Titre : Mon plus grand défi
Auteur : la grande, la puissante Moi (jilyann pour les intimes)
Rating : T pour être sur, langage correct cependant on aborde quelques thèmes plus sensibles
Disclaimer : Joanne Rowling, bien sûr.
BUENO (pas le Kinder)!
j'ai enfin trouvé comment faire cette saleté de disclaimer, je suis toute nouvelle sur le site et ceci est mon premier bébé, donc soyez indulgents. J'ai décidé de me lancer devant le grand public alors n'hésitez surtout pas à laisser des bons ou mauvais commentaires pour me permettre de m'améliorer!
Donc cette histoire est basée sur un OC, Enola Chevalier, qui a pas eu une enfance facile... J'ai eu envie de mêler les vices de la société avec l'humour, l'amour, la magie, parce que c'est dur l'adolescence, meme chez les sorciers.
Quant au rythme de parution... Ça va être chaud mais je pense une fois par mois.
Voilà assez traîne je vous laisse avec ce chapitre introductif, il va sans doute en falloir deux pour bien planter l'histoire!
Bonne lecture!
Tous les enfants détestent l'école, c'est bien connu. Les professeurs sadiques, les toilettes surpeuplées, les devoirs et les tests surprise, et j'en passe. J'imagine que je n'aurais sans doute pas fait exception à la règle si l'école en question n'avait pas été une école de magie. Là, évidemment, c'est tout de suite plus classe.
Beauxbâtons était une espèce du réplique du château de Chambord - version magique, cela va de soi - sur un plateau au milieu des Pyrénées (c'est difficile à croire je le conçois, mais dites-vous juste que la magie fait des miracles). Des jardins immenses et fleuris, parsemés çà-et-là de bassins naturels et un domaine protégé par des flancs montagneux recouverts d'une épaisse forêt. Un château immense, mais sur seulement trois étages, aux façades à l'architecture datant typiquement de la Renaissance. Il nous manque plus que la Belle au bois dormant, et tout y est.
Mais si l'intérieur rappelait un château du XVIe siècle, l'intérieur était on ne peut plus différent. Blanc et lumineux, les salles de classe au mobilier blanc, des dorures - en or blanc -, des bancs (blancs), des roses (inutile de préciser la couleur)... Vous voyez le topo. Tout dans cette école était fait pour que vous vous sentiez soit propre, soit vierge.
Bref, revenons à la base : moi (je précise que je ne suis pas narcissique, au cas où vous auriez un doute). Je m'appelle Enola Inocencia Chevalier, j'ai 16 ans - enfin, dans trois jours. Je suis sang-mêlée, née de père français et moldu, et d'une mère américaine/vénézuélienne sorcière. Ne vous demandez pas pourquoi mes parents m'avaient choisi ces prénoms stupides, ni pourquoi jai autant de nationalités. Primo, le premier - drôle de début de phrase - était un anacyclique (oui, j'avais bien appris ce mot pour frimer) de alone. Avouez que c'était pas terrible. Quant au deuxième... Sans déconner, Inocencia? Et pourquoi pas Ingenuidad, Pureza ou Candor (ndla : ingénuité, pureté et candeur, si vous aviez pas décrypté.)?
Je crois que c'est le minimum que je peux dire sur moi pour commencer (pas d'inquiétude, la suite va bientôt arriver, je ne suis pas du genre à lésiner sur les détails).
Beauxbâtons était un pensionnat, et j'y passais environ neuf mois sur douze. C'était trop, beaucoup trop.
"Mademoiselle Chevalier, puis-je vous aider dans votre réflexion?"
Zut. J'arrêtai de me gratter le nez avec la pointe de ma plume et jetai un coup d'œil furtif à mon croquis. C'était une représentation, plus ou moins peu - pour ne pas dire très peu - flatteuse de Madame Blanc. Ses cheveux gris tirés en un chignon sévère, ses sourcils broussailleux et sa fine moustache étaient... Joliment mis en évidence sur mon œuvre d'art. Cette professeur d'arithmancie n'était pas réputée pour son indulgence. Et il se trouvait que c'était cette dernière qui venait de m'interrompre dans ma séance de grattage de nez.
"Ça ira, merci", répondis-je d'une voix égale et polie.
Enfin, peut-être pourrait-elle m'aider. Ne sait-on jamais, la taille de son nez n'était peut-être pas encore au point. Mais apparement, ça n'allait pas, merci pour Mme Blanc, qui s'approcha d'un pas vif de ma table et m'arracha violemment mon œuvre d'art. Son visage ridé et sévère passa de laiteux à violet et deux secondes - les aubergines n'avaient qu'à bien se tenir, elles ne connaissaient pas ma prof d'arithmancie - et sa moustache frémit de fureur. Elle ouvrit grand la bouche et commença à me hurler dessus, agrémentant le tout de son habituel nuage de postillons.
"CHEVALIER, VOUS N'ÊTES QU'UNE EFFROYABLE INCAPABLE! VOUS N'AVEZ AUCUN TALENT EN ARITHMANCIE ET VOUS PRENEZ QUAND MÊME LE LOISIR DE NE PAS ÉCOUTER EN COURS! SI ÇA NE TENAIT QU'À MOI, VOUS FERIEZ VOS VALISES ET NE REMETTRIEZ PLUS JAMAIS LES PIEDS DANS CETTE ÉCOLE!"
Ah, elle reprit enfin son souffle. Je profitai de la brève interruption pour essuyer la bave qui coulait de mon visage et affichai un air intéressé pendant qu'elle reprenait son monologue sanglant.
"VOUS AVEZ EXTRÊMEMENT DE CHANCE QUE CE SOIT LE DERNIER JOUR DE COURS, MAIS À LA PROCHAINE RENTRÉE, VOUS N'ÉCHAPPEREZ PAS À LA RETENUE CHAQUE SOIR DE CHAQUE JOUR DE VOTRE MISÉRABLE EXISTENCE! ET MAINTENANT, RAMASSEZ VOS AFFAIRES ET SORTEZ DE MA SALLE DE COURS!"
Elle tourna les talons et une fois à son bureau, brûla le parchemin sur lequel était couché ma magnifique caricature. Peut-être l'avais-je un peu poussé à bout cette année, c'est vrai, pour qu'un simple dessin la fasse craquer. Peut-être était-ce le coup de la substance verdâtre, gluante et nauséabonde qui avait maculé son bureau pendant une semaine qui causa sa perte. Bon, ce n'était quand même pas de ma faute si je n'aimais pas les maths!
Je saisis le parchemin vierge et ma plume, qui n'avaient pas beaucoup servi pendant ces deux périodes de torture, et les fourrait vite fait dans mon sac à dos. Solène, à côté de moi, pinçait les lèvres aussi fort qu'elle le pouvait pour empêcher le rire qui menaçait de sortir. Je lui adressai un clin d'œil et me levai. En sortant, je croisai le regard mi-amusé, mi-réprobateur de Camille, mon autre meilleure amie.
En passant devant le bureau de ma prof qui tâchait vaillamment de poursuivre son cours après cette sympathique interruption, je lui souris de la manière la plus impertinente qui soit et finit par claquer la porte - blanche - derrière moi.
Aaaah. Dans quelques heures, je serais dans le carrosse qui me ramènerai chez moi.
Je filai dans la tour Nord-Ouest, où se situaient les dortoirs des filles et leur salle de détente, pour préparer ma valise. Enfin libre.
Mes amies me rejoignirent plus tard, alors que je me prélassais dans la salle commune des filles. Solène me tapa dans la main et nous rîmes aux éclats. Camille, quant à elle s'assit près de moi.
"Mais qu'est-ce que tu avais dessiné encore?", me demanda-t-elle. "Tu as entendu, elle va te coller jusqu'à la fin de ta scolarité, puisqu'elle ne peut pas te renvoyer. Tu te rends compte comme cela va entraver tes études?"
Ah, Camille, la voix de la raison. Ses phrases préférées étaient sans aucun doute "les études avant tout" et "rappelez-moi pourquoi je suis amie avec vous?"
Camille était très calme, avec un caractère très posé. Elle était la médiatrice de notre trio, l'intelligents, la bosseuse. Elle avait de très longs cheveux noirs, un peu ternes, lui arrivant jusqu'au bas du dos et des grands yeux bleus pâles. Elle était grande mais avait tendance à se tenir un peu courbée, à cause de sa grande timidité. Son visage était un peu banal mais avait le don de s'illuminer lorsqu'elle nous faisait cadeau de l'un de ses rares sourires.
Si Camille aimait se fondre dans la masse, Solène était l'exact opposé. Un véritable soleil. Elle irradiait de joie et était tout le temps de bonne humeur. A vrai dire, je ne l'avais vue pleurer qu'une seule fois, et depuis, plus jamais.
Elle possédait des cheveux blonds comme les blés et des yeux couleur cacao, qui parvenaient toujours à me réchauffer le cœur quand ça n'allait pas. Émotive, expansive, bavarde et malicieuse étaient les adjectifs qui la désignaient le mieux, du moins de mon point de vue.
Elle était la première à avoir attiré mon attention, peu après ma première rentrée, en m'aidant à réaliser un coup particulièrement vicieux à un ex-professeur d'Histoire de la Magie. Nous avions alors tissé de très forts liens d'amitié. Camille, qui se trouvait elle aussi dans notre dortoir, nous avait simplement aidé dans la réalisation d'un devoir particulièrement difficile. Rien de bien extraordinaire, certes, mais cette attention avait scellé une amitié infaillible, dans laquelle nous nous complétions. Solène la joyeuse, Camille la bosseuse, Enola la... Glandeuse? Ben quoi, il fallait bien que quelqu'un se chargeât d'animer cette école de parfaits petits prudes, non? J'avais une réputation à tenir, tout de même. Ici, tout le monde me connaissait.
Mais j'avais beau clamer à qui mieux-mieux que cette école était pourrie, je m'y étais faite et elle était devenue comme une seconde maison. Faut dire que c'était pas bien difficile de faire mieux que la mienne.
Je balayai ses paroles d'un geste de la main. "Relax, Cam. De toute façon, plus que quelques heures et nous sortons d'ici! Deux mois de liberté bien méritée!" M'exclamai-je joyeusement en sautant sur le canapé.
"Nola", grogna Camille. "Est-ce que tu penses des fois à autre chose qu'à t'amuser?"
Ah là là. Qui d'autre que cette fille pour me dire d'arrêter de profiter de la vie?
"Oui. À t'embêter, aussi."
Elle soupira et je lui jetai un coussin blanc à la figure. S'ensuivit une mémorable bataille de polochon qui dura jusqu'à ce qu'un prof débarque pour nous dire que nous dérangions toute l'aile Ouest.
"Vous allez me manquer", lâcha Solène.
Pour une fois, ses yeux ne pétillaient pas. Elle semblait triste.
Je posai une main que je voulais réconfortante sur son épaule. "Allons, Soso (elle grimaça à l'entente de ce surnom débile dont je l'affublai de temps en temps). Camille part en Italie, mais moi je suis là! Et puis, Bordeaux, c'est pas si mal que ça. Tu vas trouver quelque chose à faire, t'inquiètes."
"Je reviens à St-Trop deux semaines avant la rentrée", intervint Camille. "On pourra toujours s'inviter! Vous connaissez mes parents, ils sont toujours d'accord pour tout, de toute façon..."
En effet, ses parents (des moldus) possédaient une fortune importante et s'absentaient souvent pour affaires, la laissant seule avec une gouvernante qui avait pour mission d'accéder à ses moindres désirs. Nous avions passés plusieurs étés chez elles, à faire courir Colette dans toute la maison pour nous apporter des bonbons, des chips ou du chocolat - la belle époque où l'on pouvait manger ce que l'on souhaitait sans prendre du poids (inutile de préciser que ce temps était désormais révolu).
Je tirai ma valise sur l'allée gravillonnée, me dirigeant vers le carrosse qui menait à l'Est. Il y en avait dix, tous tirés par de magnifiques pégases, chacun ayant un itinéraire différent. Le mien longeait la côte d'azur, et je prenais le même que Camille. Solène, en revanche, devait se séparer de nous.
"Départ dans cinq minutes!" Cria quelqu'un.
Je regardai mes amies, posai ma valise et me jetai à leur cou. Nous rîmes de cette effusion plutôt rare de ma part - je n'étais pas très câline - et échangeâmes quelques paroles supplémentaires, promîmes de nous envoyer des lettres. Nous nous séparâmes de Solène le cœur gros. Si quelqu'un m'avait dit à ce moment-là que je ne les reverrai pas avant très longtemps, sans doute aurai-je pris le temps de m'attarder un peu plus.
Ellipse
Je descendis du carrosse, qui s'ébranla derrière moi, me laissant seule avec mon destin. Destin qui se trouvait dans l'immeuble en face de moi.
Je n'y étais pas retournée depuis le décès de ma mère, bientôt six ans de cela. Placée en internat 12 mois sur 12.
Je pénétrai dans le hall, et pris l'ascenseur bringuebalant qui menaçait à tout moment de tomber en panne entre deux étages. J'arrivai finalement en un seul morceau au troisième. Le porche était vide. J'avais pourtant pris soin d'avertir mon père de mon arrivée. N'était-il donc pas capable de m'accueillir correctement? Mais à quoi m'attendai-je, exactement? A une fête de bienvenue, peut-être?
Le moral déjà en berne, je saisis la poignée et l'abaissai, et la porte s'entrouvrit en grinçant légèrement. Super, elle était à peine ouverte et on aurait déjà dit que j'entrais dans une maison hantée. À rajouter sur ma liste des choses que je détestais ici.
Je jetai ma valise par terre avec fracas, peu gênée du bruit que le geste occasionna. "TRISTAN!" Hurlai-je.
J'entendis un coup sourd à l'étage, suivit d'un grognement sourd. Une autre série de "boums" et de bruits de baleine retentirent. Je pianotai nerveusement des doigts sur la rambarde de l'escalier, impatiente. Mais que faisait-il, bon sang? Il réparait la plomberie, qui s'était cassée le jour où il avait donné un coup de pied "accidentel" au tuyau sous le lavabo? Non, depuis le temps, cela devait être déjà fait. Du moins, je l'espérais. Mais plus rien ne m'aurait étonnée, avec lui.
J'élaborai encore quelque hypothèses sur son manque de précipitation quand il daigna enfin de pointer le bout de son nez dans les escaliers. Par les dieux, qu'est-ce qu'il avait changé.
Tristan Chevalier avait été autrefois un très bel homme, grand et mince, aux cheveux châtains parfaitement ordonnés. Ses yeux, dont j'avais hérité en partie, étaient véritablement atypiques, avec leur couleur si variable, ce miel doré. L'intérieur était moucheté de tons plus foncés qui s'emparaient du reste de ses iris lorsqu'il entrait en colère. Je les détestais.
Mais désormais, rien n'était plus pareil. Ses cheveux auparavant si ordonnés étaient négligés et trop longs. Ils pendouillaient lamentablement le long de ses joues. Une barbe mal rasée mangeait la partie inférieure de son visage. Son ventre pointait sous son T-shirt XL, et je ne pus m'empêcher de faire la comparaison entre ce dernier et une brioche toute ramollie. Erk. Et dire que l'homme qui se tenait devant moi avait autrefois été athlétique et m'accompagnait tous les jours faire un footing! Ce temps me paraissait si loin, à présent.
"Hey Nola, ma ché..." Croassa-t-il avant de s'arrêter au beau milieu de sa phrase, sous mon regard noir. "Heu... Ça va?"
QUOI?!
Attendez, laissez-moi vous expliquer le tout. Mon père, se retrouvant dans l'incapacité de s'occuper de moi, me fout en internat, me laissant seule juste après la mort de ma mère, qui en passant était de sa faute. Pendant qu'il suit tranquillement sa petite cure de désintox, qu'il replonge et qu'il y retourne, je suis seule en internat. Il s'en battait de ma vie, de savoir si j'allais bien, de savoir comment ça allait à Beauxbâtons, de savoir comment je m'en sortais, tout ce qui l'intéressait, c'était sa stupide petite vie. Pendant six ans, je me débrouillais seule et sans lui, sans le voir pour mon anniversaire, Noël ou Pâques. Et cet imbécile profond, alors qu'on se revoyait enfin... Il ne me trouvait rien de mieux que ÇA VA?!
Maintenant, vous compreniez mieux ma rage. Je rougis de fureur et tournai les talons, dans l'intention de préparer le repas qu'il n'avait sans doute pas fait. Pas taper, Enola. Pas taper.
"Attends, Enola! J'ai dit quelque chose?" S'écria-t-il.
C'étais plutôt ce que tu n'avais pas dit qui me dérangeais, ouais.
"Qu'est-ce que tu faisais, quand je suis arrivée?" Dis-je en me retournant. "Tu as laissé la porte ouverte."
"Ah... Ben je dormais, tu vois, j'avais une soirée au travail, on a finit un peu tard alors..."
Je l'écoutai à peine. Je venais d'arriver dans la cuisine.
Casseroles, vaisselle, tout s'entassait, sale, dans l'évier. Il l'avait sans doute utilisée dans son entièreté avant d'en acheter en carton, comme le témoignaient les emballages dans la poubelle. Des tâches de brûlé maculaient les murs, le carrelage collait sous mes pas, la table était recouverte de gras. Le bouchon "colère" sauta avec un pop retentissant, comme une bouteille de champagne, et j'explosai pour de bon.
"Non mais c'est une blague? Ça va six ans que j'attends de te revoir, que j'espère que c'est enfin fini, que tu toucheras jamais plus à une goutte d'alcool, que tu redeviennes le père dont j'ai eu besoin et que je n'ai jamais eu! Je voulais juste que tu te soucies un peu de moi, c'était trop te demander de te lever et de venir accueillir ta fille autrement qu'avec une gueule de bois et un stupide "ça va?" ? De lui laisser toute la merde que t'as pas faite depuis des années à la place de prendre une journée pour tout rendre nickel? T'as préparé ma chambre? T'as rempli le frigo? T'as trouvé un job plus stable que dans un MacDo? Est-ce que, pour l'amour de Dieu, tu as pris une douche récemment?!"
Au fur et à mesure de mon monologue sanglant, son air coupable s'était accentué.
"Je sais, mais écoute, tu pourrais juste baisser le niveau de ta voix, j'ai mal..." Commença-t-il faiblement.
"À la tête, ouais. Une soirée au travail, bien sûr. Quel travail? Vous avez mangé des frites en parlant de la cuisson des nuggets, ou du prochain épisode de la petite maison dans la prairie? Pourquoi tu ne me dis pas juste, à la place de me mentir lâchement, que t'as été dans un bar te soûler la gueule tout seul comme un clodo? Franchement, tu me fait trop honte."
Sur ces mots, je sortis de la cuisine en claquant violemment la porte. Le linteau trembla, mais je n'en tins pas compte, pas plus que le visage décomposé de mon paternel. Je me dirigeai vers le téléphone et composai l'un des numéros de pizzeria qui livraient à domicile. Il faudrait s'en contenter le temps d'aller en commissions.
Bip. Bip. Le téléphone était en attente. Je jetai un coup d'œil à la paperasse posée sur le meuble d'entrée, des factures non-payées, principalement. En plus de me faire honte, faut-il qu'il me fasse aussi pitié? Je n'étais pas sa mère, merde. On aurait dit que j'étais la seule adulte - et je n'en étais même pas une, ça voulait tout dire - de cette maison. Ça n'étais pas à moi de m'occuper de lui, un père était sensé prendre soin de sa fille. Pourquoi avait-il fallut que le mien soit comme ça?
La tonalité cessa et une voix au faux accent italien me répondis. Je commandai deux pizzas tout en contemplant le plafond lézardé de fissures. Charmant.
"Ouais, c'est ça, grazie mille à vous aussi. Apprenez à parler italien correctement, au moins, si vous vous entêtez à les casser aux clients avec vos trois mots."
Je raccrochai vite avant que l'homme à l'accent russe ne se m'éprenne sur mon commentaire, heu, affectueux. Courage, Enola. Plus que dix minutes à tenir le ventre vide avec mon père pour toute compagnie.
Où étaient les voies ferrés les plus proches, histoire que je me jette dessus?
Vingt minutes plus tard - car ce nygqlfbleb de livreur avait bel et bien dix minutes de retard - un délicieux fumet de mozzarella brûlée embaumait la maison (il fallait croire que le type russe n'avait pas apprécié ma gentille remarque, finalement).
Je mastiquai (ou plutôt ruminai) lentement et silencieusement ma part de pizza caoutchouteuse. Mon père, devant moi, se tordait les mains, chipotait avec sa nourriture et fuyait mon regard - bon ok, pas un bon exemple, il le faisait tout le temps. Néanmoins, c'était en général les symptômes chez quelqu'un de normal d'un stress ou d'une gêne évidente.
Je posai ma tranche de pizza (immangeable, de toute façon) et croisai les bras, sous son regard anxieux.
"Bon, vu que cette journée pourrie n'est pas encore terminée, je suppose que je pourrai encore encaisser deux-trois mauvaises nouvelles." Lançai-je. "Qu'est-ce qui te triture l'esprit? Ta face constipée ne me donne pas du tout envie de finir ce met délicieux.", annonçai-je ironiquement.
Il releva la tête et croisa enfin mon regard, en ouvrant de grands yeux d'innocent - fail, il ne m'aurait jamais avec ca. J'ajoutai, pour qu'il soit sûr que j'avais compris que quelque chose clochait : "Crache le morceau".
Son masque de Saint-Esprit - enfin, sa tentative de visage d'innocence - tomba et il se mit à jouer avec ses doigts, signe d'anxiété chez lui.
"Écoute, ché... Enola, heu... J'ai retrouvé un bon job."
Mon cœur sauta dans ma poitrine. Il plaisantait, ou quoi? Son visage semblait si sérieux!
Je demandai, les yeux écarquillés : "Pitié, ne me dit pas que c'est comme barman, ou pire! Testeur viticole!"
Un sourire passa rapidement sur son visage sombre, si vite que je crus à une illusion.
"Non, ne t'inquiètes pas, je ne serais pas en contact avec un quelconque alcool. En fait, je ne sais pas si tu te souviens de Alain..."
Pour sûr que je m'en souvenais. C'était lui qui avait plongé mon père dans l'univers fantastique et bienveillant de l'alcool.
Connard.
"Eh bien, il a été muté et il avait besoin de quelqu'un de compétent pour enquêter sur une série de meurtres mystérieux, sans la moindre trace de blessures, poison, ou quoi. Ils semblent tous mourir de la même chose et..."
"Mais..." Je le coupai. "Mais c'est absolument génial! Tu vas enfin pouvoir te reprendre en main!"
Je souris et me levai pour aller l'embrasser, ignorant l'odeur de tabac froid et de whiskey qui imprégnaient ses vêtements et sa peau.
"Oh, je suis vraiment contente! Peut-être que maintenant, nous allons enfin pouvoir être ensemble comme une vraie famille normale! Tu sais, il va sérieusement falloir envisager de faire des travaux..." Babillai-je gaiement, tout à ma joie de le savoir sur la bonne voie (il me faisait honte mais ça restait quand même mon père, et malgré tout ce que je disais, je l'aimais tout de même (un peu)).
"Oui mais Lalou..."
Je ne tins pas compte de son interruption et passai l'éponge sur l'utilisation de cet affreux surnom de bébé. Je poursuivis : "... Par ce que ça devient vraiment un taudis, on dirait une maison hantée. Dis, tu commences quand? Et c'est quoi ces trucs de meurtres, c'est sordide!"
"Je commence dans quatre jours, mais..."
"Ah, tiens, juste après mon anniversaire! J'espère que tu n'avais pas oublié? C'est le devoir d'un père, de se souvenir de l'anniversaire de son unique enfant, ça ne devrait pas être trop dur quand même. T'as prévu quelque chose? On pourrait aller dans ce resto, tu sais..."
"ENOLA!"
Je n'interrompis brusquement, les yeux grands comme des soucoupes. Mon père n'haussait jamais la voix... Sauf dans des cas spéciaux, quand il y avait par exemple plus d'alcool que de sang dans son corps. J'en gardais des très, très mauvais souvenirs. Je grattai distraitement ma joue. S'il l'avait fait maintenant, c'est qu'il devait avoir une bonne raison de le faire, ce qui n'augurait rien de bon.
Il inspira bruyamment. "Comme je te l'ai dit, le poste vacant est à Londres."
"Ah oui, c'est une belle ville. Camille, tu sais, mon amie, y est allée avec ses parents et..."
Les engrenages très rouillés - par manque d'utilisation - de mon cerveau se mirent finalement à tourner et je cessai mon charabia incessant. Patient (pour une fois), en face de moi, mon père attendait que je comprenne.
Poste. Londres. Vacant. LONDRES.
"QUOI?!" M'exclamai-je en bondissant de ma chaise.
"Écoute, Nola, je sais que c'est un peu loin, mais tu pourras toujours correspondre avec tes amies..." S'empressa-t-il de me dire.
Sa tentative pour calmer Enola-le-chaudron-de-fureur-en-fusion échoua lamentablement. Il ne me connaissait pas, et pour cause, il avait loupé les dernières années de ma vie. Il ne pouvait pas savoir comment j'étais devenue, il ne pouvait pas savoir que je n'avais pas besoin d'un shot de tequila pour m'énerver violemment. Je sentais mon visage brûlant de colère.
"Un peu loin?!" Explosai-je. "Un peu loin?! Toulon, c'est un peu loin. Paris, c'est déjà loin. Mais Londres, c'est carrément loin!"
"N'exagère pas, Enola" tempéra-t-il en levant les mains en signe défense, pris en faute.
"Non mais sérieux", tempêtai-je. "T'as pensé à moi, avant d'accepter? À mes amies, mon collège? Ma vie est ici, tu n'as pas le droit de me l'arracher!"
Il fronça les sourcils, contrarié. "Des amis, tu vas t'en refaire, j'en suis sûr. Il y a un des meilleur collège de sorcellerie du monde en Grande-Bretagne. Tu y seras aussi bien qu'ici, j'en suis certain. Et dorénavant, nous pourrons passer les vacances ensemble, et tu n'auras pas besoin d'aller dans cet internat."
"Super! Fantastique!" Ironisai-je vivement.
Je balançai ma chaise contre l'ancien vaisselier, et elle perdit un pied. Le meuble bascula en avant et les cadres qui étaient posés en équilibre dessus tombèrent à terre, se brisant. Les deux battants en verre ainsi que la belle vaisselle en porcelaine et les verres en cristal s'écrasèrent avec fracas sur le sol. Les éclats volèrent dans la pièce mais heureusement, aucun ne nous toucha.
"Tu ne comprends vraiment rien!" Hurlai-je.
Bouillonnante de rage, je jetai mon assiette dans le lavabo. Mon geste violent n'eut juste pour effet que de la casser avec un grand bruit de porcelaine brisée. Cela ne m'apaisa nullement. Mon père, effaré, était toujours à sa place et ouvrait et fermait la bouche comme un poisson.
C'est sur cette vision que je courus me réfugier dans ma chambre, en prenant bien soin de claquer la porte derrière moi. Je m'empressai de rédiger deux lettres à mes meilleures amies, pleines de fureur, regrets et tristesse. Je les expédiai avec mon hibou, Elina.
Je me jetai sur mon lit. La poussière vola autour de moi en nuages quasi invisibles, dansant un ballet presque imperceptible. Le couvre lit était rose et parsemé de marguerites. Je souris pour la première fois depuis mon arrivée, tout en passant mes doigts sur le tissu rêche. Je l'avais choisi le jour de mes huit ans, peu avant notre déménagement. Nous habitions alors à Miami, dans une petite maison, entourés de latinos canons dont je n'avais malheureusement pas encore l'âge de profiter - quel dommage. Mon père travaillait pour la police, ma mère comme infirmière. Ce fut là-bas que je passais mes années les plus heureuses, je pense. Je me remémorai le jour de notre déménagement en France. Si tristes, si seuls. Nous avions besoin de changement, et papa avait décidé de rentrer chez ses parents, dans la banlieue de Marseille. Papa rentrait enfin au pays, mais il était tout sauf heureux. Et moi, déracinée de tout ce qui avait constitué ma vie pendant huit ans, je déménageais dans un pays dont j'ignorais tout. Pour lui. Et c'était comme ça quil me remerciait?
Puis tout était arrivé si vite, et tout avait changé pour de bon. Je me retrouvais à l'internat, papa alcoolo et sans le sou, et c'était la fin. Et voilà qu'il voulait encore déménager. Et pas dans n'importe quel endroit. Non, il fallait qu'il choisisse l'Angleterre. Comme s'il cherchait à retourner le couteau dans la plaie.
Mes souvenirs s'évanouirent à cette pensée. Londres. Bon, ok, ce n'était pas si loin que ça. Je me relevai et saisis un vieil atlas qui traînait dans ma bibliothèque extrêmement bien fournie (entre livres de fillettes de dix ans et grands classiques de la littérature que j'avais acquis pendant mon séjour à l'internat) - j'adorais lire - et regardai la distance qui me séparerait de ma ville. 1001 kilomètres à vol d'oiseau, c'était tout de même pas la porte d'à côté.
Je lui en voulais tellement. Il ne m'en avait même pas touché un mot avant d'accepter. Mais une chose était sûre : je ne bougerais pas d'ici.
Ellipse
"Nola ..."
"Non."
"Enola!" Implora-t-il d'une voix suppliante.
Je répondis d'un ton sans réplique. "Je ne dirais rien de plus."
Calée dans le siège de l'avion en partance pour cette ville tant détestée, je tournai résolument la tête vers la vitre, déterminée à n'adresser la parole à mon père qu'en cas d'extrême urgence. Il avait fini, après maintes et maintes disputes, par me traîner limite de force à l'aéroport. Les déménageurs étaient passés deux jours plus tôt chez nous pour prendre tous nos meubles, juste après mon arrivée. Tout avait été programmé dans mon dos, il n'en avait absolument cure que je souhaitais rester en France. Le message avait été explicite : je venais, un point c'est tout.
J'avais eu le temps de fuir la maison, pendant que mon père procédait à l'organisation de sa nouvelle vie. J'avais salué toutes mes vieilles connaissances, pas que des recommandables, des gens, pas vraiment des amis, avec qui j'avais passé mes périodes les plus sombres. Il y avait d'abord Garance, puis Céline et Laura, mes voisines de chambre à l'internat, où j'avais passé tout mes étés. Seb, mon meilleur ami, à la vie, à la mort.
Puis il y avait Adam.
Mon cœur accéléra à cette pensée. Je ne l'avais pas revu depuis les dernières vacances, et il n'avait absolument pas changé. Toujours cet air narquois, ce sourire tordu, ses yeux de glace et ses cheveux bruns. Lorsque j'étais venue chez lui, une fille était encore pendue à son bras, et il l'avait chassée. Pour passer du temps avec moi.
Je sentis mon visage s'échauffer à la pensée de ce que nous avions fait. Après, lorsque nous étions encore couchés dans son lit, il m'avait dit tant de douces paroles, m'assurant que j'étais la seule qu'il aimait. J'avais tellement envie de le croire. Mais qui était la fille qu'il avait congédiée à mon arrivée?
L'avion amorça sa descente, tandis que mille questions tournaient et retournaient dans ma tête. Mon moral était à zéro, mes maigres possessions dans la soute et mon chez moi loin d'ici. L'inconnu s'ouvrait devant moi et pour changer, j'avais peur. Merlin, j'avais tout le temps peur. Peur de l'inconnu, peur de finir comme mon père, peur du regard des autres, de mes propres faiblesses. Même peur du vide (j'avais tenté de regarder par la fenêtre de l'avion mais avais vite reculé). Les gouttes d'eau se déversaient du ciel gris et je me rappelai avec une pointe (ou un sac) de regrets mon sud de la France ensoleillé. Nous touchions à peine le sol anglais que j'étais déjà nostalgique! Ça n'allait pas le faire du tout...
Rappelez-moi pourquoi j'adressais encore la parole à mon père, exactement?
Peut-être est-ce parce que je savais qu'il souffrait de vivre sans la femme qu'il avait tant aimée dans sa vie, de vivre avec ce fantôme persistant qui subsistait dans chaque objet, chaque souvenir. Je comprenais qu'il veuille tout recommencer, encore, et se reprendre en main. Au fond, ce n'était pas pour ça pour ça que je lui en voulais. Je lui en voulais pour son absentéisme, de m'avoir laissée seule quand j'avais besoin de lui. Je ne lui en voulais pas d'essayer d'être heureux à nouveau. Mais ça aurait été cool qu'il soit heureux sans changer de pays, aussi. Surtout pas pour celui-là. Merlin, il fallait qu'il choisisse l'Angleterre pour précisément oublier maman? C'était vraiment le monde à l'envers. Ou alors il était juste maso.
J'appréhendais plus que tout la rentrée dans cette nouvelle école. Enfin, pas pour les amis! Je veux dire, j'étais plutôt douée pour sympathiser avec les inconnus, bien que j'ignorais comment. Pourtant, je ne voyais absolument pas ce qui semblait les attirer chez moi. J'étais plutôt garçon manqué. Je ne me maquillais pas - sauf pour ce qui était de l'anti-cernes. Je préférais les t-shirts simples et amples aux petits tops féminins, et je me trimbalais les mêmes Dr. Martens noires et miteuses ainsi ma veste en jeans râpée depuis mes douze ans. Je croyais d'ailleurs fermement que sans magie, ils tomberaient en loques, mais passons. Presque tous mes jeans avaient des trous aux genoux et je vous jure que je ne faisais pas exprès...
Nous atterîmes. L'avion freina brutalement et ma ceinture s'appuya sur ma vessie tendue. Au supplice, j'attendis que ce crétin de pilote ralentisse plus doucement. Ah, les anglais.
Ellipse
"Et voilà!" S'exclama mon père, euphorique.
Ce n'était pas trop mon cas. Derrière le battant brun foncé qui s'ouvrit en grinçant, je découvris peu à peu ce qui deviendrait mon nouveau chez moi. Une cuisine aussi large qu'un couloir, mal éclairée, un petit salon, une salle de bain avec ce qui avait dû autrefois être du carrelage blanc, et deux chambres. Selon mon père, c'était merveilleux, c'était en plein cœur de Londres et on pouvait apercevoir London Eye par le velux des toilettes. Selon moi, c'était moche, minuscule et à côté d'un pub bruyant et sale. Moi qui me plaignais du taudis qui nous servait d'appart' à Marseille, j'avais trouvé pire. Ô joie.
Je déambulai dans l'appartement pendant que mon père déchargeait les valises de la voiture en bas de l'immeuble. C'était le travail de mon père qui nous l'avait mis à disposition. Cela me changeait tellement que j'eus soudainement envie de m'asseoir et de pleurer. Pourtant, ce n'était vraiment pas mon genre, de pleurer comme une faible fillette. J'imagine que je ne devais pas être dans la bonne période.
Néanmoins, j'entrai dans la pièce qui serait ma chambre et qui contenait mes meubles. Je m'affalai sur mon tapis crème, les bras en croix. J'étais tout à fait capable de rester prostrée comme ça pendant des heures, pleurant et me lamentant sur mon sort pendant des heures, avec un syndrome prémenstruel adéquat et une excellente raison. Ce fut donc dans cette position que me retrouva mon père deux heures plus tard, lorsqu'il fut l'heure de souper.
Ce soir-là pourtant, je ne mangeai pas grand chose du repas thaï que mon père avait commandé. J'avais la gorge bien trop nouée pour avaler quoi que ce soit.
Joyeux seizième anniversaire, Enola.
Ellipse
Chère Mrs Chevalier,
Nous avons le plaisir de vous annoncer votre exceptionnel transfert à l'école de sorcellerie de Poudlard, afin de poursuivre vos études déjà entamées à Beauxbâtons, suite à votre récent déménagement.
Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, Mrs Chevalier, en l'expression de nos sentiments distingués.
Minerva McGonagall
Directrice-adjointe
Telle était la lettre que j'avais reçue deux jours après notre déménagement. Un homme me l'avait apportée, un représentant du Ministère de la Magie, comme il s'était présentée. Normalement, il ne rendait visite qu'aux moldus, mais étant une étrangère, j'ignorais tout du lieu où l'on pouvait trouver un apothicaire et un marchand de baguettes magiques.
Aussitôt renseignée, j'avais transplané sur le Chemin de Traverse, accompagnée de mon père. Et oui, on nous enseignait à Beauxbâtons le transplanage à l'âge de quinze ans, on l'on était jugés responsables à partir de cet âge. Cool, non?
Là-bas, mon père m'avait ouvert un compte à Gringotts, la banque des sorciers. Je possédais un compte à Paris, aussi, avec mon héritage de ma mère, mais il avait tout fait transvaser dans celui de Londres, afin que je ne sois pas incommodée.
Mais il était ensuite parti, pour cause : son nouveau travail qui lui prenait tout son temps. Tellement de temps qu'il n'en avait plus pour le passer avec sa fille, fille qu'il ne verrait plus jusqu'à Noël prochain. Ugh.
Et voilà, je me promenai maintenant, seule, dans la grande rue du Chemin de Traverse. Je flânai, passant devant les devantures des magasins. Ma première halte fut au Royaume du hibou, histoire d'acheter un peu de miamhibou pour Elina. En ressortant de la boutique, je consultai ma liste de fournitures. Le premier point indiquait uniforme, je me mis donc à la recherche d'une boutique de vêtements, que je finis par trouver sous le nom de Madame Guipure, prêt-à-porter pour les mages et sorciers.
J'entrai dans la boutique et une jeune femme un peu ronde m'accueillit aussitôt.
"Ah, une écolière!", s'exclama-t-elle joyeusement. "Je parie que tes uniformes ont rapetissé pendant l'été, hein! Ah, la jeunesse!"
Je me gardais de lui dire qu'elle n'était pas très vieille non plus, et que cela faisait environ trois ans que j'étais réglée - donc que j'avais arrêté de grandir.
"En fait", dis-je cordialement, "il se trouve que j'intègre Poudlard cette année et j'aurai besoin d'uniformes neufs."
"Ah! Dans ce cas..."
Elle agita sa baguette et un grand ruban métrique vint prendre quelques mesures. Quand ce fut fait, elle me passa une robe de sorcière dont elle entreprit aussitôt d'épingler l'ourlet, afin de le mettre à la bonne grandeur.
Cette séance d'essayage se termina assez rapidement, fort heureusement pour moi qui détestais attendre sans rien faire. Je réglai mes achats (trois robes noires, un chapeau pointu, et une cape d'hiver - je possédais déjà les gants en cuir de dragon) et m'enfonçai dans la boutique d'à côté, Fleury&Bott, une librairie. Impressionnée par la quantité importante de volumes que contenait cette dernière, j'y passais bien une demi-heure avant de me rappeler à l'ordre, non sans consulter deux-trois ouvrages encore le temps de sortir. Ensuite, je passai encore acheter des plumes et de l'encre, renouvelait mon stock d'ingrédients pour les potions chez l'apothicaire et ce fut tout. Je conclus ma journée shopping par un tour chez un glacier de la rue, où je dégustai un merveilleux sorbet au citron - mon préféré.
Mon anglais de fortune me fut d'une grande utilité. Mon père avait rencontré ma mère en Floride, où il s'étaient installés et où j'étais née. Ma mère avait tenu à m'enseigner l'espagnol, mon père le français, et j'avais appris l'anglais à l'école, sur le tas. Cet enseignement me permit de me débrouiller lorsque nous déménageâmes en France. Et maintenant, je doutais que j'eusse pu me débrouiller aussi bien sans tout ce chenis de langues. Bénie soit feu Esperanza Chevalier.
Certes, je manquais cruellement de pratique. Mais le plus drôle était sans conteste l'accent british.
Sérieusement, moi qui étais habituée à l'américain! "Would you like some wotaaaaah?"
Et ce fut donc ainsi que je conclus ma première journée dans le monde anglais des sorciers.
Ellipse
Ça y était. Dans quelques heures, je serais enfin dans le train en direction de Poudlard, en route vers mon nouveau destin. Ces semaines de vacances avaient filé si vite que je n'avais même pas eu le temps de souffler, de m'habituer à mon environnement et à la vie commune (les soirs où il était enfin là) avec mon père.
Cette rentrée des classes me stressait plus que je ne voulais bien en laisser paraître. D'abord, je n'avais jamais vraiment écouté en cours (sauf en sortilèges - où l'on nous formait pour devenir des enchanteurs, c'était ma matière préférée), car j'avais de la facilité, que ça ne m'intéressait pas toujours et que Camille, dont la matière grise était plutôt impressionnante, était ma meilleure amie. Certes, le niveau à Beauxbâtons était plutôt élevé, mais si il l'était encore plus à Poudlard? Et si cette sixième année ne se passait pas bien?
Je peinais à trouver le sommeil, cette nuit-là. Et quand j'y parvins finalement à deux heures du matin, il fut peuplé de rêves étranges, et de ce même cauchemar qui revenait encore et encore, toujours plus terrifiant. Terrifiée et en nage, je me réveillai à cinq heures et demie. Oh, Merlin.
J'avais tendance à avoir le sommeil plutôt lourd. Le weekend, je n'émergeais en tout cas pas avant onze heures et demie/midi. Mais ce matin-là, il me dit tout simplement impossible de retrouver le sommeil. Dépitée, je me traînais jusqu'à la salle de bain, histoire d'accomplir mon rituel matinal.
Tandis que je me lavai les mains, je jetai furtivement un œil à mon reflet, qui me rendit mon regard suspicieux. Mon tshirt des Miami Heat m'arrivait à mi-cuisse, c'était un ancien pull de mon père qu'avait l'habitude d'utiliser ma maman lorsque j'étais jeune. Mes lourds cheveux brun foncé coulaient en cascades de boucles souples sur mes épaules et dans mon dos. Mais mon visage avait les traits tirés et, pour quelqu'un de bronzé, eh bien, j'étais plutôt pâle (ce que je viens de dire n'a aucun sens. Les gens à la peau hâlée ne sont pas pâles. Disons simplement que j'étais plus claire que d'ordinaire.). La cicatrice blanchâtre en forme de croissant de lune se découpait toujours, bien visible, sur ma peau bazanée, coupant la régularité de ma joue, de mon œil jusqu'au long de ma mâchoire.
Je détachai mes yeux du miroir et me penchai en avant, me frottant vigoureusement le visage sous l'eau glacée, dans le bain espoir de me réveiller. Je partais de la maison dans cinq heures, j'avais largement le temps de me préparer.
Non?
"Vite!" Criai-je à mon paternel. "Mais dépêche-toi, bordel!"
Sans doute vous demandiez-vous pourquoi moi, qui m'étais levée si tôt, me retrouvais maintenant à 10 heures 56 sur le quai de la gare de King's Cross, en nage, furieuse, avec un SP (syndrôme prémenstruel, les filles) qui me donnait envie de m'arracher l'utérus du corps, traînant une lourde valise, une chouette et une loque humaine derrière elle. À vrai dire, j'avais moi-même eu le temps de m'interroger pendant le trajet en voiture. Nous étions partis à 10 heures et demie de la maison, à cause du temps qu'avait pris mon père à se préparer et aussi à cause du coup de fil qu'il avait pris une heure et demie de temps avant de raccrocher, car il était, selon lui, d'une importance capitale (tellement important que si sa fille loupait le début de l'année scolaire, il s'en fichait bien). À ce moment-là, rien n'était encore perdu car j'aurai simplement pu transplaner jusqu'à la gare et avoir le temps de trouver mon train sans me stresser, grâce aux informations que m'avaient prodiguées le mec du ministère. Mais sous prétexte que - c'est ses mots - c'était le devoir d'un père d'accompagner sa fille (depuis quand il s'en souciait, de ses devoirs et de sa fille?), j'avais encore perdu du temps dans les bouchons londoniens, à jeter des regards anxieux à ma montre toutes les trente secondes.
10 heures 57. Le cœur battant la chamade, je franchis la barrière magique, mon père trébuchant derrière moi. Je débouchai enfin sur ce fameux quai 9¾, une locomotive rouge crachant des panaches de vapeur devant moi. Des parents adressaient des signes de mains à leurs enfants, qui saluaient derrière leur vitre. Je vis les derniers retardataires grimper à bord et me retrournai. 10 heures 58.
"Bon bah salut", marmonnai-je, pressée d'écourter les aux revoirs.
Il semblait encore plus gêné que moi, si ce n'est plus. "Oui, heu... On se voit, enfin peut-être, bref j'espère, pendant... Heu... Les vacances de Noël?"
"Ouais, c'est ça", grimaçai-je.
Vint le moment gênant des effusions. Mon père mima le geste de m'embrasser mais je coupai son élan en tendant vivement la main. Je serrai rapidement la sienne, moite de transpiration, et me détournai de lui.
10 heures 59.
"Enola?"
Je fis volte-face. "Ouais?"
"Je voulais juste te dire..." Il se gratta nerveusement la tête, pendant que je tapai du pied. "Non, oublies, c'est pas grave. Allez, file!".
Exaspérée, je courus et sautai sur le premier marchepied qui se présenta, au son du coup de sifflet du chef de gare. Qu'est-ce que mon père avait bien voulu me dire? Je n'en savais rien, et je m'en contrefichais. Ce ne devais pas être si important que ça, n'est-ce pas, s'il avait fini par se taire?
Le train s'ébranla et pris de la vitesse. Je ne vis jamais la mine triste et fatiguée de mon père, je ne vis jamais sa main s'agiter faiblement, je ne l'entendis jamais murmurer tristement "je t'aime".
J'étais déjà partie.
Hé! Je l'ai fait, Voila. Laissez une trace de votre passage, un p'tit avis, ça coûte rien ❤️
bisouuuus
