De la buée contre la vitre

Je n'ai pas pu voir tous les épisodes de Galactik Football, je m'excuse donc de toute incohérence.

Ce qui suit se situe dans la saison 1, un peu avant l'épisode « Le Duel ».

Je préviens tout de suite : j'ai dû rendre D'Jok un peu moins idiot et Sinedd un peu moins méchant, sinon je ne serai parvenue à rien ! Bien entendu, ces personnages ne m'appartiennent malheureusement pas… En tout cas :

Bonne lecture !

*

La pluie battait contre la baie vitrée de la chambre d'hôtel, brouillant les lueurs de la ville.

Les quelques jets qui circulaient par ce temps passaient près des immeubles, fendant le vent en de grands bruits d'eau frémissante.

Indifférent à l'activité nocturne de la ville comme à la mauvaise météo, D'Jok était concentré sur le visionnage du match contre les Shadows. Les sourcils froncés, il notait les différentes positions de Sinedd. Ce dernier n'utilisait presque jamais les mêmes tactiques de jeu, sans pour autant prendre des risques comme Micro-Ice le faisait de temps à autre.

Son jeu était fluide, apparemment simple, mais… Imprévisible. Il était toujours là où on l'attendait le moins, pensa D'Jok en soupirant, passant une main fatiguée dans ses cheveux roux. Comment était-il censé comprendre sa tactique quand la caméra ne faisait que des gros plans sur sa sale tête de vicieux ?

Il repassa néanmoins un de ses buts au ralenti, tentant de ne pas se laisser distraire par le fait que Sinedd était un crétin arrogant et un bon buteur, même si D'Jok aurait préféré aller chez les Shadows plutôt que de l'admettre. Enfin, peut-être. De toute façon, il était sûr d'être meilleur que lui. Bon d'accord, presque sûr, mais ça ne comptait pas !

Sur l'écran, Sinedd accélérait, prenait une impulsion, puis, il s'élevait lentement en l'air. Lentement ? Mais oui ! Il accélérait plus tard, une fois que le gardien avait suffisamment incliné la tête vers le haut pour être déstabilisé s'il devait rapidement changer de position pour pouvoir toujours voir le voir. Du coup, il profitait de ce petit instant d'hésitation pour marquer. C'était simple, dangereux, mais très efficace. « Bon, j'ai de bonnes chances de le battre, tout compte fait », sourit D'Jok, satisfait.

« Si j'étais toi je n'en serai pas si sûr », dit une voix familière et ironique.

Sinedd se tenait dans l'entrée de sa chambre, nonchalamment accoudé à l'encadrement de la porte.

Il avait son habituelle expression moqueuse et malgré la météo, ses cheveux étaient secs et en épis. D'Jok leva les yeux au ciel. Il ne pouvait donc pas passer deux minutes sans le voir!

Sinedd lui adressa un sourire retroussé, apparemment ravi de l'agacer.

« Qu'est-ce que tu fais là ? », demanda D'Jok d'une voix lasse, déjà exaspéré par les insultes perfides dont Sinedd allait l'abreuver. Il se leva d'un mouvement leste au cas où Sinedd aurait également prévu de le mettre hors d'état de jouer, ce qui était bien dans son genre.

Malgré le fait que Sinedd était maigre, il était un peu plus grand que D'Jok, ce qui lui donnait un avantage. Même si D'Jok était certain de l'emporter au corps à corps, il préférait de pas prendre de risque.

Sinedd secoua la tête. « D'Jok, D'Jok », dit-il d'un ton amusé. « Si j'avais voulu te casser une jambe, t'empoisonner ou quelque chose du genre, je ne m'y serais pas pris comme ça, voyons. »

Il ferma la porte de la chambre et s'avança, un sourire flottant toujours sur ses lèvres fines.

« En fait, je suis venu te proposer quelque chose. », ajouta-t-il.

« Comment es-tu entré ? », demanda D'Jok d'un ton soupçonneux.

« Oh, rien de plus facile », répondit Sinedd d'un ton nonchalant en écartant les bras et en haussant les épaules. « Sérieusement, le type à lunettes de l'entrée ne fait pas son boulot. Aarch n'a pas les moyens de se payer qui que ce soit de compétent, on dirait. Remarque, au moins les majordomes sont au niveau des joueurs. »

« Je parie que les Shadows n'en ont même pas, de majordomes », répondit D'Jok, irrité. Bien qu'il était habitué à la stupidité continuelle de Sinedd, il ne pouvait s'empêcher de s'énerver. « J'arrive pas à croire que tu es venu juste pour m'insulter », ajouta-t-il d'une voix pleine de mépris.

« Non, non, même si ça m'amuse beaucoup de t'insulter, j'ai d'autres choses plus intéressantes à faire. Mais quand même, tu te rends compte du danger, je pourrais très bien être un fou furieux venu t'assassiner », continua Sinedd en ayant l'air de trouver ça du plus grand comique.

Le regard de D'Jok se durcit. « Tu es un fou furieux. Je ne comprend pas comment on a pu te laisser entrer », dit-il d'une voix où la colère affleurait.

L'odeur de Sinedd commençait à se répandre dans la chambre. Une odeur de pluie, de caoutchouc, de tabac âcre, et de quelque chose que D'Jok ne parvenait pas à identifier.

« Mais pourquoi pas, mon ami ? On pourrait être les meilleurs potes du monde », répondit Sinedd, la voix lourde de sarcasme. « Enfin bon. » Sinedd marqua une pause. « Je veux te prouver une bonne fois pour toute que je suis meilleur que toi », dit-il, toute ironie disparue. « En duel. Rien que toi et moi. »

Il fixa D'Jok de ses yeux violet sombre. « Parce que tu ne vas pas pouvoir être à fond sur le terrain. »

« Ah, tu crois ça ? », demanda D'Jok, sa colère allant croissante.

Pour qui se prenait-il, à rentrer comme ça dans sa chambre ? Et surtout, comment pouvait-il se croire meilleur que lui ? Il ne lui arrivait même pas à la cheville ! Il était vraiment minable, avec ses petits commentaires ironiques à deux balles, pensa D'Jok, sans se rendre compte qu'il détestait le sens de la répartie de Sinedd d'autant plus qu'il l'enviait.

Ce dernier lui jeta un regard qui en disait long. Il y avait toujours sa froideur habituelle, mais pas de mépris, c'était juste comme s'il jaugeait la situation… Ses yeux cernés et étaient lourds de quelque chose, comme s'il savait. Ses longs sourcils étendus en un arc pensif, il scrutait le regard de D'Jok, qui comprit alors, que, pour une fois, Sinedd ne l'avait pas insulté. Pas pouvoir. C'est-à-dire, pas en mesure de, ça n'avait rien à voir avec le fait qu'il puisse être un mauvais joueur. Se pouvait-il vraiment que Sinedd soit au courant pour son père ? S'efforçant de penser que l'angoisse le rendait parano, D'Jok sentit néanmoins une vague de colère l'envahir à nouveau.

« Comment -enfin- tu es au courant de… »

Il ne parvint pas à finir sa phrase. Le dilemme qui lui broyait la cervelle depuis deux jours revint rapidement dans son esprit. Il s'assit lourdement sur son lit, se sentant soudain vidé de toute énergie. Paradoxalement, se concentrer sur le jeu de Sinedd lui avait permis de ne plus y penser, et voilà que maintenant c'était Sinedd en personne venait le lui rappeler. Faire perdre les Snow Kids, et en même temps une occasion extraordinaire, l'enjeu qu'Aarch s'était fixé depuis de longues années. Ou perdre son père. Il lui semblait tout à fait impossible de perdre l'un ou l'autre, mais son père comptait plus que tout, et le foot était toute sa vie… D'Jok se prit la tête entre les mains, soupira doucement, puis se redressa lentement.

Sinedd avait cessé de fixer D'Jok, et il avait marché jusqu'à la fenêtre.

Il était de dos, et regardait les larmes de la pluie couler le long des joues de verre de la vitre. Ses épaules s'affaissèrent légèrement dans son blouson blanc.

« C'est ce que je ferais, si j'étais toi », dit-il d'une voix basse, contenue, que D'Jok ne lui connaissait pas. « Je sauverais mon père. Enfin, c'est un peu dur pour moi de me mettre à ta place, puisque je n'ai pas de parents », dit-il d'une voix de plus en plus basse, comme s'il se parlait à lui-même.

D'Jok, héberlué, fixa le dos de Sinedd, comme si le blouson allait lui confirmer le fait qu'il ressentait soudainement quelque chose qui ressemblait à de la compassion – pour Sinedd. Cet imbécile arrogant avait donc des sentiments autres que la méchanceté gratuite ! Qui n'est pas un sentiment, d'ailleurs…

D'Jok se rappela soudain de leurs similitudes (qu'il avait pourtant soigneusement effacées de sa mémoire). Tous les deux orphelins –pendant 15 ans du moins pour D'Jok, tous les deux décrits comme arrogants et jouant perso, tous les deux ambitieux, tous les deux buteurs. Quelque part, Sinedd était l'autre face de D'Jok, ce qu'il aurait pu être… S'il avait eu moins de chance. Et vice versa.

C'était pour ça que Sinedd le détestait, et pourquoi il le détestait. Mais seulement en partie, parce que cela n'ôtait rien au fait qu'il était un imbécile prétentieux et moqueur. Mais il lui faisait miroiter tout le malheur qui aurait pu l'atteindre, et D'Jok lui faisait miroiter ce qu'il aurait pu avoir. Un père, une mère adoptive. Une place privilégiée chez les Snow Kids.

Perdu dans ses pensées, D'Jok ne s'était pas rendu compte du silence qui était tombé dans la chambre. Sinedd ne l'avait pas brisé, et avait continué à regarder couler l'eau, dans la quiétude du clapotis de la pluie et des bruits de la ville.

« On a beaucoup en commun, en fait », dit D'Jok d'un ton neutre.

« Je vois pas de quoi tu parles », siffla Sinedd entre ses dents, ne se tournant toujours pas vers D'Jok.

« Tu vois très bien », répondit D'Jok, heureux de voir que ça ne lui plaisait pas de le constater, à lui non plus.

« Alors, tu acceptes ma proposition ? », dit Sinedd en faisant brusquement volte-face, comme s'il voulait chasser une mouche.

« Je l'accepte. Mais je ne vois pas pourquoi tu veux me défier. Tu t'en fous de gagner à la loyale, non ? Et pourquoi moi ? Je croyais que tu pensais que Rocket était le meilleur des Snow Kids. »

D'Jok était méfiant, car cette idée de duel sans public ne l'inspirait pas. Et s'il s'agissait d'un piège ?

Sinedd eut un soupir agacé. Son sourire arrogant s'était raccroché sur son visage en pointe.

« Gagner à la loyale, c'est bien quand il n'y a pas d'enjeux. Si vous êtes des loosers, vous les Snow Kids, c'est en partie parce que vous vous prenez pour un tas de chevaliers. C'est de la pure connerie. Et en plus d'être cons, vous êtes juste mauvais », répondit Sinedd, agrémentant sa réponse d'un rire bref et désagréable. « Mais comme là, c'est un face à face, mon cher D'Jok, je vais te prouver que je vaux mieux que toi à la loyale. Ah, et, oui, je pense que Rocket est le meilleur des Snowkids, enfin, le seul qui vaut quelque chose, et je compte bien le défier aussi. Mais avant ça j'aimerai faire entrer sous ton crâne épais le fait que je suis meilleur que toi », dit-il en pointant successivement sa poitrine et celle de D'Jok.

« Enfin bref. Demain, huit heures, au stade. Et bonne chance pour le match. »

Il marcha en de longues enjambées vers la porte, mais D'Jok fut plus rapide que lui et lui bloqua la route.

« Attends. Tu n'as pas répondu à ma question. Comment es-tu au courant de… ça ? » Le ton de sa voix ne laissait aucun doute sur le sujet qu'il abordait.

« Peu importe », répondit Sinedd en le repoussant. D'Jok le rattrapa et le plaqua violemment contre le mur le plus proche. Le visage à quelques centimètres de celui de Sinedd, il scruta son regard, lui opposant ses yeux verts et plissés par la colère. « Je te préviens », siffla-t-il, « si jamais j'ai le moindre problème à cause de toi, tu me le paieras. »

Sinedd se dégagea brusquement. « Me touche pas, connard », grinça-t-il, une lueur dangereuse brillant au fond de ses yeux. « Je ne vais pas te causer de problème sur ce plan là, bouffon. »

Adouci, ou peut-être effrayé, par quelque chose dans le regard soudain fou de Sinedd, D'Jok le regarda faire quelques pas rapides et coléreux vers la sortie. Des mots franchirent soudain ses lèvres, sans qu'il ait eu le temps de réfléchir, formant une phrase dont il ignorait qu'elle lui trottait dans la tête.

« Au fait… Comment est-ce que tu as perdu tes parents ? »

Sinedd se tourna vers D'Jok, haussant les sourcils, surpris. Comme s'il voulait vérifier que la candeur qu'il avait entendue dans la voix de D'Jok n'était pas sortie de son imagination. Puis il se détourna, fit encore quelques pas, et s'arrêta juste avant de franchir le pas de la porte.

D'Jok s'était arrêté, lui aussi, à quelques pas derrière lui, dans son dos.

Mais Sinedd ouvrit brusquement la porte et la claqua en partant.

D'Jok regarda la porte se refermer. Il se rendit compte que malgré l'aversion profonde qu'il ressentait toujours pour lui, cette aversion était nuancée par le fait que Sinedd pouvait être… Sympathique ? Non. Humain ? Oui, humain.

D'Jok prit soudain conscience de la violence de la pluie au dehors.

*

Si vous avez aimé, ou détesté, un petit commentaire constructif est le bienvenu!

Quoi qu'il en soit, j'espère que ça vous a plu!

Pour l'instant, je vois ce texte comme un oneshot, mais il est possible que je le continue !