Nouveau fandom, c'est que du bonheur. Mais je flippe aussi lol

Attention, c'est bourré de spoilers sur The Golden Circle, donc si vous ne l'avez pas encore vu, mieux vaut en rester là.

Pour les autres, il était bon ce film, n'est-ce pas ? *Whiskey et son lasso 3*

Aussi bon soit-il, je l'ai quand même un chouia arrangé à ma sauce. Pas de Tilde pour commencer. Et surtout, pas de trahison de la part de Whiskey (je crois que je ne m'en suis toujours pas remise, alors j'ai essayé de trouver une explication à ses actes pour ne pas perdre ce personnage que j'ai tellement aimé) et du coup il est toujours vivant ! (et si un troisième film voit le jour, j'espère qu'ils trouveront un moyen de nous le ramener comme ils ont ramené Harry. Oui, j'y crois ! XD)

N'ayant pas pu choisir pour ce qui est du pairing, je sème là les graines d'un futur threesome. Je ne l'ai encore jamais fait, mais j'aimerais beaucoup que cet OS soit le premier d'une petite série qui viendrait à la suite. J'ai quelques idées, donc on verra. Mais pour ça, encore faut-il que cela vous plaise. Quoi qu'il arrive, c'est bien vous qui aurez le dernier mot ;)

Pour le rating, c'est du léger, on commence en douceur, je dois encore me familiariser avec les personnages XD

Merci d'être là chers lectrices, de suivre mes idées parfois bizarres, pour certaines avec la même fidélité depuis des années. Vous êtes ce qui se fait de mieux par ici et une source de motivation pour continuer à venir même quand parfois le temps manque cruellement :) Et j'espère que cette fois encore, vous ne serez pas déçues.

Bonne lecture!

ooOoo

Dans la chambre plongée dans l'obscurité, Eggsy était planté devant la fenêtre depuis ce qui lui semblait être une éternité. Plus d'une fois, il avait essayé de se vider l'esprit, mais les mêmes images revenaient sans cesse. Un homme qu'il n'aurait pas dû trouver aussi attirant, des baisers échangés dans l'urgence… Et des phrases prononcées il y avait un siècle lui semblait-il. Des phrases dont l'intonation lui revenait à la perfection et qui lui faisait toujours le même effet, mélange d'excitation et de frustration.

La voix de son amant, lourde de désir, alors que lui-même murmurait ce nom de code absurde, parce qu'il ne connaissait que cela. "Au fait, moi c'est Jack." Une précision qui avait rendu l'étreinte plus réelle.

Et lui qui répétait inlassablement durant cette première fois, à Glastonbury une fois sa mission accomplie "On ne devrait pas faire ça. On ne devrait vraiment pas." Mais les mots manquaient de conviction à mesure qu'ils étaient prononcés. Et effectivement, ils n'auraient vraiment pas dû. Pourtant, ils l'avaient fait et l'avait refait au matin, toujours avec la même passion, le même abandon.

A présent que le plaisir était passé, qu'un océan le séparait désormais de cet amant d'une nuit, ne restait au jeune homme que la culpabilité. Celle d'avoir trompé l'homme qu'il aimait depuis si longtemps, qui avait pourtant pardonné et était allongé à présent dans le lit près de lit. Celle d'avoir trahi l'autre homme, l'abandonnant avant de lui laisser l'occasion de reprendre ses esprits, espérant du même coup passer à autre chose, il n'aurait pu davantage se tromper sur ce dernier point. Et tout ça le rongeait désormais, lui faisait l'impression qu'il ne serait jamais plus capable d'être apaisé, malgré les efforts permanents de son compagnon.

Il n'avait pas entendu Harry se lever, mais ne sursauta pas lorsque ses bras enserrèrent sa taille, seul son cœur s'accéléra légèrement et il décida de mettre cela sur le plaisir éprouvé à cette nouvelle proximité. Ce n'était probablement pas la seule explication à sa réaction, mais c'était la plus facile à gérer.

Harry déposa un baiser sur sa joue tandis que sa main caressait doucement son ventre en un geste apaisant, puis eut un soupir mélancolique.

- Tu penses encore à lui, n'est-ce pas ?

Lui. Toujours lui. Inutile qu'un nom ne soit prononcé, ils savaient tous deux à quoi s'en tenir. Pas plus qu'il n'était utile qu'Eggsy fasse mine de nier. Ils valaient tous deux mieux que cela. Alors il se contenta de hocher la tête.

Harry ne rajoutant rien, il comprit que c'était à lui de le faire, alors il chercha ses mots longtemps, espérant trouver ceux qui blesseraient le moins. Mais c'était bien illusoire, tant c'était leur situation toute entière qui les torturait depuis des semaines.

- Je suis désolé, se contenta-t-il de dire dans un souffle.

Rien qu'il n'avait pas dit des centaines de fois, mais ça avait le mérite d'être sincère.

- Vraiment, je suis désolé, Harry, répéta-t-il. Je ne te mérite pas et pourtant tu es là.

- Je te l'ai promis il y a bien longtemps, je serai toujours là.

La voix, calme, maîtrisée, avait quelque chose d'apaisant et Eggsy choisit de s'y raccrocher pour ne pas sombrer. Parce que c'était bien ainsi, malgré la précarité de sa situation, Harry demeurait là, le seul capable de le maintenir la tête hors de l'eau au milieu de l'océan agité qu'était son cœur.

- Je n'avais certes pas envisagé cette situation précise lorsque je t'ai fait cette promesse, mais ça ne change rien. On traversera ça ensemble. Comme le reste.

Ensemble. C'était justement là que le bas blessait. Parce qu'ils n'avaient pas toujours été ensemble. En fait, c'est seul qu'Eggsy avait dû faire face quand il avait cru Harry mort. Un an à se torturer, à se demander si sa présence aurait pu changer quelque chose. Un an à ne dormir que d'un œil dans un lit bien trop grand, aux draps trop froids. Quand la solitude après quelques mois le pesait trop, il sortait dans un bar ou un autre, le genre d'endroit douteux où Harry n'aurait jamais mis les pieds volontairement, où il buvait trop avant de suivre un homme jusqu'à chez lui.

Il culpabilisait de connaître d'autres bras que ceux du premier homme à avoir partagé sa vie, mais puisqu'Harry n'était plus, ça n'avait guère d'importance.

Seulement Harry n'était pas mort. Le revoir, avec cet air hébété sur le visage avait certainement été le pire et le plus beau moment de sa vie. Jusqu'à ce que le beau ne s'efface pour ne laisser que les ténèbres, quand il avait réalisé que l'homme tant aimé ne se souvenait pas de lui. Quelque part, ça avait été une constatation pire que de croire qu'il l'avait perdu. Parce que si Harry l'avait oublié, c'est qu'il ne l'avait jamais vraiment aimé, n'est-ce pas ?

C'est sur ce constat et le cœur bien gros qu'Eggsy était parti en Angleterre avec Whiskey.

Whiskey, que voilà un homme qui sortait de l'ordinaire. Un sens de l'humour douteux, une bonne humeur si constante qu'elle défiait l'entendement. Et puis il dégageait de lui une telle assurance, un tel charme brut, animal… A son contact, Eggsy avait senti revenir en lui des désirs oubliés depuis bien longtemps, que n'avaient jamais su rallumer ses quelques amants d'un soir. Mais il avait décidé que cette réaction n'était finalement due qu'au retour d'Harry.

Il ne se serait pas cru capable de céder à ses pulsions.

Pourtant, il avait cédé, et rapidement en plus. Faisant preuve d'un doigté inégalé avec Clara ce soir-là à Glastonbury, il aurait pu profiter, une fois sa mission menée à bien, pour prendre du bon temps avec elle, sans avoir à se justifier ensuite auprès de sa conscience. Mais il avait filé dès que possible, parce que cette fille, pas plus que toutes les autres désormais, n'éveillait rien en lui.

Il avait retrouvé l'autre agent accoudé à un bar près d'une piste de danse où se déhanchait bien du monde. Loin d'être troublé d'avoir été éconduit un peu plus tôt par leur cible, Whiskey semblait simplement heureux d'être là. Une fois encore, Eggsy avait été troublé par cette façon si simple de prendre la vie, là où lui se torturait depuis des mois.

Les deux hommes avaient un peu bu ensemble, beaucoup parlé, de tout, de rien, d'Harry. Sur ce point, Whiskey l'avait rassuré, avançant les effets secondaires du gel alpha, qui restaient généralement provisoires. Ainsi Eggsy avait été un peu rassuré, mais il se sentait toujours blessé d'avoir été oublié, quel qu'en soit la raison.

Il penserait toujours que c'était bien à cause de cette faiblesse qu'il avait fait ce qu'il avait fait ensuite. Ils ne reprenaient l'avion que le lendemain et devaient passer la nuit sous une tente, comme tout le monde ici. Alors il avait entraîné Whiskey dans cet abri et s'était montré plus qu'entreprenant. Ironique, en sachant qu'ensuite il avait tant bien que mal tenté de rappeler qu'ils faisaient une bêtise, sans pour autant repousser l'autre homme. Jack.

La honte n'avait fait son apparition que le lendemain, sans qu'il ne puisse pour autant se passer des baisers de son amant, même une fois de retour dans le Kentucky. Et ça ne s'était pas arrangé lorsqu'Harry avait finalement retrouvé ses souvenirs, pour voir en lui à nouveau le compagnon fidèle. Il n'avait pas été long ensuite pour découvrir le pot-aux-roses. Pourtant, il avait pardonné et était là à présent.

Eggsy lui était reconnaissant bien sûr, parce qu'il n'avait jamais voulu le perdre. Pourtant, tout au fond de lui, dans un recoin de sa tête qu'il s'efforçait d'ignorer la plupart du temps, il lui en voulait aussi d'être resté. C'était tout ce qui l'avait empêché de demeurer auprès de leurs homologues américains et de l'un d'eux en particulier.

C'était lâche de sa part bien sûr. D'autant qu'il avait tout fait pour filer avant le réveil de Whiskey, se contentant désormais de prendre de ses nouvelles par l'entremise de Ginger.

- Je t'aime Harry, crut bon de rappeler Eggsy, conscient que la suite serait plus difficile. Ça n'a jamais été remis en question, malgré ce qui s'est passé.

- Et je n'en ai jamais douté. Mais… je t'écoute.

Le jeune homme eut un sourire penaud avant de prendre bravement la parole, n'ignorant pas les conséquences.

- Eh bien, oui. Malgré toute ma bonne volonté et tout mon amour pour toi, je continue à penser à lui. Je croyais vraiment qu'en m'éloignant aussi vite, j'arriverais à le laisser derrière moi…

- Bien. Je m'en doutais. Et que comptes-tu faire ?

- Rien. Je suis là où je dois être.

- Mais tu n'es pas heureux.

Ce n'était pas une question, ça n'en avait pas besoin tant c'était aussi évident pour l'un que pour l'autre.

- Bien sûr que si ! tenta pourtant Eggsy avec l'énergie du désespoir. Tu me rends heureux.

- Il te manque pourtant quelque chose.

- Il faut tout le temps que tu sois la voix de la raison, hein ? grogna le cadet.

- Il faut bien que l'un de nous aborde ce qui fait mal, sinon on n'en verra jamais le bout. Tu as des nouvelles ?

- Je suis en contact avec Ginger, confirma Eggsy, pas mécontent de pouvoir en parler à peu près librement. Il ne va pas bien. Une seconde balle dans la tête aussi vite, c'était prévisible.

- J'ai pas eu le choix. Il allait nous tuer. C'était ça ou le hachoir à viande, j'ai opté pour la solution la moins… radicale.

- Je sais, je sais, soupira Eggsy, qui voulait tout sauf s'énerver contre son compagnon, mais c'était plus fort que lui, ce sujet lui mettait systématiquement les nerfs à vif. Mais on en est arrivés là parce que tu lui as tiré dessus en Italie.

- Je croyais vraiment bien faire, plaida Harry, confirmant si besoin était, qu'il n'avait pas agi de gaieté de cœur et qu'il regrettait. Je voyais la façon dont il te regardait, s'approchait de toi…

- Tu n'aurais jamais dû agir aussi vite ! Avant, tu aurais pris le temps de tout étudier, tu n'aurais pas juste suivi une intuition, avec en prime un cerveau qui ne tournait pas très rond. Tu le savais ! Tu n'aurais pas dû écouter un instinct défaillant ! Comme à Merlin, Ginger a dû te dire un jour, sans penser un instant à conséquence, que c'était Whiskey qui l'empêchait systématiquement d'accéder au rang d'agent de terrain, qu'il travaillait contre elle. Et tu as gardé cette dernière partie dans ta tête, pour que ça ressorte déformé au pire moment. Et lui… lui quand il est revenu à lui, il est resté bloqué sur le fait que tu le prenais pour un traître et son cerveau lui a envoyé ce faux message.

Il s'était répété cette théorie tellement souvent avec un besoin obsessionnel de comprendre comment tout avait déraillé. Il l'avait exposée à Ginger, qui l'avait validée. Pas que cela change quoi que ce soit. Mais l'exprimer pour la première fois à voix haute devant Harry, c'était d'autant plus déstabilisant. Heureusement, son compagnon semblait avoir compris que l'interrompre à ce stade était la pire chose à faire, aussi le laissait-il parler patiemment.

Mal à l'aise, Eggsy s'éloigna d'Harry avec un rire pitoyable.

- Tu sais le pire ? reprit-il tristement. C'est que je te fasse des reproches, alors que je suis responsable. C'est moi qui ai insisté pour que tu reviennes sur le terrain, alors que tu n'étais pas près. Mais je voulais t'avoir près de moi. Parce que tu m'avais manqué. Parce que je me disais que ça m'empêcherait de refaire une connerie avec lui comme à Glastonbury… Je ne sais pas vraiment, qu'importe. Et si j'avais eu le courage de te dire ce qu'on avait fait, de te dire qu'on en pinçait l'un pour l'autre, tu n'aurais pas été surpris de ses regards sur moi ou de sa façon d'être avec moi… Ma faute, parce que j'ai pas su gérer tout ça.

- Eggsy, tu n'y es pour rien. Malgré nos règles strictes, notre entraînement, ce n'est pas toujours évidement de laisser ses sentiments aux vestiaires. Regarde-moi avec toi. Ce que nous faisons c'est tout ce contre quoi j'ai toujours lutté et pourtant tu es là.

- Je suis là, mais on n'est pas bien, ni l'un ni l'autre. Pas plus que lui. Tout est tellement compliqué. Tu es malheureux, je le sais, je le vois. Tu as disparu un an et en revenant, tout était tellement différent… Moi, chaque matin, la première chose qui me passe par la tête quand j'ouvre les yeux, c'est que je veux juste… fuir, m'échapper de tout ça. Et lui… son esprit n'étant plus très fiable, il est privé de terrain, il gère les activités publiques de Statesman, un travail de bureau qui doit le rendre malheureux. Trois vies foutues en l'air parce que j'ai pas su garder les cuisses serrées…

- On sait tous les deux qu'il ne s'agit pas que de ça. Tu es un homme trop bien pour risquer de tout gâcher pour une banale histoire de sexe. Il te plaisait. Et même si ça me rend fou de devoir l'admettre c'est pourtant le cas, il y avait des sentiments. Il y a encore des sentiments, sinon tu ne penserais pas à lui en permanence comme tu le fais.

Ce n'était que trop vrai et ça le rendait fou. Même quand Harry faisait en sorte qu'ils passent un bon moment, il pensait inévitablement à lui. Même quand ils faisaient l'amour, à un moment ou un autre il ne pouvait s'empêcher de songer qu'il aurait voulu que Jack soit là, avec eux…

- Pourtant je t'aime Harry. Tu n'imagines pas comme je suis heureux de t'avoir retrouvé et je ne veux pas te perdre à nouveau. Et pourtant… Pourquoi je pense à lui ? C'était une simple aventure, je l'ai laissé derrière moi. Mais il est toujours là, dit-il en pressant deux doigts contre son front. Comme si je devenais dingue.

- Tu es bien placé pour savoir qu'il n'y a pas qu'une façon d'aimer. Pour beaucoup, deux hommes ensemble c'est malsain, pour nous c'est juste une autre forme d'amour. Homo, hétéro, bi, ceux qui refusent de s'attacher, ceux qui aiment tromper, les adeptes de l'échangisme, du SM… C'est sans fin. Et toi, au milieu de toutes ces variantes, tu es amoureux de deux hommes. C'est pas bien différent du reste.

- Ça ne me rassure pas ! Condamné à être malheureux parce que je n'aurais pas tout ce que je veux.

- Alors vas-y.

Eggsy se tourna vers son amant, le fixant avec surprise.

- Quoi ?

- Tu m'as très bien compris. Va le voir, arrange les choses. Ça vous fera du bien à tous les deux.

- Et toi ?

- Moi ? Je t'attendrai. Je sais que tu me reviendras et je veux te voir plus apaisé. Alors si pour ça je dois te partager avec lui, je suis prêt à le faire.

- Harry, tu ne peux pas être en train de me dire ça.

- Pourquoi pas ? C'est une belle preuve d'amour. Ton amour compte plus que tout pour moi et j'ai compris qu'il passe aussi par lui. Te partager pour ne pas te perdre, ça en vaut la peine. Ça peut même être excitant. Et si tu es d'accord, s'il l'est aussi, ça peut même devenir sérieux. Nos agences vont être amenées à collaborer régulièrement, alors ce n'est peut-être pas un mal si nos agents collaborent entre eux également. De très près.

Il s'était rapproché d'Eggsy en parlant, jusqu'à ce que son souffle caresse son visage en prononçant la dernière phrase.

- Tu le sais, Merlin et moi avons été ensemble, continua-t-il, toujours aussi proche, en prenant sa main. On a arrêté à cause des règles, le travail nous laissant de toute façon bien trop peu de temps pour nous. Ça m'a rendu malheureux, même si je l'ai caché, et cette peine est restée tapie tout au fond de moi, me dévorant peu à peu. Jusqu'à ce que je te rencontre. Quelque part, tu m'as sauvé. A moi de faire en sorte à présent que tu n'éprouves pas cette même peine, que tu ne perdes pas tes plus belles années en regrets. Et si pour cela un Américain sans guère d'éducation doit faire partie de notre vie, je pense que c'est un petit prix à payer.

Avant qu'Eggsy ne puisse répondre quoi que ce soit, Harry l'embrassa. Rien de tendre dans ce baiser, c'était intense, sans concession, comme le cadet aimait, quand il n'avait d'autre choix que se soumettre à l'autre homme. Parce que ce n'était jamais aussi bon que lorsqu'Harry prenait le pouvoir. Alors, il se laissa conduire jusqu'au lit qu'il n'aurait jamais dû quitter. Et s'il songea parfois à Jack quand Harry fut en lui, cette fois c'était presque agréable. Comme si Jack, enfin, faisait déjà pleinement partie de leur vie. Harry avait peut-être raison à ce sujet, de toute façon cette solution ne ferait pas plus de ravages que toute cette situation en fait déjà fait.

ooOoo

Après un coup de fil à Ginger et un voyage en avion qui lui parut plus long qu'il ne dura en réalité, Eggsy arriva à New York, au siège local de Statesman, là où Whiskey était posté tant qu'il était incapable de reprendre les missions sur le terrain.

Quand il entra dans son bureau et qu'il le vit, le jeune homme se rappela pourquoi il avait fui les Etats-Unis avant que Jack ne reprenne connaissance dans le labo de Ginger. Parce que lorsqu'il était dans la même pièce que lui, il lui était tout bonnement impossible d'avoir les idées claires. Et ce qui n'aida certainement pas, fut le sourire qui apparut sur le visage de l'Américain lorsqu'il le vit. Quel que soit son état de détresse actuel, il paraissait serein, heureux, mais Eggsy savait mieux que quiconque comme il était facile de jouer un rôle.

- Eggsy ! s'écria-t-il en venant à sa rencontre. Enfin, un véritable allié.

Et sans que l'interpellé s'y soit attendu, l'aîné le prit dans ses bras. Mais étant donné leur passif, ce geste n'avait finalement pas grand-chose de déplacé. D'ailleurs, avec Jack toute marque de proximité semblait naturelle.

- Je m'ennuie, avoua celui-ci lorsqu'il le relâcha. Il y a quelque jours je m'ennuyais tellement que j'ai eu quelques propos déplacés à l'égard d'un de nos stagiaires. Rien de bien méchant, juste une proposition pas très subtile et j'ai même pas insisté quand il a refusé, mais apparemment ça a choqué tout le monde et Champ lui a offert un job en or pour l'aider à "oublier" cet incident. Depuis, tout le monde me regarde de travers. Sauf Tequila, qui a trouvé la situation particulièrement amusante. Mais c'est probablement parce qu'il fait pire régulièrement.

Ne sachant guère comment réagir face à cette anecdote qui ne témoignait rien d'autre que la difficulté de leur situation actuelle à tous, Eggsy préféra garder le silence.

Jack s'interrompit le temps de leur servir à boire, whisky maison bien sûr, du genre que Merlin aurait qualifié de trahison à sa patrie l'Écosse. Brave Merlin. Il aurait mérité qu'Eggsy s'appesantisse davantage sur son sort plutôt qu'écouter égoïstement son cœur malmené.

Puis les deux hommes prirent place côte à côte sur deux chaises installées près du bureau.

- Le terrain me manque, reprit l'aîné et cette fois, pour la toute première fois, Eggsy vit la peine apparaître, quoique brièvement, derrière le sourire.

- Oui, j'ai appris que Champagne te préférait éloigné des missions pour l'instant, dit-il quand ils eurent trinqués en silence.

- Et je suis d'accord avec lui. Plus ou moins. Je ne suis plus très fiable en ce moment. Je crois qu'il y a un truc qui déraille là-dedans, dit-il en frappant son front du bout des doigts. Ginger a dû rater un truc en me réparant.

- Tu vois des papillons toi aussi ? lança Eggsy d'un ton désinvolte.

Il regretta sa blague presque immédiatement, car après tout c'était bien les hallucinations d'Harry qui les avaient tous mis dans cette merde, alors la référence à son compagnon n'était guère opportune.

- Harry est désolé pour ce qui s'est passé, tenta-t-il maladroitement dans l'espoir de se faire pardonner.

- Je ne lui en veux pas. En fait, je comprends même parfaitement ce qui lui passe par la tête pour avoir vécu la même chose... Les premières fois, les nanites ont fait du beau boulot, mais il devait y avoir des séquelles à un moment.

- Les premières fois, répéta Eggsy, surpris. Combien de fois on t'a tiré dessus ?

- Dans la tête ? Deux fois avant les balles de Galahad senior. Dans le reste du corps, j'ai perdu le compte voilà un moment. Mais ça faisait longtemps, avant que je progresse avec un lasso ou quelque arme que ce soit.

Le plus jeune, d'abord horrifié par un tel nombre de blessures potentiellement mortelles – il n'avait définitivement pas choisi une carrière de tout repos – resta ensuite immobile, le cœur battant la chamade à l'évocation de l'arme favorite de Jack. Parce qu'à chaque fois qu'il l'avait vu se battre avec son lasso, il l'avait trouvé tout particulièrement sexy, se demandant chaque fois ce que ce même lasso pourrait faire notamment dans l'intimité d'une chambre. Même lors du combat qui les avait opposés à Poppyland, ça avait été dur par moment de garder la tête froide.

Apparemment, l'autre homme n'avait pas remarqué son trouble et se contentait de continuer sur sa lancée.

- Je comprends parfaitement ce qu'il a dans la tête, répétait-il, pensif. Quand je me suis réveillé, après l'Italie, comme à chaque fois Ginger a utilisé les grands moyens pour me faire récupérer rapidement. La photo de ma femme… C'est un choc à chaque fois, que je crains davantage que la balle préalable. Je ne sais pas pourquoi, cette fois ça a été encore plus douloureux, tout me revenant avec violence, y compris Harry me prenant pour un traître. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ensuite, mais mon cerveau s'est comme réinitialisé à partir de ce souvenir. Et quand je me suis battu contre vous, je savais que je ne devais pas le faire, je le savais vraiment, mais je pouvais pas agir autrement. Je suis désolé pour ça, j'aurais pu… te tuer.

Les derniers mots avaient été à peine murmurés et sur son visage flottait une douleur qui trouva écho dans le cœur d'Eggsy. Jusque-là, il n'avait fait aucune référence à la nuit qu'ils avaient passée ensemble, mais à sa façon d'aborder ce qui aurait pu arriver, il semblait clair que pour Jack aussi il y avait bien eu quelque chose de plus fort que prévu.

L'Américain avala d'un trait ce qui lui restait d'alcool et lorsqu'il reprit la parole, Eggsy devina que cela avait été pour se donner du courage.

- Ça se remet lentement en place, j'imagine qu'il en va de même pour Harry. Mais il y a autre chose, avoua-t-il avec un petit rire sans joie. J'ai des images de toi et moi… Mes tripes me disent que c'est vraiment arrivé et j'ai envie d'y croire. Mais comme tu es parti si vite sans qu'on puisse en parler, par moment j'ai l'impression que c'est encore ce fichu cerveau qui fait des siennes.

Cela, Eggsy ne l'avait pas prévu. Pour lui, ce qui s'était passé entre eux avait laissé tant de traces qu'il pensait que Jack en était tout autant marqué. C'était bien le cas quelque part, mais en réalité, tout comme Harry avant lui, Jack avait plus ou moins oublié la force de leur lien. C'était douloureux et il ne put que maudire les Statesmen et leur fichu manie de jouer les apprentis sorciers. Certes le gel alpha avait permis de lui rendre les deux hommes qui comptaient pour lui, mais à quel prix…

- Ce n'est pas ton cerveau, c'est bien arrivé, dit-il finalement. Et je peux t'assurer qu'on en avait sacrément envie, autant l'un que l'autre.

- Oui, c'est l'impression que j'ai.

- J'aurais pas dû fuir ensuite comme je l'ai fait. Mais ce n'était pas facile pour moi. Surtout après ce qu'Harry t'avait fait. J'avais peur que tu n'y vois sa façon plus que discutable d'éliminer un rival. Alors qu'à ce moment-là, il se souvenait à peine qu'on était ensemble.

- Donc vous êtes bien ensemble, constata douloureusement Jack. C'est bien ce que je me disais, même si j'espérais me tromper.

- On est ensemble, confirma Eggsy avec la même pointe de frustration à ce stade. Mais c'est pourtant lui qui m'a envoyé te voir aujourd'hui.

- Malgré ce qu'on a fait ?

- A cause de ce qu'on a fait. J'ai pas réussi à passer outre et Harry, même s'il n'a plus l'unique place, ne veut pas me savoir malheureux.

- Tu n'es pas heureux.

Jack semblait sincèrement surpris de ce constat.

- Comment le pourrai-je ? Quand j'étais à Londres, j'avais l'impression qu'il me manquait un truc vitale. Toi. Et à présent que je suis ici, ça me reprend, sauf que cette fois c'est Harry qui me manque.

- Alors qu'est-ce que tu veux ? s'enquit Jack, tout à coup un peu moins affable tandis qu'il se levait vivement.

- J'en sais rien. Toi ! Lui ! Et je refuse de choisir.

- Je ne comprends pas.

Avant de répondre, Eggsy quitta sa chaise à son tour et marcha vers son amant, s'arrêtant cependant suffisamment loin pour ne pas donner l'impression qu'il voulait lui forcer la main.

- Je vous veux tous les deux, dit-il sans ciller, ressentant pour la première fois la certitude de faire le bon choix. Deux continents, deux hommes… Le cow-boy et le gentleman… Ça me paraît tellement évident maintenant que je regrette d'avoir perdu toutes ces semaines. Champagne et notre nouveau Arthur veulent intensifier la collaboration inter-agence, je pourrai travailler ici souvent, avec toi… Et surtout, j'aimerais que tu m'interrompes là tout de suite, que tu me dises ce que tu en penses, parce que j'ai l'impression de brasser du vent.

Jack ne dit pourtant rien, se contentant de secouer lentement la tête. Eggsy avait espéré tellement mieux que ça qu'il se sentit désespérément seul, comme abandonné. Prévisible pourtant, ce qu'il avait à offrir n'avait rien de la relation idéale et Jack pouvait avoir tellement mieux. Il avait juste cru – espéré ? – qu'il n'avait pas imaginé les sentiments naissant entre eux. Mais à cet instant, l'autre semblait si distant, qu'il comprit son erreur.

- D'accord, dit-il d'une petite voix, ne pouvant empêcher ses lèvres de trembler. Je comprends. Je suis content qu'on ait au moins pu mettre les choses au clair. Pour le reste, j'ai peut-être un peu présumé de mon pouvoir de séduction. J'espère qu'ils te remettront vite sur le terrain, tu le mérites. Et je te souhaite le meilleur. Appelle-moi si tu changes d'avis. Ou si tu veux simplement me revoir un jour.

Beaucoup de mots, pour éviter d'avoir l'air trop désespéré.

Puis il se dirigea vers la sortie, pressé d'être seul pour pouvoir ruminer. Et gérer cette déception qu'il n'aurait pu imaginer aussi douloureuse. Mais après tout, ne l'avait-il pas cherché en couchant avec le premier venu à peine quelques heures après avoir retrouvé Harry ? C'était déjà un miracle qu'Harry justement, n'ayant aucune idée du calvaire qu'il avait vécu lors de sa disparition, ne l'ai pas viré lui aussi.

Il n'avait pas atteint la porte qu'il fut retenu par une corde enserrant son torse, corde qui s'avéra, lorsqu'il se retourna, être un lasso, au bout duquel se tenait un Jack aussi souriant que lorsqu'il l'avait rencontré. Sans un mot, celui-ci le ramena à lui de quelques mouvements sûrs. Une seconde, Eggsy se demanda s'il ne devait pas au moins faire mine de résister un peu, mais il était tellement impatient qu'il préféra n'en rien faire, se laissant entraîner tandis que son malaise s'envolait. L'instant d'après, il laissait échapper un soupir de contentement quand deux lèvres gourmandes furent sur les siennes. Si le jeune homme aimait Harry et sa retenue naturelle, gentleman jusque dans ses baisers tout en étant généreux quand il donnait du plaisir, Jack et sa fougue lui faisaient tout autant perdre ses moyens.

L'Américain l'embrassa avec la même passion qu'il lui avait donné entre les draps, empressé comme s'il voulait tout entier se fondre en lui, tout en le repoussant contre le bureau, que Eggsy heurta brusquement. Il ne cilla cependant pas, il appréciait ce traitement. La corde qui lui enserrait toujours le torse, le corps tendu qui se pressait contre le sien, l'acculant, limitant ses mouvements, comme si Jack voulait s'assurer qu'il ne fuirait plus, il aimait cette sensation. Parce que malgré le peu de marche de manœuvre qu'il avait dans cette étreinte, c'était malgré tout lui qui menait la danse. Jack ne faisait rien de plus que ce qu'il avait attendu de lui. Et il saurait s'en montrer digne, il en avait la certitude.

Jack s'écarta en haletant légèrement, son éternel sourire aux lèvres, ses yeux sombres brillants d'une lueur radieuse, et Eggsy en profita pour l'observer. Outre qu'il était séduisant à lui faire perdre la tête, Jack était lumineux, comme lors de leur première rencontre, avant ces balles, ces histoires de trahison, qui avaient failli leur coûter tellement cher.

Son compagnon ne lui laissa cependant guère le temps de s'appesantir davantage sur ce qu'il avait failli perdre. Car déjà, sa bouche était partout sur lui, embrassant son menton, son cou. Eggsy rit doucement à la sensation agréable et jusque-là inconnue de sa moustache qui le chatouillait. C'était là encore une différence notable avec Harry, qui se rasait soigneusement chaque matin. Et si le jeune homme préférait arrêter là les comparaisons, c'était toutes ses petites distinctions qui le faisait les désirer autant l'un que l'autre. Pourquoi aurait-il dû choisir entre ardeur et tempérance quand il pouvait avoir les deux ?

Son corps d'ailleurs était du même avis. Outre son cœur qui battait la chamade, il se sentait durcir sous les lèvres expertes.

Il eut un grognement de satisfaction quand les mains non moins expertes de son compagnon dégrafèrent son pantalon. Ok, à la base il était venu prendre des nouvelles, parler, à la limite proposer la possibilité de ce drôle de ménage à trois. Mais jamais il n'aurait imaginé qu'ils en arriveraient là aussi vite. Pourtant, ça n'aurait être plus parfait. Avec Jack, foncer ainsi, sans prendre un instant pour réfléchir, semblait l'évidence.

Il ne lui fallut guère longtemps pour songer à lui rendre la politesse et ce ne fut plus dès lors qu'un concert de gémissements étouffés dans les baisers et de la chair tendue qu'on frottait avec vigueur. Les corps se désiraient avec temps d'ardeur que c'en était insoutenable et rien ne semblait pouvoir les rassasier. Pourtant cela vint avec violence, les surprenant tant ce fut rapide, mais après tout n'avaient-ils pas déjà usé toute leur patience durant ces longues semaines d'incertitude ?

Ce fut d'ailleurs tellement bon qu'aucun d'eux ne trouva matière à se plaindre. Et puis, c'était aussi agréable ensuite de rester blottis l'un contre l'autre alors que les respirations se calmaient, que les mains poisseuses ne savaient pas où se poser et que les baisers n'étaient plus que douces caresses.

- Les cow-boys ne sont pas censés avoir un foulard autour du cou ? s'enquit Eggsy, taquin, lorsqu'il en fut capable. Ça nous serait utile.

- Et les gentlemen anglais n'ont pas un mouchoir brodé à leurs initiales sur eux ? renvoya Jack, amusé.

C'était le cas, c'était même Harry qui les lui avait offerts, mais Eggsy avait choisi de voyager simple, histoire de faire couleur locale, et n'avait enfilé qu'un jean et un tee-shirt.

L'aîné s'éloigna finalement, pour chercher une serviette dans le petit cabinet de toilette qui jouxtait son bureau. Canapé, bar, salle d'eau, tout ceci confirmait qu'il ne devait pas plus compter ses heures ici qu'il ne le faisait en mission.

Quand ils furent nettoyés et les vêtements arrangés, Eggsy s'amusa à mordiller la mâchoire de son compagnon pour le distraire tandis qu'il lui volait son chapeau, le posant sur sa propre tête. Jack eut un grognement appréciateur en le regardant.

- Harry doit être fou pour accepter de te partager !

- Le deal ne marche que si tu le fais toi aussi, rappela Eggsy en s'asseyant sur le bord du bureau.

- Contrairement à lui, moi j'ai pas le choix.

Le jeune homme était gêné de le voir demeurer à une distance raisonnable, comme s'il hésitait encore. Ce qu'il lui demandait n'avait effectivement rien de simple, mais si ses sentiments étaient aussi intenses que les siens, ça aurait dû être une évidence pourtant.

- Je ne t'oblige à rien, crut-il bon de préciser.

- Si, bien sûr que si Eggsy. Parce qu'on sait tous les deux que je ne peux rien te refuser. Tu savais en rentrant ici, en montant dans ton foutu avion même, que je dirai oui. Et après tout, pourquoi pas ? T'avoir la moitié du temps c'est toujours mieux que pas du tout. J'étais en vrac depuis tout ce qui s'est passé, à ne plus savoir qui j'étais réellement. Et pire encore, ce que je désirais. Tu es là et ça va mieux, comme si tout venait de se remettre à sa place. Alors si pour ça je dois également accepter le mec qui m'a tiré deux fois dessus, ça doit pouvoir se faire. Et puis…

Il s'interrompit le temps de retrouver ce sourire en coin qu'Eggsy lui aimait tant.

- J'ai déjà essayé les plans à trois, je sais combien chacun peut y prendre son pied.

Le plus jeune éclata d'un rire joyeux. Non pas que lui-même n'ait pas pensé à cette perspective, mais tout comme Harry, il s'était davantage focalisé sur l'idée de partager sa vie entre les deux continents, en compartimentant. Se réunir tous les trois… c'était excitant bien sûr, très excitant, bandant même, mais ça n'avait pas été sa motivation première, ça lui serait venu en temps voulu. Jack ne pensait décidément pas de la même façon et putain, ça ne l'en rendait que plus séduisant !

- Je n'ai aucun doute en tes capacités pour me faire prendre mon pied, de toutes les façons possibles, pas plus qu'en celles d'Harry.

Et le voilà, lui, l'ancien gamin de banlieue avec des perspectives d'avenir plus que compromises, devenu gentleman, faisant le boulot le plus passionnant qu'il aurait pu espérer, et s'attirant les faveurs d'hommes qui, à une époque pas si lointaine, ne lui auraient pas jeté un regard. Ceux-ci semblaient tout dévoués à prendre soin de lui, il entendait bien leur rendre la faveur. Et il était plutôt doué dans ce domaine.

THE END. (ou pas out à fait)