N/A : Hello. Ceci est un petit drabble très court sorti d'une traite pour convaincre une amie alors que nous discutions de la relation entre Castiel et Meg. Gagnons du temps en faisant fuir direct les acharnées du Destiel, soulignant avec bon sens qu'un timide maladif comme Cass n'embrasse pas une fille (démone en plus) sans raison impérieuse... La possibilité d'une relation épistolaire entre eux (qui nous plaisait bien) est douteuse, car c'est à la fois trop romanesque et assez peu dans le caractère de l'un et de l'autre. Toutefois, je sais d'expérience que l'écrit convient bien aux timides car on n'y est pas exposé à bout portant... et donc voici un Castiel de saison 6 qui a cessé d'être indifférent et qui se demande s'il doit faire quelque chose avec ses sentiments.
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How I got your letter
Va, je ne te hais point (Pierre Corneille, Le Cid)
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L'ange Castiel n'entend rien aux femmes, et encore moins aux démons – ce qui rend les démones deux fois plus épineuses.
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Castiel ne savait pas vraiment comment tout ceci avait commencé ni comment il avait pu être entraîné à faire une telle chose. Non pas qu'il fut tellement amateur de technologie, mais prendre la fugitive habitude de conserver un petit bout de papier pour y noter quelques mots qu'il avait l'intention de lui dire – si jamais il la voyait, s'il n'y avait pas trop de témoins – lui semblait du dernier incongru quand il y pensait. Un acte dérisoire et un peu ridicule, peut-être à l'image de ce qu'il pensait de sa propre vie à présent.
D'abord, il avait composé ce que de plus jeunes êtres auraient appelé sans hésitation des antisèches. Car comment aurait-il su quoi dire, une fois face à elle et ses répliques moqueuses ?
Il avait réalisé qu'il ne pouvait pas toujours trouver le moyen de les placer habilement dans la conversation, entre deux combats, deux situations désespérées... Et l'accumulation de ces petits mots en lui, prêts à sortir mais qui restaient pour ainsi dire coincés entre le Tacite et le Commode, avait commencé à organiser insensiblement la recherche de morceaux de papier plus grands que des pochettes d'allumettes, un ticket de parking, de pompe à essence, ou une note de motel... Il gribouillait au dos une ou deux formules qui, le temps passant, devinrent petit à petit des phrases courtes, lorsqu'il s'enhardit à les noter en entier, en son glorieux for intérieur.
Un jour d'hiver où elle l'avait à peu près ignoré et où il n'avait pas osé lui dire quoi que ce soit d'encourageant – que pouvait-il savoir des tracas ordinaires accablant les démons ? – il avait arraché la feuille d'un petit calepin et avait jeté là quelques paragraphes qui l'avaient brûlé à peine étaient-ils sortis de ses doigts engourdis par le froid. Longtemps, il avait gardé la feuille dans le creux de sa main. Très longtemps. L'envie même de lui faire la conversation s'était presque évanouie, tant il craignait sa réaction.
Castiel n'avait jamais été lâche au combat. Mais dans cette arène, le sol était fait de terre inconnue. Irrépressible, le désir qu'elle sache s'était mis à le tarauder, peut-être en raison du faux sentiment d'urgence que procurait l'assurance quasi garantie d'une mort imminente, perpétuellement sursitaire... Il lui fallut une semaine de plus pour trouver le moyen de glisser le petit papier plié dans la poche de la veste qu'elle portait, sans se faire repérer.
Il aurait pu rester ainsi longtemps. Heureux et soulagé, presque fier, d'avoir enfin réussi à sortir de lui ces simples mots d'encouragement qui valaient pour lui toutes les déclarations et en tirer le même apaisement satisfaisant que l'on trouvait à la dernière touche qui venait parfaire une œuvre. Bien sûr, il ne lui en avait pas soufflé mot. Il se persuadait que son acte lui suffisait ainsi. Du reste, elle n'avait pas eu la moindre réflexion pouvant laisser entendre qu'elle avait jamais su ce qu'il avait écrit pour elle.
Cela n'existait pas, bien sûr. Elle était un démon, il était un ange, rien d'autre ne comptait finalement au regard de cette incompatibilité fondamentale. Rien d'autre ne comptait, sauf peut-être la surprise dans ses yeux quand il l'avait embrassée et qu'elle avait répondu. C'était il y avait longtemps. Si longtemps qu'il croyait avoir rêvé tout ça.
Jusqu'au jour où il dut aller chercher de la tarte aux pommes pour Dean parce que Sam n'était pas disponible. Dans le magasin, il avait machinalement sorti de la monnaie de sa poche pour régler la consommation. Niché au milieu du billet de cinq dollar, il y avait un petit morceau de papier plié auquel il ne prêta pas attention. Le caissier qui vérifiait le paiement le trouva et demanda :
— C'est vous, Castiel ?
L'ange le regarda sans comprendre et l'employé désigna le papier gris où son nom était marqué, tandis qu'il le faisait glisser du bout des doigts vers lui. Avec un simple hochement de tête, il rempocha le tout avant de sortir pour se diriger à pas lents vers la voiture. Prêt à rentrer au bunker.
Ce n'est que deux kilomètres plus tard, que le plus mince atome de curiosité parvint à avoir raison de lui.
Il se surprit à ranger sans hâte son véhicule, près de l'Impala, à sortir s'adosser à la portière et, de trois doigts inhabituellement fébriles, déplier l'innocent petit morceau de cellulose qui allait le placer au bord d'un précipice tel qu'il n'en avait jamais connu.
Quand il posa des yeux presque indifférents dessus, ses traits s'illuminèrent malgré lui pendant une longue seconde en comprenant ce qu'il avait entre les mains. Levant la tête vers le ciel, il ferma les yeux pour accueillir la pluie avec le sourire. Cela venait d'elle. Il n'y avait que six mots, qu'elle voulait très certainement encourageants, à sa façon :
"Pas trop mal, pour un débutant".
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FIN
