« La mort dans l'âme »
DISCLAIMER : Je ne possède malheureusement toujours rien de Tess Geritsen ou de Shonda Rhimes. Je continue simplement à m'amuser grâce à leurs créations.
AN : Cette fic est une suite directe de mes deux précédentes histoires (La mort en vacances et Après la tempête). J'espère retrouver les lecteurs qui m'avaient fait le plaisir de les suivre.
Bob : « I just hope you'll read and comment this story. Nothing more. »
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Interlude
Après lui avoir confié son amour au Dirty Robert, Maura avait attendu une réponse. N'importe laquelle. Mais elle n'était pas venue. Jane n'avait pas réagi, ni positivement, ni négativement. Elle était restée là, hébétée, puis elle était simplement partie. Maura était rentrée dévastée. L'absence de mots était la première conséquence de sa révélation. Elles qui parlaient toujours de tout et n'importe quand se trouvaient séparées par un mur de silence.
Angela lui avait dit d'attendre que Jane digère, qu'elle avait un choix à faire et qu'elle ferait le bon sans aucun doute. Kate avait dit la même chose. Les deux femmes avaient assuré Maura de leur entier soutien. Elles seraient là quoi qu'il arrive.
Tout le travail que Maura avait fait sur elle et son addiction au téléphone avait volé en éclats. Le maudit engin ne la quitta pas et l'attente qu'elle avait nourrie à son égard n'avait fait que grandir. Elle passa la nuit éveillée, à repasser chaque détail de leur conversation, analyser la façon dont Jane était partie, à attendre quelque chose, le moindre mot. En vain. Un tel comportement était irrationnel. Elle le savait. Jane avait dû rentrer chez elle et retrouver le Casey en question. Elle allait partager son lit et sa chaleur. Il allait la toucher. Il pouvait la toucher quand il voulait, et elle le laisserait faire… Cette idée la rendait dingue.
Le lendemain matin, en plein milieu d'une pesée d'organes, Jane lui avait envoyé un texto : « Mais Maura, t'aimes les hommes quand même ? ».
Maura l'avait cherchée toute la journée pour lui répondre. Sans succès. Alors elle lui répondit par le même moyen : « Ce n'est pas une question de sexe. Je te parle d'amour. Tu me fuis ? » Maura ne fuyait jamais devant une conversation.
Jane ne répondit pas. Elle vint trouver Maura dans son bureau le soir même.
_ Jane ? Je t'ai cherché toute la journée.
_ Je sais. Je…
_ Tu m'as évitée Jane.
_ Non ! J'ai besoin de temps pour tout réaliser. Je comprends pas Maura. Jamais tu m'en as parlé. T'es ma meilleure amie. Pourquoi ? Pourquoi ?
_ Parce que tu as toujours évité le sujet. Parce que j'avais peur que tu me mettes de côté. Parce qu'il y avait toujours une petite remarque négative quand on jouait à notre petit jeu devant Giovani, Comme si la « gay attitude » était sympathique quand elle concernait les autres. Parce que je ne voulais pas que mon amour nous sépare. Mais aujourd'hui, je ne peux plus taire cet amour… parce que… parce que je n'avance pas dans ma vie.
_ Mais comment tu peux m'aimer ?
_ Comment ? Tu es une personne merveilleuse et tu ne le sais même pas. Tu es intelligente, tendre, protectrice, attentionnée… si forte et bienveillante ! Et je pourrais en rajouter !
_ C'est vraiment de l'amour… murmura Jane en baissant les yeux. Tu m'aimes, j'avais ça devant les yeux et je l'ai pas vu. Pardon Maura… Pardon, pardon !
Maura puisa les dernières onces de courage qui gisaient en elle et s'approcha de Jane. Elle prit sa main dans la sienne.
_ Je voudrais passer ma vie avec toi Jane, tu es la personne la plus importante dans ma vie. Je n'ai jamais dit ça à personne. Je sais qu'il te faudra du temps. Au fond de moi, je suis persuadée que tu partages ces sentiments et cette attirance.
Les mains de Jane se retirèrent et ses bras glissèrent autour de la taille de Maura. Ses lèvres se posèrent sur celles de son amie. Deux paires de lèvres pressées, suffisamment d'espace de rêves qui venaient de s'ouvrir pour Maura malgré l'étroitesse du contact. L'imaginé se mit à couler dans ses veines. Ce qu'elle avait espéré prenait consistance, libérait des sensations, des gestes. Un contact. Une interaction restée avortée jusque là. La chaleur la frappa, puis s'insinua au plus profond de sa chair. Elle conserva la chasteté de l'échange, garda sa saveur première. Jane venait de fixer ses fantasmes et de leur donner prise. Jane déchirait sa constitution, sa voix rauque dansait dans sa tête, s'avançait de plus en plus proche de sa cible, rampait, perforait, meurtrissait ses entrailles. En même temps un sentiment de joie ultime l'envahissait. Et cette voix qui déployait sa musique dans sa tête. Une voix si particulière, reconnaissable entre mille. Elle n'était pas mélodieuse, elle n'était pas jolie. Elle était unique. Elle installa ce moment autour du cœur de Maura qui s'en trouva captive. Jane enveloppait son cœur. Il ne battait que pour elle et ce n'était que par sa grâce qu'il irriguait son corps. Elle ne vivrait que par Jane.
Mais l'illusion s'évanouit. Au bout de combien de temps ? Impossible à dire. Maura était grisée. Le visage de Jane la ramena à la réalité. Elle était marquée. Elle avait la sensation que tout son être se retrouvait gravé à vie par cet échange, que son cœur resterait gravé à jamais. La salive avait un goût amer, celle de la crainte, la crainte de l'après. Une étrange sensation qui se transforma bientôt en certitude qu'elle eut du mal à avaler : qu'y avait-il après un baiser de Jane ?
_ J'peux pas Maura. Je peux pas faire ça ! s'écria-t-elle. Puis elle murmura : en plus, Casey m'a demandée en mariage… et j'ai dit oui.
Et Jane s'était mariée. Maura avait ravalé sa fierté et avait joué le rôle du parfait témoin. Elle savait toujours faire ce qu'on attendait d'elle. C'est pesant de toujours faire ce qu'on attend de vous, ce qu'une situation exige de vous au regard d'une morale dont vous vous êtes toujours réclamé, ou ce que votre éducation vous impose toujours dans un coin de votre tête. C'est un conditionnement. Maura lui rendit grâce malgré l'étouffement qu'il provoquait.
La cérémonie avait eu lieu à Fenway Park, comme dans le rêve de Jane. Maura avait loué le stade pour l'occasion en guise de cadeau… Jane ne lui avait pas accordé un regard. Elle avait maintenu les apparences mais les principaux intéressés n'étaient pas dupes. La légiste avait supporté tout cela pour préserver Jane de la honte qu'elle angoissait, et de l'image de la meilleure amie parfaite qu'elle entretenait depuis quatre ans… Elle s'éclipsa dès que l'occasion lui en fut donnée, le pas pressé, le cœur en lambeaux… Jane la suivit du regard.
Régnait une impression de chaos en elle. Tout semblait identique, figé autour d'elle, et pourtant à l'intérieur, elle bouillait. Elle était mue par une force en elle dont elle ne soupçonnait pas l'importance. Tout était planté, chaque objet de son décor, tout son quotidien, assemblé dans une seule et même image. Elle s'y déplaçait à sa convenance, pouvait bouger, changer des choses, des emplacements. Tout était pareil. Mais elle était impuissante face à ce qui comptait réellement et à ce paradoxe.
C'est la même émotion qui surgit lors d'un décès. Tout reste : les choses, les souvenirs, les odeurs. Sauf l'essentiel : la personne. L'absence physique déchire. L'absence auditive pointe. L'absence d'amour punit. Dans les deux cas, mort d'un amour ou mort d'un être cher, on souffre sans ne rien pouvoir faire sinon vivre avec. La notion de dépassement de la douleur est des plus absconses, le deuil un long process. A chacun de trouver sa voie.
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30 Septembre 2014, 6h02
Grat…
Un silence.
Grat…
Un silence.
Grat…
Un silence.
Grat…
Un silence.
Grat…
Un silence.
Bass faisait son chemin sur le parquet. Le frottement lancinant de ses griffes irritait la maison.
Il avait réveillé Maura. C'était ainsi depuis quelques mois. Elle survivait dès l'aube. Le sommeil ne la reposait pas, il n'était jamais suffisant, trop léger, il n'offrait qu'une parenthèse à son corps avant qu'il ne retrouve sa lourdeur quotidienne. Chaque soir l'image du couple tant détesté venait pourrir sa fatigue. Jane dans les bras de Casey. Casey jouant de ses mains sur Jane. Casey qui pénétrait Jane, et tout une volée de questions qui s'ouvraient sans qu'elle ne le veuille. Jane prenait-elle du plaisir avec lui ? Jane préférait-elle ses doigts ? Que ressentait-elle quand il la pénétrait ? Avait-elle déjà connu la jouissance comme ça ? Tout tournait en boucle dans sa tête. Elle ne s'endormait jamais avant deux heures du matin, ressassait, tournait, laissait jaillir les images, se laissait déchirer au plus profond sans pouvoir délivrer son cœur. Le repos n'existait plus, la quiétude n'était plus qu'une illusion. Elle étouffait. Parfois elle avait sentait qu'elle était au bord de l'implosion. Son cœur semblait coincé, trop enserré au fond de sa poitrine pour battre correctement. La main de Jane le tenait toujours et ne relâchait jamais sa pression. La sensation l'oppressait autant que ses idées. Elle s'appuyait contre un mur, s'asseyait au bord du lit, ou fermait les yeux assise dans son canapé. Elle attendait que la sensation de malaise s'apaise. Elle était toujours sur un fil, entre le chagrin et la douleur physique. Deux heures. Le sommeil finissait par remporter son duel… Les nuits de Maura étaient presque aussi blanches qu'elle.
Les matins avaient le même rituel : un thé vert sans sucre, l'eau chaude sur son corps, une ellipse dans le dressing, la route vers le precinct, l'arrêt au coffee shop, une première gorgée de latté au lait de soja bio non sucré, l'arrivée au bureau, fin du latté. Une pique à Pykes, quelques dossiers, des échanges avec Susie, un autre latte au Division One Cafe, une discussion avec Angela, et … Jane. Tout cela était fade et répétitif.
Le thé fumait sous son nez. La vapeur qui s'en dégageait s'accrocha à son visage. L'humidité durcit ses traits déjà tirés. Elle souffla dessus. La vapeur se dispersa dans ses cheveux qui s'alourdirent. Elle soupira. Maura ne se ressemblait pas. Elle était devenue une créature beaucoup plus froide et sombre, cynique.
Parfois le rituel s'agrémentait du passage d'une créature attrapée au hasard d'une sortie. Un corps différent à chaque fois mais si semblable en même temps. Des brunes, des blondes qui traversait quelques heures de manière anonyme avec elle et qui redevenait des ombres comme les autres après. Les gestes étaient répétitifs. Le plaisir venait avec une intensité variable. Des doigts la pénétraient, jamais une personne, et elle avait l'impression qu'ils n'atteindraient jamais son cœur, encore moins son âme. Tout cela était physique. Jane était encore là. Des brunes, des blondes. Des rousses, des grises même. Elle avait tout essayé pour faire partir Jane, avec ordre et méthode. Tout d'abord elle avait essayé tout ce qui était brun. Les peaux mates avaient défilé. Mise devant son propre échec, elle avait changé de stratégie. Le temps défilait et ne soignait pas.
_ Je peux prendre une douche avant de partir ? s'écria une voix de l'étage.
_ Bien sûr, mais fais vite, je dois bientôt partir travailler.
_ Ton réveil a pas sonné. T'inquiète pas, je dégage. Je vois bien que t'as pas l'air à l'aise avec les lendemains.
Elle prit une gorgée de thé et nourrit Bass. Elle n'avait rien répondu, l'essentiel était dit. Maura voulait retrouver sa solitude. Plusieurs fois elle avait essuyé ce genre de remarque et elle s'en moquait.
Ce matin là était un de ces matins complexifiés. Maura ne les aimait pas. Même le yoga ne l'aidait plus. Les effets des neuromédiateurs avaient disparu avec son sommeil et elle se trouvait gênée. Elle retrouvait ses peurs, ses doutes, son silence. Les endorphines post orgasmiques ne suffisaient pas à faire passer Jane, même multipliées. Le fait de la voir tous les jours n'aidait pas. Maura avait eu beau sortir ou prendre du recul, rien n'y faisait. La douleur était toujours présente. Malgré tout le soutien des personnes au courant de la situation, la proximité de Jane était une torture, même plus de 8 mois après. Et maintenant elle craignait le matin où Jane lui sauterait dessus pour lui dire qu'elle attendait un heureux évènement. Et en attendant, elle multiplia les échanges physiques en priant.
Angela l'accueillit au Division One Café avec un grand sourire et son latté déjà prêt.
_ Tu as les traits fatigués.
Maura plongea le nez dans son gobelet.
_ Maura Isles, tu ne veux pas éviter ce sujet là avec moi !
_ Angela, parlez moins fort ! la pria Maura en posant son café sur une table.
_ Quoi, il faudrait peut-être assumer jeune fille.
_ Quoi ?!
_ Combien tu vas en ramener chez toi avant que tu ne décides d'avancer ?
_ Tu les compares toutes à un fantasme, Maura. Je ne suis pas très instruite mais certainement qu'il y a tout un tas d'études qui montrent qu'il ne faut pas courir derrière un fantasme. Tu cherches vainement à obtenir une copie de Jane, mais ces pauvres filles ne t'aideront pas. Tu ne leur laisses même pas l'ombre d'une chance. Je suis sûre qu'il y en a des très bien dans le nombre et qu'aucune n'a dû voir la vraie Maura.
_ J'ai dépassé le stade de chercher une pâle copie, déclara Maura pleine d'acidité.
_ Oui, c'est vrai, les dernières sont beaucoup plus variées, dans tous les sens du terme, répondit Angela avec ironie.
_ Mais Angela…
_ Je me fais du souci pour toi Maura. Rien de plus. Et tu devrais prendre davantage soin de toi.
_ Je ne cherche plus Jane. Mais je ne sais pas comment me défaire de mes sentiments.
Maura se prit le visage dans les mains.
_ Les peines de cœur sont les plus longues à guérir. Mais quand on les dépasse, on en ressort toujours grandi. Maura, ça fait trop longtemps qu'on ne s'est pas vraiment parlé. Que dirais-tu si je te faisais à manger ce soir ? De bon cannelloni ?
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AN: Je compte sur vous pour me laisser vos avis !
