Chapitre 1 :
31 août : chemin de Traverse
La rentrée à l'école de sorcellerie de Poudlard était prévue pour le lendemain, et les retardataires se pressaient sur le chemin de Traverse pour acquérir le matériel nécessaire avant l'événement.
C'était le cas notamment d'un jeune garçon de onze ans, qui se tenait le plus loin possible de la femme hautaine qui l'accompagnait, et dont les yeux lançaient des éclairs. Certes, Mora Black était rarement de bonne humeur, mais à cet instant elle fulminait littéralement de rage. Son crétin de fils avait en effet jugé bon d'intercepter la lettre envoyée par Poudlard, et de renvoyer la réponse sans en informer ses parents. Alors que sa mère rageait de ne rien recevoir pour son fils qui pourtant était en âge d'entrer à Poudlard, celui-ci se contentait de hausser les épaules et de dire d'un ton détaché qu'il devrait être un cracmol si l'école ne l'avait toujours pas répertorié comme sorcier. Ce simple mot plongeait Mora Black dans des états d'hystérie avancée, pour le plus grand plaisir de Sirius, bien qu'il ne voyait pas ce que cette idée avait de si catastrophique. Malheureusement, la veille de la rentrée, sa mère n'était toujours pas morte d'un infarctus, et Sirius avait décidé qu'il était temps de mettre fin à la plaisanterie. C'est qu'il avait tout de même l'intention d'y aller à Poudlard, hors de question qu'il passe une année de plus chez lui.
Ils firent donc leurs achats sur l'avenue commerçante, en terminant par la boutique de vêtements. Sirius eut la désagréable surprise d'assister à une nouvelle lubie de sa mère. Les uniformes de Poudlard devaient en effet porter des étiquettes au nom de leur propriétaire. A la place, Mora Black jugea bon de demander à un vendeur surpris de broder en fil argenté un « Black au sang pur » sous lequel elle lui fit dessiner les armoiries des Black. Sirius ne pût retenir une grimace. Comment pouvait-on imaginer se balader avec un truc pareil écrit sur sa robe. Grotesque, tout simplement grotesque. Il s'abstint de tout commentaire cependant, étant donné l'état de fureur de sa mère. Ils s'apprêtaient donc à sortir lorsqu'un homme entra, accompagné de son fils.
Car les Black n'étaient pas les seuls à avoir eu quelques soucis de réception de courrier. James Potter n'était en revanche pour rien dans la disparition de la lettre qui l'invitait à suivre l'enseignement de Poudlard. Il se trouve simplement que son père, Christopher Potter, était un remarquable joueur de Quidditch, mais passablement négligent lorsqu'il s'agissait de son sport préféré. Il ne s'était donc pas inquiété outre mesure de la fuite d'un de ses cognards d'entraînement. Comment donc aurait-il pu deviner que ce cognard agresserait le pauvre hibou envoyé par l'école. Heureusement, personne ne sût jamais ce qui c'était passé, sinon sa femme, Leïla Potter, lui en aurait fait voir de toutes les couleurs. Peut être même l'aurait-elle interdit de Quidditch. Car les Potter avaient donc passé l'été sans nouvelles de l'école, et même si la situation ne provoquait pas chez eux les mêmes crises de larmes et de fureur que chez les Black, ils étaient tout de même préoccupés. Leur fils unique était forcément un sorcier non ? A un an il faisait déjà léviter les boulettes de purée que sa mère essayait de lui faire ingurgiter... Toujours est-il que devant l'absence de réponse de leur part, l'école envoya un nouveau hibou au dernier moment et que Christopher Potter emmena son fils James sur le chemin de Traverse la veille seulement de la rentrée.
Et c'est ainsi que dans la boutique de vêtements qui fournissait les uniformes de Poudlard se retrouvèrent face à face Mora Black et Christopher Potter. Oh certes, la situation politique n'était pas alors ce qu'elle serait quelques années plus tard. Mais la famille Black était bien connue pour la fierté qu'elle tirait de la pureté de son sang, pour sa tendance à verser dans la magie noire, et pour le soutien qu'elle avait apporté à Grindelwald, le dernier mage noir en date...Autant que l'était Christopher Potter pour ses talents d'Auror et ses prises de position en faveur des Moldus.
Le long regard que s'échangèrent les deux adultes, sous les yeux interrogateurs de leurs fils respectifs, était lourd de signification. Un silence glacial avait envahi la boutique, tous les regards étant tournés vers les deux individus qui ne se quittaient pas des yeux. Christopher Potter fut le premier à rompre ce silence.
- Mora Black... On vous voit peu ces temps-ci... Votre... progéniture rejoint aussi les bancs de Poudlard cette année je vois... dit-il d'une voix polie, mais froide, en tournant le regard vers Sirius qui se sentit aussitôt détaillé des pieds à la tête.
Si Sirius était bien différent de sa famille par bien des aspects, il n'en gardait pas moins la fierté caractéristique des Black, et il n'apprécia pas du tout le regard inquisiteur et méfiant de l'homme qui le toisait. Il se redressa, et fixa l'individu sans ciller, comme le mettant au défi d'ajouter le moindre commentaire. L'homme soupira.
- En effet, répondit la voix glaciale de Mora Black.
- Ceci dit, reprit-elle après quelques instants de silence, ne vous alarmez pas... il y a peu de risques pour que votre...
Elle s'interrompit et à son tour, toisa James du regard.
- enfant... lâcha-t-elle avec un rictus de mépris, alors que Chrisopher Potter se tendait, les doigts crispés sur sa baguette.
-... et le mien se côtoient... Les serpentards ont leur fierté.
Sur ce, elle mit la main sur l'épaule de son fils et l'entraîna vers la sortie.
Dès qu'ils furent hors de vue, James se tourna vers son père, interrogateur. Alors que le vendeur prenait les mesures du jeune garçon, Christopher Potter se lança dans une explication sur quel genre d'individu douteux étaient les Black, et comme il devrait être prudent avec leur fils dans son année.
Il en était là de ses explications lorsqu'un Sirius hors d'haleine se rua dans la boutique, et mis sous le nez du vendeur les vêtements qu'il avait achetés, sans prêter attention aux Potter qui observaient la scène, médusés.
- Enlevez-moi ça... souffla-t-il en essayant de reprendre sa respiration.
- Quoi donc ? demanda le pauvre vendeur qui n'en pouvait plus de ce môme et de sa mère.
- Ça là ! Ce truc... enlevez le viiiite, elle arrive ! insista le jeune garçon en montrant du doigt l'inscription « Black au sang pur » et les armoiries brodées.
- Mais je ne peux pas l'enlever comme ça voyons, ça va abîmer le tissus...
- Mettez quelque chose par-dessus alors ! Vous allez pas me laisser me balader avec ça ! s'exclama avec désespoir le jeune garçon.
- Que voulez vous que je mette ? demanda le vendeur d'une voix polie, bien que sensiblement agacée.
- Un trèfle à quatre feuilles, un nounours, une fleur, un lapin, je sais pas moi, mais viiiite ! supplia-t-il.
Le vendeur céda, et un coup de baguette sur chaque vêtement suffit pour que des fils verts viennent dessiner des trèfles à quatre feuilles, dissimulant les broderies précédentes.
A peine Sirius eut-il empaqueté ses affaires, en adressant au vendeur un" merci" rayonnant, de reconnaissance, que Mora Black pénétra à nouveau dans la boutique, plus furieuse que jamais. Elle se contint cependant, peu désireuse d'afficher ses différends avec son fils devant les Potter.
- Qu'est-ce que tu fais encore là ? On est pressés, ta tante et tes cousines viennent manger à la maison ce soir ! lâcha-t-elle d'un ton sec.
- J'avais oublié les gants sur le c… commença-t-il d'une voix neutre, avant de s'interrompre, un sourire rayonnant aux lèvres.
- C'est vrai? Andromeda vient ce soir ! s'exclama-t-il avec bonheur.
Sa mère marqua un arrêt puis lâcha d'un ton sans réplique.
- Andromeda a cessé d'être une Black lorsqu'elle s'est fiancée à un sang de bourbe. Maintenant on sort, je suis pressée...
Les Potter, comme le vendeur, eurent un instant la vague impression qu'un ronchonnement qui ressemblait à un "harpie" s'échappait des lèvres du jeune Black. L'instant suivant pourtant, ils furent tous persuadés qu'ils l'avaient imaginé, alors que celui-ci déclarait d'une voix monocorde, dans une imitation parfaite à ses yeux de son petit frère :
- Je vous suis mère...
Ils sortirent d'un pas digne alors que les Potter père et fils se regardaient.
- Celui là a l'air d'un drôle de zigoto... souffla le père avant de reporter son attention sur l'achat de l'uniforme.
