DE LOSTWOOD A LITCHFIELD

Suite De SkyFalls à LostWood. A lire absolument avant.

Autre Univers. Thème Clexa. Ratting M Genre : drame, aventure, romance

Inspiration The Hundred et Cross-over Orange is the New Black. (ps : j'ai pris quelques libertés avec la localisation géographique de la prison de OITNB et la temporalité des faits pour que ça collent à mon histoire. Excusez-moi d'avance.) (ps2 : Si vous aimez les fins heureuses arrêtez-vous au chap 28, mais si au contraire vous êtes un peu torturé lisez donc les derniers chapitres qui sont une fin alternative).

Résumé : Clarke avait trouvé un nouveau souffle dans les montagnes du nord mais à nouveau sa vie avait été bouleversée. Elle est emportée par deux hommes en noir, loin de Lexa, loin de ses montagnes chères à son cœur, pour assumer les conséquences de ses actes presqu'oubliés pour retourner dans le Michigan et affronter son passé.

AVANT-PROPOS.

Clarke Griffin n'avait passé que quelques mois dans la vallée du Lac d'Emeraude, au bord de la réserve Nationale Targhee. Elle n'avait vécu que quelques temps auprès de Lexa et de sa meute de chiens et sa bande d'amis mais elle avait trouvé là-bas une absolue chaleur et un parfait bien-être.

Elle savait qu'elle n'oublierait jamais totalement mais elle avait trouvé la paix, elle avait chassé ses cauchemars. Elle voyait son passé comme un vieux rêve, comme une vie antérieure, déjà un peu oublié et suranné.

Mais cette douce vie au bord du lac vert avait pris fin, quand deux hommes en noir étaient venus l'emporter au milieu d'une soirée endiablé sur la plage. Brisant l'ambiance et brisant son cœur.

Clarke avait pleuré. Clarke avait protesté. Elle ne voulait pas la quitter. Pourtant elle n'avait pas eu le choix. Elle avait suivi les hommes de l'Agence Gouvernementale. Et il fallut toute la force de Lincoln pour empêcher sa compagne, Lexa, de suivre ces hommes en noir, de les rattraper et de libérer Clarke, quitte à partir en cavale romanesque avec elle. Mais Lincoln et Octavia l'avait raisonné. Clarke était montée dans leur véhicule noir et avait quitter les montagnes. Brutalement. Bien trop brutalement.

Comme un rêve qui s'achève dans la sueur et les larmes. Comme un objet précieux que l'on vous arrache des mains. La séparation fut trop brutale et le réveil trop éprouvant. Pourtant le rêve était doux, comme un séjour à l'ombre des soucis, comme un amour de vacances que l'on croit éternel.

Comment avait-elle pu croire que ce serait si facile ? Comment avait-elle pu imaginer que son passé ne la rattraperait pas ? Les fantômes ne se chassent pas comme ça. Un fantôme en particulier, son père, réclamait justice.

CHAPITRE PREMIER

Clarke Griffin se réveille, en sueur. L'avion a atterrit. Elle est de retour dans le Michigan, elle est à Détroit.

Elle avait sombré dans le sommeil lors de ce court trajet dans les airs car dans les montagnes entre Three Green Village et Salt Lake City, elle n'avait pas fermé l'œil de toute la nuit. Elle avait regardé les arbres défilés et la nuit s'amplifier jusqu'à devenir total. En parallèle à son premier voyage, l'angoisse qui l'avait quitté en arrivant, la rattrapait sur le chemin de retour.

Elle a fait le voyage entre deux hommes austères et tout de noir vêtu. Elle n'est pas menottée mais elle semble suspecte avec de gros cernes et un air grave. Elle sent les regards sur elle, elle sent la fatigue dans ses muscles, elle ressent le manque pourtant elle reste droite. Elle parcourt des couloirs de l'aéroport, encadré des Agents Pike et Kane. L'angoisse lui monte à la gorge quand elle monte dans un fourgon blindé, direction la prison fédérale, hors de la ville.

Accusé de plusieurs chefs d'inculpation et déclaré en fuite, elle n'a aucun recours possible. Elle passera quelques jours, au minimum, derrière les barreaux en attendant de voir le Juge.

Elle garde son calme et respire profondément. Elle se force à ne pas craquer ni paniquer, à tel point qu'elle commence à se détacher d'elle-même. Elle arrive à la Prison de Litchfield, le fourgon se gare à reculons à même les portes d'un grand bâtiment. Elle ne peut juger de la grandeur des locaux et on la fait sortir un peu violement. Elle passe les grilles et les contrôles de sécurité. Elle signe des formulaires sans même les lire. Elle dépose ses biens personnels dans une boîte qui sera scellée, elle en serre certains entres ses doigts avant de les poser - elle ne porte sur elle qu'une montre -celle de son père, à laquelle elle tient beaucoup-, quelques bracelets en cuir, ses lunettes de soleil et au fond d'une poche, le briquet Dupont de Luxe de Lexa, elle s'en veut de l'avoir sur elle car Lexa y tient beaucoup. Elle subit une fouille minutieuse. Elle troque ses vêtements -jean et boots noirs, t-shirt blanc, chemise à carreaux et blouson en cuir- contre un ensemble orange, sous-vêtements et t-shirt blanc et lourde chaussure de sécurité noire, déjà portée et trop large. Elle passe une brève visite médicale. Durant tout ce temps, ses gestes sont lents et contrôlé, son visage est figé et son regard est glacial.

Elle flotte hors d'elle-même, comme portée par une mécanique d'auto-défense qu'elle a activée sans même sans rendre compte et sans même être consciente de son potentiel.

Elle est fatiguée, épuisé même, pourtant elle se tient droite, la tête haute, ses pas sont assurés et ses mains ne tremblent pas. Dans son regard on ne lit pas la peine, la fatigue et l'angoisse mais plutôt l'assurance et la confiance. Elle tient bon malgré les regards curieux des gardiens qu'elle croise.

Le gardien qui a pris la relève des agents Kane et Pike, est grand et autoritaire. Il avait souri narquoisement à la lecture du dossier de Mlle Clarke Griffin. Il l'entraine dans le dédale de couloir de la prison fédérale pour femme. Il est tard, tout est pratiquement silencieux. L'heure du couvre-feu a déjà sonnée, la salle commune, les douches et la cantine sont fermées. Seuls des bruits lointains et sourds résonnent. Le cliquetis des néons tremble et les lumières vacillent par moment, plus elle avance dans ces couloirs, plus elle frisonne.

Dans un hall, entre deux sasses sécurisés, Clarke aperçoit des cabines de téléphones le long d'un mur. Elle n'avait pas dit un seul mot depuis son arrivée mais là elle tente de coup. Elle se stop et fixe le gardien en chef.

_ Chef ! J'ai pas l'droit à un coup de fil ?

Le ton insolent de sa voix était venu tout seul sans qu'elle puisse le contrôler. Le gardien tique. Son regard s'obscurcit puis, finalement il sourit avant de répondre.

_ Demain fillette ! Il est trop tard. Direct en cellule.

Clarke grimace, elle va échouer. Elle réalise que son envie de téléphoner est réelle mais à qui ? sa mère ? ou Lexa ?

_ S'il vous plait, ma mère doit se faire tellement de souci !

Le gardien, dont le badge affiche Ltt. , tiqua de nouveau. Pourquoi accorder une faveur à cette fuyarde fraichement arrivée dans les locaux ? pourquoi accorder un privilège à cette inculpée dont il ne sait encore rien, si ne n'est les quelques lignes de son dossier qu'il vient de parcourir ?

Crowley à de l'expérience. Il sait deviner les intentions des femmes détenus ici. Il sait donc que les traits durs et l'insolence de sa voix ne sont qu'artifices. Il sait qu'elle a peur. Il sait, il sent que la jeune femme blonde n'est pas une mauvaise personne, alors il accorde un coup de fil de quelques minutes.

Le jeune gardien, nommé par son badge, l'accompagne. Il ouvre la grille avec son jeu de clefs et emmène Clarke vers les combinés téléphoniques. Il fait une manipulation pour joindre l'extérieur puis laisse Clarke composé son numéro tout en s'éloignant quelque peu pour lui laisser de l'intimité.

Elle compose, en toute discrétion, un numéro hors de l'état du Michigan. La sonnerie retentit. Elle prit en silence. Les secondes passent, interminables. Puis l'on décroche.

_ Allô ?

_ Chérie ! c'est moi ! Elle chuchote presque.

_ Mon Dieu Clarke ! Où est-tu ? Que s'est-il passé ? Tu vas bien ?

_ Tout va bien, ne t'inquiète pas. Je sortirai bientôt.

_ Tu sortiras de quoi ? Putain ! Ils t'ont emprisonnée ? Putain Clarke, je n'aurais jamais dû les laisser t'emmener !

_ Tu ne pouvais rien faire, crois-moi. C'est ainsi. Tout ira bien… tu me manque…

_ A moi aussi… énormément. Clarke je t'aime sors vite de là.

_ Je vais tout faire pour, je vais collaborer. Ils me cherchaient, ils m'ont trouvé, je vais témoigner et sortir d'ici … promis.

Une voix d'homme, au loin, coupe la conversation « Hey tu parles bien à ta mère Détenue ? »

Clarke fait mine de ne pas entendre et poursuit.

_ Je n'ai pas beaucoup de temps, je vais devoir assurer sur ce coup-ci !

_ Sois forte mon ange.

_ Je t'aim…

La ligne est coupée brutalement par la main du Gardien Crowley. Il grimace, il est fâché. Il tire Clarke par le bras et la ramène dans le couloir, direction les cellules. « Petite maligne » grommelle-t-il entre ses dents.

Après quelques autres passages de grilles sécurisées, Clarke pénètre dans une allée, large et faiblement éclairée. Tout le long, des cellules d'à peine 10m², fermés par des portes coulissantes avec larges barreaux. Quand elle entre dans l'allée, les prisonnières s'amassent aux grilles pour découvrir la nouvelle arrivante. Elles détaillent Clarke qui passe lentement devant chaque cellule. Crowley a ralenti le pas exprès. Elles commentent, non sans une vulgarité certaine, l'allure de la blonde au traits fatigués, au regard dur mais, à l'évidence, encore très jolie.

Crowley ouvre la porte d'une cellule en particulier et la pousse à l'intérieur sans plus de ménagement. Il lui lance un « bonne nuit » teinté d'ironie et fait demi-tour après avoir verrouillé derrière elle. Les lumières de l'allé clignotent puis s'éteignent. Seul les veilleuses de secours illuminent légèrement les lieux. Clarke frisonne de nouveau.

Au loin, un gardien hurle « La ferme les filles ! » et le silence imparfait -d'une prison sous haute sécurité- revient. Clarke déglutit difficilement.

Une voix forte, accent afro-américain, retentit de la cellule voisine.

« Vause ? La nouvelle a atterrit avec toi ? »

La femme, dans la cellule de Clarke, ne se lève pas de sa couchette mais pose son livre pour observer la nouvelle venue. De haut en bas, elle détaille Clarke avec un léger sourire sur les lèvres. Un peu décontenancé, Clarke ne bouge pas. La prisonnière, brune, visage sévère, lunettes noires à grosse monture sur le nez, répond enfin aux injonctions de sa voisine.

« Ouais Jefferson, elle est dans ma cellule »

Une autre voix féminine, inconnue pour Clarke, résonne ensuite d'un peu plus loin.

« De la viande fraiche pour Vause ! (Rire) tu en as de la chance ! »

« La ferme Nichols ! » Réponds-la dénommée Vause, camarade de cellule de Clarke.

Elle se lève enfin de sa couche et radoucit son air. Elle tend la main à Clarke qui la serre sans lâcher les draps, la serviette de toilette et l'oreiller qu'elle tient dans les bras.

_ Je m'appelle Alex Vause, Vause.

_ Moi c'est Clarke Griffin.

_ Ce sera donc Griffin. Tu prends cette couchette et cette étagère (Elle accompagne ses paroles d'un geste pour indiquer à Clarke de quoi elle parle). Tu ne ronfles pas, tu ne cauchemardes pas bref tu ne me réveilles surtout pas. Le reste on verra demain.

Sur ce bref discours de « bienvenue », la prisonnière brune, dans son uniforme brun, se rallonge et reprend sa lecture à la faible lueur du seul et unique néon de la cellule.

Clarke a pendant un instant, l'intention de rester planter là, figée par la terreur elle ne veut plus bouger, elle veut pleurer et s'effondrer mais ce n'est qu'un instant de faiblesse. Elle respire, elle pense à Lexa une fraction de seconde et puise un peu de courage dans ses souvenirs. Pour elle, il fallait qu'elle soit forte. Pour elle, elle ne devait pas craquer. Son seul et unique espoir à ce moment précis était de pouvoir la revoir un jour.

Elle bouge enfin, elle fait son lit. Elle n'a aucun bien personnel, elle a tout laissé en caution à l'entrée de la prison. Elle se sent démunit de tout mais son esprit, lui, se rappelle « que même sans rien on est toujours quelqu'un » - elle se souvient de Lexa prononçant ces paroles, un soir où elles se faisait des confidences. Elle se passe de l'eau sur le visage et la nuque dans le petit lavabo et par reflexe, elle veut se regarder dans le miroir mais au mur devant elle, il n'y a rien bien évidement. Elle soupire.

« Au fond ce n'est pas plus mal, penses-t-elle, je dois avoir une mine affreuse. »

Elle se couche au-dessus des draps. Elle reste sans bouger et fixe le plafond dans sa tenue de détenue. Elle se demande comment elle en est arrivée là ? Regrettait-elle de s'être enfuis ? Regrettait-elle d'avoir blessé Finn ? Regrettait-elle de s'être mis dans une colère telle qu'elle n'avait pas maitrisé ses gestes ? Regrettait-elle de ne pas être resté près de sa mère ? De n'avoir pas eu les convocations du juge ? Regrettait-elle tout cela ? Non. De toute évidence, non.

Sans tous ces événements, elle ne serait pas partie. Sans la mort de son père, sans sa mère qui lui ment et sans Finn qui la trompe, elle n'aurait pas pris la route au hasard. Sans ça, elle ne se serait pas perdu dans les montagnes du Nord. Sans ça, il n'y aurait pas eu Lexa. Rien que pour cela, elle ne regrettait finalement aucun de ses choix.

Sa tête tourne. Ses idées s'embrouillent. Elle culpabilise de ne pas regretter. C'était trop compliqué. Toute la nuit, elle somnole sans vraiment trouver le sommeil. Toute la nuit, elle s'agite, perturbée par ses sentiments, ses souvenirs et ses actes manqués. Toute la nuit elle entend des bruits et des gémissements angoissants qui s'échappent des autres cellules et qui se mêlent aux ombres incertaines et terrifiantes.

CHAPITRE 2

A l'aube, l'agitation autour est telle, que Clarke sort de sa torpeur assez vite. Difficilement mais irrémédiablement, elle reprend conscience. Elle est en prison.

Quelques minutes avant que les grilles ne s'ouvrent, sa camarade de chambre, Vause, la secoue un peu. Clarke entend les ordres et s'exécute automatiquement.

« Enfile vite tes chaussures ! Réveille-toi bon sens ! et suis-moi de près ! »

Quelques instants après, Clarke marche une milieu d'une marée de femmes prisonnières et agitées. Un échantillon imparfait de la gente féminine, certaines ont l'air terrifiantes, certaines perdues et d'autres folles. Toutes ici sont en instance de jugement. Toutes ici attendent un verdict.

L'instinct de Clarke se réveille en même temps qu'elle. Elle suit Vause pas à pas. Elle ressent les dangers potentiels tout autour d'elle. Elle sent les regards sur elle : la petite nouvelle qui est arrivée dans la nuit.

Une jeune femme, cheveux long, blond-roux-cendré et extrêmement ondulé, s'accroche au cou de la grande Vause et lui murmure quelque chose à l'oreille. Vause lui décoche un faux coup de poing dans l'épaule. La file lâche son amie et vient se mettre à la hauteur de Clarke.

_ Salut, moi c'est Nichols, enchantée !

_ Griffin, de même.

_ Pourquoi t'es là Griffin ?

Clarke déglutit difficilement mais ne répond pas.

_ Fiche lui la paix Nichols ! Rétorque Vause sans se retourner.

Clarke suit la file, comme une automate. Elle remarque des visages et des regards moins amicaux que ceux de Vause et Nichols, alors elle comprend. Elle affiche aussi un air grave pendant que Nichols ne cesse de parler.

« (…) Moi j'suis tombée pour conso et petits trafics de stupéfiant. Ouais, ouais, j'suis pas fière de tout ça mais tu sais comment c'est ? on a une faiblesse, on craque une fois, on craque deux fois et on finit dans de salles affaires… et puis là, on peut pu faire machine arrière… on est foutu... fait comme des rats… »

Nichols ne cesse de bavarder, ses mains tremblent, son corps gesticule sans arrêt. Elle a des cernes marqués et les yeux à demi clos. Clarke est étudiante en médecine, elle devine que Nichols n'est pas totalement sevré de la saloperie qu'elle prenait. Clarke l'écoute mais surtout elle tente de se repérer et d'apprivoiser son environnement.

« Cette épreuve n'est qu'une de plus, désormais j'ai un but, la retrouver » penses une petite voix en boucle dans sa tête.

Elles atteignent la petite cantine réservée aux détenues de cette aile de la prison. Elle fait la queue entre Vause et Nichols. Elle remarque les deux femmes qui font le service sur un petit comptoir. Elle remarque aussi l'insistance et le regard dévorant de Nichols sur elle. Elle la soupçonne. Elle a raison. Nichols affiche ouvertement son penchant pour les femmes et Clarke élude ses réponses et fuit son regard.

Clarke se fait bousculer. Nichols choppe l'autre femme par le col. Violement elle la plaque contre le mur. Elles se toisent du regard mais très vite, la resquilleuse lève les mains en l'air et Nichols la lâche avant d'attirer l'attention des gardiens. La femme repart au bout de la fille, tête baissée. Les conversations dans la queue reprennent. Clarke se sent protéger mais se méfie toujours.

Armé d'un plateau en plastique bosselé, Clarke suit Vause pour avoir son petit déjeuné. Elle observe la femme, prisonnière aussi, qui fait le service. Cette dernière commente à voix haute :

« Tiens une nouvelle ! Elle est mignonne ».

« Pas l'air bien méchante » lui répond sa collègue.

Clarke les foudroie du regard mais cela n'a pas grand effet et elle part s'asseoir avec son plateau : un bol avec une sorte de riz au lait trop cuit, des toasts ramollis, un yaourt surement périmé et un muffin probablement rancit, voilà sa pitance. Elle grimace mais mange. Elle reste silencieuse mais à l'affut. Elle comprend, dans l'attitude détachée de Vause, et celle un peu folle de Nichols, qu'elles veulent la protéger. Comme prise sous une aile, elle différencie les regards et décide de faire confiance à ces deux jeunes femmes.

Profitant des digressions de Nichols et d'une autre femme, venue s'asseoir à leur table, nommé Morello Clarke trouve le regard de Vause, bien caché derrière ses lunettes. Elle ne dit pas un mot mais articule un « MERCI » très prononcé. Vause sourit, elle a compris et lui répond « ça ne sera pas gratuit » suivit d'un clin d'œil. Clarke angoisse quelques instants mais un début de bagarre dans la file d'attente éclate, et la sort de son angoisse personnelle. Les gardiens interviennent et Clarke ne peut s'empêcher d'observer la scène. Nichols lui assigne un coup de pied sous la table et lui fait signe de baisser la tête car le Chef Crowley est à l'entrée et il surveille, du coin de l'œil, Clarke et sa table.

Elle fait profil bas. Elle finit son petit-déjeuner.

Très vite, certaines prisonnières sont appelées pour leurs corvées et autres travaux, puis un autre groupe est appelé pour la salle commune, un autre pour la balade extérieure. La salle peu à peu se vide. Nichols explique en finissant son yaourt plus que goulument.

« … On n'est pas libre ici princesse. On ne se balade pas comme ça nous chante, on fait ce qu'on nous dit de faire, on suit le planning, on suit l'horaire… Ici on attend toutes notre jugement, ici on a aucun droit, ici on n'est ni coupable ni innocent. On est juste un tas de question en suspens… Je suis pressé de voir le juge moi, parce que putain les cellules causerons ma perte. J'espère finir à côté, en prison ouverte. Pas au Block ni en HP, pitié… »

Clarke écoute, elle note les rimes dans les flots de paroles de Nichols. Elle a bon fond cette fille, elle est juste un peu givrée et bien droguée. Clarke respire, toute cette agitation est bien loin de la sérénité des bords du lac. Elle lui manque. Elle retient une larme. Encore.

Elle regarde Vause qui écoute Nichols et Morello s'enflammer. Vause a un air presque hautain et un petit sourire en coin, comme celui d'une grande sœur qui regarde les autres se chamailler. Le moment serait presque agréable si ça ne se passait pas en prison.

La voix du gardien, monocorde, continue d'énuméré les noms sur sa liste.

« Scott, Griffin, Schmilesky, Edison… Aux parloirs »

Vause pousse Clarke du banc pour qu'elle suive les femmes appelées pour les visites. Elle ne se repère pas encore alors elle suit le mouvement. Au final, elles entrent dans une petite pièce sombre. Une par une, les détenues signent un formulaire et entrent dans une autre pièce, plus grande, plus éclairé mais séparé en deux par une vitre opaque.

Quand vient le tour de Clarke, elle attrape la feuille et lit l'entête.

AUTORISATION DE VISITE : ACCORD VALIDE

DETENUE N° 319 GRIFFIN Clarke

Elle voit immédiatement la signature en bas de la note. . C'est sa mère. Elle est soudain soulagée, sa maman est là. Mais très vite les ressentiments ressurgissent. Elle signe la feuille et entre, accompagné d'un gardien, dans la salle adjacente.

Elle ne veut pas se transformer en gamine de huit ans, apeuré, juste parce que maman est là. Elle fait face et affiche une mine de petit robot courageux et déterminé même si au fond d'elle, la mécanique est en train de se briser à chaque seconde qui passent loin des montagnes. Elle tient bon.

La salle est grande mais séparée par un comptoir et une vitre blindée tout du long. Des boxes de discussions sont aménagé avec des parois en plexiglass et des combinés téléphoniques. Elle s'assoit sur le tabouret fixé au sol, derrière la vitre il y a sa mère, la mine fatiguée voire effondré. Clarke décroche le combiné. Abigail Griffin fond en larmes et décroche aussi. Elle observe sa petite fille dans son uniforme orange de bagnard. Elle détaille son visage qu'elle a du mal à reconnaitre.

_ Mon dieu ma chérie ! Sa voix tremble

_ Bonjour maman, dit Clarke d'un ton monocorde

_ Tu vas bien, Chaton ?

_ Je vais bien, oui.

_ Je ne comprends pas pourquoi ils t'ont enfermé ! J'ai appelé ton oncle, il arrive demain et on va te sortir de là. Abigail Griffin remplace le doute par la colère et le ton de sa voix change, pour pouvoir donner le change.

_ Qu'est ce qui s'est passé pour qu'on en arrive là, maman ?

_ Ecoute Chaton (Clarke murmure un « arrête » entre ses dents en direction de sa mère), Clarke je savais que tu ne me pardonnerais pas comme ça, je savais que tu étais chez Finn mais quand il a fini aux urgences et que tu étais introuvable, je n'ai pas eu le choix…

_ C'est toi qui les a envoyés à ma recherche ? Je t'ai pourtant dit que j'allais bien…

_ Mais enfin ! Un vague message et puis plus rien pendant des mois. Je m'inquiétais voyons. Les enquêteurs me harcelaient pour le procès de la centrale électrique. Il fallait que je te retrouve à tout prix mais je ne pensais pas que le juge t'inculperait pour l'affaire avec Finn et te déclarerai en fuite… je n'ai rien contrôlé, je suis désolé…

_ Maman merde ! Regarde où j'ai atterrie !

_Ton oncle arrive, il est avocat tu le sais, on va tout faire pour te sortir de là, je te le promets.

_ Et Finn ? demande Clarke a contre cœur, elle veut savoir mais elle s'en fiche presque.

_ Tu l'as salement blessé en partant mais c'est surtout son amour propre que tu as blessé je crois…

_ Son amour propre ? ce salaud était fiancé. Clarke ne crie pas, elle n'est plus en colère, elle constate seulement.

_ Je sais mais il a porté plainte quand même.

_ Et le procès ?

_ On a, absolument, besoin de ton témoignage. Dit-elle la voix tremblant de nouveau.

Clarke sent une faille dans le regard de sa mère. Une cassure dans le ton de sa voix. Une blessure, une faiblesse. Elle comprend alors que sa mère souffre aussi terriblement des événements et de la mort de son mari. Elle comprend enfin que sa mère, même si elle a mal agi, n'a pas saboté la centrale, n'a pas ordonné l'accélération du rendement, n'a pas changé les résultats d'évaluation, n'a pas tué son mari de ses mains. Elle n'y est pour rien dans l'enchainement des événements – dans une certaine mesure, si, et c'est gravé dans l'inconscient de sa fille – qui ont conduit à la tragédie. Clarke étend sa main sur la vitre, elle comprend sa détresse. Les rôles s'inversent, c'est la fille en prison qui rassure la mère libre.

_ Ne t'inquiète pas maman, sortez-moi de là, c'est tout ce que je veux !

_ On va tout faire pour, promis.

_ Merci, murmure Clarke.

Sa mère Aby, est soudain surprise de l'étonnante maturité dont fait preuve sa fille. Clarke a toujours été une enfant intelligente, en avance sur son temps, en avance sur le programme, débordant de passion et d'énergie mais, à cet instant, Aby a du mal à la reconnaitre. Elle maitrise ses gestes et ses émotions, elle a le ton grave et l'air triste.

_ Clarke ? Où étais-tu ?

Clarke baisse les yeux, esquisse un sourire. Quand elle relève la tête, ses yeux bleus sont étincelants. Sa mère hésite. Joie ou peine ? En réalité les deux se mêlent. Une larme coule mais le sourire reste affiché. Clarke pioche, au fond d'elle-même, le courage de retenir les larmes qui suivent. Elle articule difficilement, un peu à la manière de Nichols, avec un grain de folie poétique dans la voix, elle conte son histoire.

« J'étais au pied d'une montagne, au bord d'un lac vert, le soleil se couchait et il commençait à faire froid. »

Aby ne comprend pas, elle fronce les sourcils.

« J'ai trouvé un refuge dans une forêt immense et sauvage, dans les montagnes entre l'Idaho et le Montana… J'ai rencontré (Dans sa tête les images de Lexa défilent comme un vieux film) … des gens formidables. Des éleveurs de chevaux (les Blake) un garde forestier, amoureux de ses terres (Lincoln) une institutrice dévouée (Anya) un pêcheur charmant et robuste (Sylver) un vieil homme (Louis) …

Sa mère écoute, comme on écoute le début d'une histoire où les personnages se mettent en place. Aby se demande réellement où elle était passée pendant ces derniers mois.

« J'ai rencontré des animaux étonnants, des loups merveilleux et magnifiques (Les Stark) … Et j'ai rencontré une femme au bord de ce lac vert… et ses yeux étaient l'exact reflet de cette teinte particulière : émeraude, sauvage, insaisissable… et elle m'a sauvé la vie, elle m'a appris… »

Clarke se tait alors soudainement elle prend conscience du regard de sa mère, totalement incrédule, qui s'interroge encore plus.

_ Clarke j'ai cru que tu étais en danger… je suis désolé…

_ Je sais maman, ce n'est pas grave. Il fallait bien que je rentre tôt ou tard…

_ Cet endroit où tu étais ? ce refuge ? Tu voudras y retourner ?

L'inquiétude mêlé de curiosité dans sa voix, réveille Clarke.

_ Oui, plus que tout au monde !

« FIN DES VISITES » hurle un gardien avec un plaisir très peu dissimulé.

Elles se lèvent toutes, les prisonnières, bien sages et dociles. L'une d'entre elle, peine à quitter son amant et le garde hausse la voix puis lui saisit le combiné des mains pour raccrocher afin qu'elle rentre dans le rang. Clarke se dépêche et s'adresse une dernière fois à sa mère avant de raccrocher : « Sort-moi de là ». Puis elle disparait avec les autres détenues par la porte du fond.

Abigail Griffin n'en mène pas large quand elle sort des locaux visiteurs de la prison fédéral. Elle remonte dans sa voiture mais ne démarre pas. Soudain, elle craque, elle retient ses larmes et frappe le volant de toute ses forces. Ça ne lui ressemble pas. Médecin. Chirurgien. Elle a le sang-froid alors elle se calme et masse sa main endolorie, mais elle pleure pour de bon. Sa fille, la chaire de sa chaire est en prison un peu par sa faute.

Quand elle rentre chez elle, elle s'étonne de voir l'Agent Kane à sa porte.

Elle avait été prévenue par le chef des sections de recherche de l'agence gouvernementale du Michigan, de la situation de Clarke mais elle n'avait pas revu l'agent Kane depuis que lui et son coéquipier, étaient venu l'interroger. Il l'avait appelé un soir pour lui dire qu'il partait sur une piste pour retrouver sa fille. Elle l'avait remercié mais elle n'avait rien dit sur les objets manquants dans la chambre de sa fille, en parti parce qu'il n'y avait aucune trace d'effraction. Elle ne savait pas pourquoi mais elle n'avait rien dit - Lexa n'y était donc pour rien, Rohan n'avait pas laissé de trace et personne n'avait enquêté.

Mais pourquoi était-il là ce soir ?

_ Agent Kane ?

_ Bonsoir Mme Griffin, répond-il de sa voix la plus douce.

_ Que faites-vous là ? Je rentre de la prison, j'ai vu ma fille. C'est intolérable ce qui se passe !

_ Madame, je sais. C'est injuste, elle ne mérite pas ça. Mais les accusations portées par Mr Collins et le délit de fuite, sont telles que je n'ai pas eu le choix. Mais je veux vous aider.

_ A bon ? Comment ?

_ Je ne peux pas aller contre la loi que je sers mais, la situation de votre fille n'est pas des pires. Et je témoignerais que lors de son arrestation, elle n'a pas protesté et a coopérée.

_ ça pourrait l'aider ?

_ Elle n'était pas consciente des blessures infligées à Mr Collins, et elle était juste parti quelques temps se ressourcer chez des amis à la montagne après une rupture douloureuse et la peine de la perte tragique de son père…

_ Vous allez dire ça ?

_ Oui.

_ Et elle n'a vraiment pas protesté lors de son arrestation ?

L'agent Kane sourit au travers de sa barbe de trois jours et ses yeux se plissent.

_ Et bien… disons qu'elle a coopérer quand elle a compris que c'était pour la justice, pour le procès de la centrale, qu'il fallait qu'elle nous suive.

_ Elle ne s'est pas laissé faire ?

_ Non pas vraiment. En revanche, elle a un entourage très dévoué et solidaire, là-bas.

_ Des amis ?

_ De très bon amis, oui. L'un d'entre eux, un agent de police responsable du village ThreeGreen, nous a même court-circuité et fait perdes des semaines de recherche.

Aby se souvient des paroles de Clarke. Elle avait bien un refuge dans les montagnes. Elle avait bien rencontré des gens formidables et tissé des liens, ailleurs loin de son SkyFalls natal.

_ Mon frère est avocat, il arrive demain. Nous allons la sortir de là. Je vous remercie de votre soutien.

_ C'est normal Madame. Je vous vois aux audiences.

_ Merci.

Ils se serrent la main. Kane la retient un peu trop longtemps. Un regard s'échange entre eux, juste pendant quelques secondes, et l'instant qui fait naitre un sentiment, s'envole aussitôt.

CHAPITRE 3

Clarke est de retour dans sa cellule. Au détour d'un couloir, on la conduite au comptoir d'intendance et on lui a remis quelques biens : une trousse de toilette avec le strict nécessaire (gant en éponge, savon artisanal, brosse à dent, tube de dentifrice, petit peigne et rouleau de papier hygiènique), un sweat gris à capuche et une vieille couverture irritante mais qui la réchauffera. Sa mère a payé pour qu'elle ne manque de rien. Les privilèges sont restreints quand on est détenues ici.

S'en ai même contradictoire. De ce qu'a entendu Clarke, la prison ouverte est plus relax que l'aile dans laquelle elle est. Ici, les femmes sont en attente de jugement. « Ici, on n'est ni coupable, ni innocent. Ici, on peut être tout ce que l'on veut. Une fois jugé et condamné, on sait à quoi s'en tenir, alors qu'avant, il faut se méfier de tout, de tout le monde et de soi-même », avait dit Nichols. Clarke essaie de ne pas penser à l'éventualité de finir là-bas, elle espère encore sortir vite.

Elle se brosse les dents - elle se fait la remarque que se brosser les dents est un vrai petit plaisir de la vie, on n'en a pas conscience jusqu'à ce que l'on passe plus de 48h sans pouvoir le faire – et puis elle s'allonge sur sa couchette à l'ergonomie très faible, voire inexistante.

Sa camarade de « chambre » n'est pas là. Elle ne l'a pas revu depuis ce matin. Elle reste là pendant des heures, à divaguer dans sa tête.

Vers 15 heures, un gardien la fait sortir de sa cellule. Dans le labyrinthe de couloirs, le gardien ne dit pas un mot. Elle croise d'autres détenues au sortir d'une salle commune, elles la menacent du regard, elles l'injurient. Le gardien lui fait accélérer le pas pour la conduire à l'air libre, dans la cour.

A l'air libre, si l'on peut dire, c'était sans compter sur les hauts grillages doublés de barbelés qui entourent toute la cour bétonnée dédié aux balades extérieures. Clarke respire profondément et profite des rayons du soleil sur son visage.

Une vingtaine de détenues sont dehors. Certaines sont assises sur des bancs au soleil et discutent bruyamment, certaines fument en silence et à l'ombre et d'autres jouent au basketball sur un demi terrain, avec un panier à l'arceau rouillé et sans filet. Clarke remarque les corridors à chaque angle. En hauteur, des gardiens les observent, arme au bras.

Elle marche au hasard. Elle se dégourdit les jambes. Elle tombe sur Vause, assise dans un renfoncement, à l'abri de la plupart des regards, cigarette aux lèvres et lunettes de vue sur la tête. Vause lève les yeux vers elle.

_ Griffin ? Ils t'ont accordé le droit de prendre l'air ?

_ Apparemment.

_ Les nouvelles ne sortent pas les premiers jours, t'as du bol princesse !

_ Ne m'appelle pas comme ça (le ton d sa voix est rude), s'il te plait (elle se radoucit).

_ Ok, ok ! En tout cas, t'as du bol !

_ Je n'appellerai pas ça comme ça !

_ Quoi ? Ce n'est pas le paradis ici ? Ironise Vause

_ Si, si… le paradis. Rigole amèrement Clarke.

_ Assieds-toi près de moi, Griffin ! Tu veux une clope ?

_ Non merci. Répond-elle et elle s'assoie à ses côtés.

_ Sûr ?

_ Oui, je ne fume pas.

_ Tu t'y mettras.

_ Je ne compte pas rester assez longtemps pour ça.

_ Quoi ? T'as pris une option aller-retour ? Ça m'étonnerait ! On ne peut jamais savoir à l'avance combien de temps on restera.

_ Je n'ai pas fait grand-chose.

_ … moi non plus, et pourtant je suis là…

Sur ces mots, Clarke se questionne. C'est vrai qu'elle ne sait rien de sa camarade de cellule et encore moins des autres détenues, si ce n'est Nichols qui s'est déjà beaucoup confié. Mais elle connait les liens complexes et torturés de l'esprit humain et l'enchainement des événements qu'on ne peut parfois pas prévoir ni contrôler alors elle ne juge personne, elle se méfie simplement. Elles seules peuvent commencer à expliquer comment elles en sont arrivées là, parfois même, certaines de ces femmes sont si paumées, qu'elles ne le savent même pas. Alors Clarke raisonne, elle sait pourquoi, elle sait comment. Elle s'estime chanceuse de cella.

Elles restent assises en silence jusqu'à ce que sonne l'heure de rentrer. Il est 18h. En file, disciplinée et hautement surveillée, les détenues se dirigent vers la cantine. Même rituel, même plateau repas, déjà tout près. Elle rejoint Vause, Nichols et Morello. Elle mange sans appétit la bouillie indescriptible et le pain rassit. Elle rejoint sa cellule, saoulé du flot de parole de la petite brune au rouge à lèvre trop prononcé, Morello. Nichols, contrairement à ce matin, est lasse et silencieuse, comme un clown déprimé, comme un chien sous la pluie. Puis soudain, elle s'agite et semble un tantinet paranoïaque puis de nouveau, elle semble lasse et fatiguée.

Clarke comprend la difficulté d'être prisonnière. Elle-même se sent déjà changé, comme une cyclothymie exacerbée naissant dans son caractère. En elle tous les sentiments se mêlent. Peur. Calme. Self-Control. Tristesse. Folie. Culpabilité. Rage Puis de nouveau Force et Courage. Puis Faiblesse et Larmes. Elle prend sur elle et reste de marbre.

Il est 19h. Les portes des cellules restent ouvertes et les femmes détenues vont et viennent. Elles se baladent entre les cellules des copines, elles jouent aux cartes, elles chantent en groupe. Elles vont aux douches -seule couloir accessibles à cette heure-ci- ou échangent des livres avec la détenue, préposé à la gestion de la bibliothèque de la prison ouverte, qui passe avec son chariot roulant bondé de bouquins.

Clarke, postée à l'entrée de sa cellule, observe le va-et-vient quand la jeune métisse bibliothécaire arrive à sa hauteur. Vause se lève de sa couchette et s'approche.

_ Salut Poussey, ça baigne ?

_ Nikel, nikel mon amie. Répond la jeune femme au sourire éclatant.

Elles se serrent la main. Clarke le voit. Elle voit le petit bout de papier qui passe de main en main. Elle ne dit mot et fait mine de rien.

_ Bon j'ai fini celui-là (Elle tend le livre qu'elle venait de finir à sa camarade.) … et c'était dramatiquement … mal écrit. T'as rien de mieux ?

_ Si, si Vause, bien sûr que si !

Pendant qu'elle fouille dans les piles de livres de son chariot, elle questionne la grande brune qui joue avec ses lunettes en patientant.

_ C'est qui ta copine ? Une nouvelle ?

Clarke n'avait pas bougé d'un centimètre et était donc collé à Vause dans l'embrasure de la porte à barreaux. Son insolence remonte en surface pourtant elle ne veut pas faire de vagues.

_ La nouvelle s'appelle Griffin, répond-elle, elle-même.

_ Hey cool ok Griffin ! Moi c'est Poussey. Si t'as besoin de quoique ce soit, tu vois, quoique ce soit, tu me fais signe. Tu piges ? J'ai toutes sortes de livres, toutes sortes de choses !

Elle accentue ses paroles d'un clin d'œil. Clarke comprend qu'elle arrange des échanges au sein même de la prison. Elle penche la tête pour lui dire qu'elle a compris. Avec un large sourire magnifique et impeccable, Poussey tend un livre de Salinger à Vause.

Alex Vause hausse un sourcil mais elle accepte. De toute façon il n'y a que ça à faire ici, relire ses classiques, s'en ai même passionnants, parfois, de lire quand on est derrière les barreaux. Clarke se souvient de certaines lignes écrites par cet auteur, machinalement, elle les récite : « She wasn't doing a thing that I could see, expect standing there, leaning on the balcony railling, holding the universe together. J.D Salinger. »

Poussey impressionnée, reprend le chemin de sa mission et Vause la regarde autrement, comme si elle avait trouvé quelqu'un à sa hauteur. Son expression derrière ses lunettes ne trompe pas.

Quelques minutes plus tard, avec beaucoup d'appréhension, Clarke part aux douches. Elle imite Vause qui semble se frayer un chemin naturellement au milieu de cette nuée de femmes à demi-nu et de ces tonnes de vapeurs chaudes. Finalement, après avoir fait la queue, elle se douche rapidement, surveillant sans cesse le rideau de douche abîmé qui la sépare de cette meute de femme. Sous l'eau chaude et bienfaitrice, elle écoute le brouhaha des conversations autour d'elle. Elle entend même des gémissements de plaisir, elle rougit. Puis soudain un silence inquiétant. Il n'y a plus que le bruit de l'eau qui coule en cascade sur les corps nus qui couvrent les respirations et les murmures dans la grande salle de douche.

Clarke se fige, encore nue sous la douche. Comme les animaux qui fuient le danger, elle a envie de prendre sa serviette et de partir en courant mais comme rien ne semble bouger à l'extérieur, elle reste là, immobile, sous l'eau qui coule. La grande gueule de Nichols fait écho dans les douches puis sa voix tremble et finit par se taire. Comme figé par la peur. Après un autre silence, interminable pour Clarke aveugle dans sa cabine de douche, une voix résonne, forte et mature, rude et effrayante.

_ Nicky Nichols, ma chère amie te voilà, en train de folâtrer dans les douches pendant que tes camarades attendent… dit la voix.

Nichols ne répond pas. Elle tremble sous sa serviette, le corps et les cheveux encore mouillés.

_ Nicky, Nicky, Nicky, répète la voix d'un ton très peu aimable voire menaçant. As-tu ce que je t'ai demandé ?

_ Non, Nia, je … suis désolé, laisse-moi encore un peu de temps

_ Alors dépêche-toi Nichols ou tu sais ce qui t'arriveras.

_ Oui, Nia, oui. Chuchote-t-elle

Clarke entend le cours des choses normales reprendre. Les discussions, les rires et les chamailleries résonnent de nouveaux au milieu des cascades d'eau.

Vause sort de sa cabine en même temps que Clarke. La brune se précipite vers Nichols un peu chamboulé mais caractériel, elle l'envoi balader. Clarke, totalement mal à l'aise, nue sous sa serviette part dans un cabinet de toilette pour s'habillé de son pyjama orange. Elle rejoint sa cellule seule. Elle ne sait pas que Vause marche quelque mètre derrière elle en surveillant ses pas.

Sur le chemin, une détenue, brune ébène, cheveux très court et bras tatoués et sa comparse blonde insipide, dévisage Clarke au passage. La brune siffle dans ses doigts et complimente Clarke. C'est de la drague de rue, bien lourdingue mais le ton de sa voix est plutôt charmant alors Clarke sourit et passe sans dire un mot.

Il est 20h. Les lumières principales baissent lentement. Les voix se tamisent et les grilles se verrouillent. Un seul néon tremblant éclaire leur chambre. Vause s'assoit au bord du lit et s'approche le plus possible pour continuer de lire, le temps que ses yeux s'acclimatent à la baisse de lumière. Clarke s'assoit sur son lit, le dos contre le mur, la tête vers le plafond. Face à Vause, elle tente une technique d'approche.

_ Alex ?

_ Vause, appelle moi Vause, on ne s'appelle pas par nos prénoms ici. Et c'est très important. C'est une couverture, c'est un masque, tu n'es pas vraiment la même personne qu'à l'extérieur quand tu es ici. C'est pour se préserver, n'oublie pas.

_ Très bien. Désolé, c'est la première fois que…

_ Ça se voit ! Mais tu t'en tire plutôt bien pour l'instant. Reste tranquille, ne fait pas de vagues et attend de voir le juge.

Elle rouvre son livre comme pour signaler que la discussion est finie mais devant l'air dérouté de Clarke, elle rajoute,

_ Salinger. Pourquoi ne retient-on de lui que l'Attrape cœur ?

_ Parce que les gens ne retiennent que l'essentiel, répond simplement Clarke. Pourtant L'Homme hilare et Franny & Zooey sont tout aussi remarquables.

_ C'est comme ici Griffin, les gens ne remarque et ne retiennent que les faits exceptionnels et oublis le reste. Faits en sorte de te faire oublier ici mais fait en sorte que le juge, lui, n'oublie pas le moindre détail. Fait en sorte que le juge ne retienne pas que ce qu'il veut.

Clarke retient la leçon. Elle s'allonge. Elle est épuisée pourtant son esprit ne peut se calmer.

CHAPITRE 4

Deuxième nuit. Des cauchemars. Des sueurs froides mais au moins du sommeil profond. D'épuisement, elle avait sombré dans l'inconscience. Vause faignant de dormir, tentant d'oublier les hurlements, gémissement, bruits de tôle et de canalisation qui craquent, entend un murmure, entend une voix comme une prière. C'est Clarke dans son sommeil qui murmure un prénom.

Au réveil, sa tête est lourde, ses draps trempés. Comme une automate, elle suit le rythme.

A 10h, elle est en salle commune. Un groupe d'afro-américaine regarde une émission style MTv à la télévision, elle-même, incarcérée dans un cube de grille en métal. Trois hispaniques jouent aux cartes. Deux autres, complotent dans un coin. Clarke s'assoit seule à une table. Les minutes passent si lentement. Elle rêve, éveillée, du lac vert, des loups, des soirées devant la cheminée et des balades en forêt.

Nichols et Morello débarquent en fanfare, trop contente d'avoir échappé à leur corvée pour une raison technique obscure.

Morello questionne Clarke à voix basse après s'être assise à sa table.

« Griffin, tu as vu Nia ? »

Clarke hausse les épaules.

« Je ne sais pas qui c'est. »

« La ferme Morello ! » souffle Nichols qui s'affale nonchalamment dans une chaise et ébouriffe ses cheveux comme si cela pouvait la cacher.

Et puis la chose redoutée arrive. Le silence remplace quelques secondes les rires et les discussions. Deux femmes entrent dans la salle de loisir. Les autres détenues les regardent sans vraiment le faire, seulement du coin de l'œil pour ne pas croiser leurs regards.

Elles avancent lentement dans la pièce. Hautaines et maléfiques.

L'une est très grande, la cinquantaine, cheveux blond-blanc en chignon, le visage dur et ridé, et les yeux très clair. Son regard est glaçant. Néanmoins il persiste en elle une ancienne beauté, fine et froide.

« C'est Roberta Nia, surnommée 'la Reine des Glaces' », chuchote Morello à l'oreille de Clarke.

L'autre femme est beaucoup plus jeune, juvénile presque. Elle est brune aux yeux noirs, elle est jolie mais une longue balafre lui cisaille la joue depuis l'oreille jusqu'à la mâchoire.

« C'est Valentina Ontari, dit 'La tueuse d'enfants', le bras droit et l'héritière de Nia. Il parait qu'à l'âge de 8ans, elle a empoisonné ses camarades de classes avec des gélules » Poursuit de plus en plus bas, Morello. Clarke frisonne de terreur.

Elles approchent. Nichols ne bouge plus sur sa chaise et leur tourne le dos mais elle sait, au regard de Morello, qu'elles arrivent.

_ Nichols ! Interpelle la jeune Ontari

Nicky Nichols ferme les yeux quelques secondes. Elle n'a pas le choix, elle se retourne à demi sur son siège et leur fait face.

_ Il me semble que l'on t'as demandé quelque chose ?

Nichols soupire et se lève. En faisait mine de remettre son t-shirt dans son pantalon extra large orange, elle récupère un petit sachet au creux de sa paume. Elle exécute quelques pirouettes pour détourner l'attention et feignent l'amitié et une poignée de main, le sachet passe de l'une à l'autre. Nia, plus en retrait, affiche enfin un semblant de sourire satisfait mais elle stoppe Nichols dans son numéro de clown qui attire trop l'attention. Elle la chope par le col. Clarke se lève de sa chaise. Morello la retient par le bras. Nia ne lui prête pas attention.

_ Je t'ai laissée un délai sur ce coup-ci mais c'est la dernière fois, Nicky la junkie ! Menace La reine des Glaces entre ses dents en soulevant Nichols du sol.

_ La dernière, promis. Répond Nichols entre deux souffles.

Nia relâche sa prise. Nicky se rassoit brutalement. Nia repart sans plus d'intérêt mais Ontari reste là. Elle n'a pas lâché Clarke du regard depuis qu'elle s'était levé de sa chaise brusquement. Clarke soutient son regard même si une petite voix en son for intérieur lui hurle de cesser sur le champ. Trop tard. Le Mal est fait. C'est Ontari qui finit par partir en hochant la tête et en marmonnant des choses du genre « on va se recroiser très vite ne t'en fais pas » ou « tu perds rien pour attendre, blondinette ».

Clarke est sous le choc. Elle se rassoit. Morello hallucine et la félicite tel un chevalier qui rentre de bataille. Nicky la remercie du regard mais « t'aurais pas dû » semble être l'expression de son visage. Clarke apprend vite à lire les intentions sur les visages, les faux-semblants, les vérités et les mensonges.

Il est 16h. Elle est appelée aux parloirs.

Sa mère et son oncle Denis, lui annonce que son audition avec le juge pour l'affaire Collins aura lieu le lendemain. Ce sera une première étape. Il y aura un verdict. Puis les équipes d'avocats des trois parties opposées dans le Procès de la Centrale électrique, voudrons tous l'interroger, y compris l'assistant du juge avocat général qui préside. Enfin le grand Juge qui présidera voudra lui aussi l'entendre à la barre, en déclaration officiel. Le procès, les témoignages, les enquêtes et les auditions se poursuivent depuis des mois et des mois. Ce sera une autre étape.

Son oncle espère la disculper des accusations portées par Finn Collins et la faire libéré sous caution ou non dès le lendemain. Clarke espère aussi mais sa destinée semble très floue dans son esprit.

Elle rejoint sa cellule, un peu abattue. Son oncle semble confiant pourtant elle n'y croit pas vraiment. Il lui a lu toutes les déclarations faites par Finn, les rapports des médecins et des policiers. Elle n'en revient pas des propos de Finn, elle assimile toutes les informations. Elle ne s'était pas rendu compte de l'ampleur qu'avait pris les choses dans sa fuite. Elle espère convaincre le juge, que c'était un malheureux accident et qu'elle n'ait pas une menace.

Toute la soirée elle réfléchit. Elle ne dit pas un mot. Au couché, Vause lui parle mais elle n'écoute pas. Toute la nuit, elle se débat avec elle-même.

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que dans les montagnes, au bord du lac, dans le manoir, Lexa passe les mêmes nuits agitées qu'elle. Au même instant, elles pensent chacune à l'autre, sans vraiment le savoir mais en l'espérant très fort. Au même moment, elles prient en silence pour se revoir.

CHAPITRE 5

A l'aube, elle est déjà réveillée.

A 9h, elle est prête. On vient la chercher pour son audience avec le Juge. Elle part dans un fourgon blindé, sous haute surveillance, encadré par des agents de police. Toute cela lui semble tellement disproportionné et tellement inutile. Elle n'a rien d'une criminelle, elle ne ferait pas de mal à une mouche. Pourtant elle avait grièvement blessé Finn dans un accès de colère. Elle ne se l'expliquait pas, ses souvenirs de cette nuit-là étaient un peu flous, comme embrumés des larmes qu'elle avait versées.

Elle retrouve son oncle, son avocat maintenant, dans une petite pièce sécurisée attenant à la salle de tribunal. Elle reste calme, elle écoute les dernières recommandations. Ensuite elle revoit sa mère, mais elle n'a pas le droit de l'approcher et elle est tenu à distance sur le banc des accusés.

« Affaire suivante ».

Après des heures d'attente, des heures d'écoute : les témoignages, les explications, les faits et les accusations retenus, elle passe à la barre. Elle sait qu'il est là, Finn, juste en face d'elle mais elle ne le regardera jamais.

Clarke ne craque pas. Elle garde la tête haute et le regard droit. Elle s'explique, elle se défend.

De retour du Palais de Justice, quand Clarke réintègre la prison, elle est un zombie, abasourdie. Elle arpente les couloirs, elle se fait bousculer et ne réagit pas. Elle rejoint sa cellule et Vause semble inquiète au premier coup d'œil. La mine de Clarke est alarmante. Le verdict est tombé. Elle s'est recluse sur elle-même. Elle s'est retiré dans le silence sous le coup de la sentence.

Coups et blessures : coupable.

Non-assistance à personne en danger : coupable,

Et aggravé de par sa qualité d'étudiante en médecine.

Délit de fuite : coupable.

Malheureusement, le Juge en question n'était pas coopératif du tout. Il était soupçonneux et méfiant. Il écoutait d'une oreille parfois, il était détestable. Il devait nager dans de salles affaires ou n'aimait pas les femmes trop sûres d'elles. Ou bien, simplement, était-il de mauvais humeur ce jour-là ?

Cela étant dit quand le verdict tomba sous son seul avis, Abigail Griffin pleura toute les larmes de son corps, encore une fois, et Finn Collins semblait soudain regretter d'avoir été jusqu'au bout de ses accusations. Car Reaven l'avait quitté à sa sortie de l'hôpital, furieuse d'avoir été trompé et abusé. Car Clarke ne répondait plus et avait disparue. Il avait perdu la tête et par amour dirait-il par folie, corrigerais certain, il avait porté plainte et par fierté n'avait rien renié.

Clarke avait regardé sa mère en pleure et son oncle désabusé, essoufflé de s'être battu pour la défendre. Elle accuse le coup sans sourcillé, une partie d'elle-même s'effondre alors mais elle garde toutes ses émotions bien enfouis au fond d'elle. Comme un poids sur les épaules qui soudain devient plus lourd alors qu'on espérait le contraire.

Elle n'adressa pas un seul regard à Finn. Le juge y verra une sorte de signe, comme si elle était dénuée de remord pour ce coup presque fatal, comme si cette fille ne ressentait rien alors que ses mots n'avaient eu de cesse de s'excuser. Elle a blessé son ami, le coup à atteint le poumon à quelques centimètres du cœur, elle est partie à toute vitesse, elle n'a pas donné signe de vie pendant plusieurs mois. Le juge ne retient que ça. Le mensonge et la tromperie n'entrant pas dans ses circonstances atténuantes, il la condamne pour tentative d'homicide non prémédité.

Clarke, le regard dans le vide, raconte tout à Vause. Elle finit son récit par « condamnation : dix-huit mois fermes et mise à l'épreuve ».

Une larme nait dans son œil droit et coule lentement sur sa joue. Une douleur lancinante lui parcourt la nuque. Une boule dans la gorge se noue et l'air lui manque soudainement. Comme une douleur fantôme, comme le couperet du bourreau imaginaire qui finit le travail du juge et exécute la sentence.

Vause sent sa camarade craquer, après avoir été bien courageuse, alors elle saute de son lit et va la prend dans ses bras. Clarke, après quelques réticences et mouvements de recul, accepte l'étreinte -un peu forcé mais nécessaire- de Vause. La brune la serre contre elle et la berce, elle calme les sanglots que Clarke tente d'étouffer et de réfréner avec difficulté.

Cette nuit-là, un orage de chaleur éclata. Les éclairs bleus prenaient une dimension effrayante au travers des hauts plafond vitrés de leur allée. Les ombres des barreaux et les rayons lumineux faisaient trembler et hurler certaines détenues. Au milieu de la nuit, l'orage électrique se transforma en tempête violente. La pluie s'abattit lourdement sur la tôle et les vitres. Le bruit sourd des gouttes de pluie sur la bâtisse plonge Clarke dans une semi conscience, totalement effondrée. Elle s'endors dans les bras de Vause, sans vraiment sans rendre compte.