LOCUS UBI OMNES MUTARE

1.1

Le moment où il avait eu la coupe en main, les yeux fixés sur Cédric qui sortait en courant d'une des hautes allées du labyrinthe, Harry sut qu'il avait été piégé. Au fond de lui, il ressentit une vague de frissons glacials, comme des piques aiguisés que l'on ferait entrer lentement dans son corps, la peau se déchirant sous la pression et le sang bouillonnant et brûlant dans ses veines comme de l'acide.

Il était étrangement persuadé que se saisir de la coupe n'était en aucun cas sensé être douloureux et qu'il allait donc encore cette année avoir droit à de la peur et de la peine - et à de la douleur aussi. Et il la ressentait déjà tellement qu'il en perdit conscience.

Harry n'avait jamais été un garçon très intelligent. Du moins était-ce qu'il pensait et le meilleur moyen de se persuader que finalement tout ce qui lui arrivait n'était pas si pire, puisqu'il n'était pas grand chose de plus qu'une poupée sans esprit que l'on pouvait malmener, manœuvrer et manipuler avec facilité.

Mais bien qu'il ne soit pas très intelligent - et il savait aussi que se le dire et se le répéter était la preuve d'un grand manque de confiance en soi - il ne manquait pas pour autant d'instinct. Un instinct inné qui lui avait sauvé la vie de nombreuses fois mais qui n'avait jamais vraiment fait appel à ses facultés d'interprétation ou de réflexion.

Mais il savait.
Il avait toujours su quand quelque chose de grave ou de mal ou d'effrayant allait arriver, que ce soit quand il était chez son oncle, ou à Poudlard.
Et là, alors qu'il reprenait conscience, il savait que quelque chose n'allait pas du tout, même s'il ne souffrait plus, et qu'il allait sûrement se mordre les doigts d'avoir ouvert les yeux dans quelques instants.

Les draps qui le couvraient, et qui ornaient le lit confortable dans lequel il semblait reposer étaient verts. Un vert Serpentard qui le fit frissonner et imaginer la pire hypothèse possible, et le bras nu enroulé autour de sa taille était loin de vouloir l'en dissuader.

Probablement donc, avait-il était enlevé par Voldemort et était-il maintenant à l'aune de se faire torturer et violer, et peu importe tous les instincts du monde et la chance du débutant qui lui avaient toujours sauvés la vie jusque là, aujourd'hui c'était fini et encore, il allait souffrir.

Il détestait souffrir. Plus que mourir, souffrir amenait une boule dans sa gorge et des larmes dans ses yeux et toujours il voulait pleurer de peur, gémir et appeler quelqu'un d'une toute petite voix à l'aide, pour que les monstres ne l'entendent pas.
Mais personne n'était là pour le protéger et personne ne le serait jamais. Et les monstres le trouvaient toujours.

Il sentit le souffle contre sa nuque ralentir doucement et le bras autour de lui se resserra. L'inconnu- Voldemort - enfouit son visage dans sa nuque et l'embrassa doucement, et Harry sentit un sourire étirer les lèvres étrangement douces.
"Bien dormi?"

Ne rien dire, ne pas bouger ; Peut-être ainsi oublierait-on sa présence, se rendrait-il invisible?

Mais le bras qui glissa encore le long de son ventre et plus bas le fit presque vomir et il fut secoué d'un sanglot. Et il fallait qu'il essaie, au moins. Alors faisant fie de l'appel inquiet de la voix derrière lui qui ne voulait sans doute que le faire tomber dans un piège, comme la voix d'une sirène, Harry glissa sur les draps et réussit à échapper aux bras tentacules, et se laissa tomber sur le tapis.

La vue brouillée par des larmes de terreur, il se rendit à quatre pattes jusqu'au coin le plus éloigné et le plus sombre de la pièce et s'y recroquevilla, fermant les yeux et essayant d'oublier toutes les voix autour de lui, et les pas qui s'approchaient de lui. Mais voilà, c'était fini, et il ne pouvait pas aller plus loin ou se défendre plus parce qu'il n'avait pas de baguette, qu'il était pratiquement nu et que de toute façon, il était un enfant ; et que pouvait un enfant contre Lord Voldemort?

"Va chercher Draco et ses parents. Vite." Lui parvint une voix qu'il reconnu à peu près comme étant celle de l'inconnu. Il sentit ensuite quelqu'un s'agenouiller devant lui et il resserra encore plus ses bras et ses jambes contre lui, et ferma plus fort encore ses yeux, tentant de retenir sa respiration pour que personne ne le trouve. Cela n'avait jamais marché avec l'oncle Vernon parce que la seule cachette qu'il aurait pu trouver était son placard et que l'oncle Vernon avait le pouvoir de le fermer à clé et de l'ouvrir comme bon lui semblait mais peut-être, ici, avec la magie, parviendrait-il à disparaitre de la surface de la terre.

Il lâcha cependant un cri de stupeur et de terreur quand une main se posa sur ses bras. "Harry, Harry, regardes-moi chaton. Harry." Souffla la voix, inquiète vraiment, alors qu'Harry pleurait.
Il y eut de nouveau des pas, précipités, qui tapèrent sur le sol et vinrent jusqu'à lui et enfin Harry ouvrit les yeux. Parce que même s'il n'était pas très intelligent, toutes les voix qui parlaient et semblaient s'inquiéter autour de lui n'appartenaient à aucun des mangemorts qu'il avait un jour entendu, ni à Voldemort non plus.

Alors il ouvrit les yeux. Et il vit Marcus Flint aussi peu vêtu que lui et croisa son regard presque paniqué et ensuite il leva les yeux et fixa un instant le visage de Draco Malfoy, les yeux écarquillés et le teint pâle, et puis Severus Snape derrière lui et un Tom Jedusor au visage et au physique bien trop humain pour n'être encore qu'un être immatériel.
Finalement, enfin, et gémissant de terreur, Harry accueillit presque avec reconnaissance le noir qui l'envahit. Peut-être ainsi pourrait-il disparaître?

1.2

Harry Prince se savait relativement intelligent. Du moins, aimait-il garder une certaine dignité et ne pas crier sur les toits qu'il était un génie mais tout le monde savait cependant qu'il l'était; N'était pas le fils de Tom Riddle ni de Severus Snape qui veut, et encore moins un écervelé au QI moins élevé que celui d'une moule.

Donc oui, Harry Prince se savait plus - d'accord - que relativement intelligent. C'est la raison pour laquelle lorsqu'il fut brusquement réveillé alors qu'il touchait, debout, un sol de terre sous ses pieds alors qu'il se souvenait parfaitement s'être endormi dans les bras de Marcus, il sut que quelque chose n'allait pas.

Alerte mais encore quelque peu troublé par ce réveil brusque, le jeune homme fit un tour sur lui-même et écarquilla les yeux lorsqu'il se rendit compte qu'il était dans un cimetière, et que la pierre tombale face à lui, gigantesque de mauvais goût, appartenait au père de son père.
Harry humecta ses lèvres, haussa les sourcils et passa une main dans ses cheveux avant de faire volte-face lorsque des pas lourds, raclant le sol, se firent entendre derrière lui.

Et ce qu'il vit, ce qu'il reconnut, le terrifia comme jamais rien ne l'avait terrifié et le regard haineux que la faible créature que Peter Pettigrew tenait contre lui lui fit monter les larmes aux yeux.
Surprenant sans doute le plus humain des deux, et l'amenant à lever sa baguette, Harry se précipita sur eux et arracha presque Lord Voldemort des mains de Peter Pettigrew.

"Queudver!" Appela Voldemort à la rescousse. Mais Harry ne laissa pas au Mangemort le temps de l'ensorceler et d'un geste de main lui retira sa baguette.

"Calmez-vous." Murmura-t-il. "Putain de merde". Il s'assit ensuite par terre, ignorant l'herbe disparate et mouillée et posa la créature qui se débattait comme un diable devant lui.
"Putain de bordel de merde. Par Salazard." Répéta-t-il complètement ahuri. Il eut le réflexe cependant de désarmer à nouveau Pettigrew lorsque celui-ci sortit un dague et se précipita sur lui.

"Arrêtez, calmez-vous. Je ne pense pas être le Harry Potter que vous attendiez." Continua Harry rapidement. Il vit la créature froncer les sourcils, ou ce qui lui restait de sourcil et elle se mit à le scruter intensément.

"Qui es-tu alors?" Murmura le Seigneur des Ténèbres. "Je suis Harry Prince. Et je pense venir de l'autre dimension."
Une lueur de réalisation passa dans les yeux de la créature et elle s'approcha un peu de lui. "Quand?" Souffla-t-elle encore, avec une sorte de révérence qui fit haleter Pettigrew.

"Est-ce que vous m'avez sauvé?" Demanda Harry avec appréhension. Et il ne voulait pas vraiment savoir, en réalité, si un autre lui n'avait jamais été sauvé et avait dû continuer à vivre dans cette maison horrible.

Les yeux de Voldemort devinrent vitreux et il secoua la tête. "J'étais trop faible pour passer les barrières, je n'ai jamais pu l'atteindre, ni Severus, toujours enfermé dans Poudlard."

Une boule se forma alors dans la gorge d'Harry et il ferma les yeux. "Alors où est-il?" Murmura-t-il.

"Il a continué à grandir là-bas, jusqu'à ses onze ans, il a reçu sa lettre de Poudlard et est parti. J'ai presque réussi à l'atteindre en première année, mais Dumbledore avait déjà une emprise colossale sur lui. Il n'a rien voulu entendre. Il n'a aucune idée que Lily Evans n'est pas sa mère ou même qu'il a deux pères. Il ignore tout. Dumbledore veut en faire une arme de guerre pour me vaincre." Répondit Tom. Harry ferma les yeux et secoua la tête.

"Que faites-vous ici?" Demanda-t-il en relevant la tête vers l'autre homme alors qu'il attirait presque sans s'en rendre compte Voldemort contre lui et se relevait.

"Harry Potter a participé au Tournoi de la Coupe de feu, nous nous sommes arrangés pour qu'il saisisse la coupe. C'était un portoloin."

"Et bien, je ne sais pas qui a lancé le sort de Portus mais je doute que le résultat soit celui escompté."
Peter baissa les yeux et Harry soupira. "Si je suis ici, je suppose que lui s'est réveillé là-bas."

"Ce n'est peut-être pas si mal." Siffla Voldemort en fermant les yeux alors qu'une vague de douleur et de fatigue traversait son corps meurtri.

Harry le redressa dans ses bras et serra les dents. "S'il est resté vivre chez ces monstres, le fait de se réveiller dans les bras de quelqu'un qu'il ne connait sûrement pas va le terrifier. Mais c'est vrai, s'il accepte d'écouter, ce ne sera pas si mal."

Il y eut un silence et encore Harry fixa ses yeux sur la créature. "Mais ce n'est pas de cela que je m'inquiète. Nous allons aller chez Lucius, je connais le rituel pour te ramener, et te rendre ton corps. La dernière fois, nous avions fait cela dans la salle de bal de Lucius, est-ce qu'il est vivant?" Demanda Harry en levant les yeux sur Peter.
L'animagus acquiesça. "Bien, alors allons-y." Il s'apprêtait à transplaner mais une idée lui vint subitement et il s'arrêta, Peter faisant de même un instant plus tard.

"Est-ce que mon père est encore fidèle?" Harry baissa cette fois les yeux sur Voldemort et celui-ci sembla hausser les épaules.

"Je ne sais pas. Je pense." Les yeux si verts d'Harry se voilèrent de tristesse. "Il n'a jamais su que j'étais son fils, que mon père ne l'avait pas trahi?" Demanda-t-il.

"Non. J'étais le seul à connaître la vérité, et j'ai toujours été trop faible. Comment est-ce que Dumbledore a tué James et Evans dans ta dimension?" Demanda Voldemort.

"Avada. Papa et Evans ont été tués sur le coup. Le rituel de parrainage a interféré avec le sort et tu as été désintégré. J'ai été marqué." Répondit Harry en montrant sa cicatrice. Tom acquiesça. "C'est ce moment qui a créé le laps alors. Il s'est servi d'une pierre d'ivoire ici. Le rituel de parrainage a été brouillé et James et Evans ont été tués, Harry s'en est sorti avec cette cicatrice et moi...évaporé. Le pouvoir de la pierre a dû m'affaiblir plus que l'avada."

"Est-ce que tu crois que si on contacte mon père par la marque, il viendra?" L'interrogea Harry. Il remonta un peu la créature - son père adoptif - dans ses bras et fixa son visage pensif. Voldemort finit par secouer la tête.

"Pas tant que je ne serais pas revenu, mon pouvoir est trop faible pour l'attirer s'il répond désormais à Dumbledore." Répondit-il et il sentit Harry frissonner. "Il a toujours détesté Dumbledore." Murmura-t-il.

"Mais il croit que j'ai tué James et que James l'a trompé avec Evans. C'est beaucoup compliqué qu'un simple quiproquo Harry. Encore plus si Dumbledore n'a pas fait que rallier Severus, mais l'a ensorcelé pour qu'il reste à ses côtés."

Le brun hocha la tête et se mordit la lèvre. "Dans ce cas, il faudra le rappeler quand tu seras revenu. Allons chez Lucius."
Et après un échange de regard rapide avec Peter, il transplana.


Après avoir passé 4h dans ma voiture pour rentrer du travail - j'ai fini à 14h et suis arrivé à 18h15 - sur un trajet qui normalement fait moins de vingt minutes, je me suis dit que ce serait bien sympa de vous offrir un petit rayon de soleil - et de me balancer des fleurs par dessus la tête. Voici donc le premier chapitre de Locus, que je vous offre parce que cette fic est déjà remarquablement avancé, avec plus de 20 pages. Je posterais le chapitre 2 la semaine prochaine, sans doute, le temps d'écrire encore. Pour mes autres fics, je m'y remettrais quand l'inspiration sera revenu.

Gros bisous.

Blibl'