Disclaimer: cette excellente fiction en deux chapitres a été écrite par Today-Only-Happens-Once (que je remercie d'avoir accepté que je la traduise !) sous le titre I know. Le lien vers la version originale se trouve dans mes favoris. N'hésitez pas à aller la voir.
Les personnges et l'univers appartiennent à la série Suits.
Rien n'est à moi à part la traduction.
Je sais - chapitre 1
17:30
Mike grogna de douleur en s'asseyant.
Enfin, en essayant de s'asseoir. La douleur vive qu'il ressentait dans le ventre combinée au fait que quelque chose de vraiment lourd le plaquait au sol fit réaliser à Mike que rester dans la position précédente était probablement une meilleure idée. Mike cligna lentement des yeux, en essayant de chasser les pensées confuses de son esprit.
Tandis que sa vision commençait lentement à s'éclaircir, l'engourdissement de son corps disparut. Mike haleta de douleur et serra les dents lorsque sa vision menaça de redevenir noire. La douleur l'irradiait de partout. Et avec un sursaut de panique, Mike réalisa qu'il ne savait absolument pas où il était ni comment il était arrivé là. La respiration de Mike s'accéléra en réalisant cela.
Le fait que quelque chose bloquait sa respiration n'aidait pas. Que ce soit à cause de la pression sur sa poitrine, la poussière dans l'air, la peur de Mike, ou une combinaison des trois, quelque chose faisait que le jeune homme avait de plus en plus de mal à inspirer de l'oxygène dans ses poumons.
Et il faisait vraiment sombre.
Mike fouilla frénétiquement dans sa mémoire à la recherche d'une réponse aux nombreuses questions qu'il se posait, et dont la principale était où diable était-il? Mais rien.
Ce n'était pas bon.
18:00
Harvey était de plus en plus frustré. Il savait que le gamin pouvait gérer une simple réunion avec un client, et Mike n'aurait pas pu avoir de difficultés avec une affaire aussi simple. La réunion avait commencé à 3:30, et elle aurait dû durer une heure, maximum.
"Donna," appela Harvey, "vous avez vu Mike?"
"Non," répondit-elle dans l'interphone. "Pas encore. Vous avez essayé de l'appeler?"
Harvey leva les yeux au ciel, sachant que Donna ne pouvait pas le voir. "Oui. Au moins dix fois en une heure."
Harvey ne parvenait pas à se débarrasser de l'impression que quelque chose... n'allait pas. Et à en juger par le regard que Donna lui lança derrière la vitre, elle ressentait la même chose également. Harvey savait que Mike était suffisamment intelligent pour les appeler, pour leur dire ce qu'il se passait et pourquoi il était en retard.
Pourquoi il était en retard de deux heures.
Harvey ouvrit la bouche pour poser cette question, lorsque Louis entra dans son bureau avec une expression ennuyée.
"Où est ton associé?"
Harvey lui lança un regard rapide. Il n'était vraiment pas d'humeur à faire face à Louis pour le moment. "Ça alors, Louis, on dirait que tu ne le sais pas. La dernière fois que j'ai vérifié, c'était ton boulot de baby-sitter nos associés."
Louis haussa un sourcil irrité. "Alors, où est-il, Harvey?"
"Pourquoi veux-tu le savoir?" Il tourna une page d'un dossier avec une désinvolture exagérée. Harvey arrivait au point mort maintenant. Il ne savait pas avec certitude où était Mike, mais il savait que la dernière chose qu'il voulait était d'admettre à Louis qu'il avait perdu son associé. En second plan, il entendit le téléphone de Donna sonner.
Louis pencha subtilement la tête, son visage s'illuminant d'un sourire connaisseur. "Tu ne sais pas où il est, n'est-ce pas?"
Harvey ouvrit la bouche pour lui lancer une raillerie qui effacerait ce sourire du visage de Louis, mais Donna l'interrompit en apparaissant à la porte. "Harvey, je peux vous parler?"
Harvey soupira. "Donna -"
"C'est à propos de Mike."
Surpris, Harvey croisa le regard de Donna en essayant de jauger sa réaction. Il vit plusieurs émotions se mélanger sur son visage, sur lequel apparaissait la peur. Cela suffit à Harvey pour qu'il dise à Louis qu'il ferait mieux de sortir de son bureau.
"Ou quoi? Je suis responsable de Mike, moi aussi," répondit-il vivement.
Harvey regarda Donna, qui comprit le message et vint se tenir près de lui. Louis ouvrit la bouche pour parler, mais Donna durcit son regard et Louis tourna la tête et partit sans un mot.
Harvey sourit triomphalement. "Un jour, Donna, vous allez devoir m'apprendre comment vous faites ça." Se souvenant de la raison pour laquelle elle les avait interrompus, Harvey se tourna pour la regarder attentivement. "Qui a appelé?"
"La police," dit-elle doucement. "Vous vous souvenez de ce bâtiment dont il était question dans l'affaire Flynn?"
Harvey la regarda sans expression pendant une seconde avant de se souvenir. Jeffery Flynn. Pro-Bono. Jeffery Flynn, 43 ans, poursuivait la compagnie qui lui avait vendu la propriété dans laquelle son affaire de fournitures de bureau étaient située. Il les poursuivait parce que la compagnie n'avait d'après lui pas remarqué que les fondations étaient instables, ce qui les mettait, lui et ses clients, en danger. C'était une affaire pro-bono relativement simple.
Harvey hocha la tête.
Donna déglutit. "Le bâtiment s'est effondré." L'associé senior se figea, et Donna répondit à sa question silencieuse. "Les vidéos de sécurité montrent que Jeffery était à l'intérieur... avec Mike."
18:10
Tu dois te calmer, se dit Mike tout en essayant de ralentir sa respiration. Il lui fallut au moins quelques minutes... Mike était certain qu'il s'agissait de minutes. Pour le moment, le temps qui passait était le dernier de ses problèmes, mais Mike parvint à ralentir sa respiration. Le fait que son souffle était tremblant était complètement hors de propos.
Commençons facilement, pensa Mike. Comment je m'appelle?
Michael James Ross.
Où est-ce que je vis?
Manhattan, New York.
Où suis-je?
Rien.
Comment suis-je arrivé là?
Mike ne le savait pas non plus. Peut-être qu'il s'agissait des deux questions les plus importantes, les questions auxquelles il devait avoir la réponse, mais Mike n'en trouvait aucune. Il rechercha frénétiquement dans sa mémoire, mais il ne. Pouvait pas. Se souvenir.
Cela effraya Mike plus encore que le fait qu'il ne pouvait pas bouger ou que la douleur insupportable qui irradiait de son torse. Ça l'effraya plus encore que le fait qu'il ne pensait pas pouvoir contacter qui que ce soit ni rien voir.
Parce que Mike Ross n'avait jamais été incapable de se souvenir. Sa mémoire photographique ne l'avait jamais lâché. C'était ce qui l'avait sauvé à l'école et c'était ce qui lui avait permis d'avoir la vie qu'il avait maintenant. Mike en était venu à considérer sa mémoire presque comme une compagne, aussi étrange que cela paraissait.
Sa mémoire signifiait qu'il n'oublierait jamais... qu'il ne pourrait jamais oublier. Mais il ne pouvait pas se souvenir maintenant, et Mike dut se rappeler de respirer lentement à nouveau.
18:11
"Où allez-vous?"
C'était la question que Harvey avait choisie d'ignorer lorsqu'il passa avec détermination devant Jessica Pearson afin d'aller chercher son associé.
"Harvey!"
Jessica avait remarqué le comportement étrange de l'associé senior - la détermination presque aussi évidente que l'autre émotion que Harvey n'appellerait jamais de l'inquiétude - et sut immédiatement qu'il y avait un problème. Jessica suivit l'homme jusqu'aux ascenseurs, où Harvey attendait avec impatience.
"Vous vous rappelez de l'affaire pro-bono que vous m'avez donnée?" demanda Harvey d'un ton monocorde.
"Oui."
L'associé senior lui lança un bref regard. "Flynn avait raison. Les fondations étaient instables."
A un autre moment, si Harvey avait eu une autre expression, Jessica en aurait été heureuse. "Que s'est-il passé?" demanda-t-elle, plus par formalité étant donné qu'elle était presque certaine de ce qu'il s'était passé. Elle espérait juste avoir tort.
"Le bâtiment s'est effondré."
"Mr. Flynn est à l'intérieur?"
La sonnerie de l'ascenseur résonna et les portes s'ouvrirent. "Mike également," lui dit Harvey avant d'entrer, puis les portes se fermèrent.
18:15
Mike essayait de se distraire, mais ça ne fonctionnait pas vraiment.
Il avait récité mot pour mot toutes les pages du dossier Burke qu'il avait mémorisées pour Louis, plusieurs heures avant de nommer toutes les organites présentes dans les cellules d'une joue humaine. Il avait aussi dormi (parce qu'il était épuisé, et il en était venu à la conclusion que dormir était un signe qu'il avait probablement une commotion), mais il ne savait pas pendant combien de temps.
Il se réveilla lorsqu'un bourdonnement insistant résonna dans sa tête. Il avait une grosse migraine, et Mike était certain que dans trente minutes il se dirait C'est bon j'en ai assez, TUEZ-MOI S'IL VOUS PLAÎT.
La pression sur sa poitrine ne diminuait pas non plus, et Mike se concentrait donc sur sa respiration. Si le mal de tête ne le tuait pas, il était presque sûr que les difficultés qu'il avait à respirer le feraient. Ou peut-être que la douleur sourde qu'il ressentait dans le ventre allait s'accentuer lentement et le tuerait la première.
Dans tous les cas, Mike était certain qu'il allait mourir.
Tandis qu'il chassait ces horribles pensées, une autre vibration insistante sembla résonner près de sa main gauche. Il vint soudain à l'esprit de Mike que ce pourrait être un portable. Serrant les dents sous la douleur, il bougea la main pour voir s'il pouvait le localiser.
Mike cria lorsqu'une douleur vive le saisit de l'épaule jusqu'au poignet tandis que sa main se refermait enfin sur le portable qu'il cherchait. Les larmes lui montèrent aux yeux, des larmes de douleur et de soulagement, et il ouvrit le portable.
Les yeux de Mike s'écarquillèrent lorsque la lumière du portable éclaira la zone autour de lui. Il y avait une poutre en bois sur sa poitrine, ce qui expliquait la pression. Sa chemise blanche était noire sur son ventre, et Mike réalisa soudain que sa chemise était mouillée. Il semblait également entouré par ce qui ressemblait à des débris de bâtiment.
Son portable vibra à nouveau.
Mike cligna lentement des yeux en regardant le nom à l'écran.
Harvey
Mike soupira de soulagement, puis réalisa que ses bras étaient plaqués au sol par la même poutre en bois qui reposait sur sa poitrine. Les yeux de Mike s'écarquillèrent sous la panique avant qu'il ne se souvienne qu'il pouvait mettre son portable sous haut-parleur.
"Harvey."
"Mike!" Était-ce Mike, ou Harvey avait-il l'air soulagé? "Tu vas bien?"
Mike dut y réfléchir pendant une seconde. "Je... Je ne suis pas sûr."
"Ne raccroche pas," dit Harvey. "Je suis sur la route."
"Mais -"
"Ne..." La respiration de Harvey semblait un peu tremblante aux oreilles de Mike, mais c'était probablement dû au bourdonnement insistant dans ses oreilles. "Reste en ligne, Mike. S'il te plaît?"
Harvey venait-il de dire 's'il te plaît'? "D'accord."
C'était grave.
Les réponses de Mike étaient trop lentes, son discours trop incertain. "A quel point es-tu blessé?"
Il y eut une très longue pause à l'autre bout du fil, et Harvey dut se rappeler d'être patient. S'inquiéter chaque fois que son associé ne répondait pas immédiatement allait rendre les choses plus difficiles. Mais il aimerait tout de même que Ray se dépêche, bien qu'il sache que ce n'était pas la faute du chauffeur si le trafic à New York étaient plus dense qu'habituellement.
"Je ne sais pas. C'est difficile à dire," répondit enfin Mike.
"Où as-tu mal?" demanda-t-il en adoptant une tactique différente.
"Ma tête..." Harvey était déjà presque certain qu'il avait une commotion. "... mon épaule me fait mal dès que je la bouge..." Probablement une épaule disloquée. Pas vraiment étonnant étant donné qu'il était piégé sous un bâtiment effondré. "Et... la poutre m'empêche de respirer, Harvey."
Harvey fronça un peu plus les sourcils. "Quelle poutre?"
"Comment veux-tu que je réponde à une telle question?"
"Peu importe." Le gamin marquait un point. "Quoi d'autre?"
Une autre pause. "Mon... ventre." Mike semblait surpris, comme si cette pensée venait juste de lui traverser l'esprit.
Harvey hocha la tête, bien que l'idée que Mike n'avait pas réalisé qu'il était blessé au ventre l'inquiétait. "D'accord. Autre chose?"
Le silence sembla s'étirer à l'infini. "Non."
Harvey essaya de penser rapidement à quelque chose à dire. N'importe quoi pour que Mike continue de parler. Il ouvrait la bouche pour parler lorsque Mike l'interrompit.
"Harvey?"
"Ouais?"
"Je n'arrive pas à me rappeler où je suis."
Le gamin semblait effrayé. En fait, Mike avait l'air terrifié. Harvey prit une profonde inspiration. "Ce n'est rien, Mike. Calme-toi."
"Mais... Je ne suis pas sensé oublier des choses... de ce genre."
"Comment tu t'appelles?" demanda Harvey, soudain inquiet. Le gamin marquait un point. Mike n'oubliait rien d'aussi important.
"Michael James Ross," récita immédiatement le jeune homme.
"Comme je m'appelle?"
"Harvey Specter."
"Pour qui travailles-tu?"
"Toi."
Harvey leva les yeux au ciel, mais c'était un geste forcé. C'était cependant étonnamment bon, parce que Harvey faisait tout pour contrôler ses émotions. La désinvolture lui donnait un étrange sentiment de normalité, ce qui était plus que bienvenue. "Pour quel cabinet?"
"Pearson Hardman."
"Où habitons-nous?"
"Manhattan, New York."
Ils continuèrent ainsi pendant de longues minutes, Harvey posant des question au hasard et Mike faisant de son mieux pour répondre. Harvey ne connaissait pas les réponses à certaines questions, comme le prénom de sa grand-mère, mais il savait que si Mike ne prenait pas son temps pour répondre, alors tout allait bien. Mike pouvait donner de fausses réponses, pour ce qu'en savait Harvey, mais il se dit que tant que le cerveau du gamin fonctionnait assez normalement pour mentir, alors Mike ne courrait pas de danger immédiat.
D'accord, le gamin courrait un danger immédiat. Il était piégé sous un bâtiment effondré bon sang, mais le principal soucis de Harvey pour le moment était de faire en sorte que Mike reste éveillé et qu'il continue de parler.
18:30
Bien que Mike était heureux de ne plus être seul, il aimerait vraiment que Harvey la ferme. Ce n'était pas que Mike voulait que Harvey cesse de parler, vraiment, c'était juste que Mike voulait arrêter de parler, et il ne pouvait pas le faire tant que Harvey continuait de lui poser des questions.
Vraiment, la raison pour laquelle il voulait arrêter de parler était parce que son mal de tête lui donnait envie de mourir MAINTENANT, et plus Mike parlait, plus il se sentait vidé.
"Je suis fatigué, Harvey," se plaignit-il.
Mike cligna des yeux en entendant le ton véhément de son patron, "Tu restes réveillé, Mike, ou retiens-moi, tu travailleras avec Louis pour le reste de ta vie."
Mike rit, puis se mit à tousser, ce qui le fatigua encore plus.
"Pourquoi je ne dois pas dormir, Harvey?"
Même avec son cerveau brumeux, Mike pouvait entendre le léger sourire taquin sur le visage de Harvey. "Il n'est pas encore neuf heures, gamin. Tu travailles toujours, et je suis presque sûr de pouvoir te virer si tu t'endors au travail."
Mike leva les yeux au ciel. "Tu pourrais me virer pour n'importe quoi, tant que tu emplois les bons mots. Je doute que tu ais un problème avec ça."
"Reste éveillé et tu n'auras pas à t'en inquiéter."
De manière inattendue, les décombres qui entouraient Mike tombèrent légèrement. Mike sursauta, frappant la poutre en bois de sa poitrine avec un crack douloureux. Avant que Mike n'ait pu sentir la douleur de la collision, plusieurs barres métalliques tombèrent durement sur son ventre. Mike cria de douleur.
"Mike!"
"Harvey," Mike essaya d'en dire plus, mais une grimace l'interrompit. Haletant sous la douleur, Mike parvint à lâcher, "Je vais bien."
"Que s'est-il passé?"
"Les gravats ont bougé."
Harvey jura. "Je suis presque arrivé, gamin. Tiens bon."
Mike fit presque remarqué qu'il ne tenait rien, pas exactement, mais il changea d'avis. Au lieu de cela, il fit remarquer, "Je ne peux rien faire d'autre, si?"
19:00
Harvey était enfin arrivé sur le chantier. Le trajet avait duré trop longtemps pour la patience de Harvey, mais il avait dû faire avec. Harvey avait ouvert la porte et était à moitié sorti de la voiture lorsque Ray l'arrêta. "Mr. Specter?"
"Ouais?"
Ray hésita, ne sachant pas avec certitude ce qu'il voulait dire. Il en était venu à s'attacher à Mike, bien que leurs interactions étaient toujours professionnelles. Mais il appréciait le garçon, presque autant qu'il appréciait l'effet qu'il avait sur Harvey (la façon dont Harvey semblait se tenir, avec plus d'assurance, semblait plus responsable, et Ray savait que c'était parce que Mike avait donné à Harvey une raison d'être responsable), "Revenez avec Mr. Ross."
Harvey hocha la tête, et il aurait probablement sourit légèrement si sourire ne semblait pas si mal. "Merci de m'avoir conduit, Ray," dit-il en sortant de la voiture et en fermant la portière derrière lui.
"Tu es toujours là, Mike?" demanda-t-il dans son portable.
Il entendit un léger gémissement. "Ouais. Plus ou moins."
"Fais en sorte de le rester," dit Harvey avant d'avancer dans une allée embrumée. L'air était lourd et poussiéreux, et même après avoir toussé plusieurs fois, Harvey avait déjà l'impression que la poussière était coincée dans sa gorge.
"Harvey, tu vas bien?"
Harvey secoua la tête d'incrédulité. "Ce n'est pas moi qui devrait te demander ça?"
"Tu sembles soucieux. C'est un mot de huit lettres. Il signifie que tu t'inquiètes pour le sort d'une autre personne." La voix de Mike était rauque et calme, mais le contenu de sa phrase fit légèrement sourire Harvey. Au moins le gamin était encore capable de le taquiner. Harvey avait atteint la foule qui s'était rassemblée autour de la scène.
"Hey, Harvey?" demanda soudain Mike.
"Ouais?" répondit Harvey, un peu distrait tandis qu'il essayant de trouver le moyen le plus rapide pour arriver devant la foule avant de décider qu'il devait se frayer un chemin lui-même. Il commençait à se glisser et à donner des coups de coude dans la foule lorsque Mike répondit.
"Tu as déjà pensé à la mort?"
Cette question surprit tellement Harvey qu'il trébucha. "Quoi?"
"Tu as déjà pensé à la mort?" répéta Mike avec une telle désinvolture qu'il aurait tout aussi bien pu poser à Harvey une question sur leur affaire ou sur le match de base-ball des Yankee qui avait eu lieu la veille.
"Quoi, penser à la mort?" dit-il d'un ton plus affirmatif qu'interrogatif, la frustration le faisant accélérer et, il est vrai, donner des coups de coude un peu plus violents dans la foule.
"Tu sais... comme à la façon dont tu pourrais mourir?"
Harvey ouvrit la bouche pour dire à Mike qu'il ferait mieux d'arrêter de penser à de telles choses maintenant, mais il réalisa soudain que s'il était à la place de Mike, il aurait les mêmes pensées. Il avait, bien sûr, déjà pensé à la mort. Pas de façon profonde et philosophique. Harvey y avait pensé. Mais il n'aimait pas y penser, et encore moins en parler.
Harvey sortit de la foule et s'approcha du ruban adhésif jaune qui entourait la scène. Il dit avec certitude, "On va te sortir de là, Mike."
Mike inspira. "Je sais," dit-il avec tout autant de certitude.
Pour une étrange raison, cela prit Harvey de court. Il savait que le garçon avait confiance en lui. Il le savait depuis que le gamin avait simplement déclaré "Je pense que Harvey gagne ses affaires," à Clifford Danner quand ils essayaient de le persuader d'aller jusqu'au procès. Mais les deux mots que le garçon venait de prononcer firent réaliser à Harvey combien cette confiance était une confiance aveugle.
Quand Mike avait dit que Harvey gagnait ses affaires, ça avait été la preuve qu'il le soutenait. Une preuve solide. Mais Harvey n'avait aucun moyen de prouver à Mike qu'il allait survivre, et Mike lui avait fait confiance avec une telle facilité que Harvey ressentit cette très étrange montée d'instinct de protection.
Un ouvrier du bâtiment s'approcha de lui lorsque Harvey se glissa sous le ruban adhésif. "Monsieur, vous ne pouvez pas -"
"Je m'en fous," grogna Harvey.
"Mais monsieur -"
"Êtes-vous le propriétaire de la compagnie qui a vendu le bâtiment à Mr. Flynn?"
L'homme cligna des yeux. "Euh, eh bien... o-oui..."
"Alors je n'ajouterais pas un mot à votre place," dit Harvey de sa voix d'avocat tout en lui lançant un regard noir. L'homme rougit légèrement.
"Je-Je ne peux vraiment pas vous permettre d'avancer."
"Mr. Haldin," dit Harvey, "Je pense que vous avez suffisamment d'ennuis, non?"
"Nous faisons de notre mieux -"
"Ce qui sera loin d'être suffisant lorsque j'en aurais fini avec vous," l'interrompit Harvey. "Vous connaissez l'article 216 Section 28 du Code de New York?"
"Quoi?" demanda-t-il, confus.
Harvey continua. "Il dit que toute structure susceptible de devenir dangereuse doit être démolie ou rendue sûre. Il doit également y avoir une mise en garde pour quiconque désirant acheter la dite structure."
"Attendez -"
"Sans parler des papiers qui doivent être remplis, disant légalement que le propriétaire a remarqué l'état dangereux du bâtiment." Harvey n'attendit pas d'entendre une réponse bégayée que Mr. Haldin essayait de former. "Et votre contrat avec Mr. Flynn stipule que vous possédiez légalement ce bâtiment jusqu'au 21 mai. Alors, c'était, d'après la loi, votre devoir de faire ces choses. Mais vous ne l'avez pas fait."
"Eh bien, non, mais -"
"Et connaissez-vous les pénalités civiles qui peuvent être ajoutées? Deux milles dollars," l'informa Harvey. "Je sais que ce n'est pas grand chose, mais ajoutez à cela les dommages et intérêts, tout ce qu'il y avait dans le magasin, plus la montagne de factures médicales pour les soins de Mr. Flynn et de mon associé..." Harvey s'interrompit. "Disons simplement que vous mourrez probablement noyé sous l'apitoiement avant de parvenir à sortir des ennuis juridiques que je vais vous causer en procès. Et bonne chance pour trouver un avocat qui prendra votre affaire."
"Qui... qui êtes-vous?"
Harvey sourit en coin. "Je suis Harvey Specter. Heureux de vous rencontrer."
Mr. Haldin ne bougea pas, et Harvey lui lança un autre regard noir. "Je ne mentais lorsque je disais qu'il y avait des personnes vivantes sous ces décombres."
"Quoi?" Apparemment, il n'était pas parvenu à entendre l'insinuation de Harvey.
"Si j'étais vous," suggéra Harvey, "J'arrêterais de me regarder bêtement et j'irais faire en sorte de sortir ces personnes -"
Harvey n'eut même pas besoin de finir sa phrase pour que le propriétaire de la compagnie se retourne et se dirige en courant vers le site, criant aux personnes d'arrêter de creuser.
Soudain, Donna apparut à côté de lui, sortant de nulle part. "Dites-moi que vous êtes en ligne avec Mike."
Harvey sursauta légèrement, mais se reprit rapidement en hochant la tête. "Mike, on va te sortir de là," dit Harvey au téléphone.
"Tu me l'as déjà dit, Harvey. Je sais..." Harvey n'aimait vraiment pas la voix du garçon, qui devenait de plus en plus faible. "Et au fait, c'était vraiment génial."
Harvey fronça les sourcils. "De quoi tu parles?"
"De... la façon dont tu l'as réprimandé." Harvey sourit malgré lui. C'était bon, ça aussi.
"Eh bien, c'est comme ça qu'on fait. Tu devrais prendre des notes."
Harvey regarda rapidement Donna du coin de l'œil. "Hey, gamin. Je crois que Donna veut te saluer."
Donna cligna des yeux, mais hocha la tête devant les sourcils haussés de Harvey avant de lui prendre le téléphone.
19:22
"Salut, Donna," parvint faiblement à dire Mike.
"Oh, gamin," soupira Donna. Mike était presque certain que sa voix était pleine d'émotions, mais il souffrait trop pour l'instant pour se concentrer sur de si petits détails. Depuis que les décombres s'étaient déplacés, le ventre de Mike le faisait constamment souffrir le martyr, et sa migraine avait atteint un degré que Mike n'avait même pas cru possible. Et le fait qu'il soit épuisé ne l'aidait pas à garder les yeux ouverts.
"Comment tu vas?" demande Donna.
Horriblement mal, voulait répondre Mike, mais il ne le fit pas. "Ça va," dit-il.
"Non, ça ne va pas," dit Donna avec désapprobation. "Sois honnête."
Mike ne voulait vraiment pas lui dire, parce qu'il savait qu'elle était déjà très inquiète pour lui. Mais mentir à Donna lorsqu'elle vous disait spécifiquement de ne pas le faire était tout simplement suicidaire. "Ça fait mal, mais ça pourrait être pire."
Je pourrais être mort. Bien que Mike ne soit pas entièrement certain que ce serait pire. Après que les décombres soient tombées sur lui, le choc avait initialement empêché Mike de ressentir une grande partie de la douleur. Mais le choc avait disparu depuis longtemps.
D'une certaine façon, Donna sembla comprendre tout ce que Mike ne disait pas. Elle comprenait toujours. "Ça va aller, Mike. Reste en ligne."
"Mais je suis fatigué."
"Je sais. On te sort de là."
Mike toussa, et se mordit la lève pour retenir un cri lorsque son ventre se serra. "Content de voir que toi et Harvey êtes d'accord."
"En parlant de lui," dit Donna, "Harvey doit te parler, Mike."
19:24
"Mike?" demanda Harvey dès que Donna lui rendit le téléphone. Donna resta à ses côté, un soutien silencieux pour Mike et Harvey.
"Ouaaais?" La voix de Mike était à peine plus élevée qu'un murmure et Harvey ne put honnêtement pas nier que son ventre se serra. Le gamin s'enfonçait bien trop rapidement.
"J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi, d'accord?" Harvey attendit que Mike réponde, mais l'associé ne dit rien. Priant pour que cela ne signifie pas que Mike s'était évanoui, Harvey continua. "J'ai besoin que tu me décrives ce qui t'entoure."
"Il y a... une poutre en bois sur... mon torse," parvint à dire Mike entre deux poses. "Et... beaucoup de trucs métalliques."
"Quel genre de trucs métalliques?" demanda Harvey en commençant à se diriger vers Mr. Halding, qui avait dit à Harvey de demander à son associé de décrire l'endroit où il se trouvait afin que les maçons puissent savoir où regarder.
"Ils sont tous... courbés et tordus." La voix de Mike était inintelligible. "Comme des bretzels."
"Comme des bretzels," répéta Harvey.
"Uh-huh," affirma Mike. Celui-ci fut ensuite prit d'une quinte de toux, et finit par pousser un gémissement étranglé. Harvey ouvrit la bouche pour lui demander s'il allait bien, mais il s'interrompit. Harvey n'était pas homme à poser des questions stupides, et il était évident que Mike n'allait pas bien.
"Autre chose?" dit Harvey à la place. Il se tenait maintenant à côté de Mr. Halding, qui avait entendu la question.
"Demandez-lui s'il peut apercevoir le ciel," suggéra le propriétaire. Harvey hocha la tête.
"Mike, tu peux voir le ciel?"
Mike ne répondit pas immédiatement. "Je... peut-être?" dit-il, son incertitude rendant son ton interrogatif. "Il est... sombre."
Harvey prit une profonde inspiration. "Ouais. Tu peux voir de la lumière?"
"Mon p-portable."
Harvey serra son téléphone dans son poing. Il n'avait vraiment pas la patience d'entendre Mike délirer. "A part ça?"
"Ça va me faire une facture de téléphone vraiment énorme," fit remarquer Mike, de l'inquiétude mal à propos dans la voix.
"Je paierai ta facture de téléphone, Mike. Reste en ligne."
Mike y réfléchit encore. "Mais ce n'est pas... juste pour toi, Harvey."
Harvey eut un éclat de rire qui semblait forcé, même à ses propres oreilles. "Gamin, ne t'inquiète pas pour ça. J'ai l'argent. Tu vois de la lumière à part celle de ton portable?"
"O-ou... ouais. Je crois."
"A quoi ça ressemble?"
"C'est... on dirait... c'est..." Mike toussa faiblement. "Je ne sais pas, Harvey. C'est... une couleur plus claire que le reste... je pense que c'est le ciel."
Harvey soupira. "On a besoin que tu sois absolument sûr, gamin."
Il entendit Mike jurer légèrement. "J'essaye, Harvey."
"Essaye plus fort." Ces mots franchirent les lèvres de Harvey avant qu'il n'ait pu s'en empêcher. Il expira rapidement et ferma les yeux, regrettant déjà ce qu'il avait dit avant même de voir le regard affecté de Donna.
Mike resta silencieux pendant une minute. "Je suis sûr," dit-il enfin, sa voix faible aussi confiante que possible.
"C'est bien," dit doucement Harvey. Puis, il s'adressa à Mr. Halding, "Il peut voir le ciel."
Mr. Halding hocha une fois de plus la tête, indiquant qu'il avait entendu, et courut vers d'autres secouristes pour envisager un plan d'action.
"Harvey?" La voix de Mike était rauque et Harvey dut faire un effort pour l'entendre.
"Ouais, Mike?"
Un long silence suivit sa question, suffisamment long pour que Harvey se demande avec inquiétude si Mike s'était évanoui, "J'ai peur."
Harvey soupira. "Je sais que tu as peur, gamin. Reste en ligne, d'accord? On vient te chercher."
