Bonjour ! Cette fic a été écrite pour l'event de Noël organisé par le forum de My Hero Academia. Mon cadeau est destiné à notre chère Moira-chan ! Merci pour tout ce que tu fais et j'espère de tout coeur que cette fic te plaira !

Cette histoire contient quatre chapitres. Les mises à jour seront très régulières, tous les deux jours, pour se terminer le 31 décembre.

Comme toujours, My Hero Academia appartient à Kōhei Horikoshi.

Attention, cet OS contient des spoils jusqu'au chapitre 192 !

Je vous souhaite une bonne lecture et un joyeux Noël !


Nouvelles chances

Septembre

Et voilà, ils allaient le faire. Dans peu de temps, tout serait fini, terminé. Au bout de douze années à faire illusion, la réalité allait enfin reprendre ses droits. Ils allaient, prochainement, signer les papiers du divorce, Rei serait enfin libre. Enji aurait dû se réjouir pour elle, mais il n'y arrivait pas. Il ne pouvait que regarder sa femme – bientôt son ex-femme – sans dire un mot. Dire qu'il était dévoré par les regrets serait un euphémisme. Il aurait voulu que les choses tournent autrement. Etre un bon mari, s'occuper de ses enfants, prendre soin de sa femme. Il n'avait fait aucun des trois. Et maintenant, il ne pouvait qu'essayer de causer le moins de dégâts supplémentaires possible. Divorcer était donc le moins qu'il puisse faire...

Rei était sortie de l'hôpital depuis un mois à peine. Enji l'avait laissée revenir à la maison alors que lui était parti séjourner à l'hôtel. Mais ce n'était qu'une situation temporaire. Ils l'avaient su tous les deux, sans même en parler. Ce n'était plus viable. Comment pourraient-ils vivre ensemble à nouveau ? Et même si Rei lui pardonnait, et même si Enji savait qu'il ne lui ferait plus de mal, ils n'avaient désormais plus rien en commun à part leur quatre enfants. Enji n'était pas amoureux d'elle. Et pourtant, si Rei l'avait souhaité, il serait resté marié avec elle. Pour assumer ses responsabilités. Et pour palier à toutes ses erreurs. Mais, pour une fois, ils étaient tous les deux sur la même longueur d'onde. Alors quand Rei lui avait fait part de son envie de mettre fin à leur mariage, il avait accepté, sans émettre d'objection. Mais il ne pouvait pas s'en réjouir. Pas après l'avoir tant fait souffrir.

Il pouvait le voir. Même après tout ce temps... elle avait encore peur de lui. C'était la première fois en douze ans qu'ils se retrouvaient seuls. Jusqu'ici, ils n'avaient communiqué que par écrit. Enji avait fait attention à ne pas lui imposer sa présence, mais pour mettre fin à leur histoire, il avait bien fallu qu'ils se retrouvent. Alors, elle était là, face à lui, le regard baissé sur la table qui les séparait. Enji aurait aimé pouvoir faire un geste vers elle, mais il ne pouvait rien faire au risque d'aggraver la situation. Il fallait juste qu'ils parlent, qu'ils mettent leur affaire en ordre, qu'ils trouvent un accord et ce serait bon.

Enji posa alors ses mains sur la table, essayant de paraitre le plus calme possible. Ils étaient tous deux installés à la table du salon. C'était une situation familière quelque part, mais déplaisante malgré tout. La tension était clairement palpable. Enji l'avait sentie dès qu'il était entré dans la maison. Et quand il avait retrouvé sa femme – son ex-femme – déjà assise, les yeux rivés droit devant elle, il avait senti que la conversation ne serait pas évidente. Heureusement, ils étaient seuls. Cela signifiait que Rei avait un minimum confiance en lui. Cela l'aidait un peu. Mais ça ne l'avait pas empêché de sombrer dans le silence après qu'ils se soient à peine salués du bout des lèvres. Soupirant fortement, il se força alors à reprendre la parole. Et comme à son habitude, il ne s'encombra pas de détails et alla droit au but.

« Je peux te laisser la maison, si tu le souhaites, commença-t-il mal à l'aise.

— ... Non, je ne préfère pas, murmura-t-elle. J'ai trop de mauvais souvenirs ici. »

Enji hocha la tête. Bien sûr, il comprenait. L'inverse aurait même été surprenant.

« Tu sais où tu vas aller vivre ?

— Je trouverai bien. J'irai sans doute chez ma mère dans un premier temps. »

Enji tiqua à cette phrase. Il savait que Rei avait toujours eu des rapports très compliqués avec sa mère. Il ne voulait pas la voir retourner chez cette femme odieuse. Elle méritait mieux que ça.

« Je te paierai un appartement ou une maison, comme tu préfères. » déclara-t-il alors d'une voix bourrue.

Pour la première fois depuis qu'il était entré dans la pièce, Rei leva les yeux vers lui. Son regard était hésitant, mais quand elle vit que son visage était calme, elle sembla se détendre quelque peu.

« Tu n'es pas obligé, Enji.
— Bien sûr que si. Et je te donnerai une pension alimentaire tous les mois. J'ai indiqué le montant sur les papiers. Est-ce que ça te convient ? »

Il lui tendit le papier qu'il avait préparé avec son avocat. La somme était plus que raisonnable. Il ne faisait pas ça par culpabilité, mais parce qu'il estimait que c'était son devoir. C'était lui qui lui avait demandé de rester à la maison pour s'occuper de ses enfants. Elle n'avait aucun revenu, aucune économie. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne pourrait pas s'en sortir seule. Alors c'était son rôle de compenser ce manque.

Rei lut le papier, avant de le regarder à nouveau. Elle le scruta longuement, comme si elle cherchait des réponses sur son visage. Enji avait toujours été mal à l'aise quand elle le regardait comme ça, il avait sans cesse l'impression qu'elle pouvait lire en lui et ce n'était pas une sensation agréable.

« Ça me convient, finit-elle par lui répondre.

— Parfait. En attendant que tu trouves où loger, tu peux rester ici.

— C'est gentil, Enji... Ce ne sera pas long, je te le promets.

— Prends le temps qu'il faudra. »

Il n'était pas pressé. Et de toute façon, ce n'était pas comme s'il rentrait souvent à la maison. Il faisait plus attention pour Fuyumi, mais vu que Rei était rentrée, sa fille passait son temps avec elle de toute manière.

Ils s'observèrent un instant, sans rien dire. La tension s'était un peu dissipée, même si Rei restait sur ses gardes. Même en ayant vécu toutes ces années ensemble, en cet instant précis, ils avaient l'impression d'être de parfaits étrangers l'un pour l'autre.

« ... Fuyumi m'a dit que tu avais changé... Je vois que c'est vrai...

— J'essaye... Même si ça n'effacera jamais le mal que je t'ai fait.

— ... Je ne veux pas en parler... Ça ne servirait à rien. »

Rei ne voulait pas s'attarder sur le sujet. Elle avait perdu trop de temps à ressasser le passé. Mais c'était fini maintenant. Elle voulait juste profiter du présent.

« Je ne t'en veux plus, Enji. Je veux juste passer à autre chose. »

Leurs regards se croisèrent à nouveau. Enji ne savait pas quoi lui dire. Enfin, en vérité, il avait tant de mots à lui dire, mais rien ne sortait de sa bouche. Ses épaules s'affaissèrent lorsqu'il comprit qu'il ne pourrait jamais s'excuser comme il le faudrait. Parce que c'était trop compliqué, parce que ça ne servait plus à rien. C'était juste trop tard pour ça.

« Lis bien les documents, furent les mots qu'il put prononcer, bien loin de toutes les excuses qu'il lui devait. Si ça te convient, je peux avoir un rendez-vous chez le juge dès demain. »

Rei acquiesça alors que ses yeux balayèrent rapidement le document qui lui faisait face. La tension était toujours présente, même s'ils faisaient tous les deux des efforts pour que cela se passe bien. Enji sentait, malgré tout, que Rei avait encore du mal à lui faire face. Elle avait beau tout faire pour le cacher, il voyait bien que ses mains tremblaient légèrement. Il savait qu'il ne devrait pas rester longtemps. Il ne voulait pas la mettre au plus mal.

« Est-ce qu'il y a quelque chose d'autres dont tu voudrais me parler ? lui demanda-t-il en essayant de garder un ton convenant.

— Oui... Les affaires de la maison... Comment veux-tu les séparer ?

— Comme tu veux... Prends ce que tu veux...

— ... Je te ferai une liste.

— Très bien. C'est tout?

— Oui, répondit Rei à voix basse

— Alors... Je te laisse. N'hésite pas à m'envoyer un message si tu as la moindre question. »

Il se redressa, maladroit. Leur rencontre avait été de courte durée. Mais il sentait que ça ne servait à rien de s'attarder. Même si ça n'avait pas été long, ça avait été une vraie victoire pour Rei. Et c'était tout ce qui comptait. Ils avaient réussi à se parler seul à seul sans aucune crise...

Quand Rei entendit la porte d'entrée se fermer, ses épaules s'affaissèrent. Toute la tension la quitta. Elle plongea son visage dans ses mains. Elle était tellement soulagée... Quand Enji avait dit qu'il apporterait une proposition pour les papiers du divorce, elle avait craint que cela se passe mal. Mais il avait changé. Et elle aussi. Elle était plus forte désormais. Elle avait réussi à lui faire face... Elle se sentait... fière d'elle... Elle regarda alors les papiers qui lui faisaient face, comme pour s'assurer que c'était bien réel. Mais oui, ça l'était... C'était fini. Tout son cauchemar était terminé. Elle avait l'impression d'enfin se réveiller. Elle se sentait bien... et triste en même temps... Ce sentiment la prit au dépourvu. Elle ne savait qu'en faire, mais c'était plus fort qu'elle. Elle était triste. Triste pour leur histoire qui n'avait été qu'un gâchis de part en part. Triste pour toutes ses années perdues. Triste pour l'Enji et la Rei du passé qui avaient eu bien d'autres ambitions que de se retrouver dans cette situation. Ça lui passerait, elle le savait, parce que le soulagement était plus fort... mais, en attendant, c'était bien là quand même... Il fallait juste faire avec...


Les papiers du divorce furent signés le lendemain. Sans accroc, sans histoire... Alors qu'ils s'étaient déchirés tout au long de leur mariage, leur séparation fut d'une facilité déconcertante en comparaison. Mais il n'y avait aucune joie. Il n'y avait rien à célébrer. Juste du soulagement de pouvoir enfin tourner la page et un vide étrange...

Rei avait prévu de passer la soirée avec ses enfants. C'était sa manière à elle de profiter de cette nouvelle vie qui s'annonçait, d'aller de l'avant. Enji avait, lui aussi, quelque chose de prévu. Honnêtement, il n'avait pas tenu à rester seul un soir comme aujourd'hui. La solitude, il ne la connaissait que trop bien. Et même s'il n'était pas sûr que cette sortie soit une bonne idée, il en avait quand même besoin. Il avait donc rejoint Hawks dans un petit restaurant aux abords de Tokyo.

Au fil des années, c'était devenu un petit rituel entre eux sans qu'ils n'y fassent réellement attention. Hawks et lui se voyaient toutes les deux semaines pour manger ensemble. En général, c'était Hawks qui faisait le trajet. Ils se fréquentaient depuis deux ans maintenant. Et même s'il ne s'était rien passé entre eux, Enji n'était pas dupe. Il avait vu les regards que Hawks lui lançaient. Il avait compris les sous-entendus dans certaines de ses phrases. Mais il n'y avait jamais répondu. Il n'avait pas voulu l'encourager. Il aurait probablement dû couper court à ses visites fréquentes dès qu'il avait compris, mais il n'avait pas pu s'y résoudre. Parce qu'il était égoïste. Voir Hawks lui faisait du bien. Beaucoup trop de bien.

Il l'avait, au départ, vu comme un gamin insolent et insupportable. Mais, sans qu'il ne s'en rende réellement compte, il s'était attaché à lui. L'attaque du nomu avait tout changé entre eux. Enji savait qu'il était un bon héros. Hawks avait su gagner son respect, mais cela n'empêchait pas Endeavor de s'en faire pour lui. A la suite de ce combat, il l'avait vu dépérir à petit feux, sans qu'il ne puisse rien y faire. Ça avait été une période terrible pour eux deux. Voir Hawks dans cet état l'avait mis dans une colère terrible et dangereuse. Et c'était cette rage qui lui avait fait comprendre qu'il ne voyait pas le jeune homme uniquement comme un collègue... Hawks avait été au plus mal. Mais c'était terminé maintenant. Tout ça était derrière eux. Hawks allait mieux. Endeavor avait fini par apprendre son rôle d'espion, que Hawks avait su jouer jusqu'au bout. Grâce à lui, la Ligue avait été arrêtée. Enfin... La menace n'était pas encore entièrement éradiquée. Shigaraki était parvenu à s'enfuir. Et tant que ce sale type était dans la nature, tout était encore possible. Mais qu'importe... Pour l'instant, ce qui comptait, c'était que Hawks ait retrouvé son sourire.

Ils avaient commencé à se voir plus régulièrement après ça. Et leur relation avait pris une toute autre tournure. Seulement, Enji avait toujours veillé à ce que cela reste platonique. Il n'y avait donc rien d'ambiguë entre eux. Ils étaient juste de bons amis qui se voyaient de temps en temps, c'était tout... Il avait milles et une raisons de ne pas approfondir sa relation avec Hawks. Les milles premières n'étaient que de piètres excuses, mais la dernière était celle qui l'empêchait réellement de faire un pas vers le jeune homme. Il avait fait assez de mal à Rei comme ça. Rei passerait toujours avant Hawks dans sa tête, parce que c'était son châtiment. C'était ce qu'il méritait. Et dans le fond, c'était ce qu'il y avait de mieux pour Rei, mais aussi pour Hawks.

Cependant, Enji ne pouvait oublier le regard de ce dernier quand il lui avait annoncé que Rei revenait à la maison. Cela n'avait duré qu'une fraction de seconde, mais il l'avait bien vu. Hawks avait été blessé. Alors même qu'Enji ne lui avait jamais rien promis, alors même qu'ils n'avaient jamais parlé de cette attirance qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, Hawks avait été blessé. Enji avait alors préféré ne pas lui parler de la demande de divorce de Rei. Il ne voulait pas lui donner de faux espoirs. Parce que Rei pourrait changer d'avis. Et parce qu'il n'était pas vraiment convaincu que cela change quoi que ce soit entre eux. Mais maintenant que c'était officiel, il allait devoir le prévenir. Ce genre d'information ne resterait pas secrète longtemps et Enji préférait largement apprendre lui-même la nouvelle à Hawks, plutôt que ce dernier n'en prenne connaissance dans un journal quelconque.

Il était donc bien décidé à lui en parler lorsqu'il prit place en face de lui à la table de ce restaurant japonais gastronomique. Alors qu'il le salua, il ne put s'empêcher d'observer plus longuement son visage. C'était une habitude qu'il avait prise quand Hawks avait commencé à aller mal. Il l'observait pour être sûr de son état. Le sourire du plus jeune lui paraissait sincère, bien.

« Dure journée ? demanda Hawks avec un air taquin.

— Je ne vois pas pourquoi tu dis ça, répliqua Enji tout en prenant la carte.

— Tu as l'air d'avoir dix ans de plus.

— Hawks ! »

Et voilà, ça commençait. Ça ne faisait même pas cinq minutes qu'il était là que Hawks se moquait déjà de lui. Ce dernier rigolait longuement, alors qu'Enji soupira. C'était une habitude désagréable... mais c'était une habitude dont il ne se passerait pour rien au monde.

Ils commandèrent leur repas – sans surprise, Hawks prit du poulet – avant que ce dernier ne reprenne la parole.

« Tu as attrapé un vilain qui t'a mis de mauvaise humeur ? Ou pire, tu l'as laissé s'échapper ? demanda-t-il avec un large sourire moqueur.

— Ne raconte pas n'importe quoi, gronda Enji. Non, je ne travaillais pas aujourd'hui. Je devais régler certaines affaires.

— Ah ? »

Hawks le regarda, clairement désireux d'en savoir plus. Enji resta silencieux quelques secondes, avant de reprendre.

« Rei et moi avons divorcé aujourd'hui. »

Hawks ouvrit grand les yeux. Malgré toute sa bonne volonté, il ne put cacher sa surprise. Son coeur se mit à battre plus rapidement. Avait-il bien entendu ?

« Mais... je pensais que vous vous étiez remis ensemble.

— Je dors à l'hôtel depuis sa sortie de l'hôpital, avoua Enji.

— ... Eh bien... je suis désolé de l'apprendre... »

Hawks était un peu perdu par ces nouvelles informations. Il ne savait pas du tout comment les traiter. Enji était-il triste de ce divorce ? Hawks n'avait jamais su s'il aimait encore sa femme. Il n'avait même jamais cherché à le savoir, parce que la réponse aurait pu l'achever. Il était parfois bien plus simple de se bercer d'illusion dans son coin. Enji était inaccessible puisqu'il était marié. Il avait des obligations envers sa femme. C'était comme ça que Hawks avait vu la situation jusqu'ici. C'était très utile pour se protéger. Mais maintenant...

« Ne le sois pas, grogna Enji, c'était la suite logique.

— ... Que va-t-il se passer maintenant ?

— Elle se cherche un nouveau logement, mais en attendant elle vit encore à la maison et je reste à l'hôtel. »

Leur conversation fut interrompue lorsque le serveur leur apporta leur boisson. Enji en profita pour boire une longue gorgée, avant d'avouer à l'autre homme ce qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs jours.

« Je ne sais pas si elle va partir seule. »

Hawks le regarda, sans comprendre. Comment ça ? Avait-il peur qu'elle ait un amant ? A cette pensée, il ressentit un pincement au coeur. Enji était jaloux...

« Les enfants vont probablement la suivre. »

Oh. Les enfants. Oui, bien sûr. Hawks dût se retenir d'afficher un petit sourire. Il parlait juste des enfants...

« Je sais ce que tu vas me dire, s'agaça Endeavor avant même que Hawks ne prononce un mot. Fuyumi est en âge de partir et ne devait, de toute façon, pas rester encore longtemps chez moi. Shoto est en dernière année à UA en internat et Natsuo ne revient jamais à la maison de toute manière. Je le sais très bien ! »

Oui, il le savait. Mais cela ne l'empêchait pas de ne pas apprécier la situation. Il ne pouvait rien y faire, mais il était plus que probable que Fuyumi déménage en même temps que sa mère, tout comme Shoto. Il préfèrerait passer ses vacances chez sa mère, plutôt qu'avec lui. Quant à Natsuo... Il n'aurait plus aucune raison, désormais, de remettre les pieds à la maison. Divorcer de Rei, c'était donc aussi perdre ses trois derniers enfants. Il le méritait. Mais ce n'était pas agréable pour autant.

« Tu n'en sais rien, lui répondit alors Hawks avec un doux sourire. Tu devrais leur demander. »

Endeavor lança un regard froid à Hawks. Bien sûr, comme s'il allait faire ça.

« Et même s'ils s'en vont, tu ne seras pas seul pour autant. »

Sur ces mots, Hawks lui fit un clin d'oeil, provocateur. Il exagérait délibérément sa réaction pour cacher à quel point il était sérieux. Jamais il ne laisserait tomber Enji. Et maintenant qu'il n'était plus marié, il ne pouvait s'empêcher de se demander si... peut-être... il aurait une chance avec lui... Tous ces repas qu'ils avaient échangés... ces patrouilles qu'ils avaient fait en commun... Ces moments si précieux... Hawks ne les avait pas imaginés quand même... Le comportement d'Endeavor était parfois ambiguë à son égard. Il avait évité de trop s'emballer en pensant à Rei, mais maintenant... il avait du mal à ne pas le faire... Il fallait qu'il lui fasse comprendre qu'il était là. C'était peut-être déplacé, mais il devait le faire. Il devait savoir.

De son côté, Enji l'observa un moment, clairement pas dupe par ses mascarades. Il connaissait Hawks, il savait parfaitement ce qu'il voulait sous-entendre par cette phrase. C'était assez clair pour qu'il saisisse le message, mais assez flou pour qu'il puisse le rembarrer sans être trop direct.

« La solitude ne me dérange pas, déclara-t-il alors d'une voix assurée. Je ne tiens pas à avoir d'autres relations.

— … Ça viendra peut-être plus tard...

— Non. Aujourd'hui ou dans dix ans, ce sera pareil. Je ne me mettrai jamais avec quelqu'un d'autre que Rei. »

Et voilà, c'était dit. Clair, net et précis. Hawks se ramassa cette phrase de plein fouet. Son visage se décomposa. Incapable de jouer la comédie, il laissa un silence désagréable s'installer. Heureusement, le serveur ne tarda pas à leur apporter leur plat, lui donnant un peu de répit.

Enji se sentit mal à l'aise en voyant l'expression qu'il affichait. Il détestait ça. Faire du mal à Hawks, ce n'était pas une partie de plaisir. Mais c'était préférable. Il ne pouvait le laisser espérer. Parce qu'il ne tenait pas à s'engager avec lui. Même de façon légère. Recommencer une nouvelle relation alors qu'il venait juste de divorcer, alors qu'il avait tant fait souffrir sa femme, ça n'aurait aucun sens. Il ne cessait de se répéter cette phrase pour ne pas lui attraper la main... Un mot d'excuse lui brûlait les lèvres, mais, sans surprise, il resta silencieux. Baissant les yeux sur son assiette pour laisser le temps à Hawks de se remettre, il commença à manger.

Au bout de quelques minutes, Hawks finit par attraper ses baguettes et avala son premier morceau de poulet. Il fallait qu'il se ressaisisse. Bien, il avait dû mal interpréter ses signes. Ce n'était pas si grave... pas si grave... Il devait juste prendre sur lui... Ce n'est pas étonnant de toute façon... Comment avait-il pu croire qu'il pouvait avoir une chance... ? Endeavor était un homme. Un homme qui n'avait jamais montré la moindre attirance envers les personnes du même sexe que lui. Un homme qui avait plus du double de son âge. Il était ridicule d'y avoir cru...

« Shoto a bientôt fini ses études, se força-t-il alors à reprendre avec un léger sourire. Comment compte-il commencer sa carrière ? Tu vas l'aider à se lancer en solo ou il va travailler pour un autre héros ?

— Je lui ai proposé une place dans mon agence pour commencer, mais il ne m'a pas encore répondu. »

Enji fut plutôt satisfait du changement de conversation. Il souhaitait que tout redevienne comme avant au plus vite. Les choses avaient beau être désormais claires entre eux, cela ne devait pas les empêcher de continuer à être amis. Du moins, c'était sa vision des choses. Mais il n'était pas sûr que Hawks la partageait... Ce dernier faisait un effort, mais Enji savait bien que ce n'était qu'une façade.

« Ce serait bien pour lui, approuva Hawks. Je suis sûr qu'il lui faudra peu de temps pour se lancer dans une carrière solo. »

Il réussit à sourire plus franchement, avant de manger à pleine dents les restes de son poulet. Il se sentait toujours mal, mais faire semblant, c'était devenu une habitude pour lui.

Lorsque le diner se termina, Enji dut prendre sur lui pour ne pas retenir Hawks par le bras. Même si ce dernier ne montrait rien, Enji sentait bien qu'il avait cassé quelque chose entre eux.

« Bien, c'était une bonne soirée, se força à sourire Hawks. A bientôt Endeavor. »

Pas de petite pique humoristique, pas de phrases destinées à le mettre hors de lui. Juste un sourire qui ne trompait personne et un vague geste de la main. Endeavor le regarda ensuite s'envoler. Il se sentait mal, mais que pouvait-il faire d'autre ?

Il rentra alors à l'hôtel et se changea rapidement, avant de s'assoir sur le petit bureau. Il ouvrit son ordinateur et vérifia les dernières nouvelles. Il n'y avait rien de bien pertinent à lire. Il se désintéressa donc vite des informations et finit par aller au lit. Ce n'était qu'une mauvaise journée. Au plus vite il dormirait, au plus vite elle prendrait fin. Demain serait un meilleur jour. Mais alors que sa tête se posa sur l'oreiller, il ne put qu'entendre le silence. Un silence dérangeant, désagréable. Cela faisait pourtant des années qu'il était seul. Mais ce soir... ce soir, c'était un peu plus pénible que d'habitude. Son divorce venait d'être prononcé, mais ce n'était pourtant pas à Rei qu'il pensait.

Non... Il n'avait que Hawks dans son esprit. Il espérait que le jeune homme n'avait pas trop mal pris ses paroles. Mais quand on était aussi jeune, on se remettait facilement d'une peine de coeur, non ? Et puis, ce n'était même pas forcément une peine de coeur. Hawks n'était peut-être pas amoureux de lui. Voilà, c'était plus un béguin qu'autre chose. Hawks l'avait admiré pendant toute son enfance et avait un peu mélangé ses sentiments. Rien de bien important... Mais Enji avait beau se répéter en boucle ces pensées, il n'arrivait pas à s'en convaincre. Il savait qu'il lui avait fait du mal. Mais surtout qu'il lui avait menti...


Lorsque Rei se réveilla, le lendemain matin, il lui fallut quelques minutes pour se rappeler de l'endroit où elle se trouvait. Même si ça faisait un mois qu'elle était revenue à la maison, elle était encore parfois désorientée au réveil. Après avoir passé de longues années à l'hôpital psychiatrique, elle devait encore s'habituer au fait d'avoir enfin quitté ce lieu. Revenir dans sa maison n'avait rien d'agréable, mais c'était, malgré tout, plus vivable que l'hôpital. Au moins, elle était complètement libre ici. Elle n'avait pas d'horaire fixe et elle pouvait sortir. Ce n'était rien... Pas grand-chose... Et pourtant, pour elle, c'était énorme. Elle redevenait véritablement une adulte responsable. Et elle allait mieux, tellement mieux.

Quelques années auparavant, il aurait été impensable pour elle de revenir dans cette maison. Elle aurait eu de véritables crises d'angoisse rien qu'à cette idée. Mais grâce à ses thérapies, elle avait finalement réussi à passer au-dessus de tout ça, tout comme elle avait réussi à faire face à Enji. Elle ne se sentirait plus jamais en confiance avec lui, mais elle pouvait désormais supporter sa présence sans succomber à peur. Et c'était tout ce qui comptait. Du moins, pour l'instant. Malgré elle, elle nourrissait, depuis un moment déjà, l'espoir d'arriver à s'entendre à nouveau avec Enji. Pas de façon romantique, ça non. Mais peut-être amicale. Ou du moins s'en rapprocher. Pour ses enfants, pour tout ce qu'ils avaient vécu... Elle ne souhaitait pas que leur famille se déchire encore plus...

Pendant tout ce temps passé à l'hôpital, elle avait eu le temps d'y réfléchir. Quand Enji avait commencé à lui envoyer des fleurs, quand il avait tenté des approches vers elle, elle n'avait pas pu s'empêcher de commencer à penser à leur vie, à sa future sortie. Elle mentirait si elle disait qu'elle n'avait jamais songé à se remettre avec lui. Pendant longtemps, le divorce n'avait pas été une solution pour elle. Venant d'une famille conservatrice, on lui avait surtout enseigné à rester avec son mari quoi qu'il puisse faire. C'était tellement bien ancré dans sa tête qu'elle n'avait jamais songé à partir quand Enji avait commencé à être violent envers Touya. Elle avait protesté, elle avait essayé de s'interposer. Mais penser à partir ? Jamais. Seulement, elle avait bien dû le reconnaitre, à force. Il n'y avait aucun avenir pour eux deux. Elle était de nouveau libre et elle ne comptait pas perdre cette liberté en s'enfermant à nouveau dans son mariage avec Enji. Même s'il avait changé, elle ne serait jamais qu'une poupée froide à ses côtés. Ce n'était plus ce qu'elle voulait. Sans parler du fait que si elle pouvait pardonner ses comportements violents, elle ne pourrait jamais les oublier. Elle ne voulait plus être lié à lui... Elle voulait être seule... Et... Elle l'avait fait... Ils avaient signés les papiers du divorce... Aujourd'hui était son premier jour de totale liberté. Elle ne devait plus de compte à personne. Et c'était bien pour ça également qu'elle comptait trouver rapidement un logement. Elle ne voulait pas abuser de l'hospitalité d'Enji. Elle voulait retrouver son indépendance.

Elle passa donc les prochains jours à la recherche d'un appartement. Elle ne voulait pas d'une maison, ce serait trop grand pour elle. Elle n'avait pas besoin d'autant d'espace. Un appartement deux chambres seraient suffisant pour elle. Elle était donc assise à la table du salon, regardant les annonces sur internet, lorsque sa fille rentra du travail.

« Salut maman, tu as passé une bonne journée ?

— Ça a été et toi ?

— Oh, les enfants ont été un peu difficile, mais ça va, ils ont fini par se calmer. »

Fuyumi lui sourit tout en s'installant à ses côtés.

« Oh tu es sur un site immobilier ! Tu as trouvé quelque chose ?

— Oui, il y a deux-trois annonces qui me plaisent. Je te montre ?

— Bien sûr ! »

Fuyumi était très enthousiaste, cela faisait plaisir à voir. Rei avait eu peur que sa fille vive mal leur divorce, mais finalement, elle avait été contente de l'apprendre. Tout ce que Fuyumi voulait, dans le fond, c'était que ses parents soient heureux. Même s'ils ne vivaient plus ensemble, cela ne les empêcheraient pas de former une famille malgré tout...

Alors que Fuyumi tourna l'écran vers elle, Rei l'observa un instant. Elle avait tellement grandi. Ça faisait beaucoup de bien à Rei de la voir comme ça. Tout comme Natsuo qui semblait s'épanouir dans ses études. Ils avaient tous deux trouver leurs voies, comme Shoto qui serait bientôt officiellement un héros. Elle s'était tant inquiétée pour eux, mais elle voyait bien que ce n'était plus utile désormais. Elle n'avait plus à s'en faire pour ses enfants. Malgré tout ce qu'ils avaient vécu, ils allaient bien. Il n'y avait que Touya qui... Elle inspira profondément, en se souvenant des paroles de son thérapeute. Elle devait laisser partir la culpabilité. Ne pas oublier, mais ne pas se laisser submerger... Cet équilibre précaire... elle devait l'atteindre, sans jamais vaciller...

« Oh, celui-là est vraiment sympa ! s'extasia Fuyumi, la sortant de ses pensées. Je t'avoue que c'est mon préféré ! »

Rei regarda les photos qu'elle lui montrait. Ah oui, il lui avait beaucoup plu à elle aussi.

« On pourrait aller le visiter ensemble si tu veux ?

— Ce serait avec plaisir, sourit Rei.

— ... Au fait... Puisqu'on parle de ton déménagement... Je voulais te dire quelque chose... »

Pour la première fois depuis son retour à la maison, Fuyumi sembla mal à l'aise. Elle joua nerveusement avec une mèche de ses cheveux, tout en évitant son regard.

« Ne te mets pas dans un état pareil, commenta Rei avec douceur. Quoi que tu aies à me dire, je doute que cela soit dramatique.

— ... Est-ce que ça t'ennuie si je reste vivre ici ? »

Rei ne fut pas tellement étonnée par sa question. Elle savait que c'était un sujet dont elle devrait parler avec ses enfants, mais, jusqu'ici, elle n'avait pas su comment l'aborder. Elle ne voulait pas qu'ils se sentent obligés de la suivre. Il était important pour elle qu'ils fassent comme ils le voulaient. Ils étaient assez grands que pour faire leur propre choix.

« Bien sûr que non, Fuyumi. Je comprends tout à fait.

— Tu es sûre ? Je me dis que c'est peut-être égoïste de ma part. Papa n'est pas souvent là, mais...

— Tu n'as pas à te justifier, la coupa Rei. Je ne veux même pas connaitre tes raisons. Si tu veux rester ici, fais-le. Sache juste que ma porte te sera toujours ouverte. »

Fuyumi sourit doucement, se sentant un peu mieux. Elle avait du mal à ne pas culpabiliser, mais c'était une décision qu'elle avait prise en parlant avec ses deux autres frères. Shoto n'avait pas l'intention de tourner le dos à son père, mais il préférait malgré tout venir s'installer chez sa mère lorsque ses études seraient terminées. Natsuo avait été plus catégorique. Si plus rien ne l'obligeait à revenir à la maison, il n'allait pas s'en priver. Et au milieu de ça, Fuyumi se sentait mal. Elle se sentait mal pour son père. Elle ne voulait pas qu'il se retrouve seul du jour au lendemain. Même s'il n'était pas souvent là, même s'il avait commis un tas d'erreurs, elle ne pouvait pas lui faire ça.

Oh, bien sûr, elle ne comptait pas habiter là éternellement. Il était temps pour elle de prendre son indépendance. Son salaire d'institutrice lui permettrait sans doute de louer un petit studio, mais elle ne se sentait pas prête. Elle se rendait bien compte qu'elle avait toujours une bonne excuse pour ne pas quitter le nid familial. D'abord Shoto, maintenant son père. Est-ce que rester était réellement ce qu'elle voulait ou est-ce qu'elle n'essayait pas tout simplement de se trouver de bonnes raisons pour ne pas prendre son envol ? Honnêtement, elle se posait la question, mais elle n'avait aucune réponse. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle s'en voulait beaucoup. Alors oui, elle ferait tout pour que sa famille reste unie. Même si ce n'était pas grand-chose. Et il était donc hors de question pour elle d'abandonner son père maintenant. Il avait beau se montrer insensible, Fuyumi savait qu'il ne l'était pas tant que ça. Elle l'avait observé toutes ces années... Même si ça pouvait paraitre complètement insensé aux yeux des autres, elle ne voulait pas qu'il se sente mal. Et de toute manière, rester ici ne l'empêcherait pas de voir sa mère très régulièrement. Ça, c'était l'évidence même.

Sa mère qui semblait aller tellement mieux d'ailleurs. Fuyumi ne pouvait que se sentir heureuse lorsqu'elle la vit décrocher son téléphone pour appeler l'agence immobilière. Il ne fallut que quelques minutes pour fixer une visite. Et voilà, elles allaient pouvoir visiter l'appartement le lendemain à dix-sept heures. Fuyumi se sentait très enthousiaste pour ce projet. Elle avait vraiment hâte de pouvoir aider sa mère à avoir son nouveau départ. La revoir à la maison avait été plaisant, mais également un peu dérangeant. Un peu comme si on regardait un tableau qui n'allait pas du tout avec le décor. Revoir sa mère ici lui donnait le même sentiment. Ça détonait tellement avec ses souvenirs. Quand sa mère ne cessait de pleurer. Quand elle criait. Quand elle avait peur. Quand elle avait dû être emmenée ailleurs après s'en être pris à Shoto...

Fuyumi frissonna légèrement. Elle ne voulait pas repenser à ça. Non. Plus jamais. Elle voulait juste son bonheur. Et elle avait l'impression que sa mère était enfin sur le bon chemin pour y arriver. Elle ne put s'empêcher de sourire devant cette image. Rien n'effacerait jamais les malheurs que sa mère avait vécus. Mais l'avenir n'était pas obligé d'être aussi sombre. Et, lorsque le lendemain Rei eut un véritable coup de coeur pour l'appartement, Fuyumi eut la certitude que ce sombre passé était désormais définitivement derrière eux...


Merci de m'avoir lu. On se retrouve le 27 !