Ma poupée de glace

Le vent balayait la plage avec force la mer s'écrasait violemment contre les rochers qui bordaient la plage et la lumière des étoiles me semblait aveuglante.

Une main se posa sur mon épaule, ce qui me fit sursauter et pousser un cri que je n'entendis pas. Je me retournai et vit alors Pirika dont les yeux noyés de larmes exprimaient le soulagement. Ses lèvres bougèrent comme si elle parlait mais aucun autre son que celui de la houle rageuse ne parvint à mes oreilles.

Ma sœur se jeta sur moi et ses bras m'enserrèrent sans que je comprenne pourquoi elle était si tendre et si heureuse. Je jetai un coup d'œil aux alentours dans l'espoir de trouver une réponse à la question qui me trottait dans la tête : que se passe-t-il ?

J'aperçus alors Chocolove qui riait aux éclats avec Ryû et Manta un peu plus loin. Derrière eux, Ren aidait Jun à se relever et leur famille semblait n'avoir d'yeux que pour l'héritier du clan Tao. Quelques mètres plus à droite, Yoh et sa famille s'étaient lancés dans une grande conversation avec les Gandharas.

Près de la mer, Anna donnait des ordres aux X-Laws et à Lyserg qui se précipitaient vers les eaux d'où un des anciens sbires de Hao sortait. Je reconnus alors Peyote. Il portait quelqu'un avec difficulté. C'était un homme vêtu de blanc dont la peau et les cheveux étaient sombre. C'était un de ses « compagnons d'armes ». Il me semble que son nom était Turbine.

Je compris alors ce qu'il se passait.

Hao nous avait ressucité et nous avions tous été téléportés sur cette plage. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, elle ne m'était pas totalement inconnue... C'était celle où nous nous étions battus aux côtés de Hao et où j'avais vaincu le sombre Blocken !

Ma sœur me délivra et commença à me parler en esquissant un sourire. Comme elle me parlait sans se rendre compte que le bruit de la mer masquait tout autre son, je lui dis sans m'entendre :

Pirika, je n'entends rien. Reste là, je vais aider les autres.

Sans un regard pour ma sœur, je la laissai seule au milieu de la plage pour me diriger vers Anna qui parlait si fort que sa voix aurait couvert une tempête. Dès qu'elle me vit, elle m'engagea et m'expliqua que certaines personnes avaient été téléportées dans la mer et qu'elles étaient inconscientes puis elle désigna Tamao, la petite Maiden et Blocken qui étaient allongés sur le sable où ils séchaient un peu plus loin.

Je la quittai pour tirer les victimes de la mer. Alors que j'entrai dans l'eau pour rejoindre Lyserg qui extirpait un corps des rochers, j'entendis une voix féminine pleine de désespoir s'élever.

Où elle est ? se lamenta une autre voix qui devait appartenir à une fille plus jeune.

M'approchant un peu plus de la droite, je vis deux des filles qui formaient l'équipe Hana-Gumi. Celle aux cheveux bleus, perchée sur un rocher en hauteur scrutait l'horizon, tandis que la rousse s'agrippait à une roche pour ne pas se faire emporter par les vagues.

Besoin d'aide ? demandai-je en progressant difficilement car le courant était très fort, en plus, j'avais de l'eau jusqu'aux reins.

Seule la rouquine remarqua ma présence, et son regard implorant me donna une réponse sans qu'elle ait besoin de parler. J'avançai vers elle lentement en m'appuyant sur les rochers pour ne pas tomber, et lorsque je fus à sa hauteur, je lui proposai de grimper sur mon dos.

Si je voulais monter je l'aurais déjà fait, répliqua-t-elle comme si c'était une évidence. Je suis descendue voir si Marion était bloquée là, mais non.

Tu parles de la petite blonde ?

Evidemment ! Tu crois que j'en connais combien avec ce prénom ?

Je ne répondis pas à sa question provocatrice et me contentai de la dépasser pour explorer les rochers et trouver cette pauvre petite avant qu'elle ne se noie. J'étais arrivé au bout de l'avancée rocheuse lorsqu'une vague me fit perdre l'équilibre. Elle me happa complètement, et je me retrouvai alors à faire des pirouettes dans l'eau sans savoir où était le haut ou le bas. Le courant m'emportait, encore et encore. J'eus l'impression de passer une éternité à me débattre dans l'océan comme un beau diable. Lorsque je me heurtai enfin à quelque chose d'une taille imposante, sans savoir ce que c'était, je m'y accrochai et ouvris les yeux.

C'était l'épave du navire que Hao avait détruit quelques jours plus tôt, lorsque nous combattions ensemble. Je levai la tête et remarquai que je m'étais bien éloigné des roches qui ne formaient qu'une tâche sombre dans l'immensité du liquide verdâtre. Je nageai avec force vers la surface, et lorsque ma tête fut hors de l'eau, j'inspirai une grande goulée d'air frais. Jamais je n'avais autant aimé respirer mais les vagues me ballottaient et m'éloignaient toujours un peu plus du rivage. Ce doit être une marée descendante, pensai-je en lançant un regard autour de moi.

C'est alors que je vis un corps flotter à quelques mètres de moi. Il était très petit... Reconnaissant Manta, je nageai aussi vite que je pus jusqu'à lui pour le sauver. Une fois que je fus à côté du corps, je vis que ce n'était mon ami. Mais non ! gémis-je intérieurement en me sentant idiot. Manta est sur la plage avec Chocolove et Ryû.

Je me saisi quand même de ce petit être immobile et me rendis alors compte qu'il était fait de chiffon. Je fixai son visage et remarquai qu'un de ses yeux était décousu et pendait lamentablement sur une de ses joues qui avait du être raccommodée plus d'une fois... Une poupée ! pensai-je en soupirant.

Alors que je me débattais dans l'eau avec désespoir pour trouver une fille qui n'était peut-être pas là, une ombre passa au-dessus de moi.

Horo ! Grimpe !

Merci Reoseb !

Le golem tendit une main gigantesque vers moi où je m'assis en déposant la poupée au visage repoussant. Je fis un signe du pouce à Reoseb pour lui indiquer que tout allait bien, puis il décolla. La main me déposa sur l'épaule du colosse où mon sauveur était tranquillement installé.

Qu'est-ce que tu fais là ? me demanda-t-il.

Je cherche quelqu'un.

Qui c'est ?

Une blondinette.

Et c'est quoi cette horreur ? - il désigna la poupée trempée.

Je ne sais pas trop... mais j'ai l'impression de l'avoir déjà vu.

Ah bon... Qu'est-ce qu'on fait alors ?

A propos de...?

De la blondinette.

Ben... Tu veux m'aider à la chercher ?

Bien sûr ! Hey Seyram ! Frôle bien la mer, on y cherche quelqu'un !

Le golem s'allongea dans les airs et descendit jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une dizaine de centimètres entre la mer et son épaule de fer, puis il avança lentement en direction de la rive. Au bout de quelques minutes, j'aperçus un corps qui flottait au milieu de l'océan. Ses longs cheveux blonds formaient un halo couleur soleil qui lui donnaient l'apparence d'un fantôme.

Reoseb, tu peux nous rapprocher de cette personne là-bas, s'il-te-plaît ?

Oui, et il fit un signe à sa sœur aux commandes du golem qui s'approcha alors du corps à moitié immergé.

Une main immense plongea dans l'eau, se plaça sous le corps de la jeune fille et la tira des eaux avant de la placer à nos côtés.

Elle était à portée de main, mais je ne pouvais pas la toucher. Elle était vulnérable ainsi endormie, mais elle me faisait mal. Elle était tout ce qu'il y avait de plus noir et triste en ce monde, mais elle m'apportait lumière et réconfort.

Et tandis que l'observais comme un imbécile émerveillé, le golem atterrissait brusquement. Dans un geste purement protecteur, je la pris entre mes bras pour l'empêcher de glisser de l'épaule de fer. C'est alors que ses beaux yeux d'un vert émeraude profond s'ouvrirent. On y voyait rien. Aucune expression. Pas même la surprise, la peur ou le dégoût. Juste deux yeux vides dans lesquels j'étais déjà perdu.

Je suis là, dis-je d'une voix douce comme si elle allait être réjouie de savoir que moi, un de ses anciens ennemis, j'étais là, à côté d'elle.

Mais ses yeux ouverts ne semblaient même pas me voir. Peut-être était-il trop tard ?

Mon cœur se serra, ma vue se brouilla, mon ouïe se troubla mais mon espoir ne s'envola pas. J'ignorais ce qui me poussait à faire ça, mais je le fis : prenant ses petites mains fines et glacées dans les miennes, j'y déchargeai tout mon Furyoku en espérant que ce soit suffisant pour raviver son énergie vitale. N'étant pas un génie dans la médecine, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux.

Je sentais le regard de tout le monde autour de moi : Reoseb, Seyram, Pirika, Kororo, Yoh, Ren, Chocolove, Ryû, Lyserg, Manta, Anna, les X-Laws, les Gandharas, les sbires de Hao qui étaient réveillés et les deux équipières de celle que je tentais de garder en vie.

A chaque seconde qui passait, je faiblissais un peu plus, et bientôt Sa peau n'avait plus que la pâleur de la porcelaine car la chaleur qui en émanait prouvait que j'avais réussi. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite : épuisé et pantelant, je me suis évanoui.

Etait-ce du à la fatigue, ou ai-je réellement senti Sa main étreindre la mienne ?