcils.
Il se trouvait sur un petit espace enherbé, au beau milieu de ce qui ressemblait à une jungle. Devant lui, un pont de singe en corde, tellement long qu'il n'en voyait pas le bout. Il surplombait une vallée en forme de crevasse, qui paraissait être très profonde. Le pont était constitué de deux grosses cordes, de la largeur d'un pied seulement, formant le tablier du pont. Deux autres cordes, moins épaisses, de chaque côté et à hauteur de main, créaient une main courante. Et enfin, de nombreuses cordes encore plus fines reliaient les deux parties pour former une barrière, une protection contre le vide juste en dessous.
Zoro ne savait pas où il était, mais étrangement cela ne l'inquiétait pas. Il regardait ce pont, le point où il disparaissait. Les deux pieds plantés dans le sol, comme paralysé.
xXx
[2]
Zoro se trouvait encore devant ce pont. Il n'en voyait toujours pas l'extrémité, et il ne pouvait toujours pas bouger.
xXx
[3]
Encore et toujours ce pont. Mais cette fois-ci, il laissa son regard balayer l'espace autour de lui. La jungle s'élevait tout autour de lui, ne laissant qu'une petite partie de quelques mètres carrés à l'entrée du pont où rien ne poussait à part de l'herbe. Les arbres et les plantes autour de lui semblaient le dominer, et former comme une voûte au-dessus de lui. L'endroit était sombre. Il n'aimait pas ça. Et puis ce calme était déconcertant. Pas le moindre souffle de vent ne faisait frémir les feuilles, pas le moindre bruit d'oiseaux ou d'animaux ne troublait le silence.
Il reporta son regard sur le pont. Il n'avait pas bougé. Il était toujours aussi long, aussi haut, et l'extrémité semblait inatteignable, dangereuse. Zoro n'avait aucune envie de le traverser.
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[4]
- Zoro ?
Zoro sursauta. Il reconnaissait cette voix. Il la reconnaîtrait entre des millions. Il se retourna, et découvrit comme il s'y attendit sa tête blonde préférée.
- Sanji ?
Il était un peu étonné. Que faisait-il là lui aussi ? Est-ce qu'il était venu le chercher ?
Mais au-delà de ces questions, qui finalement n'étaient pas si importantes, ce qu'il ressentit était une joie immense. Comme s'il ne l'avait pas vu depuis longtemps.
Sanji souriait à quelques pas de lui. Lui aussi semblait heureux. Un élan irrépressible le poussa vers lui, et ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre. La sensation était agréable. Ses bras serrés autour de sa taille, les siens autour de ses épaules, il avait l'impression de flotter. Il avait toujours ressenti ce genre de chose quand il était dans ses bras.
xXx
[5]
Sanji n'était plus dans ses bras, mais à quelques pas de lui. Il regardait le pont lui aussi, et Zoro réalisa qu'il était à nouveau comme cloué au sol, juste devant l'entrée du pont. Et puis il tourna la tête et découvrit que Sanji le regardait en souriant. Il lui sourit en retour et attrapa sa main tendue. Son regard plongea dans ses yeux bleus et le temps sembla s'arrêter. Plus rien n'avait d'importance.
xXx
[6]
- Tu comptes traverser ce pont un jour ?
Zoro tourna la tête et découvrit Sanji derrière lui. Quelque chose avait changé dans son apparence, mais il n'aurait su dire ce que c'était. Comme s'il avait changé de coupe de cheveux, ou de vêtements, sans qu'il ne le remarque.
- Tu peux parler, répondit-il enfin.
Aux dernières nouvelles, Sanji était de ce côté du pont lui aussi !
- Je peux traverser quand je veux, répliqua Sanji.
Et comme pour prouver son assertion, il s'avança vers le pont et posa un pied dessus.
Zoro tendit le bras, prêt à l'arrêter. Il n'aimait pas ça. Il ne devait pas le laisser monter sur ce pont.
- Pourquoi tu restes là ? demanda Sanji, en reposant son pied sur le sol.
- On est en sécurité ici.
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[7]
- Encore là ?
Zoro soupira. Il ne prit même pas la peine de tourner la tête. Il savait qui était là.
- Encore là, répondit-il.
- Qu'est-ce qui te retiens ?
- Je te l'ai déjà dit, on est en sécurité ici.
- Viens avec moi de l'autre côté.
Sous la surprise, Zoro tourna finalement la tête vers Sanji. Qu'est-ce qu'il racontait ? Aller de l'autre côté ?
- Hors de question.
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[8]
- Zoro…
La voix était douce et Zoro frissonna. Il sentit une main se poser sur son épaule. Son regard était toujours fixé sur ce pont.
- Tu es déjà allé de l'autre côté ? demanda-t-il finalement.
- Oui, répondit simplement Sanji.
Il y était allé, et il était revenu. C'est que ce n'était pas si dangereux, non ? Mais pourtant…
- Qu'est-ce qu'il y a de l'autre côté ?
- Rien.
- Alors pourquoi tu veux que je traverse ?
- Tu préfères rester ici ?
Zoro fronça les sourcils. Ce n'était pas vraiment désagréable ici. C'était familier, calme. Sûr.
- Tu as peur ?
- Pas du tout ! s'exclama Zoro, indigné.
- Alors viens avec moi.
Et il disparut.
xXx
[9]
- Sanji !
Il criait encore et encore son nom, du plus fort qu'il pouvait, espérant qu'il l'entendrait de l'autre côté. Pourquoi n'était-il pas revenu ? Où était-il ? Est-ce qu'il allait bien ?
Une angoisse incontrôlable l'avait envahi. Il voulait voir Sanji. Il voulait le serrer dans ses bras. Mais il n'était pas là. Il n'était plus là.
xXx
[10]
- Zoro ?
Il ne réagit pas sur le coup, comme s'il ne l'entendait pas. Il était tombé, genoux au sol, tête baissée comme si elle était trop lourde à porter. C'était dur de respirer, dur de se tenir droit, impossible de se mettre debout. Il était à nouveau seul et c'était insupportable.
- Zoro, relève-toi.
Une main se glissa sous son bras, le tirant vers le haut pour le relever. Sanji était parti.
- Zoro !
La pression disparut, mais une ombre descendit devant lui. Des doigts se posèrent sous son menton et lui relevèrent la tête. Son regard se posa sur deux yeux bleus, vibrants de colère et d'inquiétude.
- Sanji ?
- Oui, c'est moi. Maintenant relève-toi !
- C'est trop dur, répondit Zoro.
- N'importe quoi ! Tu vas te relever, et tout de suite !
L'urgence dans le ton de la voix de Sanji ne lui échappa pas. Avec effort, et avec son aide, il se redressa lentement, puis posa un pied à terre devant lui. Sanji le tenait fermement, et avec une grande force, il le remit debout. Encore une fois, il eut l'impression d'être cloué au sol, que ses pieds étaient si lourds qu'il ne pouvait pas les bouger. Mais ce n'était pas grave. Sanji était là. Sanji le serrait dans ses bras. Tout allait bien.
xXx
[11]
- Traverse avec moi.
- Tu as dit qu'il n'y avait rien de l'autre côté. Est-ce que c'est la mort ? Est-ce que je vais mourir si je traverse ?
- Ne raconte pas de bêtises. On n'est pas dans un film ou je ne sais quoi.
- J'ai un mauvais pressentiment.
- Fais-moi confiance. Viens.
Le regard fixé devant lui, il observait le pont, tentant de trouver le courage d'écouter Sanji. Mais il ne voyait pas de l'autre côté. Tout semblait sombre et dangereux.
- Je ne peux pas.
xXx
[12]
- Allez Zoro ! Cette fois-ci c'est la bonne !
Il sursauta légèrement à ce ton enjoué qui s'était élevé derrière lui. Mais il n'avait pas besoin de se retourner pour comprendre qu'il était faux. Il percevait encore de l'inquiétude, et toujours cette sensation d'urgence. Il sentait la détresse de Sanji, et il ne savait pas pourquoi elle était là.
Il sentit Sanji le contourner, et il se retrouva bientôt devant lui. Ses yeux étaient humides, pourtant il souriait.
- S'il te plaît, fais-le pour moi, supplia-t-il.
Zoro ne répondit pas. Il alterna son regard entre Sanji et le pont. Il devait le faire. Il pouvait le faire.
- Viens, murmura Sanji en prenant sa main dans la sienne.
Il avait dû voir la détermination dans son regard. Les larmes avaient quittées ses yeux. Il souriait plus largement.
Il se laissa entraîner. Sanji avançait à reculons, sans lâcher son regard du sien.
Ils arrivèrent à l'entrée du pont. Avec une certaine inquiétude, Zoro posa un premier pied dessus. Rien ne se produisit. Il en posa un deuxième, un troisième. Et le pas suivant fut toujours plus facile que le précédent. Ils comblèrent rapidement le premier tiers du pont. Ils avançaient toujours plus vers le creux. Les cordes se balançaient sous leurs mouvements. Tout était instable. Mais Sanji était là. Il respira un grand coup et continua d'avancer.
Sanji s'arrêta au milieu du pont.
- Tu vois, ce n'était pas si difficile, remarqua-t-il en souriant.
Zoro décela une pointe de fierté et de soulagement dans son expression. Il avait fait le bon choix. Il se risqua à regarder autour de lui. Devant lui, derrière Sanji, le pont remontait vers la bordure opposée, mais il ne la voyait toujours pas. Un brouillard la cachait à sa vue. Derrière lui, l'endroit d'où il venait. C'était sombre et il ne distinguait plus très bien l'espace où il s'était tenu si longtemps. Il regarda ensuite en bas. Il ne voyait pas le fond.
Soudain prit de vertige, il releva le regard, et découvrit que Sanji n'était plus là. Sa main était vide, tout comme l'espace devant lui. Il regarda l'autre moitié du pont, et vit que Sanji en était déjà au milieu. Ses cheveux blonds brillaient au soleil. Il lui tournait le dos et avançait rapidement. Zoro se retrouva à nouveau paralysé. Il ne pouvait plus avancer, ni reculer. Il ne pouvait que le regarder s'éloigner, s'engouffrer dans le brouillard, puis disparaître.
xXx
[13]
- Sanji ! appela-t-il d'une voix vacillante.
Il avait disparu depuis déjà quelques temps, et n'avait toujours pas réapparu. L'inquiétude le rongea. Il savait qu'il ne fallait pas traverser !
Il pouvait faire demi-tour, revenir sur son petit carré d'herbe et attendre que Sanji revienne. Ou il pouvait aller de l'avant et voir de lui-même où il était allé.
Il se décida pour la deuxième option.
Difficilement, il leva son pied droit et le reposa devant son pied gauche. Son regard fixé devant lui, il avança, doucement, mais sûrement. Plus qu'un tiers.
Il accéléra le pas et s'engouffra à son tour dans le brouillard. Il discernait à peine le pont de corde devant lui, mais il continua. Il y était presque.
Et puis tout à coup, son pied buta sur quelque chose. Il avait atteint l'autre côté. Le brouillard était toujours là. Tout était blanc. Il ne voyait rien. Il fit quelques pas, et puis il le vit.
Sanji se tenait là, devant lui, la fierté clairement visible sur son visage. Il souriait de toutes ses dents et Zoro ne put s'empêcher de lui sourire à son tour.
- Tu vois, ce n'était pas si difficile, répéta Sanji d'une voix douce.
Zoro acquiesça de la tête. Il regarda Sanji tendre sa main vers lui. Il combla les quelques pas lui permettant de l'atteindre, et l'attrapa dans la sienne. Dans un sourire, Sanji le tira brusquement à lui. Et c'est là qu'il la sentit. La douleur.
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[14]
Tout était devenu noir. Sanji n'était plus là. Pourtant, il sentait encore sa main dans la sienne. Et puis la lumière revint. Il respira un grand coup et ses poumons le brûlèrent. Tout son corps était lourd. Il ne pouvait pas bouger, se retrouvait à nouveau paralysé. Il serra la main de Sanji, peut-être un peu trop fort.
Quand il réalisa que ses yeux étaient grands ouverts et que la lumière l'aveuglait, il papillonna des paupières jusqu'à ce que cela devienne supportable.
- Zoro ? s'éleva une petite voix remplie de larmes.
C'était sa voix. Il était là.
Difficilement, il tourna la tête et le vit. Assis près de lui. Les larmes coulaient sur ses joues comme une cascade.
- Tu es revenu.
J'ai hâte et je suis curieuse d'avoir vos impressions sur celui-là. Le genre est tout à fait différent de ce que je fais habituellement donc j'espère ne pas m'être trop plantée. Pour ceux qui se posent la question, cette idée m'est venue étrangement en voyant une photo de pont suspendu au milieu de la jungle. Je pense qu'il y a aussi une toute petite influence du film "Real" avec Sato Takeru et Ayase Haruka. Si vous ne l'avez pas vu, courez le regarder !
Je vous laisse mariner un peu tout ça, et je vous mettrais la suite d'ici quelques jours ! (rassurez-vous elle est déjà écrite ^^) Cette suite consiste en le point de vue de Sanji. Je précise tout de suite, ce sera le deuxième et dernier chapitre ! :P
Dernier point, j'ai créé un compte sur ao3 pour ceux qui préfèrent (personnellement je trouve que le confort de lecture y est bien meilleur), mon pseudo est MaeLovesStories (on ne se moque pas de ce pseudo pourris lol). J'y ai mis toutes mes fics ZoSan (All is Black est encore en cours), et je posterai là-bas aussi toutes les nouvelles. Je précise que j'ai relu et corrigé les quelques fautes qui se trouvaient encore dans ces fics (du moins celles que j'ai repérées). Le lien se trouve sur mon profil.