L'Homme de la Situation
Episode 1 - Ce qu'on ne raconte pas
Par Gendefekt
En uniforme, deux chevrons sur les épaules montrant son grade, le chef des intervenants de l'agence de sécurité Baalzephon S.A., répondant au nom de 251 sur radio, attendait, appuyé contre sa voiture de service, que sa centrale, la 700 sur radio, lui balance une nouvelle alarme dans son secteur. Il avait les cheveux mi-longs, noirs, et les yeux d'un vert émeraude. Plutôt apprécié par ses collègues, surtout les femmes, malgré son esprit taciturne, il était plutôt jeune et était monté en grade rapidement grâce à son efficacité, sa droiture et sa disponibilité.
Il venait de terminer la fermeture du dernier site qui lui avait été confié et prenait un peu de repos pour fumer une cigarette. Il faisait plutôt chaud cette nuit. Il devait être 2h45 du matin et la lune était plus grosse que d'habitude, quand soudain, il entendit, provenant de sa radio, le bruit strident d'un appel aux intervenants. Puis 700 prit la parole :
-Appel à inters, reçu effraction au 66-68, je répète, au 66-68 ! Intervention directe, clients absents.
251 écrasa sa cigarette, l'alarme était dans son secteur. Il informa alors 700 :
-700 de 5-1… Je prends les clés et je me rends sur place.
-Bien compris, tu prends les clés et tu te rends sur le 6668 !
-Juste.
251 inscrivit le numéro sur son ordinateur de poche et l'adresse s'afficha automatiquement. Il n'avait plus qu'à suivre son GPS. Il se dirigea donc d'abord à la centrale prendre les clés du bâtiment. Il salua au passage les opérateurs qui travaillaient au 700 et se dépêcha de prendre les clés pour ensuite se rendre jusqu'au 6668. Une fois sur place, il annonça à 700 qu'il était arrivé et regarda la demeure. Il se trouvait que c'était un manoir perdu dans la campagne, construit près d'un cimetière.
Arrivant près de la résidence, il fit d'abord une ronde extérieure pour voir si aucune porte ou fenêtre n'avaient été forcées. Comme il n'y avait aucune trace extérieure d'effraction, il ouvrit avec ses clés et entra dans le manoir. La porte grinçait, tout comme le parquet, mais 251 n'y prêta pas attention. Il s'occupa surtout des autres bruits suspects qui pourraient se faire entendre. Mais comme il ne semblait y avoir personne, il alluma la lumière. Après avoir désactivé l'alarme, il jeta un rapide coup d'œil dans les pièces du rez-de-chaussée et ne vit rien d'anormal. Il revint alors sur ses pas quand soudain, la lumière lâcha. 251 se demanda de quoi pouvait provenir cette panne de courant et alluma sa lampe torche, prenant aussi sa radio :
-700 de 5-1…
Mais sa radio se brouilla. Il retenta une fois :
-700 de 5-1…
Rien que des grésillements sortaient. Il essaya ensuite d'appeler un autre intervenant :
-5-2 de 5-1…
Mais il ne reçu rien en retour que les mêmes bourdonnements. Il jura entre ses dents et tenta d'appeler avec son natel inter. Hélas, il n'y avait absolument aucun réseau.
-Très bien… souffla 251 pour lui-même, On va faire sans…
Il regarda s'il y avait, dans le manoir, une cave où pouvaient se trouver les plombs. Il trouva une porte avec un escalier et commença à le descendre en faisant attention où il mettait les pieds, laissant le faisceau de sa lampe éclairer les marches. A peine eut-il posé les semelles sur le sol de la cave que sa lampe commença à peiner. Il lui donna un coup qui la fit repartir durant une seconde, mais juste après, elle s'éteignit pour de bon.
Pour une fois, il se félicita d'être fumeur et alluma son briquet. La lumière était faible, mais c'était au moins ça. Dans les ténèbres que les ombres marquaient sur les murs, 251 s'avança prudemment à la recherche du panneau où devaient se trouver les plombs. Il cru l'avoir trouvé, quand soudain, il sentit une présence dans son dos. Doucement, il porta sa main libre à son arme et se tourna.
En face de lui se trouvait une petite fille qui semblait ne pas s'être coiffé depuis une semaine. Il fronça les sourcils et s'approcha d'elle en lui demandant :
-Eh… salut… tu habites ici ?
Elle secoua la tête en signe de négation.
-Alors qu'est-ce que tu fais là, hein ?
-Je cherche quelque chose…
-Quoi donc ?
-On me l'a prise…
-Mais de quoi parles-tu ?
-De ça…
Elle pointa un point dans son dos et il tourna la tête, mais ne vit rien malgré la lumière de la flamme. Lorsqu'il revint face à la fillette, elle avait disparut.
-Eh ? Fillette ? … heu…
Il se demanda comment elle avait pu partir si vite, sans même avoir fait grincer la porte de la cave. Il la chercha alors dans les recoins, mais ne vit rien. N'imaginant pas avoir perdu la tête, 251 préféra ne pas réfléchir et ne fit que regarder où la fillette avait pointé le doigt. Il examina le mur, mais il ne s'y trouvait rien qui permettait d'y introduire quelque chose. Il baissa ensuite les yeux au sol et vit que les lattes de bois étaient mal placées. Il s'accroupit, en bougea une et trouva une petite peluche coincée dans un trou sous le parquet. 251 la prit et vit qu'elle était là depuis longtemps, car elle était en très mauvais état.
-C'est ça que tu cherchais, ma petite ? se demanda 251 à voix haute.
Il se tourna alors, toujours accroupis et sursauta en croyant apercevoir une silhouette devant lui. La flamme de son briquet s'éteignit et il se hâta de le rallumer. Lorsque la flamme revint, il était seul dans la pièce. Se relevant, il tenta de calmer son cœur que l'adrénaline avait fait pulser à une vitesse folle. Ce ne devait être qu'une ombre, pensa-t-il. Il regarda alors par terre, car il avait lâché la peluche dans son soubresaut. Elle n'était plus là. Il chercha encore un peu plus loin sur le sol, mais elle n'y était plus.
-… là, ça devient vraiment étrange… souffla l'intervenant.
Soudain, son cœur repartit en samba, car il entendit un souffle roque dans son dos. Il se retourna lentement, mais n'eut pas le temps de voir quoi que ce soit qu'il se fit griffer l'avant-bras et que cela éteignit son briquet.
-Aouch !
Il sortit alors son arme et la garda proche de lui. Heureusement, il n'avait pas lâché le briquet et tenta de le rallumer. Rien à faire. 251 garda alors tous ses sens en alerte et son pistolet contre lui, près à s'en servir dès qu'il verrait ou sentirait une présence. De tête, il tenta de se souvenir où se trouvait la sortie et avança prudemment.
-Ca devient beaucoup trop louche… montre-toi ! Qui… Quoi que tu sois !
Il sentit quelque chose le frôler et il balança la crosse de son arme à cet endroit. Il heurta quelque chose de dur qui gémit. Sachant maintenant sa position, il frappa à nouveau et réussit à l'avoir encore une fois. Il donna un coup de pied à l'aveugle et il l'entendit tomber sans émettre de cri. Reprenant son souffle, 251 retenta d'allumer son briquet qui, cette fois-ci, fut d'accord. L'intervenant voulut donc voir ce qu'il venait de mettre à terre, mais il tomba sur la peluche du début.
-… Plus incompréhensible… tu meurs…
Il prit le doudou et entendit au même instant un bruit de porte. Il monta alors les marches pour sortir et vit que c'était la porte de la cave qui s'était entrouverte. Prudent, 251 sortit du sous-sol et avança jusqu'au boîtier de l'alarme. Soudain, il entendit un crissement de parquet et se retourna d'un coup. La jeune fille était à nouveau là :
-Tu l'as trouvée !
-Tu cherchais… ta peluche ?
-Oui ! Tu peux me la donner ?
-Heu… oui, bien sûr…
Alors qu'il hésitait, la fillette lui sourit :
-Ne t'en fait pas, il ne reviendra plus !
-Quoi ?
Elle lui piqua la peluche des mains sans lui répondre et, dans un rire enfantin, courut se fondre dans les ténèbres du couloir.
-Attend ! s'exclama 251.
Il voulu courir après elle, mais la lumière revint d'un coup et l'aveugla durant quelques secondes. Il regarda alors le couloir où s'était enfuie la fillette, mais n'y vit plus personne. Il fit le tour du manoir, chercha un signe à l'extérieur, mais rien. Il soupira et retourna au boîtier de l'alarme, quittancer cette dernière et réenclencher le tout. Une fois qu'il sortit de la demeure, il pouvait à nouveau entendre ce que ce disait les patrouilleurs et les autres intervenants avec sa radio. Il regarda alors le ciel, la lune était cachée par un nuage épais. Puis il se tourna vers la maison et sourit ironiquement :
-Bha voyons… et comment j'explique ça, moi ?
Il prit son natel d'intervention et appela la centrale qui lui demanda ce qui c'était passé. Mécaniquement, il lâcha cette phrase qui revenait souvent :
-Pour le 6668… Après contrôle, personne sur place, tout en ordre, alarme indéterminée…
-Pourtant tu en as mis du temps ! plaisanta l'Opératrice.
-Je suis tombé sur un fantôme.
L'opératrice rit :
-Quelle chance tu as ! Il ne t'a pas donné son nom ?
-Hélas non… Bon, tu me donnes mes heures ?
-Volontiers !
251 fit donc son rapport en notant l'heure de l'alarme, celle de son arrivée et lui donna celle de son départ. Il grava ensuite cet épisode dans sa tête pour se rappeler qu'il avait eu une bonne idée de postuler pour ce job, parce que parfois, il ne s'ennuyait vraiment pas.
Reprenant le volant de sa voiture de service, il sourit et démarra pour retourner à la centrale boire un café.
