Ses oreilles sifflent, et le bourdonnement dans son crâne est insoutenable. Elle veut bouger, mais la douleur l'en empêche. Tout en tentant de calmer les battements anarchiques de son cœur, elle glisse sa main sur son corps et sent un morceau de métal planté dans son abdomen. Du sang provenant de plaies sur son épaule et son bras s'écoule jusqu'à sa main, et son arcade est certainement ouverte au vu du sang qu'elle sent sur son visage.
Elle se souvient seulement du hurlement de son camarade « Roquette ! » puis plus rien, seulement le noir et la douleur. Ils étaient à l'arrêt, debout à côté de leur véhicule pour étudier la carte de leur patrouille au milieu des montagnes afghanes lorsque l'attaque a survenu.
Elle s'efforce de respirer calmement afin de faire diminuer le martèlement dans sa tête, et attend que le sifflement diminue pour ouvrir lentement les yeux. Le véhicule blindé derrière lequel elle était abritée est en flamme, et ses deux camarades gisent, ensanglantés, à quelques mètres de là. Elle aperçoit le corps du sergent Neal, et n'a pas besoin de s'approcher pour savoir qu'il est mort. Elle entend à sa gauche le caporal Jones gémir de douleur, et utilise les dernières forces qu'elle trouve en elle pour ramper jusqu'à lui.
« Ne bouge surtout pas Killian » lui dit-elle en ouvrant la trousse de secours accroché à son gilet pare-balle. Elle en extrait un garrot qu'elle utilise pour stopper l'hémorragie qu'elle aperçoit sur la jambe de son camarade, puis lui injecte de la morphine pour tenter de soulager sa douleur.
Elle-même lutte pour rester consciente, tant la douleur est forte, mais elle sait qu'elle doit tenir jusqu'à l'arrivée de l'équipe de secours. Elle s'allonge à côté de Killian, et lui murmure inlassablement des encouragements et des paroles réconfortantes pendant un temps qu'elle n'arrive pas à mesurer. Et malgré toute sa volonté, elle sent qu'elle sombre lentement dans l'inconscience. La chaleur et le sable assèchent sa bouche, sa respiration est de plus en plus difficile et elle sombre sans entendre arriver l'équipe de secours de son unité.
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« Capitaine Swan ? Emma, restez avec nous ! »
Elle reprend lentement connaissance à l'aide d'une main serrant la sienne, dans l'hélicoptère qui l'évacue vers la base. Elle ne ressent aucune douleur, elle a l'impression de flotter sans vraiment comprendre ce qui lui arrive.
« Killian » prononce-t-elle doucement « où est le caporal Jones ? ».
« Tout va bien Capitaine » lui répond le colonel Gold, médecin de leur unité. « Il est dans le deuxième hélicoptère, nous vous ramenons à la maison. »
Incapable de lutter davantage, Emma perd à nouveau connaissance.
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Le bip régulier de l'appareillage médical, l'odeur caractéristique et la sensation d'aiguille enfoncée dans son bras permettent à Emma de se situer. Elle n'a pas encore la force d'ouvrir les yeux, mais ressent un profond soulagement de se savoir à l'hôpital. C'est à ce moment qu'elle réalise également que le lit dans lequel elle est allongée est trop confortable pour être le lit d'un hôpital de campagne.
Elle s'efforce alors d'ouvrir les yeux, mais la lumière et le blanc immaculé des murs l'aveuglent. Elle fait un deuxième essai en clignant rapidement des paupières, puis veut se relever mais sent une main se poser doucement sur son épaule pour la forcer à rester allongée.
« N'y allez pas trop vite Capitaine » lui dit amicalement le colonel Gold, "je suis heureux de vous revoir enfin parmi nous".
Emma tente de lui répondre, mais la brûlure dans sa gorge l'en empêche. Le colonel lui présente un verre d'eau muni d'une paille, lui permettant d'avaler doucement quelques gorgées d'eau. Elle se racle la gorge et parvient enfin à murmurer quelques mots.
« Où suis-je ? » demande-t-elle doucement.
« A l'hôpital de Landstuhl, en Allemagne. Nous vous avons rapatrié, vous et Jones, il y a quelques jours ».
« Quelques jours ? » s'étonne Emma.
« L'équipe médicale vous a stabilisé à Kaboul. Malgré nos efforts, votre état de santé restait très préoccupant et nous ne sommes pas parvenus à vous faire reprendre connaissance. Vous avez perdu beaucoup de sang, et la plaie que vous avez au ventre s'est infectée. Au bout d'une semaine, nous avons pris la décision de vous rapatrier ici. Nous sommes arrivés il y a trois jours. » lui répond le colonel, une lueur d'inquiétude dans le regard.
« Votre corps a été mis à rude épreuve capitaine Swan » poursuit-il, « et bien que vous ayez repris connaissance, vous n'être pas encore sortie d'affaire. Je vous laisse vous reposer, je repasserai vous voir plus tard » conclut-il en s'éloignant vers la porte.
« Mon colonel » l'interpelle Emma. Gold se retourne, la main sur la poignée de la porte. « Qu'en est-il pour Neal ? »
Gold prend quelques secondes pour lui répondre, puis lui confirme ce qu'elle avait malheureusement redouté lors de l'attaque « Le sergent Neal est mort, nous n'avons rien pu faire ». Il marque une pause puis ajoute « Jones est toujours ici. Il est conscient mais la blessure à sa jambe est inquiétante. Il sera heureux de savoir que vous êtes éveillée. Maintenant, reposez-vous capitaine ». C'est sur ces mots que le colonel Gold referme la porte de la chambre, laissant Emma avec le bip des machines pour seule compagnie.
