C'était peut-être, certainement le summum de l'excentricité dont était capable Newton Scamander. Epuisé de ses derniers jours de voyage, l'anglais avait l'impression d'avoir eu à faire avec les créatures les plus fantastiques qui soient à New York.

Par la barbe de Merlin. Pensait-il sans cesse.

Il était assis-là dans le fameux bateau qui le ramènerait bientôt en Angleterre, son pays d'origine. Depuis combien de temps n'y était-il pas retourné ? Il était parti en 1918, alors… Depuis huit ans. Huit longues années pour le commun des mortels, mais pour Newt non-suffisant.

— S'il vous plaît, un peu de patience. Du calme. Chuchota-t-il à ses créatures, qui forçaient la valise d'une énergie nouvelle.

Elles étaient excitées depuis leur escapade en ville, un changement de décor évident et une source d'amusement différente de ce qu'elles pouvaient trouver dans la valise. Heureusement, l'astuce moldue d'une simple corde tendue semblait suffire à les contenir plus étonnant encore, cela avait été une proposition des Goldstein, qui jusqu'alors n'avaient certainement pas d'attirance pour ce qu'elles appelaient les Non-Maj' et leurs procédés.

Durant les quelques jours de bateau, Newt ressassait indéfiniment toutes les aventures qu'il avait pu vivre à la vie sauvage, jusqu'à New York. Il s'attendait à avoir le souvenir de créatures et seulement de créatures, mais c'était en fait bien plus compliqué que ça.

Je vais avoir une vie tranquille, retourner au Ministère et rendre mon manuscrit.


Newt marchait dans Londres, le regard perdu dans un premier temps sur les vitrines décorées pour Noël. Dans un second temps, le trafic lui retenait l'oeil, et il s'amusait des similitudes qu'il retrouvait avec New York il y en avait beaucoup. Lui-même n'aurait jamais cru prêter attention à la ville un jour. Mais après tout, c'était aussi l'un des milieux « naturels » de sa propre espèce, l'humain.

Si toutes ces observations lui occupaient l'esprit, c'était aussi parce qu'il sentait une part de lui qui commençait à ressentir le stress. Il allait revoir des visages familiers, mais pas pour autant sympathiques. Les sorciers anglais avaient une tendance à la curiosité et au jugement qui le rendait anxieux. Ils ne les craignaient pas, loin de là, mais aimerait simplement que ses comparses comprennent mieux ses travaux.

Ses seules attaches réelles en Angleterre étaient son frère aîné, Thésée, et son ancien professeur, Albus Dumbledore.

S'inquiéter, c'est souffrir deux fois. Tout ira bien, il n'y a pas de raison.


Entrant avec précaution dans le Ministère par voie terrestre (autrement, ses animaux ne suivraient pas le déplacement), Newt s'engouffra dans l'atrium. La foule de sorciers anglais ne semblait pas lever le nez du sol, tous se marchaient dessus sans discernement.

Une véritable fourmilière. Pensa Newt.

Toujours la tête en l'air, le « magizoologiste » contemplait la grande composition statuaire puis instinctivement le grand portrait déployé du ministre de la magie britannique, M. Fawley (qu'il avait croisé à New York par le plus grand des hasards au passage). Il ne put s'empêcher de faire une nouvelle comparaison avec le portrait immense de la présidente Picquery du MACUSA.

Suivant la masse, il arriva finalement dans une salle ronde où se déployaient multiples ascenseurs magiques.

— Pardon, excusez-moi, c'est ma valise. Dit-il précipitamment lorsqu'en rentrant dans la cabine, sa valise donna un coup dans la jambe d'un sorcier à l'air déjà fatigué.

Niveau 4, Département de contrôle et de régulation des créatures magiques.

Newt bondit à l'ouverture des portes en dehors de l'ascenseur, se précipitant dans les bureaux, loin du regard furieux du sorcier.

Les hiboux portaient des messages dans tous les sens au-dessus de sa tête, et certains sorciers se permettaient de garder le chapeau sur leur tête au-cas-où. Cette anecdote le fit sourire, se souvenant de l'astuce du MACUSA pour les notes de service enchantées mais il sourit plus encore en se remémorant le visage étonné des sœurs Goldstein lorsqu'il leur parla de leurs hiboux du Ministère.

Rejoignant son bureau, il l'essuya machinalement de deux coups brefs de sa main droite avant de poser son regard sur quelques prospectus déposés pour lui.

— Newton, c'est bien vous ?!

Newt releva ses yeux et fit un maigre sourire accueillant.

— Bonjour, Monsieur Burden.

— Nom d'un elfe, vous êtes rentré enfin ! On vous pensait dévoré par les acromentulas ! A l'heure qu'il est, on attendait le certificat de décès !

L'homme avait les yeux ahuris, cachés par un gros nez, les cheveux raides dressés vers le haut comme s'il venait de prendre un coup de jus. Newt cachait tant bien que mal son amusement, les paroles de son patron avaient toujours été lourdes contre lui et il s'y était habitué – les huit ans d'absence ne semblaient pas faire de différence.

— Je vais bien. Dit-il simplement.

— Monsieur Worme est au courant de votre retour, je suppose ? Quelle patience cet homme ! Vous ne pensez pas avoir un peu abusé de sa gentillesse en prenant votre temps ainsi ?

— Ne vous inquiétez pas, M. Burden. Je vais bientôt rendre mon manuscrit, et je vous assure : j'ai gardé contact avec M. Worme pendant mes voyages.

Le sorcier le fixait intensivement, l'air suspicieux. Newt lui souriait mais fuyait cependant son regard inquisiteur du mieux qu'il pouvait, n'appréciant pas que l'on sonde ses yeux. C'était d'autant plus vrai que depuis qu'il avait fait la connaissance d'une certaine Legilimens.

Le duel de regards prit fin avec la venue d'un autre camarade de l'Office de recherche qui vint chercher le patron pour quelques renseignements. Newt attrapa curieusement les prospectus, le plus souvent des résumés de séances, de colloques sur de grandes questions à propos des créatures et êtres magiques. A l'époque, ces choses ne l'intéressaient pas, mais Newt se sentait à présent capable de sensibiliser les siens, ses voyages et amis l'ont convaincu au fil des ans.

Distraitement, il remplit deux trois papiers officiels concernant son retour au Ministère avant de s'en retourner chez lui à la hâte.