Chapitre 1

Mycroft déplaça sa Reine. Il avait déjà réfléchi à la façon dont Sherlock réagirait pour se sortir de cette mauvaise passe, et avait poussé le raisonnement jusqu'à deviner que son frère saisirait la seule occasion de l'attaquer immédiatement s'il bougeait une autre pièce. C'est après tout ce que lui-même ferait. La partie aurait pu basculer en deux coups s'il n'avait pas réfléchi plus longtemps. Et il aurait perdu. Ce qu'il n'aurait effectivement pas pu se permettre, son honneur d'aîné étant en jeu. Mais à présent, il avait au moins trois coups d'avance. Sherlock était fait ! Et ce dernier le savait.

-Et bien cher frère ? Tu t'es encore une fois fait avoir ? Tu es bien trop lent et stupide, je te l'ai déjà dit. Que cherches-tu donc à t'obstiner, si ce n'est l'humiliation suprême ? fanfaronna Mycroft.

Sherlock soupira. Il avait effectivement demandé à son frère de disputer une partie d'échecs car celui-ci l'avait battu la fois précédente. Il souhaitait prendre sa revanche et savourer le plaisir de le voir humilié. Mais il avait perdu. Une fois encore. Il décida de se donner une contenance et de gagner du temps.

-Je pourrais encore te battre, tu le sais très bien.

-Et comment je te prie ?

-Si tu es si intelligent, réfléchis. Pour ma part, tu sais très bien que je ne supporte pas les longs trajets en voiture. C'est pour cela que je refuse de continuer à jouer. Je préfère reporter mon attention sur la route, qui est sinueuse comme tu n'as pas dû manquer de le constater.

-Sherlock, je te connais tu sais. Tu ne veux simplement pas que je me délecte de la longue agonie que j'ai promise à tes pièces. D'ailleurs, tu n'as pas été malade en voiture depuis tes dix ans. Tu en as trente-cinq maintenant…

-Je ne suis pas malade quand je conduis.

-Tu ne conduis pas à Londres. Tu prends un taxi. Et pourtant, tu te sens très bien.

-Le trajet est plus long parce qu'il y du trafic, et les taxis sont généralement confortables. Ce qui n'est pas le cas de cette voiture. Regarde-nous ! On ne peut même pas mettre nos jambes sans que les genoux touchent les sièges avant.

-Ne te trouve pas d'excuses, et joue, ordonna Mycroft.

-Très bien, je vais gagner, et en plus je vais rendre mon déjeuner sur toi pour pousser l'humiliation jusqu'au bout.

-Bien, Sherlock. Bien. Par égard pour mes chaussures cirées et ta fierté mal-placée, je t'accorde le bénéfice du doute.

-Avez-vous fini de vous chamailler ? demanda Madame Holmes.

Mycroft décolla son dos de la banquette arrière et se pencha vers le siège avant où était assise sa mère.

-Maman, je te rappelle que toi et papa nous avez fait quitter Londres il y a cinq heures, et qu'à cause de vous, je risque de manquer une importante réunion avec le gouvernement. Pour couronner le tout, nous sommes en route pour une destination qui nous est encore inconnue, sur une route sinueuse qui risque de rendre malade Sherlock dans une voiture trop petite et inconfortable. Auriez-vous l'obligeance de nous donner quelques explications ? Vous nous les devez bien il me semble.

En fait de « petite voiture inconfortable », il s'agissait du Range Rover Defender que Sherlock avait emprunté à ses parents pour se rendre avec John dans le Dartmoor.

-Je pensais vous réserver la surprise, dit Madame Holmes, mais comme apparemment, vous êtes incapables de patienter, je vais devoir céder. Es-tu d'accord Scott ?

Monsieur Holmes hocha la tête en soupirant en signe d'assentiment.

-Bien. Vous n'ignorez pas qu'après cette sombre affaire d'attentat qui a menacé de faire sauter le parlement, et que tu as empêché Sherlock…

-Je me demande si j'ai bien fait, interrompit l'intéressé. Mycroft devait assister au débat. J'aurais dû m'enfuir et laisser exploser la bombe.

Mycroft leva les yeux au ciel, comme il en avait l'habitude lorsque son frère sortait une répartie acerbe.

-Oh ! Sherlock ! s'exclama Madame Holmes, indignée. Bon, je choisis d'ignorer cette réflexion. Ne t'avise pas de recommencer.

-Ce sera difficile, mais je te préviendrai lorsque cela risquera de se présenter, afin que tu ne puisses pas l'entendre, répondit Sherlock.

-Je disais donc qu'après avoir empêché cet attentat, tu méritais un peu de repos Sherlock. Je souhaitais aussi te remercier de nous avoir accompagnés à la représentation des Misérables, Mike.

-Maman, combien de fois faudra-t-il te rappeler de ne pas m'appeler Mike, mais Mycroft ? C'est le nom que vous m'avez donné à la naissance, si tu pouvais t'y tenir… dit Mycroft en essayant de refouler l'agacement qu'il sentait poindre en lui, un sourire forcé sur le visage.

Madame Holmes éluda cette remarque d'un geste et poursuivit.

-Cela m'étonne que cette route ne vous rappelle rien. Nous nous dirigeons vers l'Ecosse, chez Papy William. Comme vous ne l'avez pas vu depuis longtemps, et que j'ai pensé que l'air de la campagne vous ferait le plus grand bien pour les vacances de Noël, je lui ai téléphoné il y a une semaine. Il est ravi que nous venions.

A la mention de « Papy William », le sourire de Mycroft s'évanouit et il se renfonça dans la banquette arrière. Sherlock resta impassible. Il observa simplement du coin de l'œil la tête déconfite de son frère. Pour une fois, il compatissait. Les vacances chez Papy William étaient les pires que l'on pût imaginer pour un homme tel que lui, ayant besoin d'une stimulation intellectuelle constante. Il avait l'habitude de s'ennuyer, mais passer les vacances à Londres diminuait vraiment les probabilités de n'avoir aucune enquête.

-J'avais oublié… Noël… qu'est-ce donc cette manie de fêter chaque année la naissance d'un soi-disant sauveur ? S'il existait vraiment, il aurait pitié de nous et ne vous pousserait pas à nous emmener chez Papy William. Quel supplice ! Sherlock, c'est décidé. Je défends la théorie philosophique que la Terre n'est qu'un purgatoire.

Sherlock sourit.

-J'ai emmené mon revolver.

-Pourquoi faire ? demanda Mycroft.

-C'est évident, non ? rétorqua Sherlock.

-Ah, oui… dans ce cas précis, ça l'est. J'espère que tu feras preuve de charité en cette période de Noël et que tu appuieras sur la gâchette une fois le canon collé sur ta tempe. Ce sera déjà suffisamment difficile de supporter la cornemuse de Papy sans y ajouter ta stupidité.

Monsieur Holmes leva les yeux au ciel mais retint à grand peine un sourire. Ses fils avaient vraiment un sens de l'humour très noir. Car les deux étaient capables de se blesser mutuellement grâce aux mots. Ce serait à qui frapperait le plus fort, il le savait. Des joutes verbales. C'étaient exactement les termes à employer. Pour l'instant, Mycroft menait, mais il était sûr que Sherlock répliquerait selon la loi du talion. Œil pour œil, dent pour dent. Les secondes qui suivirent devaient lui donner raison.

-En fait, je songeais plutôt au contraire. Tu ne supporteras pas plus d'une journée le fait d'être privé de communication avec le gouvernement et surtout… avec Anthéa, dit Sherlock, en affichant un sourire en coin.

-Qui est cette Anthéa ? demanda Madame Holmes sur un ton inquisiteur.

-Personne, répondit Mycroft en sentant le rouge lui monter aux joues.

-Si, dit Sherlock pour enfoncer le clou. Il s'agit de la dame qui gère son emploi du temps et ses communications. Elle est très jolie…

Il jubilait. Il se délectait comme Mycroft s'était délecté de le voir frappé par les Serbes deux mois plus tôt. Il considérait comme une victoire le fait de voir son frère s'empourprer, de le mettre dans une situation embarrassante.

-En tout cas, elle ne te laisse pas indifférente, dit Monsieur Holmes en regardant dans son rétroviseur.

Il avait raison. Mycroft appréciait en effet beaucoup la jeune femme. Elle était aussi mystérieuse que lui, et c'était cela qui l'attirait. Il le savait pertinemment, mais ne voulait pour rien au monde l'avouer. C'était à son tour de se donner une contenance.

-Voilà qui n'est pas très malin, mon cher frère, dit-il de la voix ironique et doctorale qui lui était propre. Mais Sherlock n'aurait pu se méprendre sur la note menaçante qui y perçait.

-Je ne fais que te rendre la pareille.

-Tu es vraiment stupide, plus que je ne l'avais évalué après toutes ces années passées en ta compagnie. Années désagréables, j'en conviens. Mais je ne vais pas me plaindre. Le plus dur a dû être de te supporter toi-même. Est-ce que l'idée d'être attiré sentimentalement par une personne du sexe opposé alors que je ne donne pas dans les « poissons rouges » ne t'a pas semblée incongrue ? Cela ne t'a donc pas effleuré ?

-Alors « sexuellement attiré » peut-être ? demanda Sherlock d'un ton taquin.

-Pas autant que toi, cher frère.

Sherlock fronça brièvement les sourcils, comme il le faisait lorsqu'il ne comprenait pas. Ce qui n'arrivait pas souvent. Mais il feignait. L'habitude d'être pris pour cible pendant toutes ces années, d'abord par ses stupides camarades de classe puis par son frère l'avaient entraîné à donner le change. Et il feignait car il comprenait, parce que Mycroft l'avait touché. Parce qu'il avait raison.

-Que veux-tu dire ?

-Sherlock, tu le sais aussi bien que moi. Je suis sûr que Maman et Papa seraient ravis de savoir que tu vas voir des vidéos suggestives sur internet.

-Quoi ?! s'exclama Madame Holmes.

-Oh, pardon, ça m'a échappé... dit Mycroft.

-Il dit n'importe quoi, maman. Tu sais bien que je suis un cerveau et que le reste de mon corps n'est qu'un appendice. Par conséquent…

-Nous savons la suite, Sherlock, l'interrompit Mycroft. Tu ne manges pas pendant une enquête afin d'éviter que la digestion ne te ralentisse, et tu te soustrais à tout sentiment afin de ne pas obscurcir ton jugement. Heureusement que l'expérience que tu as eue en te confrontant à Irène Adler t'a servie de leçon. Tu as trahi un secret d'état sans le savoir afin de l'impressionner, et tu aurais pu laisser cette dominatrice mettre le pays en faillite en échange de sa « protection ». Et je te prie de cesser de faire croire que je dis « n'importe quoi ». Ton ordinateur est si facile à pirater… tu devrais penser à effacer l'historique, et savoir qu'un simple mot de passe n'est pas le meilleur gage de sécurité qui existe.

Sherlock venait d'être proprement remis à sa place, et il enrageait.

-En tout cas, dit Madame Holmes, le fait de te trouver en Ecosse en période de Noël loin de portée de wifi, c'est bien comme cela que vous appelez la connexion ?

Ils ne répondirent pas. Sherlock car il avait été humilié pour la seconde fois de la journée, et Mycroft car il se souvenait soudain qu'il serait privé de communication, ce qui le mettait de mauvaise humeur. Madame Holmes poursuivit donc :

-Prenez les choses comme vous le souhaitez, papa et moi pensions pourtant que cela vous ferait plaisir. Je disais que d'être loin de portée de wifi, et d'avoir peu de… comment déjà ? réseau pour vos portables vous aiderait à profiter au mieux de ces vacances. Et surtout Sherlock, cela te permettra de détourner tes pensées de ce genre de vidéos obscènes.

-Je ne regarde pas de vidéos obscènes, répondit Sherlock en prenant soin de décomposer ce dernier mot.

-Peu importe. J'ai pris le livre que j'ai écrit pour t'occuper : « Les Facteurs de la Combustion ». Je pense que ça devrait t'intéresser, toi qui aimes la chimie. C'est un peu daté, mais c'est toujours véridique.

Sherlock soupira. Il songea que si cela avait été possible, il aurait tout donné pour retourner à Baker Street et se retrouver en compagnie de John et Mary. Lui n'avait pas oublié que Noël approchait car Mary lui avait demandé conseil pour savoir ce qui ferait plaisir à John. Il ignorait pourquoi il lui avait recommandé d'acheter un pull à son fiancé. Cela devait faire partie de son inconscient car il était incapable d'en donner l'explication.

-Je suppose qu'il n'y a pas la télé là-bas, demanda Mycroft à tout hasard.

-Non, effectivement, répondit Monsieur Holmes.

-J'aurais dû m'en douter…

-Pourquoi as-tu besoin de regarder la télé ? demanda Sherlock d'un ton presque hargneux. Il te serait trop difficile de manquer un épisode des Eastenders ?

-Comme c'est amusant cher frère. Non, je voulais simplement suivre en direct les débats que menait le gouvernement. Mais ce genre de programme doit certainement dépasser tes capacités intellectuelles.

Sherlock aurait bien détaché sa ceinture pour lui faire une clef de bras s'ils n'étaient arrivés à destination et que Mycroft avait déjà saisi l'occasion de sortir de la Range Rover.

-Tu ne perds rien pour attendre, le menaça Sherlock.

-Je t'en défie. Tu n'auras pas fait un pas que je t'aurai assommé avec mon parapluie.

-Il semble que tu aies oublié un détail important.

-Ah oui ? Et lequel ? demanda Mycroft, tout sourire.

-Mon revolver.

-Allons donc, tu devrais savoir qu'il serait mal placé d'arrêter des criminels si tu en devenais un toi-même.

-Merci pour cette remarque très pertinente, dit Sherlock avant de sortir à son tour de la voiture.

Il n'avait pas sérieusement envisagé de tirer sur son frère bien sûr, seulement de l'intimider. Mais à l'évidence, cela ne marchait pas. Il rejoignit ses parents à côté de la voiture. Sa mère désignait un château.

-Voyez ? C'est là qu'habite Papy. Vous vous souvenez ?

Sherlock et Mycroft considérèrent le domaine puis observèrent le paysage alentour. Les nuages gris, poussés par le vent, formaient des ombres mouvantes sur les plaines verdoyantes qui s'étendaient à perte de vue. Il y planait une atmosphère étrange, une atmosphère de mystère, qui rappela à Sherlock ce qu'il avait ressenti dans le Dartmoor. L'endroit était tout aussi morne. Il était plus sensible à son environnement qu'il ne le laissait paraître. Pourquoi, hormis pour des raisons professionnelles aurait-il pris la peine d'apprendre à observer si ce n'avait pas été le cas ? Toujours est-il qu'il songea que les vacances allaient être encore plus pénibles que ce que Mycroft et lui avaient escompté. Une idée lui traversa soudain l'esprit, et il rompit le silence pour poser la question qui importait subitement le plus à ses yeux.

-A combien de kilomètres se trouve la ville la plus proche ?

-Une dizaine, répondit Monsieur Holmes. Il s'agit d'Aberdeen. Une très belle ville d'Ecosse. Nous irons y faire une excursion si tu veux.

-Quand ?

-Et bien, pourquoi pas demain avec Papy William ?

Il était content que son fils s'intéresse un tant soit peu à autre chose qu'à ses affaires criminelles. Mais Sherlock songeait à tout autre chose. Il avait en tête de prendre le premier train pour Londres une fois qu'ils se rendraient à Aberdeen, et il n'était pas assez égoïste pour ne pas faire part à son frère de ce projet dans la soirée. Il se doutait que Mycroft souffrait autant que lui de cet éloignement et de l'ennui que promettait un séjour d'une semaine en Ecosse. Il ne voulait pas faire de peine à ses parents. Une fois arrivé en ville, il y aurait forcément du réseau. Il leur enverrait un message juste avant de partir.

Ils se dirigèrent donc vers le château. Mycroft marquant le rythme en faisant balancer son parapluie et Sherlock, les mains dans les poches de son manteau. Avait-il remonté son col pour mieux faire partie du paysage ou pour impressionner son grand-père, ou encore pour frimer, il l'ignorait. Peut-être les trois. Mais la perspective de quitter l'Ecosse de façon anticipée lui remontait le moral. Arrivé au pont-levis, derrière la douve, Monsieur Holmes mit ses mains en porte-voix et cria :

-Papa ! C'est nous !

Il n'y eut aucune réponse. Mycroft observa le bout ferré de son parapluie. Sherlock soupira et prit la parole :

-Il est peut-être mort. Dans ce cas, mieux vaut ne pas rester ici, il ne nous ouvrira pas.

-Sherlock, n'as-tu pas honte de dire des choses pareilles ? Je lui ai téléphoné il y a une semaine ! s'exclama Madame Holmes.

-Et alors ? La mort ça ne prévient pas. Je te parle en connaissance de cause.

-Papy est un peu dur de l'oreille, voilà tout, dit Monsieur Holmes. Je vais l'appeler de nouveau.

Ce qu'il fit. Cette fois, la tête du grand-père émergea de derrière les murailles du château.

-Oh ! Scott, quel plaisir de te voir ! Mais il y a aussi Lydia, et Mycroft… et le petit Sherlock ! Je vous ouvre tout de suite !

Mycroft ne put se retenir de rire en entendant son frère se faire appeler le « petit Sherlock ». Les parents Holmes le regardèrent en souriant. L'intéressé se rembrunit.

-C'est hilarant, en effet, dit Sherlock d'un ton menaçant.

Ils n'eurent qu'à attendre deux minutes, car le pont s'abaissait déjà dans un bruit de ferraille, en grinçant et craquant. Un son de cornemuse s'ensuivit. Sherlock et Mycroft reconnurent immédiatement les premières notes de Scotland the Brave, un morceau qui avait failli devenir l'hymne écossais. Ils serrèrent discrètement les dents, à défaut de pouvoir se boucher les oreilles car ils savaient pertinemment que le grand père était sourd, mais pas aveugle.

-Bienvenue dans mon château, mes enfants !

-Et bien, quel accueil ! dit Mycroft d'un ton ironique.

Mais Papy William ne saisit pas la nuance et l'étreignit dans ses bras. Puis ce fut au tour de Sherlock. Et de leurs parents.

-Papa, il me semble que tu n'utilises pas souvent ton pont. Je me trompe ? demanda Scott Holmes.

-Tu as raison. Je ne le réserve que pour les grandes occasions, lorsque je reçois des invités par exemple. Mais moi-même, j'utilise un passage souterrain pour m'épargner trop d'efforts et éviter de laisser le pont-levis baissé lorsque je m'éloigne. Je vis peut-être à la campagne, mais pour ce qui est de m'approvisionner, je vais à Aberdeen. Mais suivez-moi à l'intérieur, allez ! dit-il d'un ton empressé.

Et il reprit sa cornemuse pour jouer « Flower of Scotland ». Mycroft se pencha légèrement de côté afin que Sherlock entende ce qu'il avait à lui dire, car il avait bien l'intention de parler à voix basse.

-Si on cherchait encore à savoir pourquoi notre grand-père est sourd ! Il est heureux que tu aies songé à demander où se trouvait la ville la plus proche. Prendre le train demain est une bonne idée. Au-delà de cette durée, je ne garantis pas que la qualité de mon audition reste excellente.

Sherlock hocha la tête puis s'aperçut que Mycroft en savait beaucoup à propos de ce qu'il comptait faire. Comme s'il avait lu dans ses pensées, ce dernier lui dit :

-Et oui Sherlock. J'ai immédiatement deviné toute la portée de ta question. Tu ne croyais tout de même pas que j'allais manquer l'occasion de quitter avec toi cet endroit ennuyeux ?

-J'allais te le proposer.

-C'est vraiment gentil de ta part, cher frère. Sache cependant que je ne l'aurais pas fait si j'avais eu cette idée à ta place. Bon, rentrons.

Alors qu'ils se dirigeaient vers le pont-levis, Sherlock eut soudain l'impression qu'ils n'étaient pas seuls. Il tourna vivement la tête vers la gauche et détecta un mouvement. Il fronça les sourcils, scrutant l'endroit où il avait cru déceler cette présence. Il vit une silhouette se tenant debout et immobile, au loin. Elle se trouvait à plus de cinq-cents mètres du château, mais Sherlock savait qu'on le regardait aussi. C'est alors qu'il distingua son visage.

-My… Mycroft… dit Sherlock à grand peine.

Ce dernier ne répondant pas, Sherlock se tourna vers lui pour constater qu'il s'était déjà éloigné et traversait le pont-levis. Puis il observa à nouveau l'endroit où se trouvait l'homme qu'il avait vu, car c'était un homme ! mais il avait disparu. Il jugea finalement inutile d'en parler à Mycroft. Car après tout, la personne s'était volatilisée. Son frère lui demanderait s'il avait bien arrêté de se droguer, et il subirait une troisième humiliation dans la même journée, ce qu'il ne souhaitait pas. Peut-être était-ce une illusion. Peut-être n'était-ce qu'un simple promeneur. Ou peut-être avait-il rêvé. Mais plus il y songeait, plus il se disait que ça ne pouvait être le cas. Ce qu'il avait vu était réel. Pourtant, comment cela pouvait-il être possible ? Car l'homme qu'il avait vu, n'était autre que…

James Moriarty.