Voici le début d'une fanfiction basée sur l'univers de Vampire La Mascarade. Les personnages sont issus de mon imaginaire. J'ai débuté cette histoire en 2009 et je me décide enfin à la partager. J'espère qu'elle vous plaira. À cette heure, 9 chapitres ont déjà plus ou moins été écrits, ce qui me permettra de publier « régulièrement » (je l'espère).

Chapitre 1

Le soir tombe. L'heure de ma sortie approche. Vous vous demanderez probablement ce qu'une gamine de quinze ans fait à se promener seule la nuit dans un asile psychiatrique... C'est une longue histoire. Tout d'abord je m'appelle Nathalia. J'ai un corps assez frêle et mon teint très pâle me donne un air maladif. J'ai des cheveux sombres longs et un peu bouclés. Ça fait un bout de temps que je suis là et je ne sors jamais. Depuis mes dix ans à peu près. Mes parents m'y ont fait interner et comme ils sont influents et grâce à l'aide d'un médecin peu scrupuleux, personne ne s'est vraiment posé la question si cela était bien légitime. À cela il y a eu plusieurs raisons en fait. La première était que je n'étais définitivement pas comme ils l'auraient voulu. J'étais trop différente des autres enfants, trop distante avec eux. A dix ans, je croyais encore au monde de l'imaginaire, à la sorcellerie, à l'occulte et aux esprits. Pourtant j'étais loin d'être stupide. Mais cela n'avait fait qu'attiser leur crainte. Savoir que leur fille était surdouée, allez savoir pourquoi, ils n'ont pas su gérer. La seconde raison était qu'ils ne voulaient plus s'embarrasser d'une enfant si avide de connaissances. Pourquoi perdre son temps alors qu'ils avaient la solution à portée de plume ?

Du coup j'ai atterrît ici, dans le pavillon de psychiatrie infantile. J'étais bonne à jeter, bonne à oublier et manifestement c'est ce qu'ils ont fait.

Moi j'ai réagis comme un enfant de dix ans le ferait... enfin je crois. J'ai appelé mes parents pendant des heures et des heures, j'ai pleuré, j'ai hurlé, j'ai refusé de manger... J'ai joué parfaitement mon rôle : le rôle d'une folle. J'ai été diagnostique successivement hystérique, schizophrène, épileptique sans que l'on parvienne à « me soigner »…

Avec le temps j'ai fini par comprendre et je me suis calmée. Mais étrangement mes parents ne sont jamais venus me chercher. Alors je suis bien obligée de rester ici. Je suis encore trop jeune pour être indépendante, et même lorsque j'aurais dix-huit ans, je ne sais pas bien ce que je deviendrais. La plupart des filles de mon âge profitent de leur enfance pour s'amuser, s'imprégner de la culture de leur époque ou même simplement aller à l'école. Ce n'est pas mon cas.

Dans ma chambre il y a mon lit, une table de nuit, une étagère avec les rares effets personnels que je peux avoir, des vêtements, mes affaires de toilette et puis bien sûr quelques livres. Ce sont eux mes précieux... ils m'ouvrent la porte sur l'extérieur, sur mon époque. Je les dévore avec gourmandise, je les collectionne. Le reste de mon mobilier est tout aussi trivial : une table et une chaise : le strict minimum.

Le plus souvent je dors le jour. Pour plusieurs raisons. D'une part je n'aime ni les infirmières, ni le regard des visiteurs et encore moins les autres patients. Tous les enfants qui sont ici sont dingues... Certains plus que d'autres. D'autre part, il m'est tout bonnement impossible de dormir la nuit. C'est là que l'on rentre dans un autre monde. Toutes les nuits ou presque, apparaissent des esprits. Et pas n'importe lesquels : ce sont les fantômes d'enfants décédés dans cet hôpital. Et je les entends pleurer, gémir, hurler le long des couloirs. C'est insupportable. Les autres patients font aussi cela, mais ils sont dans leurs chambres capitonnées, et bien vite les infirmières se chargent de les faire taire. Or ces trucs-là, il faut croire qu'il n'y a que moi qui les entends... moi et quelques autres patients.

Au début ça me faisait peur. Bien entendu les infirmières ne me croyaient pas et les médecins ont vraiment cru que j'entendais des voix. Et puis avec les années je me suis tut. Il n'est pas bon de se confier à qui que ce soit ici et je l'ai assimilé assez rapidement. Passer plusieurs années sous médocs, à se croire véritablement folle... c'est une expérience effrayante comme on ne l'imagine pas.

Ainsi vers treize ans, je me suis mise d'accord avec les infirmiers de nuit. J'avais le droit de rester éveillé, de me promener dans les couloirs et d'aller lire dans d'autres salles tant que je ne faisais pas de bruit. Cela me permettait de ne pas entendre les vociférations stridentes de ces pensionnaires d'un autre temps.

Cette nuit ne fait pas exception. Vers vingt-deux heures, une fois que tout le monde dort et que l'établissement est parfaitement silencieux, je me glisse hors de ma chambre. Je suis pieds nus et je ne porte pour tout vêtement qu'une longue chemise de nuit blanche. Ce n'est ni très élégant, ni très chaud mais qu'importe ! Les couloirs tapissés de linoleum beige sont bien chauffés et d'une propreté aseptisée.

Comme chaque soir, je fais un petit tour de la propriété, je salue les infirmiers qui font leurs rondes puis, je me rends dans la salle la plus éloignée du dortoir. C'est une salle d'attente réservée aux parents qui viennent rendre visites à leurs enfants. Elle est pourvue de confortables chauffeuses, d'une table basse recouverte de magazines en tous genres et de deux grandes lampes à pied.

Et alors que je m'occupais à faire des origamis avec les pages de magazines, deux êtres apparurent devant moi, semblant surgir de l'obscurité.

Pendant quelques secondes, je restai pétrifiée de stupeur, croyant qu'il s'agissait d'esprits, car le couple face à moi semblait tout droit sorti du passé.

L'homme était assez grand, les cheveux longs et noirs attachés en arrière, le visage pâle impeccablement rasé. Il portait une longue veste noire, une chemise rouge sombre, un pantalon noir et des chaussures noires. Il me fixa un moment avant de se retourner vers la personne qui l'accompagnait.

C'était une femme magnifique, aux longs cheveux noir ondulés. Son visage était aussi très pâle mais ses traits étaient rehaussés d'un maquillage sombre. Elle portait une longue robe noire et grise, tout de dentelle, de rubans et de velours, très élégante et un large collier raz-de-cou de satin couvrait son décolleté. Un somptueux manteau de velours noir complétait le tout.

J'étais comme hypnotisée par ces deux nouveaux arrivants, en particulier par la femme. Quelque chose en elle m'attirait mystérieusement... peut-être était-ce ses yeux vairons, l'un mauve et l'autre d'un brun tirant sur le pourpre donnant un effet particulièrement étrange à son regard...

Je finis par reprendre mes esprits, reposant sur la table ce que j'avais entre les mains.

Pendant ce temps, la femme s'était approchée et se tenait à présent à environ un mètre de moi.

- Bonsoir petite fille.

- ... Bonsoir. Je ne vous ai jamais vu ici... Qui êtes-vous ?

Elle se baissa à ma hauteur, m'offrant un large sourire qui me fit froid dans le dos.

- Tu t'appelles Nathalia n'est-ce pas ?

J'ouvris grand les yeux, ne me sentant cependant pas capable de faire un pas en arrière.

- Euh oui... mais comment le savez-vous ?

La femme se tenait tout près de moi à présent et d'un mouvement elle m'attira contre elle. Sa main glacée me fit frissonner. Son regard devint un peu fou, pareil à celui des autres enfants de l'hôpital.

- Ce sont des voix qui me l'ont chuchoté à l'oreille. Et je sais aussi pourquoi tu ne dors pas en cette heure tardive...

Pour le coup, j'eus un mouvement de recul, le rythme de mon cœur s'accélérant brusquement : j'avais peur.

- Ce sont les infirmières qui vous l'ont dit n'est-ce pas ? Elles disent que je suis folle ! Mais ce n'est pas vrai. Ils veulent simplement me droguer pour m'avoir à leur merci... Je veux simplement qu'on me laisse tranquille…

Avant même que je n'eus pu le réaliser, une main gantée s'était posé sur ma bouche. C'était l'homme qui était apparu derrière moi.

Mais c'était impossible !

La femme ne sembla pas s'en étonner, me faisant signe de me taire.

- Chuut... N'ai pas peur, nous ne te ferons aucun mal Nathalia. Je sais des choses que les autres ne savent pas. Je sais que tu vois les esprits et je te crois. Tu es une enfant exceptionnelle et c'est pour cela que nous sommes ici.

Sentait les larmes me monter aux yeux, malgré que l'homme m'ait relâché.

- Mes parents m'ont abandonné ici il y a presque cinq ans. Ils ne sont jamais venus me rechercher. Ils ont dit que j'étais folle et malade, que je devais être soignée et qu'après ils reviendraient mais ils m'ont menti, ils se sont simplement débarrassés de moi. Pourquoi seriez-vous différents ? Tous les adultes me méprisent... Personne ne voit ce qu'ils me font subir ici… Je suis juste leur cobaye…

- Calmes-toi Nathalia. Je sais ce que tu ressens, je sais ce que c'est d'être différent. Maintenant je vais te poser une question très sérieuse, et je te demande d'y réfléchir un instant. Qu'est-ce que tu penses de l'existence des vampires ?

Je restais estomaquée par sa demande, examinant les informations dont je disposais : Ils avaient tous deux la peau si pâle et si froide et leurs yeux brillaient malgré l'obscurité ambiante, ils étaient habillés étrangement et venaient me rendre visite dans cet hôpital en pleine nuit, alors que personne n'était censé entrer… Etait-il possible qu'ils soient réellement des vampires ?

- Je sais que les fantômes existent... je crois en tout ça puisque je les vois. Et la sorcellerie aussi… Je crois en des choses que tout le monde qualifie de mythes… Alors pourquoi pas des vampires. Vous insinueriez que vous en êtes ?

Pour la première fois, le dénommé Steren prit la parole.

- En effet, et aux yeux des mortels nous devons restez au rang de mythe. Si l'on te dévoile cette information ce soir, c'est que ma compagne a une proposition à te faire.

- Alors Nathalia, tu disais que tes parents t'avaient abandonné, mais est-ce que tu n'aimerais pas avoir de véritables parents ? Des parents qui prendraient soin de toi, des parents qui ne t'abandonneraient jamais ? Je me prénomme Aïlin et je te présente mon compagnon Steren. Nous sommes venus ici spécialement pour toi. Tu as été oubliée ici alors que tu es une enfant exceptionnelle. Tu mérites mieux que cet endroit.

Bien sûr que j'aurais voulu des parents. Personne ne s'occupait jamais de moi ici, j'étais quasiment livrée à moi-même, sans jamais qui que ce soit avec qui discuter. La solitude, l'ignorance me pesait. Je ne savais presque rien du monde extérieur, j'avais déjà relu des dizaines de fois les rares livres auxquels j'avais accès. Si ces gens pouvaient m'adopter et me permettre de mener une vie à l'extérieur alors j'étais prête à les suivre, tout aussi étranges soient-ils. Je pris une grande inspiration, avant de lâcher ma réponse. Rien ne pouvait être pire qu'ici, de cela j'en étais certaine.

- Je ne vais pas vous faire attendre, je préférerais n'importe quoi d'autre que cet endroit alors je ne laisserais pas passer cette occasion. Même si j'ignore tout de vous et que vous êtes plutôt étranges, je n'ai que quinze ans et ne me fais plus d'illusion sur mon avenir. Vous m'offrez la seule chance d'échapper à tout cela, alors... je veux bien vous suivre, aussi inconscient cela puisse-t-il paraître. Je ne suis pas bien certaine de comprendre tout ce que ça implique ni pourquoi vous m'avez choisie mais… je rêve d'avoir de vrais parents. Et vous semblez me vouloir comme enfant.

- Bien... ma petite fille.

Aïlin, ma nouvelle mère, me prit dans ses bras et me souleva comme si je n'étais pour elle qu'un enfant de cinq ans.

... Allons dans ta chambre prendre quelques affaires et ensuite nous rentrerons à la maison. Tu ne seras pas déçue.

La vampire me porta jusqu'à l'entrée du dortoir. Étrangement je ne vis nulle trace des infirmières de garde. Au fur et à mesure que nous nous approchions, je commençais à entendre les cris et les pleurs, d'abord fugaces, puis continus.

Arrivés à la porte coupe-feu qui séparait le pavillon du reste du bâtiment elle me reposa au sol, mais j'attrapais instinctivement la main tendue pour me coller à elle.

Devant moi se tenaient trois enfants ou plutôt trois esprits. Leurs figures livides tournées vers moi. Je discernais parfaitement les camisoles qu'ils avaient dû porter de leurs vivants. Leurs petits pieds nus flottaient à quelques centimètres du sol, comme portés par une brise invisible.

- Tu es comme nous, tu es condamnée à rester ici. Viens jouer avec nous Nathalia... tu n'as pas le droit de t'échapper...

J'essayais de les ignorer, concentrant mes pensées uniquement sur mes nouveaux parents. D'ailleurs les fantômes semblaient conserver une distance entre les deux vampires, reculant au fur et à mesure que nous avancions.

- Est-ce que vous pouvez les voir vous aussi ? Vous les entendez ?

Ce fut Steren qui me répondit.

- Les esprits ne peuvent apparaître qu'à ceux à ceux à qui ils ont décidé d'apparaître ainsi qu'aux rares personnes qui ont la sensibilité nécessaire pour voir à travers le monde des morts. Ne t'inquiète pas, ils ne pourront bientôt plus te tourmenter et ils ne peuvent rien faire contre nous. Tu viendras avec nous, qu'ils le veuillent ou non.

Dans ma chambre, un dernier obstacle m'attendait. L'esprit d'une jeune fille de dix-sept ans qui était décédée dans cette pièce même. J'avais plutôt sympathisé au début car elle m'avait semblé moins agressive que les autres fantômes, elle m'avait même protégé des infirmiers... Mais peu à peu je m'étais rendu compte de sa folie. Elle voulait que je reste à ses côtés pour l'éternité et pour cela elle était prête à tout.

Lucie était assise sur mon lit lorsque nous rentrâmes, et immédiatement ses grands yeux tristes s'étaient posés sur moi.

- Ça faisait longtemps Nathalia... Tu ne veux plus être mon amie... Tu ne comptes tout de même pas partir avec ces vampires ? Je ne te laisserais pas m'abandonner ! Tu n'as pas le droit de me laisser seule ! Tu es mon unique amie, comment peux-tu être aussi égoïste ?

A peine eussé-je fais un pas en direction de mon étagère que Lucie avait foncé sur moi pour me tirer à elle, serrant ma gorge comme un étau.

Heureusement cela ne dura pas bien longtemps. Aussitôt qu'Aïlin m'avait rattrapé, Lucie s'était reculée comme brûlée à son contact.

- Ce n'est pas juste ! Tu ne dois pas leur faire confiance Nathalia, tu dois rester avec moi ! Tu ignores tout d'eux, alors que moi je t'ai protégée !

Ma nouvelle mère me colla contre son torse en une étreinte apaisante et pour la première fois depuis bien longtemps, je ressentis à nouveau que quelqu'un souhaitait me protéger. C'était si rassurant, tellement agréable ! Je me laissais bercer par cette sensation redécouverte.

- Cet endroit est remplit d'esprits tourmentés. Ne traînons pas ici.

Secondée de près par la vampire, j'enfournais dans un petit sac mes rares effets personnels : Mes affaires de toilette, quelques livres auxquels je tenais plus particulièrement ainsi que quelques objets que j'avais réussi à collecter et conserver en cachette.

- C'est bon, je n'ai rien d'autre... je n'ai même pas de vêtements à ma taille.

Je tournais mon regard vers Lucie qui semblait bouillir de rage.

... Je suis désolée Lucie, j'ai le droit de vivre heureuse. Pour rien au monde je ne resterais ici. Adieu.

Un grondement soudain me força à me boucher les oreilles et par réflexe je fermai les yeux. Lorsque je les rouvris, j'étais dans les bras de Steren et celui-ci se déplaçait en courant, semblant particulièrement pressé de quitter l'hôpital psychiatrique.

Ce ne fut qu'une fois dehors que la réalité de ma libération m'apparut pleinement. Il faisait toujours nuit et j'étais dans les jardins de l'asile au loin je pouvais discerner la grille qui nous séparait de la société saine d'esprit et bien-pensante.

Aïlin nous rejoignit quelques minutes plus tard, portant mon sac sur l'épaule.

- J'ai réveillé et libéré tous les pensionnaires... Ça va faire une belle pagaille... hi hi hi !

- Belle diversion. Il est temps de rentrer maintenant. Nous avons encore beaucoup à dire.

La vampire me couvrit de son manteau et me reprit dans ses bras. Elle me porta ainsi jusqu'à une voiture dans laquelle un chauffeur semblait les attendre et ce fut calée entre mes deux « nouveaux parents » que je fus conduite jusqu'à ma nouvelle vie.

Tout le long du chemin, je ne pus m'empêcher de regarder avec émerveillement le paysage qui se présentait à moi à travers les vitres teintées de la berline.

C'était comme si je recouvrais soudainement la mémoire du monde extérieur et Aïlin sembla s'en amuser.

- Et en début de soirée c'est encore plus intéressant. Tous ces êtres vivants déambulant, vaquant à leurs activités sans se soucier le moins du monde de ce qui les entoure. Le simple fait de les observer est pour moi une distraction... Je reste de longues heures à les épier, à deviner leurs pensées, leur existence…

- Je crois que pour l'instant je n'aime pas beaucoup les autres... humains. Ce dont j'ai envie... c'est de passer du temps loin de tout ce monde, dans un endroit calme, où je pourrais lire et apprendre... Rattraper le temps que l'on m'a volé.

Cette fois ce fut Steren qui prit la parole :

- Tu as en effet beaucoup de chose à apprendre, nous ferons en sorte que tu ne restes pas dans l'ignorance. Tu as l'éternité devant toi pour que l'on t'enseigne tout ce dont tu as besoin. Si le portrait qu'Aïlin m'a fait de toi est exact, tu devrais te plaire dans ta nouvelle demeure. Nous avons une bibliothèque immense, pourvue de livres que tu ne trouveras nulle part ailleurs.

Je lui répondis par un large sourire. Tout cela commençait comme un rêve...

- J'adore les livres. Ce sont mes seuls amis… Comment vous saviez tout ça…

- Ce sont des voix qui m'ont guidé jusqu'à toi. Ils m'ont parlé de toi et j'ai senti que tu avais besoin de nous.

Je ne discutais pas cette réponse, acceptant cette part de mystère.

A bout d'un assez long moment au cours duquel il me semblait que nous avions quitté la ville pour la campagne puis l'autoroute, nous arrivâmes dans une autre ville... tout aussi inconnue pour moi. Finalement, la voiture s'arrêta dans l'allée d'une immense demeure entourée par un jardin hautement muré. On aurait dit le mystérieux château de la Belle-Au-Bois-Dormant.

Au sortir de la voiture, je frissonnais en sentant le vent dans mes cheveux et l'humidité de l'herbe sous mes pieds nus, mais je ne pouvais m'empêcher de trouver cela agréable. Peut-on imaginer n'avoir senti le vent ni la nature des années durant ?

Aïlin me prit immédiatement dans ses bras pour me porter jusqu'à l'entrée et ce fut une fois à l'intérieur que je pris véritablement conscience de la richesse de mes nouveaux parents.

Le hall d'entrée en lui-même faisait la taille de ma chambre à l'hôpital, uniquement meublée par une série de porte-manteaux muraux. La porte semblait ancienne et particulièrement massive. La seconde porte donnait directement sur un vaste salon décoré dans un style vraisemblablement ancien et qui ressemblait beaucoup à ce que je m'imaginais d'une demeure médiévale.

Devant moi, une sorte de banc d'église recouvert de coussins occupait le centre de la salle, devant lequel se trouvait une table basse en ébène, puis quatre fauteuils de même facture placés contre le mur. Tout au bout, une large cheminée réchauffait la pièce par un feu bien nourri. La seconde moitié de l'immense pièce était occupée par une grande table de salle à manger entourée d'une douzaine de chaises, puis un peu plus au fond, un grand escalier de bois donnant sur une mezzanine en balcon. Le sol était recouvert d'un dallage en damier et les murs de pierre nus étaient décorés de tapisseries et de tableaux. Tout ici respirait l'ancien.

- Bien, il nous reste encore un peu plus de deux heures avant le lever du jour, et nous avons plusieurs choses à t'expliquer avant d'aller dormir. On te fera visiter la maison en détail demain soir, en attendant tu dois avoir faim...

A ce moment, une petite femme replète apparue, son teint olivâtre et ses longs cheveux noirs témoignant de sa nature hispanique. Elle salua mes parents en une petite révérence avant de me lancer un large sourire.

... – Ah ! Voilà Catherina, elle s'occupera de toi si tu as besoin de quoi que ce soit et sera ta gouvernante les rares occasions où nous serons indisponibles. C'est aussi elle qui te fera à manger. Elle est à notre service depuis un nombre incalculable d'années, tu peux lui faire confiance. Catherina, nous vous présentons Nathalia, notre fille. Nous allons la laisser à vos bons soins pendant un moment, le temps que vous trouviez de quoi satisfaire son appétit. Nathalia tu n'auras qu'à revenir nous rejoindre quand tu auras finit.

L'estomac gargouillant, j'acceptais immédiatement. Cela devait faire presque dix heures que je n'avais rien mangé, et habituellement, j'avais toujours quelques quignons de pain à grignoter pendant mes lectures nocturnes, mais avec tous ces événements...

Contrairement aux pièces précédentes, la cuisine avait tout de la modernité et les éléments que j'y voyais m'étaient familiers. Je reconnaissais un frigo, un micro-onde, un grand four avec ses plaques de gaz ainsi qu'une table haute, des chaises et une multitude de placards.

- Alors dis-moi petite, qu'est-ce que tu voudrais manger ?

- Euh... je ne sais pas trop, n'importe quoi. Habituellement je ne mange que du pain ou des aliments secs toute la nuit parce que ce sont les seules choses que je peux garder sur moi sans qu'on le remarque...

La matrone secoua la tête avec un air navré.

- Pauvre enfant. Catherina va te faire un bon petit plat qui t'aidera à bien dormir. Tu vas voir, tu vas bien manger avec moi !

J'observai ébahie la gouvernante me faire la cuisine, et bientôt je reçus devant moi une assiette fumante de spaghetti bolognese. Je dégustai le repas avec appétit : C'était mille fois meilleur que tout ce que j'avais pu manger à l'hôpital ! Désireuse de ne pas faire attendre mes nouveaux parents plus longtemps, je quittais cependant rapidement la table pour aller les retrouver.

Les deux vampires étaient en train de discuter et me voyant arriver, Aïlin me fit signe de m'asseoir à ses côtés, ce que je fis sans hésiter.

Steren était assis dans l'un des fauteuils face à nous et entama la discussion.

- Bien, je crois deviner que tu es maintenant disposée à nous écouter.

- Oui, ça fait du bien de manger... Et ça n'a rien à voir avec la nourriture de là-bas.

- Tu n'es pas trop fatigué ? Si possible nous aimerions utiliser tout le temps qui nous reste avant le lever du soleil pour te donner les informations élémentaires...

- Ne vous inquiétez pas pour ça, j'ai l'habitude de rester éveillée toute la nuit. Je dors pendant la journée depuis plusieurs années maintenant alors c'est un rythme qui me convient tout à fait.

Mon père lança un regard entendu à ma mère.

- Alors c'est parfait. Je serais direct : J'espère que tu es consciente de l'exceptionnelle confiance que nous plaçons en toi en te révélant notre nature. Aïlin m'a convaincu de t'accepter sous notre toit et je ne demande qu'à ce que tu me convaincs à ton tour du bien-fondé de ce choix. Comme tu dois t'en douter, il nous est impossible de rester éveillé une fois que le soleil est levé, ou alors cela nous demande un effort considérable et nous devons rester dans les ténèbres. Toutes les fenêtres de cette demeure restent hermétiquement fermées tout le long du jour et par mesure de sécurité il en sera toujours ainsi. Et comme dans les légendes, nous nous nourrissons de sang. Il ne faut pas que cela te choque, ou que tu te tortures l'esprit à ce sujet Nathalia, nous sommes des prédateurs et nous buvons le sang des êtres humains vivants. Même si nous ne les tuons pas nécessairement, il nous arrive de le faire, volontairement ou par inadvertance. Et pour nous cela n'a aucune espèce d'importance. Les seuls êtres humains qui nous importent sont dans cette demeure : nos serviteurs et depuis ce soir, toi.

- C'est bon... Moi aussi je dois vous faire confiance. Je n'ai pour l'instant aucune raison d'avoir peur de vous, d'autant que vous me voulez comme enfant et je veux tout faire pour le mériter. Concernant les autres humains, je ne vois pas pourquoi j'aurais pitié d'eux. Jusqu'à présent, ils m'ont toujours fait du mal, presque personne n'a réagi ni n'a cherché à me protéger et vous êtes les premiers à m'avoir tendu la main. Puisque vous êtes maintenant mes parents, je ne me permettrais jamais de vous juger. J'ignore encore tellement de choses…

Pendant un instant, on eut dit que ma mère allait se mettre à pleurer, puis elle me fit un large sourire avant de me serrer dans ses bras. Passé les premières secondes d'étonnement, je fermais les yeux pour mieux savourer cette nouvelle sensation. L'affection si naturelle d'Aïlin m'emplissait de bonheur et je sentais combien me seraient important par la suite ces moments passés tout contre elle. Même si son corps était froid et que son cœur ne battait plus, j'avais la certitude qu'elle m'aimait déjà comme une mère aime son enfant.

Lorsqu'elle se sépara de moi, ce fut pour m'attirer sur ses genoux.

- Tu es une adorable petite fille Nathalia. Tu vivras bien ici, je prendrais bien soin de toi. Je veux te rendre heureuse... Bon, qu'avons-nous d'autre d'important à te dire ? A oui, habituellement nous vaquons tous deux à nos occupations à l'extérieur pendant le reste de la nuit. Nous recevons parfois quelques visites mais aucun de ceux que nous acceptons en ce lieu ne te feront le moindre mal. Dans le cas contraire nous seront tout disposés à passer du temps avec toi. Steren fait beaucoup de travaux de recherches et doit aussi faire avec ses responsabilités mais moi j'attendais ta venue avec impatience. Nous nous amuserons ensembles... Je te ferais voir le monde de la nuit !

Mon père me jeta un instant un regard indescriptible mais il reprit bien vite son expression habituelle.

- Bien, je crois que tout est dit pour le moment. Demain il faudra que l'on t'explique quelques bases concernant la société vampirique, mais il est trop tard pour un sujet aussi complexe. Il est temps de découvrir ta chambre. Je laisse Aïlin t'accompagner. Bonne journée Nathalia.

Il se leva, déposa sa main sur mon front avant de disparaître par une porte sous l'escalier.

- Bonne journée.

Ma mère m'invita à me lever avant de me prendre par la main, me menant au premier étage. Ma chambre se trouvait tout au bout d'un long couloir, et lorsque j'y entrai pour la première fois, je ne pus réprimer une exclamation d'émerveillement : la pièce qui m'était réservée était à mes yeux véritablement gigantesque. Contre le mur à gauche de la porte se trouvait une coiffeuse, puis plus loin sur le mur face à moi, un bureau. Un lit à baldaquin assez large pour coucher trois personnes occupait le centre de la pièce et sur le mur de droite, un paravent dissimulait le devant d'une grande penderie. Enfin sur le côté, une petite porte donnait sur une salle de bain privée avec une baignoire, un WC, un lavabo avec un grand miroir ainsi qu'un placard généreusement pourvu en serviettes et matériel de toilette en tout genre.

- C'est une véritable chambre de princesse... j'ai l'impression de rêver... une si grande pièce pour moi toute seule !

- Bien sûr. Nous voulions que tu te sentes à l'aise. Tu as des vêtements à ta taille dans l'armoire, j'espère que ce sera à ton goût.

- Co... Comment saviez-vous...

- Nous nous sommes renseignés sur toi avant de venir te chercher. Je savais que c'était toi... Mon cœur t'avait déjà choisi avant même de te connaître. Cela faisait si longtemps que je voulais avoir une enfant… Quelqu'un qui puisse nous comprendre et nous accepter tels que nous sommes…

Je renonçais à essayer de comprendre cette phrase. Même si elle avait ce côté étrange et mystérieux, j'avais besoin d'une mère à qui m'en remettre toute entière... Et Aïlin semblait déjà prête à me donner attention et affection : tout ce que je n'avais jamais eu la chance de connaître et qui m'avait fait défaut jusqu'à présent.

Avec douceur, elle m'invita à m'asseoir sur le petit siège de la coiffeuse, commençant à démêler mes cheveux.

- Tu as de beaux cheveux longs, il faut en prendre soin. Je suppose que tu n'étais pas vraiment dans les meilleures conditions là-bas. Le stress a abîmé tes cheveux...

Je me laissais faire avec bonheur. C'était tellement agréable... Jetant un coup d'œil au miroir face à moi, je constatais avec amusement que le reflet de ma mère y était bien présent. Celle-ci dut remarquer mon regard, car elle ajouta :

... – Seuls quelques vampires n'ont pas de reflet, et je suppose que c'est loin d'être une bénédiction. En revanche j'ai moi aussi quelques petits tours de passe-passe qui ne sont pas mentionnés dans les légendes...

Et sous mes yeux ébahis, elle disparut littéralement !

Par réflexe, je me retournais pour voir de moi-même, mais à peine avais-je fait le mouvement qu'elle avait réapparu, exactement au même endroit.

- Woah ! C'est de la magie ?

- En quelque sorte... Tous les vampires n'ont pas les mêmes pouvoirs et moi je peux me rendre invisible... entre autres. Tu apprendras tout ça au fur et à mesure. Maintenant il est temps de se coucher, pour moi comme pour toi. Je vais rejoindre mon cher Steren.

Ma natte terminée, elle déposa à son tour un baiser sur mon front avant de se diriger vers une petite alcôve sur le côté de mon lit que je n'avais pas remarqué jusqu'alors à cause des rideaux du baldaquin.

- Cette porte rejoint presque directement notre sous-sol. Il nous est presque impossible de nous réveiller pendant la journée mais si jamais tu en ressens le besoin, s'il arrive quoi que ce soit pendant la journée, tu seras en sécurité en bas. Dors bien mon enfant.

- Merci, vous aussi… mère.

J'offris un dernier sourire à la vampire avant que la porte ne se referme, puis je me dirigea vers la commode. Encore une fois j'eus l'impression de vivre un rêve. Une multitude de tenues s'offraient à moi, assez austères dans leur genre, mais vraiment belles. Ça ressemblait un peu au style vestimentaire d'Aïlin mais ce n'était pas déplaisant, bien au contraire. Après toutes ces années à ne porter que du blanc, j'y étais devenue allergique ! Des longues jupes et robes de velours, des corsets, bustiers et serre-taille très élégants, une collection de rubans de satin, des chemises, des capes... Les couleurs étaient plutôt sombres, bleu nuit, noir, gris, pourpre, vert sombre ou violet. Rien de voyant hormis une belle robe écrue ornée de dentelle noire. Je me choisis une longue chemise de nuit. Le style était plutôt ancien, mais au moins cela ne ressemblait pas le moins du monde à ma chemise d'hôpital. Je me dépêchai de faire ma toilette avant de me coucher avec satisfaction dans mon nouveau lit. Les étoffes de tissu tout autour et au-dessus de moi formaient une sorte de cocon protecteur et comparé aux draps blancs bouillis de l'hôpital, ceux-ci étaient d'une doucement infinie !

J'aurais pu m'extasier ainsi pendant encore des heures durant, mais ce fut la fatigue qui eut raison de moi.

Cette nuit avait décidément été riche en émotions, et je ne souhaitais plus qu'une chose : que ce bonheur ne s'arrête jamais...