D'épais nuages gris déversaient leurs tourments sur les hommes plus bas. La pluie lavait les corps disgracieux couverts de boue et de sang, elle ne laissait personne s'échapper. Un éclair zébra le ciel et le tonnerre gronda au-dessus de leur tête. Les yeux vident de vie, ces hommes ne bougeaient plus et attendaient tranquillement que le soleil reviennent carboniser leur corps en lambeaux, que les charognards viennent se nourrir de leur chair, tandis que l'air arborerait cette odeur de putréfaction présente sur chaque champ de bataille. La Mort avait pris chaque âme présente, ne laissant qu'une enveloppe à pleurer pour les autres. Certains corps n'étaient plus reconnaissables, les ennemis se mêlaient aux amis, les dépouilles resteraient fertiliser cette terre jusqu'à la prochaine bataille.

À travers l'une des fenêtres du palais, le vainqueur portait un regard las sur l'horizon. D'ici, il ne pouvait pas voir ces êtres qui avaient donné leur vie pour ce traité de paix, mais cet homme n'oublierait jamais leur visage, leur rire et surtout leur famille qu'ils avaient dû quitter. Certains venaient juste de voir leur premier rejeton naître et il grinça des dents en sachant qu'il aurait pu être à leur place, abandonnant sa femme et ses deux fils en bas-âges. Le goût acre du sang envahis sa bouche et il arrêta de se mordre la lèvre inférieure. Il détestait la guerre mais pour assurer un avenir à son royaume, il n'avait d'autres choix que d'utiliser la force pour anéantir ses voisins les plus dangereux.

L'homme se réinstalla plus confortablement dans son fauteuil de velours et se remémora le déroulement de la bataille. Il voulait se souvenir de chaque instant afin que la prochaine guerre fasse moins de victimes, il ne voulait pas briser d'avantages de famille. Et voir briller la tristesse dans les yeux de sa compagne le faisait toujours culpabiliser. Cette première victoire l'amenait lentement vers un royaume en paix et même s'il avait désormais du sang sur les mains, il ferait en sorte que ses enfants n'aient pas à vivre de la même manière que lui, qu'ils n'aient pas à se salir, à arracher des hommes pour guerroyer inutilement. Rien de tout cela ne devrait perturber leur innocence.

Il serra les poings lorsqu'il se demanda ce qu'il serait advenu de son peuple s'il avait perdu la bataille. Les perdants finissaient souvent par mourir, leur femme devenait l'esclave des plus puissants et les enfants avaient un avenir incertain en étant revendu aux plus offrants. Plusieurs des esclaves, qu'il possédait, étaient à la base des trophées de guerre revendus dans les marchés. Il imaginait sa femme se faire violer et ses enfants hurler de douleur et de peur face à l'inconnu menaçant.

L'armure de son capitaine de cavalerie s'entrechoqua et le ramena au présent. Il n'avait pas perdu et attendait désormais que le traité de paix soit rédigé, un accord qui mènerait les deux royaumes vers un futur plus chaleureux, c'était ce qu'il espérait.

Les Hyuga étaient tombés, il ferait de ce pays l'une de ses premières principautés. L'homme avait tenu à ce que cette famille reste à la tête de ce petit royaume car il avait pu avoir un avant-goût de leur manière de diriger en traversant les nombreux villages qui le constituaient. L'armée principale était rentrée avant les dirigeants car il avait souhaité découvrir ses nouvelles terres. Les paysans semblaient heureux, les villages vivaient et après avoir rapidement discuté avec certains d'entre eux, il sut que les impôts ne représentaient qu'une part infime de leur dépense mensuel. En soit, le dirigeant de ce pays n'était pas un homme courant après l'argent et semblait favoriser grandement le développement de son peuple. Cela lui avait plu et c'était pour cela qu'il souhaitait garder cette famille à la tête de sa principauté.

L'homme apposa son sceau royal dans la cire encore chaude du traité, concluant ainsi l'acte de paix entre les deux pays. Le pays de la Lune et celui du Feu étaient désormais réunis, et même si la soumission du premier indiquait clairement sa position, le deuxième ne comptait pas abuser de sa supériorité.

« Nous vous remercions pour votre générosité votre Majesté. »

L'homme inclina la tête en signe de reconnaissance et suivit le jeune servant vers l'aile qu'on leur avait attribué. Les armures cliquetaient aux moindres pas et brisaient le silence pesant des longs couloirs. Ce n'était pas l'atmosphère du palais qui mettait ses Hommes dans cet état de stress permanent, la guerre était encore trop présente dans leur esprit pour qu'ils puissent savourer leur victoire et leurs idéaux autour d'un bon vin chaud. Il savait que ces guerriers ne pourraient se détendre qu'après avoir rejoint la couche de leur femme, de leur avoir écarté les cuisses et jouit à en perdre l'esprit. Lui-même se lamentait de ne pas toucher sa compagne, de ne pas la sentir au plus près de son corps. Même l'Homme le plus fort avait besoin de la douceur que dégageaient ces femmes.

Le servant s'inclina devant lui et ouvrit rapidement les lourdes portes en chêne. L'homme fut étonné de la force du jeune homme, il ne s'en serait jamais douté en regardant son corps frêle. Pourtant, il avait ouvert les battants de bois alors que même un homme bien bâtis aurait mis plus de temps. Les servantes étaient souvent deux lorsqu'il s'agissait de les ouvrir.

« Tu as de l'avenir gamin. »

Le dénommé releva les yeux surpris par les propos de l'homme et ses pupilles nacrées se posèrent dans celles charbons de son nouveau Roi. Il abaissa de nouveau la tête, quelques mèches corbeaux s'échappèrent de son catogan dissimulant ses iris à l'homme, et le remercia à voix basse.

Il entra dans la pièce, suivit de ses hommes et les portes se refermèrent derrière eux les laissant observer leur nouvel environnement. Dans les tons pastels, les murs reflétaient la lumière des multiples lustres accrochaient aux hauts plafonds. Les meubles étaient plus bruts mais s'accordaient avec les douces couleurs qui les entouraient. Un léger sourire aux lèvres, le vainqueur se disait que la décoration représentait la famille royale de ce pays à merveille. Vu de l'extérieur, ils paraissent durs et froids mais lorsqu'on les regardait d'un peu plus près on pouvait remarquer les subtiles nuances de chaleurs qu'ils dégageaient le tout dans une ambiance agréable.

Il avait longuement hésité entre deux autres pays avant de déclarer la guerre à la Lune, mais son choix se révélait plus positif que prévu. Et même s'il avait perdu beaucoup de ses hommes, son adversaire avait eu plus de perte dont le frère du dirigeant qui s'était sacrifié pour protéger ce qu'il avait de plus cher. Il regarda ses hauts gradés et malgré les différentes blessures qu'ils arboraient, ils étaient saufs à ses côtés. Ces personnes étaient des amis de longue date, destinés à le servir depuis leur plus jeune âge, mais il serait anéanti s'ils venaient à mourir sur un champ de bataille. Il appréciait chacun des hommes qui le servait mais ça serait mentir de dire qu'il n'avait pas de préférences.

Il autorisa ses hommes à aller se laver et profita de leur absence pour laisser couler une unique larme. Il enleva son armure, morceaux par morceaux et aima l'absence de métal sur ses vêtements. Il apprécia la liberté qu'il avait sans cette cuirasse et déambula dans toute l'aile pendant plusieurs minutes avant de se décider à rejoindre les bains à son tour. Les quatre hommes déjà présents, riaient aux éclats lorsqu'il pénétra la pièce d'eau.

C'était une grande salle ovale, entièrement revêtue de carrelages aux tons crème. En son centre, un large renfoncement rond, était alimentait en eau régulièrement par des fontaines aux styles épurés. Sur le côté droit, quelques miroirs embués étaient accrochés au mur sur le sol, plusieurs produits permettaient de se laver et des pommeaux de douche y traînaient. Sur la gauche se tenait des pièces aux murs transparents où les hommes aimaient se prélasser tout en transpirant. Lui appelait cela des pièces chauffantes, sa femme préférait le terme de Sauna. Il leva la tête après avoir vu le reflet d'une fresque dans l'eau et fut étonné de voir l'histoire des Hyuga peinte sur le plafond. Malgré l'humidité chaude de la pièce, les couleurs semblaient toujours aussi vives et éclatantes, et il se permit de la regarder attentivement après s'être glissé dans l'eau brûlante.

Il se mêla à la conversation de ses hommes et ils échangèrent de nombreux souvenirs, la plupart portant sur des anecdotes de leurs familles. Il songea à son plus jeune fils qui devait fêter ses un an aujourd'hui et se promit de fêter dignement ce premier anniversaire lorsqu'il rentrerait.

« Le repas sera bientôt prêt votre Majesté. Mon Oncle m'a demandé de vous indiquer le chemin pour rejoindre la grande salle. »

Il tourna son regard charbon vers son interlocuteur et croisa à nouveau les orbes nacrées du jeune homme.

« Nous vous suivrons jeune homme, j'ai une de ces faim, je serais capable d'avaler une vache ! »

Ils rirent de bon cœur après les propos du capitaine d'infanterie et sortirent de l'eau pour se préparer, le jeune Hyuga sur les talons. Ils enfilèrent les tenues préparées par les servantes et suivirent leur guide jusqu'à la salle à manger. Au détour d'un couloir, ils croisèrent une femme en larmes tenant un enfant dans ses bras. Ce dernier ne semblait pas comprendre ce qui arrivait à sa génitrice et s'accrochait désespérément à ses jupons en retenant ses hoquets de tristesse. Encore une victime de cette bataille. Une lueur triste traversa les yeux noirs du roi et disparu rapidement lorsque la mère lui jeta un regard voilé de larmes. Elle inclina la tête lorsqu'ils arrivèrent à son niveau.

« Je vous en prie votre Majesté, faites que ce pays soit enfin en paix. »

Cette simple phrase fissura son cœur déjà bien abîmé et il lui jura psychiquement qu'il ferait tout son possible pour que le pays de la Lune n'ait plus à subir cette épreuve.

« Elle était la femme de feu le frère de notre dirigeant votre Majesté. »

L'homme regarda rapidement son guide et sentit une lame le transpercer. Il avait mené à la mort un homme qui avait chéris sa femme et son fils, mais il devait protéger ce qu'il avait de précieux alors il ne pouvait pas se faire pardonner pour son acte. Par contre, il pourrait permettre à ce peuple de se relever de sa défaite en l'aidant comme il le faisait pour son royaume.

« C'est étrange de ne pas porter mon armure.

Par moment, je me demande comment tu as réussis à être à la tête d'un bataillon avec des remarques pareilles. »

Il aimait bien entendre ses camarades se chamailler car cela montrait l'amitié qui les reliait et cela leur permettait de se détendre dans un lieu qu'ils ne connaissaient pas. L'homme espérait qu'un jour ses enfants auraient aussi des partenaires à qui ils pourraient tout confier sans avoir à surveiller leurs arrières. Il s'installa au bout de table et discuta politique avec le dirigeant des Hyuga. Ce dernier se trouvait à sa droite, sa femme, enceinte, était à ses côtés tandis que ses hommes se trouvaient sur sa gauche.

« Veuillez excuser ma belle-sœur qui ne sera pas présente pour ce repas votre Majesté, mais elle a une santé fragile et ne s'est toujours pas remise de son accouchement. »

Le Roi était de plus en plus surpris avec cette famille qui semblait faire attention à son entourage et prendre soin de le défendre. Il fit rapidement le lien, et se doutait que cette femme ne souhaitait pas croiser d'avantage son regard.

« J'espère un jour pouvoir la rencontrer.

Lorsque sa santé le lui permettra nous lui demanderons de venir se présenter à vous votre Majesté. »

Des dizaines de plats se firent installés sur la nappe blanche et le repas put commencer. Face à la multitude de couverts qui entouraient l'assiette, il remercia mentalement sa femme de lui avoir appris, à coup de fourchette, dans quel ordre les utiliser. Il avait toujours été fière de sa famille et avait suivi sa politique de très près mais lorsqu'il s'agissait de choses plus subtiles, il avait dû se plier face aux menaces de sa compagne qui lui avait appris toutes les bases. De l'utilisation des couverts à la coordination des fleurs dans un bouquet. Il n'avait jamais compris pourquoi elle avait pris autant de plaisirs à lui apprendre alors qu'on voyait très bien qu'il s'obstinait à faire tout de travers, mais cela les avait intimement lié au point qu'elle devienne la mère de sa descendance.

Tous portèrent leur regard sur la seule femme présente à la table. Cette dernière se tenait le ventre et avait dû mal à respirer, son visage rouge dégoulinait de sueur. Le Roi avait déjà vu ces symptômes sur sa femme lorsqu'elle devait accoucher et sût réagir rapidement.

Les cris de douleur de cette mère résonnèrent dans le palais toute la nuit, c'est aux aurores que le poupon accepta de quitter les entrailles de sa génitrice et de se présenter au monde. Ce fut un jour de joie et de peine, la mère décéda d'une hémorragie interne qui s'était déclarée lors de son accouchement. Hélas, la naissance de la petite Hinata emporta une Hyuga au grand cœur.

Le Roi fit mander un messager afin qu'il prévienne sa femme du retard de son retour. Il resterait au pays de la Lune afin d'accompagner le deuil de cette famille. La petite fut placée dans les bras d'une nourrice afin qu'elle s'en occupe convenablement et la forme comme il se devait à son rôle d'héritière. Il ressentit un pincement au cœur en sachant que cet enfant ne grandirait jamais aux côtés de sa mère et remercia son dieu protecteur d'avoir accordé à sa progéniture la chance de connaître leur génitrice.

Dès l'après-midi, la cérémonie d'enterrement était déjà prête et la rumeur d'un remariage courrait déjà dans les couloirs. L'un de ses généraux fut choqué en l'entendant mais il savait qu'il n'était pas simple pour un dirigeant de gouverner seul, une femme était obligatoire pour le faire réfléchir ou simplement pour refroidir ses ardeurs. Lui-même avait perdu sa mère et c'était vu rencontrer sa belle-mère dans la semaine. Les premiers temps, il lui en avait voulu d'avoir pris la place de reine aux côtés de son père, mais en grandissant, il avait vite compris que ses actions étaient stupides et s'était excusé. Il avait eu de la chance qu'elle accepte de le pardonner et de repartir sur de bonnes bases mais il se doutait que tous les enfants n'avaient pas cette chance.

La cérémonie eut lieu dès le lendemain et il fallut ramener la petite Hinata dans son berceau car elle ne s'arrêta pas de pleurer. Il avait l'impression que la petite pleurait cette mère inconnue. En tant que roi, il dirigea la cérémonie. Aidé des prêtres présents, ils amenèrent l'âme de la défunte à se réincarner afin qu'elle ne reste pas coincée dans le monde des vivants. Il n'était pas très croyant mais en mémoire de cette personne et en souvenir de tous ceux qui étaient décédés, il mena le tout d'une main de maître.

Le deuil prit fin une semaine plus tard et la vie de la principauté se relança calmement. Les habitants du palais se remettaient lentement de la mort de la défunte, seuls les plus sensibles pleuraient dans les couloirs, les autres retenaient leurs larmes. Il était temps pour lui et son armée de rentrer à Konoha, capitale du pays du feu. Il commençait à ressentir un manque l'absence de son pays, son peuple et sa famille pesaient sur son mental et son sommeil devenait rare. Depuis son plus jeune âge, il avait toujours partagé sa couche et s'était habitué à la chaleur que dégageait un corps humain à ses côtés. Les nuits du pays de la Lune était bien plus froide, et malgré les épaisses couvertures, il frissonnait régulièrement lorsque la température chutait brusquement. De plus, le manque de présence sur sa droite le perturbait plus qu'il ne l'aurait pensé. Pour combler cette absence, il avait dû imaginer sa femme à ses côtés, les caresses qu'elle lui aurait octroyé pendant qu'il la couvrait de baisers brûlants.

Il s'était réveillé en sueur avant d'atteindre l'extase, son corps réclamant la jouissance. Il avait beau être maître de lui-même, le corps dévêtu de sa femme le faisait toujours réagir mais il se refusait d'avoir une autre personne partageant son lit. Il ne pouvait pas sortir dans cet état d'excitation et il avait fini par se soulager, seul. Il ne ressentait aucune honte à s'accorder un plaisir solitaire mais il trouvait plus satisfaisant de partager ses ébats avec sa compagne.

Aujourd'hui, ils reprendraient la route vers leur demeure et pourraient fêter dignement cette première victoire avant de repartir au front. Il ne voulait pas prendre de temps à se reposer trop longtemps, il fallait battre le fer tant qu'il était encore chaud. Il accorderait tout de même quelques jours à ses soldats avant de repartir guerroyer mais il ne pouvait pas se permettre de baisser sa vigilance. Les autres pays devaient déjà être au courant de la défaite du pays de la Lune, ils attendaient sûrement le retour du vainqueur pour tenter de les soumettre. Ils profiteraient de leur fatigue pour les attaquer.

Il fit sceller son hongre et apprécia une dernière fois le paysage qui s'étendait au pied du palais avant de se mettre en selle. Devant lui, son armée l'attendait de pied ferme, ses fidèles amis se trouvaient devant la file, le sourire aux lèvres. Ils avaient tous hâte de rentrer et il partageait ce sentiment. Il talonna son destrier pour les rejoindre et lança la marche.

Les chemins étaient dégagés et propices à l'avancer d'un millier d'hommes. Les chevaux n'étaient pas nerveux et avançaient d'un bon pas, certains portaient de lourdes charges de nourriture et présents en tout genre, tandis que d'autres restaient libres à leurs côtés. Les bêtes étaient prêtes à être harnacher lorsque les autres commenceraient à fatiguer. Il avait toujours trouvé fascinant de les voir trotter librement à leurs côtés, sans penser à s'enfuir loin de ses hommes qui les avaient asservis depuis leur naissance. Ils étaient d'ailleurs uniques, car peu d'individus laissaient leurs animaux se promener autour d'eux sans avoir peur de les voir disparaître.

Ils prirent deux pauses avant de quitter le pays de la Lune. Tous sentirent une bouffée de nostalgie leur monter à la gorge lorsqu'ils franchirent la forêt Écarlate, frontière des deux pays. Même les bêtes semblèrent reconnaître leur pays. Les chiens commencèrent à japper de joie tandis que les montures s'ébrouaient régulièrement, hennissant comme bon leur voulaient.

Ils mirent encore trois jours avant d'atteindre la capitale. Les habitants étaient tous de sortir, arborant les couleurs de la famille royale. La ville entière était revêtue de rouge et noir et les éventails se balançaient au grès du vent, accrochés un peu partout. Le symbole même de leur dynastie. Il était fier de son peuple, fier de son pays et il sauta de son cheval lorsqu'il croisa le regard souriant de sa femme. Son fils aîné se tenait droit et fier mais il savait que lorsqu'il ouvrirait les bras, ce dernier s'y jetterait. Son cadet, quant-à lui, tenait fermement le haut de sa mère qui le tenait dans ses bras. Un an, il avait déjà fêté son premier printemps et il comptait bien profiter des quelques jours de repos, qu'il s'accorderait, pour profiter de sa progéniture.

Désormais à hauteur de sa famille, il enserra la taille de sa femme afin de la ramener au creux de ses bras. Son petit dernier, encore contre la poitrine de sa mère, rit. Un rire frais comme seul un enfant innocent pouvait le faire, un son qui se répercuta dans l'air environnant et qui fit sourire les quelques personnes présentes. Il était là, à la place qu'il s'était construit et, même pour tout l'or du monde, il ne vendrait pas le destin qu'on lui avait accordé.

Le monarque attrapa son aîné d'un geste vif et le porta dans ses bras. De nature réservée, son fils se tut mais le Roi put sentir son sourire lorsque la bouille du gamin se faufila dans son cou. De sa main libre, il glissa son bras autour dles hanches de sa Reine et ils rentrèrent paisiblement dans le palais.

Véritable œuvre de pierre, le château de la famille royale n'avait rien à envier aux autres et pourtant, il s'en dégageait un petit quelque chose, une sensation qui prouvait aux invités que la richesse pouvait aussi être signe de simplicité. Les quelques ornements synonyme de royauté présents n'étaient pas tous jeunes, souvenirs d'une époque oubliée, ils étaient placés dans certains couloirs mais occupaient majoritairement la salle du trône.

Cette pièce n'était qu'un usage secondaire, un endroit qui ne servait qu'aux grandes rencontres et encore, sa Majesté préférait discuter autour d'un bon verre de vin chaud, assis dans des fauteuils rembourrés et moelleux. Montrer sa supériorité ne faisait pas partis de ses priorités et malgré les préceptes de ses ancêtres, sa famille avait réussi à lui enlever les œillères qu'on lui avait affublées plus jeune.

Leurs pieds s'enfoncèrent dans l'épaisse moquette marron glacé et il dut déposer son fils afin d'enlever les bottes autrefois étincelantes d'un éclat argenté, mais désormais crasseuses d'une boue épaisse. Il était au courant du travail que devait accomplir les domestiques pour enlever les moindres tâches sur la fibre au sol et, même s'il était Roi, la domestique en chef n'hésitait pas à lui tordre les oreilles pour qu'il enlève ses chaussures. Ne voulant pas à nouveau décevoir cette personne, elle qui avait bercé son enfance, il effectua cette tâche comme une vieille habitude sous le regard surpris des invités.

Sa femme déposa, à son tour, son cadet au sol et ce dernier se tint fièrement, droit comme un i, mais la tentative de marche ne fut pas aussi réussi. Sur les fesses, le petit Uchiha n'en démordit pas pour autant et se releva aussitôt. Les fesses en l'air, il poussa ses deux petites mains du sol afin d'avoir l'élan nécessaire pour se redresser. Son aîné était derrière son petit frère si têtu afin qu'il ne retombe pas trop brusquement.

Petit à petit, il réussit à récupérer un équilibre et avança d'un pas plus lent, comme s'il avait compris que la rapidité ne lui ouvrait pas de chemin. Avec un naturel qui surpris le Roi, il avança vers ce père qu'il ne connaissait quasiment pas et ouvris grand les bras, un magnifique sourire aux lèvres. Émus, le paternel ouvrit à son tour les bras, un genou au sol, il attendait que cette petite lumière termine les derniers centimètres qui les séparaient.

S'écroulant dans les bras du monarque, le petit bout grimaça face au contact froid de l'armure contre sa joue. Relevant ses yeux d'enfant vers cette figure paternel, il bouda, mais le sourire franc que lui offrit l'adulte fit vite disparaître sa mauvaise humeur et bientôt ses lèvres s'ornèrent d'un nouveau sourire, un sourire démontrant sa fierté face à la réussite, un sourire emplit de joie de revoir un père jusqu'alors absent. Le Roi laissa échapper une unique larme avant de serrer contre lui sa progéniture qu'il chérissait tant.

Il croisa le regard de sa femme et une bouffée de joie remonta du fond de ses entrailles, la fierté vibrait encore dans son être mais l'amour fusionna avec elle. Il ne pouvait pas être plus heureux que maintenant, alors que les êtres qu'il aimait plus que tout au monde étaient à ses côtés et le chérissaient autant que lui.

On l'aida à retirer son armure, ses deux enfants dans la bibliothèque, il put profiter de la présence de sa femme. Son regard se fit perçant alors que sa reine se tenait dos à lui. Ses iris dérivèrent vers la chute de rein de sa compagne si aimante et elle se retourna vers lui, un sourcil arquait lui démontrait qu'elle savait à quoi il pensait. Malgré tout, il ne tenta pas de le cacher, à quoi bon ? Cela ne changerait rien, elle le connaissait suffisamment pour ne plus être offusqué par ça et en y réfléchissant bien, elle ne l'avait jamais été. Ce bout de femme avait toujours eu un esprit très ouvert, bien plus que le sien, c'était d'ailleurs cette caractéristique qui l'avait attiré.

Et pendant qu'elle s'approchait de lui, il savoura du regard sa démarche féline, ses hanches qui ondulaient au rythme de sa démarche, sa chevelure aussi noire qu'une nuit sans lune se balançant à chacun de ses pas. Il aimait cette femme, il la désirait et la flamme de la passion ne s'éteignait toujours pas malgré leurs cinq ans de mariage. Il profiterait de ses enfants quelques heures plus tard, mais avant, il voulait goûter de nouveau aux plaisirs que pouvait lui apporter son épouser.

Les heures passèrent rapidement, les dernières sensations de jouissance quittaient lentement son corps, ne lui laissant qu'un sentiment de bien-être absolue. Il se sentait complet. Sa femme reposait au creux de son bras, endormis. Il l'admirait, elle n'avait pas perdu de sa beauté et son corps était toujours plein d'une vitalité qu'il pensait disparu suite à son deuxième accouchement. Et pourtant, pendant l'heure qu'ils avaient partagés, elle lui avait mainte fois prouvé qu'il ne fallait pas se fier à cela.

Elle s'agita dans son sommeil avant d'ouvrir un œil encore embué de fatigue. Elle retint difficilement un bâillement et s'écarta de son mari afin de s'étirer convenablement. Sa Reine aimait être dans ses bras, mais il avait vite compris qu'à son réveille, il devait lui laisser un moment afin que la brume de son esprit se dissipe.

Les bras derrières la tête, le buste relevé par de nombreux oreillers, il continuait d'admirer la beauté sous ses yeux. Un cheveu blanc attira son regard et avec deux doigts, il le fit glisser le long de sa main.

« C'est l'inquiétude ! Je ne sais jamais si tu me reviendras un jour, lui murmure-t-elle d'une voix encore enrouée. »

Il ne peut qu'acquiescer à ses propos. Il ne peut rien dire parce qu'il ne sait pas, il ne peut pas comprendre ce qu'elle ressent et elle le remercie du regard de ne pas tenter de se faire pardonner. Elle sait pourquoi il rejoint si souvent le front ces derniers temps, elle sait qu'il est fort et très intelligent mais elle ne peut contrôler son subconscient qui lui murmure d'une voix suave qu'il ne reviendra pas. A chaque fois qu'il la quitte, vêtue de cette armure censée le protéger, les nuits deviennent plus courtes, son sommeil moins profond et l'anxiété la gagne à chaque pas.

Il remarque les cernes sous ses yeux, désormais démunie de tout maquillage, il voit les traits tirés de cette femme qui prie une multitude de dieux afin qu'il revienne à ses côtés. Sa main rugueuse caresse délicatement la joue de son amante et ils savourent l'amour qu'il partage à travers ce simple geste. Une petite action si pleine de sentiments qu'elle fait monter les larmes de la Reine. Elle se réfugie dans les bras protecteurs de son mari et verse enfin le chagrin qu'elle a retenu pendant si longtemps.

Il fallut peu de temps pour qu'elle se calmât et, dans un accord commun, ils se rhabillèrent pour reprendre leur rôle. Ces instants d'intimité, leur permettaient de quitter momentanément le monde qui les entourait et les étouffait. Plusieurs fois, le Roi aurait vraiment voulu ne pas faire partie de la famille royale, vivre librement, sans entraves et finalement, il s'était résigné. Pour son peuple et non pour sa famille. Sans une tête dirigeante, le peuple finirait par entraver sa propre liberté et se nuirait lui-même, c'était son devoir d'enlever les mauvaises germes afin que perdurent cette paix. Aussi irréelle soit-elle, il voulait y croire, croire en cette humanité qui s'enfonçait seule dans les ténèbres. S'il devrait être le soleil dissipant l'obscurité alors il le serait quitte à se brûler et à disparaître.

Un faible son traversa les lourdes portes en chênes, un petit bruit qui fit sourire son épouse.

« Ma. »

Le regard attendrie, elle partit ouvrir les battants. Devant eux, son cadet attendait sagement l'autorisation d'entrer, du moins son aîné l'incitait à le faire. D'un signe de tête, il les autorisa à pénétrer la chambre conjugale. Son petit dernier avait refusé la main de son frère aîné et avançait, hésitant, vers les grands sofas, vers son père, vers cette figure qu'il semblait enfin connaître. Il ne parlait pas encore mais le Roi pouvait voir dans ses grands yeux noirs le même amour qu'avait son aîné à son encontre. Cela lui mit du baume au cœur et sa motivation s'accentua. Il créerait un royaume sans guerre afin que puisse grandir ses deux plus grands exploits, afin que jamais il ne connaisse la mort par l'intermédiaire d'une bataille.

Il attrapa ce petit bout qu'il positionna sur ses genoux, son aîné assit à ses côtés, sa femme prit place en face d'eux. Les quelques gâteaux, entreposés sur la table basse, disparurent très vite. Malgré son jeune âge, son petit dernier semblait avoir un estomac sans fond et même l'attitude réservée du plus grand fondait devant les pâtisseries de leur mère. Il devait avouer que la cuisine n'était pas son fort et que l'attrait pour les sucreries ne venait certainement pas de lui mais bien de leur génitrice. Dire qu'elle se plaignait de ne pas se reconnaître dans sa descendance, lui, il voyait tous les petits détails qu'elle leur avait offert mais elle n'y croyait pas.

Un rire franc s'échappa de sa gorge faisant sursauter le plus jeune. Les yeux exorbités, il regardait son père avec émerveillement et peur. Il n'était pas habitué à entendre une voix si forte mais cela semblait le ravir car il se mit à son tour à rire d'une voix beaucoup plus cristalline. Son aîné arrêta de grignoter les gâteaux lorsque l'assiette fut vide et il retira quelques miettes autour de la bouche de son petit frère.

« Ma, lança ce dernier. »

Il ouvrit en grand les bras face à sa mère. Cette dernière le récupéra et se fut l'élément déclencheur. Tous quittèrent la pièce dans une même harmonie et les domestiques présents s'inclinèrent sur leur passage. Il avait à peine le temps de revenir qu'une délégation l'attendait dans l'une des arrières salles.

« Tu en es à l'origine, glissa-t-il à sa femme. »

Un simple clin d'œil lui répondit et ils pénétrèrent dans la salle du trône. L'une des plus grandes pièces du palais avec la salle à manger.

Il ne voulait pas monter sur ce trône et même s'il n'était guère froid, l'idée de surplomber ses visiteurs ne l'enchantait pas. Pourtant son rôle lui incomber de le faire et il finit par s'asseoir à la place du Roi, sa femme et ses fils à ses côtés. D'un geste de la main, il incita le garde à aller chercher cette délégation et la séance commença.

Épuisé, il sortit de la salle. Ses visiteurs avaient quitté la pièce depuis quelques minutes et comme le voulait la coutume, il devait attendre que chaque personne ait quitté la salle avant d'y sortir à son tour. Sa famille sur les talons, ils rejoignirent leurs chambres. Le cadet fut confié à sa gouvernante afin qu'il soit lavé et préparé pour le souper, l'aîné quant-à lui serait vêtis par des domestiques. Le couple retourna seul dans leur chambre, le bain déjà préparé, ils s'y glissèrent avec un soulagement non dissimulé.

« Je préfère l'action, entama-t-il

Et moi, que tu restes à mes côtés, termina-t-elle. »

Il commença à laver son dos, le plaisir monta aussi vite que la marée et l'eau se déversa hors de la baignoire face à la fougue dont ils firent preuves. Elle lui avait tellement manqué, qu'il comptait bien rattraper le temps perdu et même prendre de l'avance avant sa future bataille. Il lui fit de nouveau l'amour comme s'il s'agissait de la dernière fois, elle sentit la différence dans ses gestes mais se laissa submerger par ses émotions.