Les liens du cœur
Au prix d'un effort colossal, Bolvar parvint de justesse à retenir une nouvelle exclamation de douleur. Serrant les dents fermement, il leva un regard déterminé vers son tortionnaire dans une attitude de défi. Il ne lui ferait pas le plaisir de s'avouer vaincu sans combattre de toutes ses forces.
La douleur était pourtant ineffable, comme si chaque parcelle de son corps était consumée par un feu brûlant et inexorable, comme si ses os étaient brisés un à un et son âme mise au supplice dans une lente et effroyable agonie. Les yeux à présent fermés, il prit conscience d'avoir été ramené dans sa cellule. Le jeune paladin soupira. Il avait si mal. Il savait qu'il ne tiendrait plus très longtemps désormais. Alors qu'il se perdait de nouveau dans les ténèbres de l'inconscience, il entendit quelqu'un murmurer son nom. La voix était douce mais ferme, il lui semblait l'avoir déjà entendue en des temps plus heureux si bien qu'au prix d'un grand effort, il se força à ouvrir les yeux et ce qu'il vit le laissa bouche bée.
Un jeune homme se tenait face à lui, vêtu d'une magnifique armure, ses épaulières étincelantes, ses longs cheveux châtains négligemment attachés en une queue de cheval haute. Une fine couronne d'or ceignait son front. Il aurait pu être rayonnant si seulement son visage n'avait pas exprimé une si grande tristesse. Il le fixait, sans ciller, de ses grands yeux bleus emplis de larmes qui ne parvenaient pas à couler.
- Varian ?
Le roi de Hurlevent esquissa un sourire amer tout en hochant la tête imperceptiblement. Bolvar sentit aussitôt une vague d'espoir le submerger. Son meilleur ami était là avec lui. Plus rien n'avait d'importance à présent, ni la peur, ni même la douleur. Il esquissa un mouvement pour le toucher afin de s'assurer qu'il était bien là mais il fut retenu par les lourdes chaînes qui lui emprisonnaient les poignets. Varian baissa les yeux et fixa ses liens comme s'il avait pu les faire fondre d'un simple regard. Mais il apparut rapidement qu'en dépit de son acharnement, il ne pouvait que les fixer avec tristesse. Bolvar su alors que rien de tout cela n'était réel, que son esprit bientôt vaincu ne faisait que retarder l'échéance en lui faisant miroiter les derniers vestiges de ce qu'il chérissait en ce monde.
- Reste près de moi, supplia-t-il.
Et dans la pénombre glacée de sa cellule, alors qu'il attendait la fin, son corps brisé par la torture, Bolvar Fordragon contempla le reflet pale et silencieux de Varian Wrynn, celui qu'il avait toujours considéré comme son frère de cœur et qu'il ne reverrait jamais.
