L'indispensable breuvage.

Un pas en avant. Et un autre. Un bond de quelques centimètres pour atteindre la plateforme sur laquelle l'attendait son but. Prêtant attention au moindre changement dans l'atmosphère saturé d'angoisse, Il se dirigeait lentement vers son objectif, malheureusement encore situé à plusieurs pas de Lui.

Il était au beau milieu d'une mission extrêmement dangereuse, Il en était conscient, mais Il ne voyait pas d'autre moyen de récupérer ce qu'Il cherchait. La discrétion se devait d'être son maître mot ou tout serait fichu. Il leva brièvement les yeux pour observer son ennemi : Devant Lui se trouvait la plus grosse menace des environs : Une personne, placée de dos et bien plus grande que Lui. L'individu lâchait de temps à autre des grognements de mécontentement effrayants, qui ne laissaient rien présager de bon pour Lui : S'Il se faisait prendre, Il allait perdre plus de choses qu'Il n'était prêt à perdre, c'était une certitude.

Rien qu'à la pensée de ce qu'Il risquait pour une telle tentative, Il sentit un frisson de peur Lui traverser le dos. Non, Il ne devait absolument pas se faire prendre !

Le cœur palpitant d'angoisse, Il tenta un nouveau pas en avant, puis un deuxième... Il se stoppa net quand la personne devant Lui tendit le bras à droite pour attraper du bout de ses doigts fins un minuscule sachet blanc qu'il ramena devant elle, hors de vue Sa vue. Prudent, Il resta immobile un moment et Il s'apprêtait à reprendre sa progression quand son souffle se bloqua soudain dans sa gorge : La personne s'était brusquement mise à vociférer avec violence contre ce qui se trouvait devant elle, et faisait de grands gestes féroces pour bien montrer sa frustration.

En l'observant, Il frissonna en se rappelant à quel point cette personne pouvait être cruelle. Même sans le voir, Il imaginait parfaitement la rage qui enflammerait les prunelles de son ennemi si il se rendait compte de ce qu'Il essayait de faire.

Une angoisse sourde se diffusa lentement en Lui et Il pria pour que la personne ne se retourne pas avant qu'Il ait terminé ce qu'Il souhaitait faire.

Finalement, l'individu soupira de lassitude et retourna à sa tâche. Il s'autorisa alors à respirer : L'alarme était passé... Pour l'instant ! Cette pensée Lui rappela l'urgence de sa mission. Mais, pour la première fois depuis le début de sa folle entreprise, Il prit la peine de réfléchir à une autre option : La retraite. Après tout, rien ne l'obligeait à prendre des risques comme Il le faisait, à part ce désir brûlant qui obsédait ses pensées. Il pouvait tout à fait faire demi-tour : Personne n'en saurait rien, son honneur serait sauf et Il ne risquerait pas de perdre ce qui comptait le plus à ses yeux...

Cependant, l'objet de ses convoitises se trouvait là, juste devant Lui, sous ses yeux gourmands ! Alléché par les perspectives que Lui offrait l'objet, Il prit le risque d'avancer encore... Ça y était, Il y était... Retenant sa respiration, Il tendit la main... Encore... Et encore... Plus que quelques millimètres...

Malheureusement, pile à cet instant, comme alerté par un sixième sens, la personne se retourna brusquement. Exactement comme Il l'avait imaginé, les prunelles bleues étincelaient de rage derrière le verre de ses lunettes. Son visage était tordu en une grimace qui en disait long sur la suite des évènements et sa main droite, armée d'un long couteau de cuisine, se releva quelques centimètres, en un geste des plus agressif.

Le fautif déglutit bruyamment et, retirant sa main, tenta de battre prudemment en retraite. Trop tard : le jeune homme aux cheveux noirs s'était élancé vers Lui, après avoir posé son couteau et d'un geste vif, l'avait attrapé.

Dès qu'il eut mis la main sur Lui, le jeune homme Le saisit par les oreilles et riva son regard au sien, de sorte que le fautif put voir l'inflexibilité de son regard. Cela Le dissuada de tenter d'amadouer le jeune homme.

Ce dernier n'eut pas besoin de réflexion, il n'eut pas le moindre instant d'hésitation avant de prononcer d'une voix froide comme la glace :

-Privé de Saké ce soir.

Les mots mirent un certain temps à atteindre le fautif, qui était bien plus occupé à se démener pour s'emparer de l'appétissante nourriture qui l'appelait et Le faisait saliver depuis la table (ou pour s'échapper, Il ne savait pas trop) qu'à écouter les paroles de son tortionnaire. Mais quand Il comprit le sens des quelques syllabes qui venaient de Lui être adressées, Il abandonna toute résistance. Figé, en état de choc, Il articula lentement ''Privé de Saké'' pour se convaincre de ce qu'Il avait entendu. Il savait que Watanuki était intraitable sur le sujet de la nourriture qu'il cuisinait, mais à ce point-là ? Cette punition dépassait de loin toutes celles qu'il avait imaginé. Le priver de sa dose de Saké du soir, c'était inhumain ! Son petit moment quotidien, l'instant magique où, assis à l'extérieur pour profiter de la douceur de la nuit qui tombe, Il sentait l'exquis liquide de feu glisser dans sa bouche, puis le moment où l'onctueuse boisson coulait le long de sa gorge pour aller apaiser son estomac desséché... Et Il en était privé ?

Le hurlement de désespoir teinté de fureur de Mokona résonna à travers toute la vaste boutique et déchira le paisible silence du quartier, allumant une lueur de satisfaction dans l'œil de Watanuki. Ce dernier était en effet ravi d'avoir enfin réussit à atteindre l'intouchable boule de poil.

Et, à l'autre bout de la boutique, dans les profondeurs de la réserve, le cri avait provoqué un monstrueux fou rire chez les jumelles, Maru et Moro, tandis qu'un rire discret échappait à leur créatrice qui eut quand même une pensée compatissante pour son compagnon de beuverie.

Puis, elle se fit la réflexion que son employé était tout à fait capable de lui faire subir le même sort. Cette pensée eut l'effet d'une douche froide, et toute envie de rire disparut.

Hum... Il allait falloir qu'elle se constitue une petite réserve de Saké sous la latte branlante de sa chambre de toute urgence. Il était absolument hors de question que Watanuki la prive de sa boisson préférée !

Après tout, il n'y avait rien de plus sacré et de plus indispensable que le Saké !

Alors, qui avait deviné ? Bon, j'avoue que c'est un peu tiré par les cheveux, mais j'avais vraiment envie de l'écrire. Et je me suis vraiment éclatée à l'écrire ^^ J'espère que ça vous à plut !