Disclaimer : Si la Ligue Souterraine et Artik sont issus de mon imagination, ce n'est pas le cas de Clémentiville et de l'univers de Pokémon; eux sont la propriété de GameFreak et Satoshi Tajiri.
Notes : Je tiens à préciser également que cette fanfic est le cadeau d'anniversaire (de l'année dernière, j'ai honte) de ma merveill... De Moody Poison. (j'vais m'faire enguirlander, si j'dis encore qu'elle est merveilleuse)
J'ai donc du retard sur la publication, mais de l'avance dans les chapitres, donc l'un dans l'autre... Comment ça ça n'excuse rien ?
Je pense que ça se laisse lire même sans avoir lu la Ligue Souterraine, mais plein de références seront manquantes, puisqu'il s'agit d'une préquelle.
Sinon, malgré mon allergie à l'anglais, tous les titres des chapitres seront dans cette langue. Que voulez-vous, quitte à faire plaisir, autant y aller jusqu'au bout.
Bref ! J'vous souhaite bien du plaisir à lire cette fanfic !
She is back
Appuyée sur un mur sale, son formateur lui faisant face et restant stoïque, dardant un regard dur sur sa silhouette, la voix polaire, Neko se retenait difficilement de hausser les yeux au ciel en écoutant ce type bizarre aux cheveux bleus lui énumérer une liste de règles qu'il était formellement impossible d'apprendre juste en l'écoutant. Il lui faudrait au moins un exemplaire papier de ce règlement chiant comme la pluie, s'il voulait qu'elle l'applique à la lettre.
Artik – c'était ainsi que s'appelait son formateur – s'évertuait à lui dresser une liste longue comme un bras sur la façon dont elle devait lui parler, sur ce qu'il attendait d'elle et sur la manière dont il allait s'occuper de cette formation – dont il n'avait pas envie de s'occuper –. Neko exhala discrètement d'ennui, décrochant du discours insipide de son formateur, sa voix basse la maintenant difficilement éveillée.
Quand elle s'était lancée à la recherche de la Ligue Souterraine – très facile à trouver, d'ailleurs, pour quelqu'un qui, comme elle, se spécialisait dans des choses bien plus difficiles – elle ne s'attendait pas du tout à être formée par un con pareil.
Attila, ce géant avec qui elle avait sauté dans un lac gelé, lui avait dit qu'elle trouverait tout ce qu'elle cherchait dans cette organisation de fous, il lui avait promis, elle saurait ranimer la flamme qui se devait de danser dans des yeux aussi jeunes. À force de farfouiller chez des victimes désignées, elle avait fini par obtenir des informations sur la Ligue Souterraine, elle n'en avait auparavant jamais entendu parler et peut-être – peut-être seulement – avait-elle senti un petit frisson d'excitation à l'idée de s'impliquer dans une organisation illégale qui ne vivait que pour s'exalter, vivre et être libre.
Mais le con aux cheveux bleus qui débitait des règles sans queue ni tête n'avait pas la saveur qu'elle avait espéré, il n'était pas les promesses faites par Attila et même, au contraire, tentait-il de la brider avec des règles ridicules et sans fondement.
Provocante et pourtant toujours dans la décence, Neko n'avait jamais réellement aimé les règles et tous ces trucs pesants. C'était aussi pour ça qu'elle avait une équipe de Pokémons furtifs, pour pouvoir échapper à tout ça, se dissimuler pour mieux savourer la liberté. La Ligue Souterraine lui avait paru une bonne occasion de fuir son quotidien un peu trop fade. Et voilà que l'autre arrivait avec ses grands sabots, ses règles toutes faites et sa misogynie. Elle sentait qu'elle allait sacrément en baver avec lui.
Artik se détourna d'elle en continuant de parler et elle devina qu'il lui fallait le suivre, ce qu'elle fit d'un pas traînant et peu élégant, dans une attitude puérile et boudeuse. Peut-être que si elle le poussait à bouts, il renoncerait de lui-même à la former ? Peut-être aurait-elle la chance de se voir attribuer un autre maître ? Elle aimerait bien que ce soit Attila…
À la sortie de l'entrepôt désaffecté qu'elle apprendrait à nommer six pieds sous terre, Neko avait déjà pris la décision de tout faire pour pousser Artik dans ses derniers retranchements, pour qu'il supplie les Élémentaux de la changer de binôme, de ne plus être son tuteur.
Regardant défiler les arbres, puis bientôt les rues, passant devant la prison de Clémentiville, tournant à gauche, puis à gauche puis à droite, Neko souriait doucement, commençant à prêter attention à ce que disait son maître, ayant déjà une stratégie bien établie au fond de son crâne pour le pousser à bouts. Avec ce qu'elle lui préparait, il ne survivrait même pas deux mois à son contact. Fière d'elle, elle passa devant Artik qui lui cédait le passage dans un geste galant qui ne lui mit pas la puce à l'oreille. Elle ne se laisserait pas piétiner par ce sale con.
Alors qu'elle allait passer la porte vitrée d'un immeuble d'une dizaine d'étages, elle s'arrêta subitement, entendant le bruit caractéristique de l'ouverture d'une Pokéball. D'un mouvement d'épaules souple, elle se tourna et échappa de justesse à un puissant lance-flammes, lancé par un Arcanin majestueux qui la contemplait d'un air mauvais, grognant vers elle furieusement.
— Règle numéro 8, chat de gouttière, tu ne dors pas dans mes planques.
— Alors je dors où ? demanda-t-elle en haussant un sourcil plissant les ailettes de son nez sous l'odeur de plastique fondu de la porte de l'immeuble.
— Sur le balcon.
La réponse était tombée avec un haussement d'épaules indifférent. Elle haïssait déjà cet homme.
— Et comment je suis censée atteindre le balcon si je ne peux pas traverser ton appartement ?
— Démerde-toi.
Artik la contourna et pénétra dans l'immeuble, fermant la porte sécurisée derrière et sans lancer le moindre regard à Neko qui resta complètement stupéfiée. Rapidement la surprise se transforma en intense colère. Elle repéra le balcon où elle devait se rendre et pâlit. Forcément, il habitait au dernier étage.
Elle s'approcha du mur pour l'examiner. L'escalader risquait d'être compliqué. Mais elle pouvait passer de balcon en balcon, c'était une bonne idée ça. Neko hocha la tête et resserra les bretelles de son sac avant de se baisser sur ses lacets pour les nouer d'une façon plus solide. Elle se déplaça ensuite sous les balcons et sauta pour tenter d'attraper le bord du premier. Il lui manquait dix centimètres. Elle grogna un peu avant de s'attaquer au mur.
Se hissant difficilement jusqu'au premier étage, elle força.
— Gniiiiiiii ! grogna-t-elle en battant des pieds dans le vide pour tenter de trouver le bord du balcon, afin d'avoir une prise plus solide. Il me le… paiera !
Arrivée au premier balcon, elle s'approcha du bord et leva la tête pour analyser la distance qui lui restait à parcourir. Elle blanchit. Neuf, ça faisait quand même beaucoup. Elle pâlit encore plus quand elle vit son formateur, cet imbécile d'Artik se pencher par-dessus la rambarde et sourire moqueusement.
— Bah, cria-t-il, t'es pas encore en haut ? Mais c'est quoi, cette chose qu'on m'a refilé… J'ai vraiment la poisse, moi. En plus d'avoir des seins et un vagin, elle est nulle. Ceci dit, c'est une constante féminine d'être nulle…
Neko fronça les sourcils, se mettant debout sur la fine barrière de métal du balcon du premier étage et elle sauta d'un geste souple et élégant, semblable à un saut de chat, avant de saisir les barreaux du deuxième étage. Elle sourit. Il allait voir, ce sale con.
Neko se hissa en contenant tout gémissement prouvant qu'elle forçait et elle continua ainsi pendant plusieurs minutes, ne faisant aucune pause par fierté, vérifiant seulement si Artik suivait sa progression, ce qui était le cas.
Plus elle grimpait les étages, plus il souriait de cette façon cruelle qu'elle détestait déjà. Elle ne se posa pas plus de questions que ça, se disant qu'elle verrait bien quand elle serait là-haut. Plus que deux étages.
Elle faillit tomber en se hissant sur la rambarde, essoufflée. Elle manquait cruellement d'entrainement. Il fallait bien confesser qu'elle s'était quelque peu laissée aller pendant quelques mois, s'oubliant dans la vodka et le cannabis de mauvaise qualité, tentant d'occulter ce qu'il lui avait fait, ce qu'il lui avait dit et comment toute cette comédie humaine s'était achevée. Par un échec, bien évidemment. Elle se demandait souvent comment elle avait pu se laisser prendre au piège, alors que June l'avait mise en garde.
Se ressaisissant, elle sauta, attrapa les barreaux du neuvième étage et sourit. Plus que deux. À la force de ses bras, elle monta sur la barrière et se mit debout. Artik était quasiment à portée de main.
Elle sauta et, alors qu'elle attrapait les barreaux, elle aperçut Arcanin aux côtés de son dresseur. Neko sentit ses yeux s'écarquiller alors que le sourire d'Artik s'accentuait et qu'Arcanin ouvrait la gueule pour cracher une salve de flammes qui ne rata pas les doigts de la jeune dresseuse.
Elle grimaça et lâcha sa main. Artik mit un genou à terre près d'elle, avant de dire :
— J'ai jamais dit que ce serait si facile. Recommence.
Puis il planta ses griffes en métal dans les doigts resserrés sur les barreaux sous le regard terrifié et furieux de Neko qui lâcha les barreaux et chuta tandis qu'il éclatait d'un rire amusé.
— Tu es dresseuse de Pokémons, pas un Capumain en devenir. Je déteste les Capumains. Trouve une autre solution.
Neko atterrit douloureusement dans les fourrés qu'il y avait juste sous les balcons et elle grimaça en voyant un bec picorer près d'elle. Un de ces crétins de Poichigeons.
— JE DÉTESTE LES POICHIGEONS ! hurla-t-elle avant de se relever et de lancer un immense coup de pied dans le Poichigeon le plus proche.
Le Poichigeon rebondit sur une branche et Neko sourit en constatant qu'il était K.O. Son dos sembla manifester sa désapprobation en la lançant douloureusement. Elle grimaça avant de relever la tête. Artik était toujours sur le balcon, il fumait une cigarette. Neko fronça les sourcils en portant une main à sa ceinture de Pokéballs.
— Furaiglon, porte-moi jusqu'à là-haut ! cria-t-elle en tendant une Pokéball.
Son Pokémon se précipita sur la main tendue et referma ses serres dessus, fournissant quelques efforts supplémentaires pour transporter sa dresseuse. Il se stabilisa au niveau d'Artik, tandis que Neko se parait d'un immense sourire.
— Alors qu'est-ce que tu dis de ça ?
Il recracha une bouffée de sa cigarette et l'écrasa sur la serre de Furaiglon, qui poussa un cri et lâcha Neko.
— J'en dis que c'était bien tenté mais toujours pas ça.
Retombant dans le fourré, Furaiglon volant vers elle sans parvenir à la rattraper, Neko jura. Mais qu'est-ce qu'il attendait d'elle ?
Si elle escaladait, c'était pas ça, si elle utilisait un Pokémon, ce n'était pas ça non plus. En plus, c'était dangereux de la pousser dans le vide comme ça. Et pauvre Furaiglon. Neko enleva son sac de son dos, pour attraper de quoi soigner son Pokémon et ses mains qui la lançaient un peu à cause de la brûlure d'Arcanin.
Elle leva la tête vers Artik pour le fusiller du regard. Puis elle eut une idée. Souriant, elle donna un peu de potion à Furaiglon et banda ses mains tant bien que mal, avant de se dissimuler au regard d'Artik pour lancer une deuxième Pokéball.
— Zoroark ! Lance une illusion faisant croire à ce type que je m'envole avec Furaiglon et que j'arrive devant lui !
Le Pokémon obéit et elle vit Artik lever les yeux pour observer quelque chose qui arrivait en face de lui, tandis qu'elle demandait :
— Furaiglon, je sais que ça va te demander beaucoup de force, surtout avec ta blessure. Mais il faut que tu me fasses voler derrière Artik. Et que tu me lâches près du balcon, d'accord ?
L'aiglon hocha la tête et s'envola, saisissant Neko par la main et faisant le tour de l'immeuble. Neko se retenait de rire à son idée vicieuse et elle atterrit silencieusement près d'Artik qui regardait toujours un point dans le ciel. Elle se plaça derrière lui et sourit avant de se baisser, de le saisir au niveau des genoux et de le faire basculer par-dessus la rambarde. Elle entendit un cri et guetta un impact qui ne vint pas. Elle regarda en bas et vit qu'Artik avait appelé un de ces Pokémons à la rescousse. Fronçant les sourcils, Neko attrapa son Pokédex et le pointa sur le Pokémon.
— Tropius, informa le Pokédex, le Pokémon Fruit. Les succulents fruits de son cou poussent deux fois l'an et font le régal des enfants des tropiques.
— N'importe quoi, pesta Neko, il s'appelle Artik et il a des Pokémons tropicaux. On aura tout entendu.
Cependant, satisfaite de lui avoir donné une bonne leçon, elle sourit d'un air ravi alors qu'elle le voyait relever la tête vers le balcon. Elle lui adressa un petit signe, puis un doigt obscène et elle se tourna vers l'appartement. Fit un arrêt. Déglutit. Se recula jusqu'à la barrière du balcon.
Devant elle, feulant dangereusement, se dressait Arcanin, qui lui montrait des crocs passant pour immenses auprès de Neko. Elle se demandait vraiment comment elle allait pouvoir se tirer de cette histoire. Le Pokémon de son maître de formation n'avait vraiment pas l'air du genre à être apaisé avec des mots et de la nourriture pour Pokémon feu. De toute façon, se dit-elle en regardant à quelle distance se trouvait le bord du toit, elle n'avait pas de nourriture pour les Pokémons de flammes.
Dans un mouvement félin, elle grimpa sur la barrière en métal, s'y tenant sur la pointe des pieds, dans un équilibre précaire calculé avec soin et elle se déplaça, en allant sur la droite, narguant toujours plus Arcanin, lui tirant la langue. C'était risqué, de le provoquer. S'il crachait un lance-flammes bien placé, elle n'aurait que deux choix : mourir brûlée vive ou mourir en crêpe sur le sol. Elle sourit encore plus fort.
Comme elle pouvait aimer ces situations dans lesquelles elle s'empêtrait, qui ne lui laissaient le choix qu'entre peste et choléra, quand elle trouvait toujours le moyen de ne s'en sortir qu'avec un petit rhume, mettant à l'épreuve son corps endurci par les quelques années d'entraînement – ramolli à cause de l'amour mais encore tout à fait valable –, mettant à l'épreuve sa capacité à rester calme face à l'adrénaline qui envahissait ses veines et dilatait ses pupilles, lui donnant l'impression qu'elle pourrait déplacer des montagnes.
Elle leva les yeux vers la porte vitrée du salon du connard aux cheveux bleus. Il était là, observant la scène avec attention, ne faisant pas mine d'arrêter Arcanin qui se regroupa sur lui-même, de la fumée s'échappant de sa bouche. L'attention de Neko fut de nouveau attirée vers le Pokémon. Elle se concentra, ferma les yeux et laissa son instinct félin prendre le dessus. C'était June qui l'avait entrainée, que diable, pas le premier Poichigeon venu ! Elle avait reçu une formation basée sur l'écoute de l'instinct et l'éveil de ses sens. Elle avait pris sur elle pour formater son ouïe, sa vue, repérer les signes, se fier à ce qu'elle avait dans le ventre.
Rejetant sa tête en arrière, elle laissa la sensation de peur l'envahir et jeta un regard émerveillé vers le ciel. Neko était à deux doigts de brûler vive et jamais elle ne s'était sentie aussi vivante, depuis ce saut dans un lac gelé. Elle entendit la gueule d'Arcanin s'ouvrir, elle déplaça son poids sur ses talons qui étaient dans le vide.
La sensation de la chute, celle qui faisait tressauter son cœur et retournait ses tripes, aurait pu être enivrante. Mais en un mouvement fluide elle se redressa dans le vide, tendit une main et s'agrippa au bord du balcon, glissant ses doigts juste sous la barrière, risquant de le rater. Elle sourit encore plus.
Levant les yeux, elle vit le jet de flammes disparaître dans la raie de lumière rouge traditionnelle lorsqu'on rappelait un Pokémon et, enfin, Artik s'accouda sur la barrière, ses chaussures renforcées à quelques millimètres à peine des doigts de Neko. Il fit courir ses doigts et sa griffe sur le métal de la rambarde de sécurité, dévisageant sa jeune élève en silence.
L'échange de regards dura longtemps, s'attarda sur les courbes de leurs visages, et les jaugea. Neko finit par remonter le long de la barrière et par atterrir sur le balcon dans un bruit aérien et léger, toujours sans lâcher les prunelles noires d'Artik.
Il se détourna en silence, longtemps après avoir sondé le corps svelte et noueux de Neko, ses vêtements déchirés par endroits, le sang qui perlait où elle s'était blessée.
Cependant, quand il ferma la porte-fenêtre, même encore des années après, elle était persuadée d'avoir vu un premier sourire franc et sincère frémir au coin des lèvres de son maître.
Lorsque, le lendemain, un Poichigeon lui picora les cheveux pour la réveiller aux premières lueurs de l'aube, alors qu'elle s'était endormie très tard, l'esprit encore hanté par des souvenirs désagréables, Neko sut que la journée allait être plus que désagréable. Elle se redressa vivement, empoignant le Poichigeon par le cou et elle serra le poing, alors que le Pokémon la regardait d'un air terrifié. Elle lança le Pokémon par-dessus le balcon.
Elle se vengerait d'Artik, c'était évident. Elle avait déjà une idée de la façon dont elle allait le ridiculiser. S'étirant légèrement, bâillant un peu, elle se frotta les yeux. Avant toute chose, il était temps qu'elle reprenne du service en tant que voleuse. Elle avait repéré un immense gratte-ciel, qu'elle avait reconnu comme étant la Gédublé SARL. Il s'agissait du plus grand affront qu'on pouvait faire à une voleuse de son pedigree, la PDG de cette société affirmait haut et fort que jamais elle ne pourrait être cambriolée, son système de sécurité serait impénétrable.
Du temps où elle était encore à l'apogée de son art, rien ne lui faisait peur. Pourquoi s'arrêterait-elle à une petite sécurité soi-disant impénétrable ? Souriant, Neko enjamba la rambarde du balcon, s'apprêtant à se laisser tomber. Il s'agissait donc, à présent, de préparer sa visite de courtoisie à cette charmante dame. Mais pour y voler quoi ? Ça faisait un trop long moment qu'elle s'était éloignée de tout ça, qu'elle avait renoncé à son ancienne de vie de voleuse.
— Hey, tu fais quoi, Capumain ?
Faisant volteface sur la fine rambarde, Neko manqua d'être déséquilibrée. Elle réussit à se rattraper de justesse, retombant sur le balcon, s'attirant le regard moqueur d'Artik qui tenait une tasse de café fumante à la main. Jetant un œil envieux sur le précieux nectar, Neko haussa les épaules, dénouant ses cheveux, les libérant en cascade sur ses épaules.
— Je comptais partir faire un tour.
Plus jamais elle ne se laisserait surprendre par Artik, elle se le promettait. Comment avait-elle pu baisser sa garde de cette façon ? Lors d'un casse, ça lui aurait coûté la vie, ou pire, la liberté ! Il avala une nouvelle gorgée en haussant un sourcil, constatant que son élève n'avait absolument pas changé de vêtements.
— Et tu comptais te laver à un moment ?
— Tu me prêtes ta salle de bains ? rétorqua-t-elle d'une voix ironique.
— Non, démerde-toi. Mais quitte à ce qu'on me voie avec une femme accrochée aux basques, autant qu'elle ait un minimum la classe. Même si…
Le regard du connard glissa le long du corps de Neko qui croisa les bras et releva le nez, le défiant de faire le moindre commentaire. Personne, jusqu'ici, n'avait critiqué l'attrait de ses formes, de ses lèvres pulpeuses, de ses longs cheveux ondulés qu'elle se répugnait à confier à un coiffeur, ni de son décolleté souvent mis en valeur par des tenues en lycra souples et confortables, pratique pour se déplacer et se fondre dans la masse. Elle vit Artik hausser un sourcil.
— Sans intérêt, commenta-t-il.
— Entre semblables, on se reconnaît, siffla Neko, vexée.
Elle se déroba au regard de son formateur pour s'approcher une nouvelle fois de la rambarde, saisissant cette fois-ci la Pokéball de Furaiglon dans sa main. Toujours sans jeter une œillade au dresseur aux cheveux bleus, Neko lui cracha :
— Si c'est tout ce que tu as à dire, je vais m'en aller. J'ai des choses à faire.
— Sois revenue à dix heures maximum. J'ai un entraînement à te faire, moi.
Elle grogna, signe qu'elle avait compris. Il se méprit.
— Ça te semble trop dur pour toi, petite ? Tu peux renoncer, si tu veux…
Faisant volteface une nouvelle fois, sur la pointe des pieds, sentant la barrière trembler sous ses mouvements, Neko braqua un regard furibond sur Artik.
— Renoncer face à toi ? M'écraser devant toi ? Jamais. Je serai là à neuf heures cinquante, alors sois ponctuel.
Sans attendre la réponse, elle se laissa tomber dans le vide, regrettant le manque de répartie dont elle avait fait preuve. Elle aurait dû lui rétorquer un truc violent, qu'il aurait ressassé pendant des années, une chose blessante, lui faire mal, arracher ce sourire arrogant de ses lèvres et ses mots qui résonnent toujours plus fort dans son crâne. La serre de Furaiglon, qui écorcha légèrement son poignet, la fit sortir de ses pensées et elle se rendit compte qu'elle superposait Artik et lui. Il faut dire qu'ils avaient des traits communs, mais rien qui n'aurait dû se croiser dans son esprit. Soupirant, elle fit signe à son Pokémon de la déposer derrière la mairie, où elle savait qu'elle trouverait les registres du cadastre.
Habilement, elle guetta, après avoir rappelé Furaiglon, analysa son espace et les potentiels ennemis. Ce n'était pas le cas de ce couple qui batifolait dans les buissons, ne se rendant même pas compte qu'ils risquaient leurs vies à s'embrasser – voire plus, constata Neko avec une grimace – devant elle sans la repérer. Se concentrant pour ne pas leur tomber dessus et les tabasser à coups de Poichigeon, elle ferma les yeux. Zoroark, pour les êtres humains. Elle regrettait de ne pas avoir de Pokémon électrique avec elle, pour pouvoir court-circuiter les caméras et parvenir ainsi à accomplir son larcin sans que personne ne remarque quoique ce soit.
Elle se concentra davantage encore se forçant à faire le vide en elle, alors que Zoroark sortait de sa Pokéball, sachant très bien qu'elle avait besoin de lui. Le Pokémon se mit devant sa dresseuse, la regardant fixement, alors qu'elle ouvrait de nouveau les paupières, son cœur commençant à prendre un rythme bien plus soutenu. Comme ça allait être bon de replonger dans le vol, encore plus que narguer l'Arcanin d'Artik.
Pour les caméras, il lui suffirait de couvrir son visage. Après tout, que risquait-elle, le visage couvert ? De plus, elle était censée, en tant que spécialiste du vol, avoir pris sa retraite, s'être retirée à Arabelle, chez June. Qui allait sérieusement croire cette rumeur ? June était la dernière personne chez qui elle irait prendre sa retraite, sa sœur aînée était parfaitement incapable de tolérer le mot repos, elle enchaînait les contrats avec une intensité qui dépassait un peu Neko. En plus, son frère était actuellement en phase d'apprentissage chez June et même si elle l'aimait beaucoup, ses « Je te l'avais bien dit » étaient un tantinet agaçants.
Secouant la tête et maudissant une fois de plus, en bloc, lui, Artik, son frère et sa capacité de concentration amoindrie par tout ce qu'elle avait vécu, Neko se fustigea. Ce n'était pas le moment pour ça. Elle regarda la montre à son poignet. Il était sept heures et trente et un minutes. Elle s'accordait dix minutes pour trouver une solution plus intelligente que le masque pour les caméras. Après, elle fonçait.
Le bruit caractéristique d'une Pokéball qui s'ouvre la fit soupirer et fermer les yeux, comme pour ne pas voir ça, et son Kaiminus, plutôt petit pour son espèce, se redressa sur ses pattes et releva fièrement la tête, gonflé à bloc.
— Kaikaikai, souffla-t-il en regardant en tout sens avant de s'aplatir au sol, rampant en direction d'un fourré.
Neko soupira encore. Il ne manquait plus que ça. Retenant un rire quand Kaiminus revint vers elle, les joues peinturlurées de terre en deux lignes droite, une branche sur la tête pour parfaire son camouflage, Neko tendit la main à la Pokéball de son Pokémon avant de s'arrêter. Il se désignait d'une petite griffe pleine d'énergie, sa queue fouettant un peut les airs. Sa dresseuse sourit.
— Kai… MINUS ! s'exclama le Pokémon et Neko sourit.
— Tu as raison, Kaiminus. Pour cette mission, il faut un appât. C'est très courageux de ta part de te désigner comme tel.
Le Pokémon se redressa fièrement, avant de donner un petit coup de patte dans un caillou, l'envoyant un mètre plus loin. Neko comprit parfaitement que ce geste voulait dire « T'inquiète pas, c'est normal qu'on sauve le monde, toi et moi. ».
Ce Pokémon était persuadé, par un concours de hasards tous plus étranges les uns que les autres, que Neko tentait de sauver le monde et qu'il était son assistant et bras droit, en plus d'être le supérieur direct de tous les autres membres de son équipe. Neko trouvait ça… Mignon. Elle se tendit.
Mais elle avait un Pokémon Électrik ! Depuis peu, certes, mais elle avait Luxio, comment avait-elle pu l'oublier ? Elle jeta un regard chagriné à Kaiminus. Le pauvre avait l'air tellement motivé pour l'aider, elle ne pouvait pas lui briser le cœur en le rappelant dans sa Pokéball, comme ça, sans prévenir. Il ressortirait de toute façon.
Elle avait un plan. Souriant comme une enfant, elle l'expliqua à Zoroark et Kaiminus, avant de tourner les yeux vers le gratte-ciel de la Gédublé SARL. L'offense sera bientôt réparée.
Kaiminus toisa Zoroark d'un air de défi, semblant lui dire qu'il avait intérêt à bien faire sa part du boulot, puis il partit en rampant, alors que Neko et son maître des illusions échangeaient un petit regard amusé. Après tout, ils lui faisaient confiance. Il était un peu extrémiste, comme Pokémon, mais il avait toujours bien fait sa part du boulot.
— Bien joué, les gars ! lança-t-elle une fois qu'il se furent remis en lieu sûr.
En guise de lieu sûr, elle avait choisi un buisson dissimulé par Zoroark. Elle étala le plan du gratte-ciel Gédublé pour en observer les ouvertures, les sécurités, découvrir la faille du bâtiment.
Peut-être aurait-elle dû, s'abstenir d'envoyer un message à Carla Gédublé pour la prévenir d'un cambriolage imminent, ça allait être bien plus ardu qu'elle ne le pensait. Neko tourna la tête vers Kaiminus, qui la patte sur la mâchoire, les yeux mi-clos, fixait le plan comme s'il était dans une intense réflexion. Elle ne pouvait même pas imaginer ce qu'il se passait dans l'esprit de son Pokémon et elle n'était pas sûre d'en avoir envie.
Il tourna les feuilles une par une, examinant les plans, étages après étages, jusqu'à analyser le toit. C'était encore le moyen le plus évident de pénétrer dans le bâtiment, mais, en écoutant les rumeurs, lorsqu'elle visitait le cadastre, elle avait entendu dire qu'il y avait des travaux à l'étage juste en dessous, un nouveau laboratoire, apparemment. Il était donc totalement exclu qu'elle passe par cet endroit, qui devait être le lieu de rassemblement des ouvriers, entre la pause cigarette et la pause déjeuner. Elle secoua la tête. Déçu, Kaiminus retourna en arrière et désigna le dix-septième étage.
Pourquoi le dix-septième ? Analysant les plans plus en détails, Neko ne remarqua aucune faille. Les caméras étaient placées à des endroits stratégiques, qui ne lui laisseraient pas le temps d'employer tous ses arguments – à savoir Luxio – pour faire sauter les plombs, Zoroark était trop grand pour illusionner tout le monde depuis le conduit de l'aération. Il ne lui restait qu'une seule solution. Furaiglon. Le problème était qu'avec une serre blessée – connard d'Artik qui lui polluait même son travail – il ne pourrait pas la porter jusqu'à la fenêtre. Ou très difficilement. Et ça reviendrait à laisser Zoroark en bas, à dissimuler sa progression aux yeux des passants. Que lui arriverait-il si elle rencontrait quelqu'un dans les couloirs ?
Kaiminus tapota un peu plus sur le plan, mettant sa petite griffe sur la légende de la vaste salle du dix-septième étage. Neko dodelina de la tête. Il n'avait pas tort. C'était la cible idéale. Il s'agissait d'entrer dans le bâtiment, pas de dérober le diamant de Sinnoh… Comme ce diamant lui faisait envie… Un jour, elle irait le prendre, avec ou sans contrat.
Secouant une nouvelle fois la tête, elle se concentra de nouveau sur le plan. Le dix-septième étage était celui occupé par Carla Gédublé en personne. Ce n'était qu'un cambriolage de courtoisie, après tout, elle n'avait pas besoin de voler des choses précieuses, des inventions – qui étaient bien plus le domaine de son cadet. Il lui suffisait de se montrer raisonnable. Pourquoi ne pas voler le manteau de Gédublé et laisser un petit mot à la place, juste histoire de lui montrer que sa forteresse était une bagatelle pour elle ?
C'était une bonne idée qu'avait eue Kaiminus. Elle se concerta avec Zoroark, qui était, de leur trio, le moins emporté et après une courte réflexion, il sembla approuver leur projet un peu fou, un peu ridicule, qui aurait un double emploi.
Neko, avant d'être une dresseuse souterraine, ou apprentie dresseuse souterraine, était avant tout une voleuse. Très exactement, un groupe de voleurs. Une humaine et trois Pokémons : elle, Furaiglon, Zorua et Kaiminus. Zorua avait évolué, son équipe s'était agrandie, mais elle restait Neko, aussi féline qu'un Léopardus, aussi taquine qu'un Chacripan. Elle était insaisissable. Avait été. Elle soupira.
Autrefois, si on pouvait dire « autrefois » d'une époque à la fois révolue et si proche, elle était reconnue partout comme étant une voleuse d'exception. Puis il y avait eu lui. Cédric. Elle s'était rangée et était devenue sérieuse. June avait râlé, tempêté mais Neko n'avait pas lâché prise. Elle raccrochait. Elle était amoureuse, et jeune, et naïve. Elle n'avait pas encore compris. Mais à présent Neko reprenait du service. Et les diamants de ce pays, du monde entier, n'avaient qu'à bien se tenir !
Elle se redressa, fit rouler les muscles de ses épaules et le vide dans son esprit, avant de glisser une main dans une de ses poches pour en sortir un vieux masque. Être furtif, oui, être idiot, non. Dissimuler un minimum son identité était important.
La Pokéball de Furaiglon s'ouvrit avant même qu'elle l'appelle et elle ne sourcilla même pas quand son aile frôla sa joue dans un discret message, signifiant qu'il avait compris. Qu'il était prêt. Qu'ils étaient bien là, bien vivants.
Elle jeta tout de même un dernier coup d'œil à sa montre, non pas pour s'assurer de son timing, mais surtout pour vérifier qu'elle n'était pas en retard chez le con aux cheveux bleus. Ça l'agacerait profondément de le laisser avoir raison sans se battre.
Constatant qu'elle avait encore un peu de temps pour faire son coup, elle sourit.
Le message passerait. Et se répandrait comme une traînée de poudre, arrivant immanquablement jusqu'aux oreilles de June et Seth, qui seraient heureux de voir qu'elle s'était reprise en main, qu'elle avait cessé de se lamenter sur son sort. Le message enflammerait le monde des voleurs, faisant trembler les collectionneurs dans leurs nuits vides de sens et d'intérêt.
« Neko est de retour. Et elle compte bien s'amuser. »
Et voici pour le premier chapitre ! on s'retrouve ultérieurement pour le deuxième !
