Disclaimer : Loki ne m'appartient pas, les personnages qui lui sont liés (Thor, Odin...) non plus, seuls Agathe, sa famille et son entourage sortent de ma tête =)

Bonne lecture à tous, j'espère que cette nouvelle fan fiction vous plaira et si c'est le cas, n'hésitez pas à laisser des reviews ! =D


Agathe leva les yeux de sa feuille de cours et jeta un regard envieux vers le coucher de soleil qu'elle apercevait de la fenêtre de sa cuisine et qui venait sérieusement rivaliser avec celui, retoucher jusqu'à en paraître irréellement magnifique, d'une carte postale. Ses parents avaient achetés une maison de vacances ici pour cette raison. Bien sûr, il y avait le calme, la tranquillité. Mais il y avait aussi les teintes époustouflantes que prenait le ciel souvent chargé d'épais nuages cotonneux, la vue imprenable sur des paysages à couper le souffle. « Tout ça valait bien 6 heures de route depuis Paris et un total manque de réseau téléphonique… » Songea Agathe en se levant, abandonnant ses cours sur la petite table carrelée de la cuisine pour aller se planter devant la dite fenêtre et de l'ouvrir. Une agréable bourrasque fraîche lui arracha un sourire alors qu'elle étirait ses bras engourdis par l'épuisante journée qu'elle venait de passer.

Quitter Paris en pleine nuit était ce qui lui avait songé être le plus judicieux. Eviter la circulation, le stress, les motards fous qui zigzaguent entre les voitures sans se soucier de celle-ci. Eviter de rester plus longtemps coincé dans un appartement minuscule aux murs si fins qu'on entendait sans problèmes le moindre bruit, les moindre ébats amoureux des voisins. Fuir la terrible période des révisions durant laquelle elle se trouvait étrangement une montagne d'amis qui n'avaient pas noté tel ou tel cours, qui n'avait pas compris ceci, oublié d'enregistrer cela… Lorsqu'elle n'en pouvait plus, Agathe débranchait son téléphone pour avoir un semblant de calme. C'est généralement dans ces moments de tentatives désespérées que sa mère tentait de téléphoner. Ne parvenant pas à joindre se fille, elle rappliquait et passait les trois qui suivaient à geindre sur le fait que si jamais un problème lui arrivait, comment pouvait-elle joindre sa progéniture ?

Cela faisait maintenant trois années que ce petit cirque durait. Qu'à chaque période de révisions, Agathe se retrouvait au bord du gouffre et avalait boîtes de cachets sur boîtes de cachet dans l'espoir de parvenir à supporter l'infernal tourbillon qui lui tombait dessus. Elle ne dormait plus que par fragments d'heures. Elle mangeait rarement. Elle errait, se traînait jusqu'à la dite semaine ou elle arrêtait pendant quelques jours de respirer pour mieux assimiler les pages et les pages qu'on leur dictait négligemment le reste de l'année. Durant trois ans, elle avait enduré, elle avait supporté que, tous les six mois, sa vie ne se résume plus qu'à un mince fragment au bord de la rupture.

Mais cette fois-ci, elle n'avait pas survécu. A peine ses maudites vacances n'en ayant que le nom avaient-elles commencées qu'elle saturait déjà, s'effondrant en larmes dès qu'elle prenait le temps de souffler un peu, devenant agressive et méchante avec la moindre personne qui lui adressait la parole. Même Elise sa meilleure amie n'avait pas réussis à l'apaiser et n'avait fait qu'attiser encore sa colère. Alors qu'il lui semblait être sur le point de se jeter par la fenêtre, sa mère était venue mettre la cerise sur le gâteau. Elle avait débarqué à l'improviste chez sa fille en lui annonçant avec un grand sourire que, pour l'aider à maintenir un rythme de vie qu'on aurait pu qualifier de « normal », elle resterait vivre près de chez elle pendant les deux prochaines semaines. Dire qu'elle s'était faite recevoir était un pléonasme.

Agathe lui avait lancé à la figure tous les maux dont elle souffrait, s'était délestée de tout ce qu'elle accumulait à grands coups de stress et de tension, avait pendant une demi-heure hurler comme une condamnée devant sa potence avant d'achever sa tirade par une chute monumentale en se prenant les pieds dans son tapis. Le choc entre le coin de sa table de chevet et son crâne lui avait fait perdre connaissance. Lorsqu'elle s'était réveillée quelques secondes plus tard, sa mère était sur le point d'appeler les pompiers. Agathe l'avait arrêtée de justesse. Mais son père était déjà mis au courant de l'état mental plus qu'inquiétant de sa fille. Il avait débarqué quelques minutes plus tard pour trouver sa fille effondrée dans les bras de sa mère, pleurant toutes les larmes de son corps. Homme d'un calme sans nom et d'une rare finesse d'esprit, il lui avait simplement tendu les clés de leur maison de vacances.

« -Fais un break. Reviens quand ça ira mieux. »

Lui avait-il simplement dit. Il avait entraîné la mère d'Agathe à sa suite et était parti sans une parole de plus. Leur fille avait rapidement fait sa valise avant de se mettre en pyjama et de se glisser sous les draps. Mais une fois sa lumière éteinte, les rideaux tirés et son réveil branché, Agathe avait réalisé qu'elle ne voulait pas passer une nuit de plus dans cet appartement. Après un bref coup d'œil à l'heure, elle avait également songé qu'elle éviterait le stress supplémentaire des bouchons en partant tout de suite et, après un bref message à ses parents et avoir enfilé de nouveaux vêtements, elle avait pris la route.

Voilà maintenant quatre jours que la jeune femme errait dans l'immense maison de campagne qui grinçait de part et autre comme si elle menaçait de s'effondrer à la moindre bourraque. Perchée sur le versant d'une haute colline, exposée au plein vent, difficile d'accès, entourée de pentes escarpées, l'inaccessibilité de cet endroit le rendait plus attirant encore. Car une fois affalé dans un ancien fauteuil en osier, les bras étendus dans une pose peu seyante, on pouvait enfin soupirer en se disant « Tout ça se méritait bien », le regard perdu dans les époustouflantes teintes rouge et orangées qu'adoptait le ciel.

Après un bref regard sur ses feuilles éparpillées sur la table et dont les coins cornés se soulevaient puis se rabaissaient au grand du vent, Agathe décréta qu'elle avait suffisamment travaillé pour aujourd'hui. Elle fit demi-tour et fourra anarchiquement ses feuilles dans son sac avant de jeter un regard vers la grande horloge en fer forgé qui dominait la petite cuisine. 20h15. A la vue des aiguilles, son ventre cria famine. L'étudiante hocha lentement la tête avant de s'atteler à ouvrir une boîte de conserve. Faire les courses ne lui avait pas une seule seconde traversé l'esprit. Elle avait acheté sur le pouce quelques bricoles dans une station service, avait emporté le peu de nourriture qu'il restait dans le frigo de son appartement, et songeait à ne se ravitailler que lorsqu'elle n'aurait vraiment plus rien à se mettre sous la dent. Elle s'attabla donc, seule, un livre dans une main, une fourchette dans l'autre, et ne releva la tête que lorsqu'elle n'y vit plus assez clair pour demeurer sans lumière. Alors qu'elle gagnait l'interrupteur jauni par le temps, son regard fut attiré par le ciel noir et dénué de nuages, percé de multiples fois dans de lumineux points argentés. Le temps était si clair qu'on apercevait les cratères qui barraient la lune, et, après une brève réflexion, Agathe abandonna sa conserve de flageolets, son livre, empoigna son manteau et se glissa par la fenêtre ouverte, sans prendre la peine de fermer la porte derrière elle. Personne ne venait par là en plein jour, qui voudrait alors s'aventurer aux abords de la maison en pleine nuit ?

Aussi longtemps que remontaient ses souvenirs, elle n'avait jamais emprunté la porte que pour entrer pour la première fois et sortir pour la dernière. Au grand damn de ses parents, Agathe préférait de loin passer par la grande fenêtre à la peinture écaillée. Ainsi, elle n'avait jamais vraiment le sentiment de quitter la maison qu'elle aimait tant. Passer par la porte était beaucoup trop simple et formel à son goût. Elle demeura un instant accroupie dans l'encadrement de la fenêtre, et observa le magnifique ciel étoilé qui s'offrait à elle. A Paris, elle ne pouvait que contempler les épais nuages rougeâtres reflétant les centaines de milliers d'éclairages artificiels qui rendent la ville plus lumineuse encore qu'en plein jour. Un bref sourire étira ses lèvres alors que, dans un bond agile, elle atterrissait un mètre plus bas et entamait une ballade nocturne.

Cela devait faire une heure qu'Agathe s'était arrêtée pour contempler le paysage du haut de la colline. Elle connaissait les sinueux sentiments sur le bout des doigts et n'avait donc pas pris la peine d'emporter une lampe. Ainsi, lorsqu'elle voulut jeter un bref coup d'œil à sa montre pour s'informer de l'heure, elle ne pu que contempler le noir. Dans un bref haussement d'épaules, la jeune femme tourna les talons, resserrant autour d'elle les maigres pants de sa veste de coton. Pour un soir d'Avril, il faisait remarquablement frais. Elle jeta un bref coup d'œil vers la petite maison, au loin, et entreprit d'y retourner sans se presser.

Ses plans se modifièrent significativement lorsqu'elle aperçut un long rayon lumineux fendre le ciel et tomber à quelques dizaines de mètres de sa pittoresque maison. L'espace d'un instant, le ciel entier fut illuminé, et Agathe eut l'impression que le plus lumineux éclair qu'il lui ait été donné de voir venait de s'abattre près de chez elle. Mais aucune fumée ne s'éleva de là où la « foudre » était tombée. Sans réfléchir, la jeune femme s'élança dans les sentiments de poussières et de gravillons, zigzaguant entre les arbustes à épines qui, plusieurs fois, lacérèrent son corps. Elle s'arrêta lorsqu'elle atteint sa maison de campagne et jeta un regard anxieux dans les environs. Personne. Rien. Silence total. Un long frisson s'empara d'elle et remonta son dos à une vitesse astronomique. Agathe grinça des dents en empoignant l'éternelle lampe torche qui traînait près de la porte, et s'élança à nouveau dans sa course. Elle avait presque atteint l'endroit où s'était abattu le violent éclair lorsque son pied se coinça dans une racine. Un couinement s'échappa de sa bouche alors qu'elle entamait une longue chute, enchaînant les roulés-boulés jusqu'à atterrir douloureusement contre un arbre. La tête lui tourna durant quelques longues secondes avant qu'elle ne retrouve un semblant de lucidité. A tâtons, Agathe chercha la vieille lampe torche, qu'elle ne trouva qu'après de malheureux essais sur diverses ronces et orties. Elle se redressa dans un gémissement douloureux et frotta son épaule qui avait violemment percuté l'arbre.

Un gémissement suivi d'une toux rauque la stoppa nette dans son geste. La jeune femme entreprit d'abord de calmer sa respiration affolée avant d'allumer sa lampe électrique et d'hasarder un hésitant :

« -Il y a quelqu'un ? »

Le silence lui répondit. Elle fit quelques pas au hasard des branches qui craquaient sous ses pieds et réitéra sa question. Cette fois-ci, la toux rauque résonna dans le silence. Agathe fit à nouveau quelques pas jusqu'à ce que son pied heurte quelque chose qui n'avait rien à voir avec une branche ou un buisson. Sa première pensée pencha vers un ours, avant qu'elle ne se raisonne mentalement à grands coups d'« Il n'y a pas d'ours ici voyons ! ». Après quelques instants de flottement, elle se décida finalement à braquer le faisceau lumineux à ses pieds. De reconnaître une silhouette humaine lui arracha un sursaut et elle recula d'un pas, entrainant sa propre chute. Il y avait quelqu'un. Là. Devant elle. Quelqu'un qui toussotait douloureusement. S'armant de son maigre courage, Agathe se releva et posa le halo lumineux sur l'étranger. Celui-ci était recroquevillé à même le sol. Elle l'effleura du bout des doigts et, n'observant aucune réaction, se décida à le retourner. La première chose qu'elle remarqua –avec soulagement -, fut qu'aucune grave blessure n'était apparente. Par pur réflexe « professionnel », elle plaça ses doigts dans son cou et considéra que son poult était existant. Constatation qui lui arracha d'ailleurs un vague soupire de soulagement. Il était en vie. C'était toujours ça. Remarque faite, Agathe se pencha vers son visage, perdu dans de longs cheveux bruns entremêlés de feuilles et de brindilles. D'un revers de main, elle écarta ceux-ci et dévoila des traits fins, barrés ça et là de petites égratignures superficielles. Elle passa délicatement sa paume contre la joue de l'homme, et alors qu'un sourire soulagé de la chaleur qu'elle sentit contre sa peau étirait sa bouche, ses yeux croisèrent deux émeraudes au regard vif qui la statufièrent sur place.

La seconde suivante, Agathe était sur le dos, les deux poignets cloués au sol par deux mains à la poigne de fer. Son souffle s'étrangla dans sa gorge, et un instant, elle crut voir le monde tanguer. Alors que son esprit déconnectait avec la réalité, le contact douloureux des gravillons acérés au travers de ses fins vêtements la ramenèrent sur terre. Elle leva lentement des yeux égarés vers l'homme qui la maintenant au sol, impuissante. Il la dévisagea un instant avant de lui lancer d'une voix aggressive.

« -Qui es-tu ?
-A… Agathe… »

Bredouilla la pauvre demoiselle, déroutée. Elle avait du s'assoupir sur la colline. Et tout cela n'était qu'un cauchemar. Oui, c'était certainement un cauchemar. Elle se réveillerait dans quelques heures, gelée et pourvue d'un bon rhume, appuyée contre un arbre et même si elle aurait certainement toutes les peines du monde à rentrer chez elle, rien de tout ceci n'était réel.

« -Et où sommes-nous ? »

Il semblait s'être calmé. Sa voix s'était faite plus douce, paisible. Malgré tout, elle n'avait en rien calmé le tremblement qui secouait le moindre des membres d'Agathe. Elle se mordit un instant la lèvre et du avaler une quantité astronomique d'air avant de pouvoir à nouveau parler.

« -En Auvergne…
-Auvergne ? »

Répéta-t-il lentement, comme s'il découvrait ce mot pour la première fois, soupesant la moindre des syllabes qui le composait. Agathe hocha lentement la tête avant de rajouter, voyant qu'il ne semblait pas se repérer dans ses maigres informations :

« -En France. »

Son regard croisa les deux pupilles vertes qui luisaient toujours à la faible lueur de la lampe torche échouée plus loin. Il fronça légèrement les sourcils avant de demander, passablement perdu :

« -Sur Terre ?
-Ou… Oui … Oui, sur Terre… »

Rajouta Agathe, dubitative. Où voulait-il que se trouve la France ? Sur Mars ? En d'autres circonstances, elle lui aurait certainement lâché une maigre blague. Mais aux vues de la situation, elle préféra taire ses pathétiques envies humoristiques et se contenta de ne pas quitter des yeux celui qui, depuis quelques minutes maintenant, la maintenait fermement au sol. Pour un cauchemar, tout ceci était terriblement réel. Il faudrait qu'elle le note, pour s'en souvenir, et pouvoir, plus tard, le raconter à ses enfants et petits enfants. Des rêves de la sorte, on n'en faisait pas tous les jours.

« - Pourtant d'ordinaire, les portails sur Terre sont… Oui, mais après tout, vu ce que Thor a fait au Bifrost, c'est compréhensible… Mais n'était-il pas braqué sur Jötunheim ? Rah ! »

Dans un élan de colère, l'inconnu martela le sol de son poing, lâchant l'un des deux bras d'Agathe. Elle profita de ce court moment pour tenter de se libérer. Mais ses maigres capacités physiques lui permirent uniquement de lui faire lâche sa seconde main. Reprenant ses esprits, l'homme tenta de lui rattraper les poignets. Réalisant qu'il avait clairement l'avantage physique sur elle, Agathe ne trouva pas de meilleure solution que d'empoigner les graviers du sol et de les lui lancer à la figure avec toute la violence dont elle était capable. L'autre chancela un instant, se protégeant les yeux. La jeune femme sautant sur ce bref instant de flottement pour libérer ses deux jambes et s'élança dans le sentier, ignorant les hurlements qui retentissaient derrière elle. Alors, pour la première fois, elle songea qu'il ne s'agissait peut-être pas d'un rêve. Le dur contact du sol sous sa peau lui confirma, quelques secondes plus tard lorsqu'elle se retrouva à nouveau plaquée au sol, les mains coincées dans son dos, la joue contre la terre, une poigne féroce fermement appuyée sur son cou.

« -Si tu bouges, je te brise la nuque. »

Lui déclara son ravisseur d'un ton des plus calmes. Sa voix ne fit qu'accélérer l'ascension des larmes d'Agathe à ses yeux. Tout ça ne pouvait être qu'un rêve. Ce genre de chose arrivait dans les films, dans les livres, à la radio. Mais pas dans la réalité. Pas à elle, elle qui n'avait rien fait à personne.

« -S'il… S'il vous plait, ne me tuez pas, je vous en supplie ! »

Sanglota-t-elle désespérément, n'opposant aucune résistance, consciente qu'elle ne l'amènerait qu'à sa perte. Un silence pesant tomba sur le bois, plongé dans le noir. Seule son souffle bruyant et les battements de son cœur affolé parvenaient à Agathe. Les yeux noyés sous les larmes qu'elle versait silencieusement, le dos détrempé de sueur que la peur avait entrainée, elle supplia son ravisseur de l'épargner une nouvelle fois, avant de rajouter d'une voix rauque, tremblante et déformée qu'elle ne se connaissait pas :

« -Laissez moi repartir… Je n'ai pas d'argent, je n'ai rien à vous donner, je ne vous serais d'aucune utilité, alors … S'il vous plait… Je ne sais pas ce que vous voulez, mais … »

La situation était catastrophique, songea silencieusement Agathe. Même si elle parvenait à s'échapper, il n'y avait pas le moindre réseau téléphonique. Elle avait laissé son ordinateur dans son étui, dans sa voiture, et il lui fallait absolument être branché pour daigner s'allumer. Sa seule échappatoire était de descendre au prochain village, à dix minutes en voiture. Elle aurait pu certainement y arriver plus vite à pied, amis sa lampe était restée à l'endroit où elle s'était échappée, et elle refusait de s'aventurer dans les sentier pentus et autres falaises sans lumières. Elle risquait de mourir plus vite encore que de la main de et homme. Et même si elle parvenait jusqu'au village, elle n'y connaissait vaguement que quelques personnes d'un âge respectable et qui devait dormir à une heure aussi tardive. Le poste de police le plus proche était à une heure de route, et la seule cabine téléphonique gratuite du village marchait une fois sur trois. Sa survie reposait entre les mains de son agresseur. Et si elle ne voulait pas qu'il l'achève en moins de deux, il lui fallait être sérieusement coopérative…

« -Qu'est … Qu'est ce que vous voulez ? »

Articula-t-elle lentement pour éviter à celui qui la maintenait au sol de penser à l'atroce manière dont il pourrait se débarrasser de son corps. Il y eut un long moment de flottement avant qu'il ne desserre légèrement sa prise avant d'ajouter :

« -Je cherche une personne du nom de Jane Foster.
-Elle est de la région ? »

S'enquit Agathe, avant de se faire la réflexion que, si il ne connaissait ni l'Auvergne, ni la France, il serait étonnant qu'il lui réponde que oui, elle venait du village d'à coté.

« -Non, je ne crois pas … »

A nouveau, un silence pesant retomba sur les deux personnes, jusqu'à ce qu'Agathe, n'en pouvant plus, demanda d'un ton hésitant :

« -Est-ce que vous… vous pourriez me lâcher… ?
-Si je te lâche, tu vas t'enfuir. »

Les mots d'Agathe moururent sur sa bouche, et elle ne put qu'hocher la tête. Cependant, après quelques secondes, elle rajouta philosophiquement :

« -Si je m'enfuis, vous allez me sauter dessus et certainement me tuer… »

Ce fut au tour de l'homme de réfléchir, et, après quelques secondes de flottement, il desserra son emprise sur la jeune femme. Celle-ci resta d'abord immobile, puis, lorsqu'elle constata qu'il ne s'était pas à nouveau jeté sur son cou pour lui plaquer contre le sol, elle se redressa et vint s'asseoir en tailleur, frottant ses poignets endoloris. Un instant, l'idée folle de s'enfuir lui traversa l'esprit, mais elle se rappela la menace qui pesait sur elle. « Qui ne tente rien n'a rien… » songea-t-elle avant de se raisonner. Il était seul, il ne l'avait pas encore fait s'évanouir à grands coups de chloroforme, autant en profiter et demeurer obéissante.

L'homme s'étai relevé lui aussi. Il faisait toujours face à Agathe, mais il lui sembla que ses yeux ne la fixait pas et était simplement perdus dans le vide. Une main posée sur son menton, l'autre sous son coude, il paraissait en pleine réflexion, et à nouveau, une impulsion nerveuse invita la jeune femme à s'enfuir tant qu'il en était encore temps. Mais lorsqu'elle esquissa un mouvement, l'autre se redressa et abandonna ses pensées pour reporter son attention sur l'étudiante tétanisée dont la peur l'avait fait passer outre la douleur.

« -Vous êtes recherché par la police ? »

Hasarda-t-elle dans une vaine tentative de savoir à qui elle avait à faire.

« -Les autorités ?
-Oui.
-Non… »

Conclut-il en se replongeant dans ses pensées. Ce n'était donc pas un criminel récidiviste spécialiste des viols et séquestrations. C'était déjà ça. Philosopha-t-elle en soupirant. Quoi que… Il n'était pas recherché. Il n'y avait donc aucune raison que des patrouilles effectuent des rondes dans la région pour le retrouver. Elle était seule. Vraiment seule. D'ordinaire, quelques randonneurs passaient par là. Mais qui serait assez fou pour faire de la randonnée un soir d'avril hors vacances scolaires ?

Et d'abord pour les autorités plutôt que la police ? Soit cet homme parlait comme une précieuse, soit il n'était jamais sorti de chez lui, soit il était profondément schizophrène. N'importe quel français, n'importe quel européen, n'importe quel terrien savait ce qu'était la police. Une grande majorité des auvergnats savaient qu'ils étaient en Auvergne, et que l'Auvergne était en France. Mais lui semblait ignorer tout ça. Il paraissait débarquer de nul part. Et qu'était cet éclair qui avait frappé sans faire le moindre dégât d'abord ?

« -Où est l'Amérique ? »

Agathe ne put réprimer son éclat de rire nerveux. L'homme la dévisagea en fronçant les sourcils, du moins c'est ce qu'elle crut observer dans la pénombre. Elle regretta sa réaction abusive dès que son rire clair se fut échappé de ses lèvres. Quelle pauvre folle. Ne pas vexer son agresseur, ne pas se moquer de lui. C'était bien la dernière chose à faire dans sa situation.

« -Pardon… »

Bredouilla-t-elle, confuse avant de reprendre en soupesant le moindre de ses mots :

« -C'est juste que l'Amérique, ce n'est pas vraiment la porte à coté.
-En combien de temps peut-on y être ?
-Trois jours peut-être… Si vous avez un passeport, énormément d'argent et beaucoup de chance… »

Tant d'informations d'un coup semblèrent troubler l'homme qui vint replacer ses cheveux bruns derrière ses oreilles d'un geste lent, à nouveau plongé dans ses pensées. Un schizophrène. Ou un fou. C'était les deux seules options qui restaient à Agathe. Celle-ci prit une grande inspiration avant de mesurer du coin de l'œil la distance qui la séparait de sa maison, dont elle apercevait les lueurs au loin. Cinq minutes de course, en allant vite et sans tomber comme elle l'avait fait en venant ici –grand mal lui avait fait-. Une fois là bas, elle aurait l'avantage de connaître chaque pièce sur le bout des doigts. Elle pouvait toujours essayer de le coincer dans la cave le temps de brancher son ordinateur pour alerter les secours. Dans un hochement de tête résigné, la peur au ventre et les membres endoloris, Agathe trouva tout de même le courage de se lever d'un bond et e s'élancer vers sa maison. L'homme ne mit pas bien longtemps à réagir. Considérant que sa proie lui filait entre les doigts, il jeta vers elle un regard blasé.

Agathe courut de toute la vitesse que ses jambes étaient capables de lui donner. N'entendant aucun pas derrière elle, elle hasarda un regard au dessus de son épaule. L'homme ne la suivait plus. Elle l'avait semé ! Un sourire victorieux s'étala sur son visage. Elle apercevait la porte de sa maison à quelques dizaines de mètres, elle avait semé son agresseur, elle n'avait plus qu'à s'enfermer dans la cave et alerter les secours. Lorsqu'elle se retourna à nouveau vers sa maison après la rapide constatation qu'il n'était résolument plus derrière elle, elle tomba nez à nez avec deux immenses yeux émeraude. Un hoquet de surprise s'échappa de sa bouche et il n'y eut cette fois aucun contact douloureux pour la ramener sur terre : Agathe sombra en un fragment de secondes dans l'inconscience, la dernière chose qu'elle aperçut étant le visage passablement en colère de l'homme qui était apparu, comme par magie, devant elle.