La psychologie n'était pas la science dans laquelle Donnie excellait le plus. Les variables étaient trop volatiles et influençables. Mais c'était le domaine pour lequel il avait une insatiable curiosité. Peut-être le fait de vivre avec Raph et Léo y était pour quelque chose.

Donnie connaissait les bases immuables : Freud, en psychanalyse, avaient déterminé trois niveaux de conscience, avec le Moi : Don connaissait les définitions par cœur :

Le Ca. Désigne la part la plus inconsciente, c'est le réservoir des instincts humains, le réceptacle des désirs inavoués et refoulés au plus profond. Une marmite pleine d'émotions bouillonnantes. Ces besoins pulsionnels ont besoin d'être canalisés, notamment via la sublimation. L'instinct. Pour Raphael, sa sublimation était l'agression. Et pour en faire une œuvre encore plus canalisatrice, il avait besoin de tourner ce déferlement de rage vers la seule chose qui était capable de lui opposer de la résistance. Raphael n'était pas une tortue à se contenter de demi-combat. Sans péril, pas de gloire.

Le Surmoi. Représente une intériorisation des interdits parentaux, une puissance interdictrice dont le Moi est obligé de tenir compte. Le surmoi est cette voix en nous qui dit "il ne faut pas", une sorte de loi morale qui agit sur nous sans comprendre son origine. Pour Léo, cela tenait en trois mots : Splinter, le Bushido, Sun Tzu. La Sainte –Trinité du quelle Léonardo était l'éternel disciple. La maitrise de soi poussée à l'extrême. Cela exaspérait Raphael et leur personnalité contraire, chacune une force de la nature s'affrontait à chaque occasion. Parfois le vent de Léo dissipait le feu de Raphael. D'autres fois, il propageait l'incendie. Comme ce soir-là.

Ils cherchaient Karai-encore- et Raphael exprima son déplaisir, son désaccord et sa détestation de Karai. Au début, Léonardo répondait du même ton neutre, mais à la limite de la condescendance, que d'habitude. Mais alors, Raphael dit quelque chose de complètement inattendu.

-Je te méprise. Tu n'es pas un chef! Un vrai guerrier ne se laisse pas mener par ses stupides sentiments!

Léonardo se figea complètement. Donnie et Mikey se regardèrent chacun du coin de l'œil et firent un prudent pas vers l'arrière. Les deux cadets avaient l'habitude des paroles parfois mesquines de la tête brûlée. Qu'il ne pensait pas vraiment, car de par son attitude générale, l'on pouvait dire qu'il éprouvait une certaine camaraderie pour Don puisqu'il partageait une passion pour la mécanique et une véritable tendresse pour Michelangelo, avec qu'il jouait souvent ou échangeait des BD. Il n'avait jamais démontré la même affection naturelle avec Léonardo. Bien qu'inséparable dans l'enfance, depuis la puberté, ils avaient pris des chemins différents. La seule activité qu'ils partageaient était le combat, car ils se jugeaient mutuellement comme le seul adversaire digne d'eux. Et quoique Léonardo fût toujours la victime désignée pour exprimer son mécontentement, jamais, jamais, personne n'aurait douté que Raphael respectait son ainé. Donnie même avait souvent songé que celui-ci vivait pour l'approbation de l'héritier des Hamato. Pour Don et Mikey, Léo était un héros. Une figure parentale. Et Don en était persuadé, pour Raph également, malgré qu'il ne l'admette jamais. Oui, parfois ses jeunes frères se moquaient de la rigueur de l'ainé, mais au plus profond de leur être, le respect de Léo était ancré depuis leur enfance. Et non pas seulement car leur père les y avaient entrainés, mais car la personnalité seule de Léo l'imposait. Rien en lui ne pouvait inciter au dédain. L'injure de Raphael était injustifiée et volontairement blessante. Léo était cuirassé contre les coups et les récriminations de Raphael, mais pas contre cette gifle morale. Don vit alors que le « vent » allait tourner en tempête. Léo perdait rarement son attitude « cool », mais lorsqu'il s'y mettait sa colère égalait celle de Raphael. Avec exaspération, Léo leva les bras en l'air :

-Nous y voilà encore! Toujours la même rengaine! Pourquoi n'est-ce pas moi, le chef, bouhou? Franchement Raph, lâche l'affaire et mûrit un peu! Je ne crois pas qu'avoir des sentiments est nuisible pour être un bon chef. Maitre Splinter a souvent expliqué que démontrer des émotions comme la compassion démontrait l'étoffe d'un bon leader. Et c'est peut-être pour cela qu'il m'a choisi et pas toi : car je n'ai pas un cœur de pierre.

Donnie grinça des dents de nervosité. Pour quiconque était un fin observateur et vivait dans l'intimité de Raphael depuis assez longtemps t la vérité était flagrante : sous sa façade de dur à cuir, Raph était un tendre. C'était un fait indiscutable dont lui et Mikey riraient souvent. Il était impensable que la perspicacité de Léo ne l'ait pas percé à jour. Une seule éventualité alors : Léo répliquait par une injure aussi blessante que fausse, intentionnellement.

Personne ne pouvait arrêter Léo sur une tirade. Le fiel d'environ six mois de rétention se déversait, Léo n'étant hors de lui que deux fois ou trois fois par année. Don remarqua que Raph demeurait sous le jet de la colère de Léo, tremblant de fureur à peine contenue. Don cessa brièvement d'observer pour écouter, car Léo ramena sa voix à un niveau plus maitrisé.

-Et toute cette colère contre Karai? Pourquoi? Pourquoi t'opposes-tu avec tant de vigueur? Si Maitre Splinter et moi-même lui faisons confiance, n'est-ce pas un garant suffisant? Tu sais quoi, Raph? Je vais te donner ce que tu veux. Je vais patiemment écouter tes raisons. Si elles sont acceptables, tu es exempté de toute mission concernant Karai.

Donnie eut un bref moment de soulagement. Léo s'était calmé de lui-même ce qui arrivait à chaque fois qu'il laissait ses émotions prendre brièvement le contrôle. Quand le « ça » prenait le pas sur le « surmoi ». Léo ne pouvait gérer l'idée du « laisser-aller ». Être le témoin quotidien du comportement parfois bestial de Raphael le retenait contre le précipice de se laisser mener par ses pulsions sauvages. 47,9% de leur ADN était reptilienne après tout. Il se tourna vers Raphael et avec surprise, il remarqua que la colère et l'indignation filtraient de par tous les pores de sa peau. Une veine battait clairement à sa tempe et ce n'était pas bon signe. La tentative de cessez-le-feu de Léonardo était avortée.

-Je ne demande pas à être exempté! Je demande que ces misions n'existent pas, point!

Léo haussa le ton :

-Pourquoi? Tous croient ici que c'est la chose juste! Mikey, Donnie, moi, Maitre Splinter, même Casey et April… En quoi ton aversion est-elle à ce point justifiée pour que nous nous plions tous à ton…caprice? Je veux savoir et tu sais quoi, Raph? Je te donne sincèrement l'opportunité de me convaincre. Persuade-moi et j'abandonne les recherches! Oui, j'en suis rendu à cet état d'exaspération devant ton attitude déraisonnable! Je suis prêt à suivre tes directives et rentrer sagement. Si tu me convaincs…ainsi que Don et Mikey, bien sûr. Je veux cette fois-ci un consensus complet. Je me chargerais de Maître Splinter suite à la révélation de tes captivants arguments.

Léo croisa les bras et attendit.

Don tourna son regard vers un Raphael mitigé. Léo était une tortue honnête. S'il avait fait cette proposition c'est qu'il était prêt à assumer sa part des conditions. Mais Léonardo était aussi d'un naturel inflexible et résolu. Ébranler sa conviction que rescaper Karai était prioritaire serait une tâche que la pauvre éloquence de Raphael ne pourrait réussir. En fait, l'offre était empoisonnée. Léo avait le beau rôle d'avoir offert sincèrement à Raphael d'abandonner, mais il devait savoir malgré tout que Raphael n'arriverait pas à formuler de raisons suffisamment solides pour appuyer sa thèse que la recherche de Karai était aussi vaine que nuisible.

Un débat se faisait clairement dans l'esprit de Raphael, le gros de sa colère détournée par la marche accélérée que son cerveau subissait. Il avança prudemment, ce qui étonna Donnie,

-Je ne lui fais pas confiance.

-Raph, soupira avec lassitude Léo, me fais-tu confiance? Tu sais que je ne mettrais jamais notre équipe en péril! Ni maitre Splinter. Nous savons ce que nous faisons. Si je pensais qu'il y avait le moindre danger pour vous trois, je ne le ferais pas.

-Ce n'est pas pour nous trois que je m'en fais, bougonna Raphael.

-Que veux-tu dire? Tu parles de Maitre Splinter? Oui, il est un rat et elle à moitié serpent, mais…

-Je ne parle pas de Splinter, cracha avec hargne Raphael. Je parle de toi, ô puissant Leader.

-Raph. Tu sais que …je sais combattre quand il le faut. Je ne crois pas, que toute habile qu'elle est, Karai puisse…

-Je ne parle pas de cela non plus! Oui, elle est habile, mais pas seulement avec son épée. Je veux dire comment elle sait t'aguicher et te mener par le bout de ton…nez. Une promesse, un clin d'œil ou même, imaginons tout de suite le pire scénario, un baiser et nous voilà tous oubliés!

-Es-tu jaloux, Raph? demanda calmement Léo. Donnie remarqua celui-ci se troubler un bref instant avant que Léo continue : Es-tu jaloux que je puisse avoir une petite amie avant toi?

Les yeux verts incrédules de Raph fixèrent Léo un instant et il tonna :

-Il n'y aura pas de petites amies! Ni pour toi! Ni pour moi! Ni aucun d'entre nous! Nous sommes des monstres, des abominations de la nature, des résidus d'expérience ratée!

Léo fit aussitôt un geste aussi absurde que touchant. Il enserra ses jeunes frères contre lui pour boucher leurs oreilles. Mais Don avait compris parfaitement ainsi qu'il comprit la suite.

-Raphael…Comment oses-tu? reprocha avec emportement le chef.

-Parce que vous devez vous sortir votre putain de tête du sable et le plus tôt sera le mieux! C'était déjà assez pénible de voir Donnie se pâmer devant April, mais hé! Le mec passe sa vie dans les bouquins ou sur son portable, ça fait longtemps que l'on sait que cela joue sur sa perception de la réalité, mais toi…

-N'entraine pas Donnie là-dedans, gronda Léo.

-Toi, poursuivi Raph, tu es supposé être plus malin, pas tomber directement dans sa toile comme tant d'autres communs imbéciles! Tu…

-Raphael, ça suffit! As-tu d'autres raisons? Vide ton sac maintenant!

Le visage entier de Raphael se plissa dans une expression d'intensité. Il s'approcha de Léo, au point que son plastron percuta celui de Léo. D'une voix graveleuse, il pencha la tête vers Léo et lui demanda :

- Tu veux vraiment que je te dise le fond de ma pensée sur ce sujet, Fearless?

L'haleine chaude de Raphael, sa voix, sa proximité, tout envoyait le drapeau rouge à Léonardo. Ce qui allait suivre ne devait pas être dit, quoique cela soit. Dans son malaise grandissant, il recourut à sa stratégie de survie, pour rééquilibrer la balance des pouvoirs qui ne penchait pas vers lui pour le moment. Il mit fermement son masque de « Fearless Leader ». Par la suite, après que la catastrophe fut consommée, Léonardo regretta profondément le ton inutilement polaire avec lequel il s'adressa à son frère, mais il n'avait en ce moment aucune ressource pour regagner le contrôle que le contact de Raphael lui faisait perdre :

-Raphael, articula Léonardo d'une voix inflexible, j'ai changé d'idée. Ce que tu penses n'a aucune importance. Mais je ne suis pas un tyran. Tu ne veux pas nous aider, parfait, tu as quartier libre. Va où bon te semble pourvu que cela soit loin de nous.

Un éclair blessé passa dans les yeux verts de Raphael qui prirent alors la lueur ambrée qui dominait lors qu'il était pris avec une émotion trop vive pour la supporter lui-même.

Donnie se dit qu'il était temps d'intervenir avant que Léo et Raph portent des dommages incurables à leur relation déjà suffisamment chaotique. Mais il n'eut pas le temps de dire un seul mot. Raphael comme brûlé par le contact de Léo, se recula prestement et d'un bond, il s'enfonça dans la nuit.

Un mois passa.

Aucune nouvelle de Raphael.

Les trois premiers jours, Léonardo, par orgueil et remords (et pour rassurer Mikey) avait dissimulé son inquiétude. Il avait simplement demandé à April et Casey de garder l'œil ouvert et de l'aviser s'ils avaient des nouvelles ou des informations. Mais lorsque Raphael ne rentra pas pour la troisième nuit, il éclata en imprécations. Comment Raph pouvait-il leur fait ça? Il savait bien qu'ils les rendaient fous d'anxiété. Cette tête brûlée avait dû courir dans un tas d'ennui comme d'habitude! Puis, la colère chez Léo fut remplacée par une crise aigüe de culpabilité. Et ensuite, un désespoir que Léo, pour le moral de l'équipe, tentait de cacher, mais qui crevaient les yeux pour Donnie.

Donatello pour tromper son attente, ne restait pas oisif. Il se perdait dans ses livres et se repassait la scène sur le toit. Qu'allait-dire Raphael, avant que Léo l'interrompe, de suffisamment important pour que le rejet, sans l'entendre, de Léo avait fait perdre la tête à Raphael au point de fuguer aussi longtemps? Raphael et Léo vivaient ensemble depuis toujours. Chacun connaissaient l'autre du bout des doigts. Raphael savait que les colères de Léo étaient de très courtes durées et toujours suivies d'excuses sincères. Après tout, cette confrontation entre eux deux n'était pas la pire auquel Don dans sa jeune vie, avait assisté. Parfois, Raphael avait des réactions incontrôlables et qui semblaient n'avoir aucun motif sérieux. Mais demeurer hors du repaire, sans donner de nouvelles durant près d'un mois n'était pas lui. Raphael avait toujours, malgré ses explosions, démontré une affection sincère et profonde pour sa famille. Même Léo. Raphael savait pertinemment que Léonardo se desséchait en ce moment de remords et d'angoisses. Et que Mikey pleurait toujours. Et que Donnie-lui-même avait une très mince tolérance au stress et que leur père serait triste. Raphael avait, quoique lui aies dit Léo, beaucoup de cœur. Si Raph ne revenait pas, c'est que quelque part, il était retenu contre son gré. Ou mort. Mais Don refusa de s'attarder sur cette pensée sinistre.

C'était un soir comme les autres, la 28ième journée depuis la disparition de Raphael. Léo dirigeait une énième mission de recherche. Pour couvrir plus de distance, malgré le danger, ils décidèrent de se séparer. Michelangelo, dans son insouciance, fonça droit dans une embuscade Foot, mais lorsqu'ils répondirent à l'appel conférence de Mikey, ce ne fut pas la raison pour laquelle Don et Léo accoururent.

D'après Mikey, un « genre de Raph » était avec eux.

Donatello étant le plus près, arriva le premier sur les lieux. En un coup d'œil, il analysa la situation. Mikey était en train de se défendre du mieux qu'il pouvait contre une tortue mutante. Mais cela ne pouvait être Raphael. Don était le plus grand de la fratrie avec son 1m79. Léo suivait avec 1m75. Raphael et Mikey étaient bons derniers avec respectivement leur 1m68 et 1m65. La tortue que Mikey affrontait mesurait un bon 12 cm de plus que Donnie lui-même. De même, Raphael, lors de son dernier examen tri mensuel pesait un peu plus de 100 kilos. Le monstre en question devait peser un bon 160 k, tout en muscle. Il était impossible que Raphael ait pu se transformer en mastodonte dans un délai aussi ridiculement court. Mais les yeux de la même teinte verte d'absinthe et le plastron aux cicatrices identiques portaient à confusion. Il voyait Mikey lui parler, tenter de raisonner, communiquer avec la bête. Et Don vit quelque chose lui briser le cœur : aucune recognition ne brillait dans les yeux de « Raphael ».

-Donnie, arrête de rêvasser! Mikey est en danger!

Avec sa prestance naturelle, Léo sauta près de où Mikey et Raph combattaient. Il dégainait son katana et se porta à la défense de Mikey., se frayant un passage parmi les soldats foots qui lui bloquait le chemin. Alors, il se passa une enfilade d'évènements que dans la cohue, Donnie ne puit tous analyser, ayant à défendre sa vie en même temps. Les faits établis étant :

-La créature se détourna de Mikey à la vue de Léo.

-La créature grogna pour avertir Léo de ne pas s'approcher. De toute évidence, la chose ne devait pas être Raph car elle ne sembla pas vouloir engager le combat avec Léonardo.

-Lors qu'elle le vit, elle se précipita sur Donnie avec la même rage de meurtre qu'elle semblait avoir envers Michelangelo.

-Leo essaya de rejoindre Donnie, mais il fut alors pris à parti par un soldat de l'Élite de Shredder.

Donnie fixait alors le Raphael devant lui. Ses yeux étaient les mêmes mais n'exprimait que le désir de tuer. Apeuré devant une attitude aussi violente, Don rechercha des yeux Léo. C'était une réaction naturelle des frères de toujours chercher secours auprès de l'ainé. Raph suivit le regard de Donnie et aussitôt lâcha Don pour aller se jeter sur Léo, pensa Donnie tout d'abord. Mais ce ne fut pas le cas. Tout se déroula le temps que Don cligne des paupières. Un moment, Raphael était sur lui, ayant cassé son bo en deux et serra de toutes ses forces sa gorge. Puis, un battement de cœur plus tard, et Don refusait de croire ce qu'il avait vu, même s'il l'avait vu, Raphael mordait l'Élite directement à la carotide, enfonçant ses dents toujours plus profondément dans la chair. Puis, il réussit à arracher des lambeaux sanglants que le cerveau de Don refusa d'identifier. Puis, chose encore plus horrible, il réussit à déloger la tête des épaules de la victime et l'envoya rouler aux pieds de Léonardo.

Raph se déchaina dans les rangs des Foots pour les décimer. Effrayés de ce retournement de situation, ceux-ci s'éparpillèrent comme une volée de moineau. Mikey dut avoir la pensée optimiste que Raphael devait être revenu à lui-même, mais il déchanta vite, quand, sans discernement, Raphael l'attaqua également. Léo intervient de nouveau, tenta désespérément de faire entendre raison à Raphael. Celui-ci le fixa de ses yeux pénétrants. Ceux-ci exprimaient quelque chose, mais Donnie n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, le vrai Raphael n'ayant jamais eu ce type de regard. Puis, il prit sa tête entre ses mains, l'air de souffrir. Une révélation heurta Donnie :

-Léo, cesse de parler. Je crois que cela le confuse davantage.

-Mais Don, comment le ramener avec nous?

Don hésita puis avec reluctance, il posa une main apaisante sur l'épaule de Léo, sachant que celui-ci n'aimerait pas sa réponse. Il retira vivement sa main lorsqu'un grognement le prévient : quoiqu'en était la raison, Raphael n'approuvait pas le léger contact que Donnie avait posé et montrait les dents, le bas de son visage encore barbouillé de sang. Cela le convainquit encore davantage du bien-fondé de sa réponse.

-Léo, je suis désolé. Mais je ne crois pas que nous pouvons le ramener, du moins pas aujourd'hui. Il ne voudra pas nous suivre. Mikey est blessé et j'ai besoin de figurer certains éléments. Laisse-le aller.

-Non, je n'abandonne pas Raph! Nous allons le ramener et tu l'examineras! Nous trouverons une solution pour le sortir de cette transe! , Ceci dit, il empoigna bravement le poignet de Raphael.

Celui-ci alors eu un sursaut, puis il fit un geste totalement incompréhensible sur le moment. Il se pencha vers Léo et le renifla. Puis, son visage se ferma, il se dégagea d'un coup sec et s'enfuit.

Donnie arrêta de nouveau Léo :

- Laisse-le partir! Il n'est pas prêt! Ni nous non plus!

Rendus au repaire, après avoir désinfecté et bander les plaies de son jeune frère, Donnie réfléchit. De toute évidence, Raph avait été capturé par Shredder et avait subi une transformation autant physique que mentale. Le processus avait dû être douloureux et traumatisant. Apparemment, pour il ne savait quelle raison, Léo était le seul qui semblait recevoir une réponse moins agressive. Loin d'être amicale, l'attitude Raph était plus circonspecte autour du jeune chef. Léo était-il plus intimidant? Non, Léo n'était pas aussi intimidant que l'Élite auquelle Raphael avait littéralement dévoré le cou et il demeurait peu de choses aux côtés du colosse qu'était désormais Raph. De plus, Léo transpirait la panique, chose qui n'arrivait jamais. La bête qu'était Raphael avait dû percevoir l'effroi et le désespoir dans les yeux bleus de Léo. Donc, ce n'était nullement cela. Plus il y réfléchissait, plus il parvenait à analyser le regard de Raphael. La créature jaugeait Léo, non pas comme adversaire, mais comme être. Se rappelait-il davantage de Léo à cause de leur relation conflictuelle? Cela serait assez paradoxal que Léo soit désormais le seul avec qui Raphael ne voulait avoir un argument! Car, il fallait bien l'admettre, Raphael n'avait pas fait preuve de la même commisération avec ses deux autres frères. Il avait cassé net l'humérus de Mikey et avait broyé de ses doigts si fort la gorge de Donnie que les muscles en étaient encore douloureux et il avait peine à avaler sa propre salive. Et le véritable Raphael, avait malgré tout, toujours chérit ses jeunes frères, plus ouvertement que Léonardo. Pourtant, Léo n'avait subi aucune blessure, malgré ses nombreuses interventions. La chose ou Raph, Don ne savait plus comment l'appeler, voulait, de cela il en était certain, les détruire, lui et Mikey. Comment dans ces conditions le ramener au repaire et le maintenir calme suffisamment longtemps pour figurer le problème et trouver une solution?

Don, Léo et Splinter discutèrent des heures. Oui, il fallait amener Raphael ici. De cela, tous étaient d'accord. A la question de Léo si les effets allaient se dissiper d'eux-mêmes, Don eut un air de doute. Shredder n'était pas du genre à faire les choses à moitié. Don rejeta l'idée des fléchettes tranquillisantes. Don, préposé aux vaccins et prises de sang, avait souligné que leur frère avait d'eux tous, le cuir le plus épais. Un simple dard, tiré à distance ne percerait pas la peau. De plus, au réveil de Raph, il sera furieux d'avoir été pris contre son gré. Donnie raisonna : Raph, peu importe comment, avait été réduit à l'état d'une bête sauvage, n'ayant plus aucun souvenir de sa vie d'avant. Pour apprivoiser une bête, il fallait s'approcher à petits pas, gagner sa confiance et finalement l'appâter. Mais auparavant, le repaire devait être prêt à recevoir et garder Raphael, donc des modifications seraient nécessaires. Ainsi qu'au moins l'ébauche d'un antidote. Ayant démontré que Raph avait usé de moins de férocité avec Leo, Don le proposa comme ambassadeur. Si Léo pouvait commencer par s'approcher suffisamment de Raphael pour avoir un échantillon de fluides corporels, comme du sang, Don pourrait commencer des tests. Par contre, puisque cette rencontre risquait d'être imprévisible, Léo devait attendre le rétablissement de leur benjamin avant de passer à l'action, afin que, si les choses tournaient mal, ils puissent apporter du renfort à leur frère.

Léo passa la journée dans le dojo à méditer, mais il ne trouva pas la paix. La nuit suivante, aucun des frères ne sortit. Le lendemain, après une nuit, à se tourner d'un côté sur l'autre, Don, excédé, décida se lever. Au salon, ce qui semblait une statue fixait la télévision.

Don s'approcha curieux. Ce n'était pas le genre de Léo d'ouvrir la télé de si bon matin. La seule chose qui bougeait dans le visage marmoréen de Léonardo était ses mains qui se crispaient convulsivement autour d'un bandana rouge. Au bout d'une minute, Donatello comprit ce qui se passait : les mêmes images tournaient en boucle :

Quatre personnes, du groupe des Dragons Pourpres, avaient été retrouvées, la gorge déchiquetée, aux alentours de Chinatown, et les morsures avaient été produits par ce qu'un spécialiste jugeait un animal gigantesque, mais aux dents plates. Donc ni de l'espèce canine ou féline. La police conseillait aux gens de ne pas sortir dans ce périmètre la nuit tombée. Donnie comprit ce que Léo avait déjà déduit. Le coupable était Raphael. En quelque part, c'était la faute de Don, puisque c'était lui qui avait refusé qu'il amène Raphael de force. Et là, des victimes somme toute innocentes, payaient sa décision. Don appuya une main qu'il espérait réconfortant sur Léo, mais celui se leva sans une parole et alla s'enfermer dans la chambre inoccupée de la tortue sauvage. Don se douta que Léo n'en resterait pas là.

Léo sortit nuitamment, dissimulant le paquet qu'il trainait avec lui. Il n'était pas certain que son idée était bonne et potentiellement elle comportait un lot élevé de risque. Mais cela valait le coup, c'était agir! L'inaction le rendait fou et laisser Raphael dans la noirceur que devait être devenu son monde était trop pour Léo. Ses pas l'amenèrent tout naturellement près de où les victimes de la veille avait été retrouvées. Il ne fut pas déçu. Guidé par l'odeur du sang, il se dirigea vers une ruelle étroite et sombre. Il s'approcha avec précaution, mais pas trop. Il ne voulait pas prendre Raphael par surprise et le rendre nerveux.

La bête, non, Raphael s'autocorrigea Leo, renifla et se retourna. Léo mit toutes ses facultés mentales à ne pas attarder ses yeux sur le sang maculant le visage de Raphael ni sur la victime à ses pieds.

Leo lentement se mit à genoux et avec des gestes calculés étendit devant lui ce qu'il avait apporté. Sur le sol était posés des sais et un bandana rouge. Puis, Léo demeura immobile. Donner des armes à un forcené n'était peut-être pas une riche idée, mais peut-être devant elles, Raphael aurait un souvenir. Et, pensa Léo, s'il devait absolument décimé les Dragons, qu'au moins cela fut fait proprement. Raphael, précautionneusement, les yeux fixés sur la tortue agenouillée près de lui, s'approcha. Il commença par renifler Léonardo qui se laissa faire. Il prit le sai, et sous les yeux absolument émerveillés de Léo, il le fit tournoyer avec l'aisance habituelle. Mémoire musculaire peut-être, mais mémoire tout de même se raccrocha désespérément Léo. Raphael dédaigna par contre le bandeau rouge. Une fois les armes en main, la tortue se recula, fixant toujours Leonardo. Ses yeux étaient interrogateurs. Léo lui fit un geste de la main pour lui montrer que les sais étaient un cadeau. Raphael sembla réfléchir puis un rictus féroce étira ses lèvres et sans un autre regard, il disparut.

Léo rentra, partagé entre l'abattement et l'espérance. Il détestait mentir à ses frères, mais il décida de passer cette rencontre sous silence, peu certain du bon résultat de son action.

Le lendemain, après avoir à peine dormi encore une fois, trop tourmenté, il hésita avant d'ouvrir la télévision. Don intervint;

-1 mort. Mais ils en parlent à peine…toutes les nouvelles sont plutôt concentré sur le vol de plus de 250 000$ de bijoux au centre-ville.

Léo écouta peu le reste. L'argent ne l'intéressait pas. Le fait était que, en quelque part, la présence de Léonardo avait dû apaiser Raphael, car il n'avait plus massacré personne suite à leur rencontre. Oui, ce soir, à l'insu de tous, il ressortira.

Le lieu de la veille lui semblait tout indiqué, malgré les cordons de sécurité barrant l'accès. Il n'eut pas à attendre longtemps.

Le fugitif sauta d'un balcon et atterrit lourdement près de Léo, faisant un drôle de cliquetis dans sa chute. Léo remarqua qu'il portait les sais dans une sorte de lanière qui faisait le tour de sa taille. Il semblait attendre quelque chose, puis il se décida. Avec prudence, comme si Léo était la bête à apprivoiser, sans toutefois s'agenouiller, Raphael se courba pour adopter une attitude moins menaçante et rapidement il renversa le contenu d'un sac qu'il tenait contre lui.

Leo eut le souffle couplé. Des éclats d'or, d'argent et de diamant scintillaient sur le sol. Léo jeta un regard interloqué à Raphael qui répéta le geste que Léo la veille lui avait adressé. Il s'agissait d'une offrande. Le cerveau du jeune leader fonctionna à toute vitesse. Hier, il avait fait un cadeau à Raph. Quelques heures plus tard une bijouterie huppée était dévalisée. Et maintenant, Raph offrait le fruit de son vol à Léo. Naturellement, l'intention de Raphael était la plus pacifique qu'il avait eu jusqu'à présent, mais le vol demeurait un crime et Léo secoua doucement la tête en un geste qu'il n'espérait pas trop insultant pour l'âme qu'il devinait toujours irascible de Raph. Le visage de celui-ci exprima un profond déplaisir. Il agita les bijoux d'une main impatiente et sorti un magnifique bracelet du lot. Fermement, il agrippa le poignet de Léo et referma le bracelet sur lui. Léo était une nature simple qui n'avait jamais ressenti le besoin d'acquérir des objets superflus et encore moins inutilement dispendieux et la droiture de son âme refusait de porter le fruit d'un crime. Mais quelque chose en Raphael le suppliait d'accepter. Alors, avec un soupir, il fit une légère motion d'acquiescement de la tête pour signifier qu'il agréait le présent. Un air de contentement se dessina sur les traits de Raphael. Il tendit la main et doucement, il tira sur le bandana de Léo pour le dénouer et l'attacha à son poignet droit en quelques tours. Chacun ayant son ornement, Léo attendit la suite, n'osant parler. Raphael alors, les yeux plongés dans les siens s'approcha davantage de Léo. Il le renifla encore et cette fois-ci, sourit d'un air de prédateur. Il pencha la tête et sa bouche frôla la carotide de Léo. Tout son être se liquéfia d'appréhension, était-ce ainsi que procédait Raph avant d'égorger les gens? Il endormait leur méfiance et…

Les pensées de Léo furent interrompues par un genre de ronronnement qui semblait sortir de la poitrine de Raph. Étonnamment, ce son éveilla en Léo quelque chose de profondément enfoui, une sorte d'anticipation heureuse. Peu importe ce qu'il voulait faire, Raphael n'était pas en mode belliqueux. Il semblait attendre une sorte de permission de la part de Léo. Celui-ci, guidé par un instinct qu'il ignorait avoir, bougea la tête afin de laisser plus d'espace à Raphael toujours dans son cou. Tout en ronronnant de nouveau, Raphael plongea les dents dans la chair de Léo. Celui-ci eut un bref sursaut de douleur et de surprise, mais, curieusement la morsure fit comme l'effet d'un sédatif à Léo. Ses jambes devinrent en coton et si Raphael ne l'avait pas agrippé fermement contre lui, il serait tombé. Puis, Raphael traça des cercles avec sa langue sur la morsure ce qui eut le don d'engourdir encore davantage les sens de la tortue bleue. Alternant entre lèchement et mordillement, suite à la première morsure, Raphael exprimait ce qui semblait être une intense satisfaction par une série de sons que Léonardo n'avait jamais entendus auparavant.

Raphael se pressait davantage contre lui, lui tenant la tête des deux mains d'une poigne solide, laissant une épaisse couche de salive sur l'entaille encore fraiche faite par ses dents. Léo se sentait de plus en plus devenir faible, hors de son état de conscience habituel, au point qu'il se demanda si la salive de Raphael était empoisonnée. Léo eut alors une pensée : Donatello avait demandé de ramener un échantillon de fluide pour l'étudier et établir un diagnostic. C'était selon lui, le second pas à obtenir, suite à susciter un brin de confiance à Raph. La mission était réussie. Il devait fuir par contre, rapidement car il ignorait en combien de temps la salive ne serait plus utilisable et aussi car il devait l'admettre, son contrôle de soi lui échappait et cela l'effrayait profondément. Soudain, il ne sut pourquoi le ronron qu'il avait entendu de Raph sortie de sa propre poitrine. La partie animale de son être répondait à Raphael, malgré que la partie consciente fût déstabilisée et voulait fuir. Dès qu'il entendit le bruit, Raphael cessa et lui répondit par le même ronronnement.

Il s'aperçut qu'ils avaient reculé jusqu'au mur car soudain, Raphael le retourna et l'appuya face à la brique. Être dos à Raphael était une position dangereuse et quoiqu'il doive admettre que s'il avait voulu le tuer, il l'aurait fait bien avant, des sonneries d'alarmes résonnèrent dans son cerveau. Il fallait fuir. Maintenant. Mais Raphael le maintenait bien et ne semblait pas disposé au départ de Léo, les dents fouillant sa gorge et son épaule.

Appuyé contre le mur, le cœur battant dans sa poitrine à un rythme effarant, Léo tentait de reformer les lambeaux de sa détermination. Les mains de Raphael quittèrent la partie supérieure de son corps pour descendre et fermement, elles semblaient vouloir forcer son corps à adopter une position précise. Le sang bouillonnant à ses tempes, Léo ferma les yeux haletant, essayant de nouveau de reprendre le contrôle de lui. Une odeur intoxicante envahissait l'air et la sur stimulation des sens lui tournaient la tête. Avec assurance, mais sans brutalité excessive, les doigts de Raph malaxèrent avec dextérité la queue de Léonardo, qui se trouva, il venait de le découvrir, hyper-sensible. Léo se trouva comme de la cire ramolli entre les mains expertes et toute volonté ou combativité semblait avoir quitté son esprit. Il émettait sans pouvoir se retenir tout une gamme de sons inusités et il commença à ressentir, de plus en plus insistante, une pression grandissante dans le bas de son plastron.

Léo connaissait précisément la nature de la réaction physiologique que son corps expérimentait. Bien que la sexualité ne fût pas un domaine qu'il connaissait beaucoup, il savait reconnaitre une érection. La honte le submergea : c'était mal. Mal avec une lettre majuscule. Son frère n'était pas lui-même et Léo éprouvait du plaisir à abuser de cet état temporaire de faiblesse. Que dirait Raphael lorsqu'il retrouvera sa personnalité d'antan? Il sera profondément dégouté de Léo et aurait une bonne raison finalement de le mépriser. Avec effroi, il eut brutalement conscience qu'il tendait la croupe alors que la main de Raphael se faufila avec aplomb entre ses cuisses pour les écarter. Non, ce n'était pas Raphael la bête, mais lui, Léo. Raphael n'était coupable de rien, n'ayant plus de conscience et ne distinguant plus le bien du mal. Il était, supposément, le plus sain et raisonnable des deux et il devait le prouver maintenant. Il devait lutter contre ce bas instinct qui le poussait à des actes aussi dégradants. La nouvelle résolution de Léo allait s'évaporer comme neige au soleil quand il sentit quelque chose de dur et chaud qui se frottait contre l'arrière de ses cuisses. Il mordit ses lèvres pour retenir un gémissent final de reddition.

Tout à coup, le salut vint sous forme de gyrophares qui éclairèrent la ruelle. Raphael figea un bref instant, desserra sa prise et Léo saisit l'occasion. Il prit une bombe fumigène et la fracassa contre le sol. Avec frustration, Raphael gronda quand il constata que sa proie avait disparue.