Cette idée d'histoire assez insolite m'est venue à l'esprit en repensant à l'un de mes films préférés, Slumdog millionnaire (que je conseille vivement), où le personnage principal participe à l'émission "Qui veut gagner de smillions ?" et répond à toutes les questions grâce à ses souvenirs et son passé.
L'histoire se passe après la saison 4, donc il y a des spoilers.
En espérant que cela vous plaise, bonne lecture !
À Moussy, qui a imaginé le nom de la présentatrice.
S'il y a bien une chose que John admire depuis le début, c'est bien l'intelligence remarquable de Sherlock. Durant les premières semaines suivant sa rencontre avec le détective, John se demandait comment cet homme pouvait si aisément déduire des choses et se rappeler de certains détails minuscules. Et même s'il se contredit parfois, répétant qu'il fait souvent le ménage dans son palais mental pour ne conserver que les informations nécessaires, Sherlock a en lui une quantité infinie d'informations. Grâce à cela, il est parfois trop facile pour le détective de résoudre certaines énigmes et autres mystères. John ne compte plus le nombre de fois où le palais mental les a sauvés.
Il repense à tout cela en observant une nouvelle fois son ami allongé sur le canapé comme il en a l'habitude. Ils ne sont guère en pleine affaire, alors John se demande à quoi peut bien réfléchir Sherlock. Le calme est trop pesant dans le salon, vu que Rosie fait la sieste dans sa chambre. La seule personne un tant soit peu présente est le médecin, comprenant facilement que son ami n'est ici que physiquement. Il est donc inutile de tenter de lier conversation ou de soupirer pour capter son attention. À la place, John lit une revue que Mrs Hudson lui a donné. Elle parle de tout et de rien, et est surtout remplie de publicités comme beaucoup de magazines. Watson finit cependant par tomber sur un article intéressant.
Il est question de la popularité croissante d'une présentatrice d'un jeu télévisé en France. John connaît vaguement l'émission, car elle passait autrefois à la télé. Apparemment, elle est plus populaire dans l'hexagone. En lisant l'article, John apprend que c'est grâce à la présentatrice au caractère particulier que le jeu télévisé a regagné en audience. Une photo de la jeune femme à droite de la page la présente lors d'une interview. Elle a la peau mate, les cheveux noir, et est si fine que l'on pourrait presque la désigner comme en état de maigreur. À la voir ainsi, John se demande ce que cette femme peut bien avoir de spécial, puisqu'elle ne laisse rein paraître sur la photographie. Il se demande alors s'il n'y aurait pas moyen d'avoir le canal pour recevoir les chaînes fran-
-JE M'ENNUIE ! hurle Sherlock, faisant sursauter John.
Le détective se lève brutalement du canapé, faisant voler sa robe de chambre. Il consulte avec rage son ordinateur pour vérifier ses courriels, et John comprend facilement à la mine déterrée du brun qu'il n'a rien reçu d'intéressant. Cela fait désormais deux jours que leur dernière enquête est terminée, et Sherlock, contrairement à John, n'aspire pas au repos. Il se met alors à gesticuler dans le salon, tel un gosse. En l'observant, le médecin commence à avoir une idée farfelue. Il jette un nouveau coup d'œil à l'article de son magazine, puis sur Sherlock.
-Dis, Sherlock, jusqu'où ton palais mental est fiable ?
-Comment ça ?
-En fait, je me demande si tu serais capable de répondre à des questions de...
John n'a guère le temps de finir sa phrase que Sherlock arrache la revue de ses mains. Il zieute rapidement la page, et après avoir lever les yeux au ciel, il rend le bien à son ami. Le détective comprend très bien ce que John pense.
-Tu crois vraiment que j'ai que ça à faire de participer à des émissions télévisées ?
-Tu n'as aucune enquête, et les criminels sont bien calmes en ce moment. Tu n'as pas envie d'essayer ? demande timidement John.
-C'est une perte de temps. Tu sais très bien que je saurais répondre à toutes les questions.
-Vantard.
-N'oublie pas que je suis un sociopathe de haut niveau.
-Double vantard. Si tu le prouvais autrement qu'avec les enquêtes ?
-Tu es sérieux ? Quel intérêt d'aller sur un plateau télé pour répondre à des questions insipides ?
-Le candidat gagne de l'argent, et les spectateurs sont faciles à divertir.
-Pff...répond Sherlock, la mine boudeuse.
Il s'assoit dans son fauteuil en face de John, dans sa pose théâtrale de l'homme perdu. Son ami comprend facilement que le brun est en pleine réflexion, son esprit envahi par cette idée quelque peu saugrenue. Après tout, cela pourrait être très amusant. John trépigne à l'idée de voir Sherlock passer à la télé, dans un pays où personne ne le connaît.
-Dis-moi, je répète, jusqu'où ton palais mental est fiable ?
-Tu insistes, tu es têtu.
-Pari.
-Je te rappelle que ça se passe en France, ce truc.
-Et ? Qu'est-ce qui t'en empêches ?
-Je ne t'ai jamais vu aussi déterminé.
-Ouais, et je ne lâcherais pas l'affaire.
-Et si Lestrade appelle pour une enquête intéressante ?
-Ce n'est l'affaire que d'une journée. Tu prends l'avion, tu arrives au plateau, l'émission dure deux heures environ, et tu repars. Il faut juste t'inscrire pour être sélectionné.
-Ben voyons...
-Tu n'es pas obligé de mettre ton vrai nom.
-"Sherlock Doyle", ça sonne bien ? John ?
L'intéressé demeure silencieux, se contentant de sourire de manière malicieuse à la place.
-Donc tu acceptes ce pari ?
-Ai-je le choix ? Et quel est ce pari ?
-Pari d'ami.
-Ah, bordel...
C'est rare que Sherlock soit grossier, et John sait que les rares jurons employés par le détective désignent soit une impasse, soit une tentative ratée de dissimuler une grande satisfaction. Il regarde de nouveau l'article de la revue, et ne peut s'empêcher de sourire. Le célèbre anglais Sherlock Holmes va bientôt rencontrer la célèbre française Lana Bundy.
Pour une raison inconnue, Sherlock est très rapidement reçu comme candidat, si bien que sa participation à l'émission se déroule seulement cinq jours après la proposition de John. Ainsi, comme convenu, Sherlock se rend seul en France, à Paris, pour l'émission. Bien sûr, il a fait en sorte que la télé de leur appartement reçoit la chaîne où sera diffusée l'émission. De plus, avec leurs nombreuses enquêtes,et quelques leçons de la part du détective, John comprend désormais la langue française, de même que Mrs Hudson, et même ils ne comprennent pas tout, le brun a fait en sorte qu'il y ai les sous titres.
Il est amené au plateau par un véhicule privé. Sherlock est assez troublé quant aux loges et aux techniciens qu'il peut voir. Il est difficile pour lui de ne pas râler après les maquilleuses qui passent plusieurs coups de pinceaux sur son visage, ainsi que les nombreux commentaires admiratifs pour ses qualités physiques. Les nombreux spots de lumières fusent de partout tandis que plusieurs annonces sont faites sur le plateau, adressés aux techniciens ainsi qu'au public, prévenant que l'émission va débuter dans une demie-heure.
-Vous ne stressez pas, monsieur Doyle ? demande une maquilleuse.
-Pourquoi ? Je le devrais ? répond d'un ton las Sherlock.
-Tout le monde stresse ou s'impatiente à l'idée d'être filmé et d'être vu par des milliers de téléspectateurs. Et puis vous allez voir comme Mademoiselle Bundy met la pression aussi bien qu'elle met l'ambiance.
-Formidable, dit le détective d'un ton inadapté.
Le brun s'exprime parfaitement en français, sans l'ombre d'un accent. Finalement, Sherlock a fini d'être maquillé, il se lève pour se diriger vers l'entrée du plateau. Il n'y avait plus qu'à attendre le début de l'émission. Il a gardé son costume habituel. Alors qu'il attend debout, observant les spectateurs s'installer petit à petit ainsi que les derniers réglages effectués, il reçoit une vive claque sur l'épaule. Sur le coup de la surprise, il se retourne, se retrouvant face à une jeune femme habillée de manière élégante. Il reconnaît alors Lana Bundy.
-Bien le bonjour, M'sieur Doyle ! s'exclame t-elle. Je suis ravie de vous rencontrer.
-Bonjour, se contente de répondre Sherlock.
-Attendons l'émission pour les présentations, qu'en dites-vous ?
-Si ça vous chante.
-Je sens que je vais vous adorer !
À la place, Sherlock consulte son téléphone. Il a reçu un message de John. "Nous sommes devant la télé avec Rosie et Mrs Hudson. Elles sont surexcitées. JW" Le détective ne peut s'empêcher de sourire. Il n'en a que faire de participer à cette émission, mais s'il peut amuser sa petite famille, c'est parfait.
-Monsieur, il va falloir me remettre votre téléphone, demande un technicien.
Sherlock met en veille l'objet et s'exécute, sous l'œil attentif de la présentatrice. Une annonce indique le début de l'émission dans deux minutes. Étrangement, le brun commence à se sentir différent, avec une forme alternative de l'adrénaline. Puis les spots de lumières se placent, ainsi que les caméras et le public, et la voix du haut parleur annonce le compte à rebours.
-Soufflez, Monsieur Doyle, dit chaleureusement Lana. Attendez que j'annonce votre nom pour arriver sur la plateau, okay ? Restez là le temps que je fasse l'intro et tout le blabla.
-Ok.
-Faites de cette émission quelque chose d'intéressant, la plupart des candidats sont barbants.
Sherlock n'a guère le temps de répliquer que le public se met à applaudir tandis que la musique de l'émission de met à résonner et que les lumières dansent. Lana file vers le centre du plateau où trônent deux sièges et deux écrans. La présentatrice salue le public avec le sourire avant de s'installer. Les applaudissements s'évanouissent petit à petit tandis que la musique s'arrête. La présentatrice se tourne en direction d'une caméra, et commence à parler d'une voix énergique, tranchant avec la dernière remarque adressée à Sherlock.
-Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur le plateau de "Qui veut gagner des millions ?". J'espère que vous serez attentifs jusqu'au bout, chers téléspectateurs, car nous espérons à chaque émission qu'un candidat remporte le million d'euros en jeu. Mais bon, je crains que ce ne soit pas demain la veille.
Le public se met à rire, créant une courte vague de brouhaha.
John, Rosie et Mrs Hudson sont confortablement installés sur le canapé. Même si le médecin se doute que sa fille puisse lire les phrases défilant rapidement sur l'écran, il est tout de même content à l'idée de partager ce moment particulier avec elle. La fillette a désormais cinq ans, et a déjà son caractère bien a elle, se comportant parfois comme Sherlock, tout en ayant la gentillesse et la compassion de John.
En écoutant la remarque de la présentatrice, John comprend mieux l'article décrivant un caractère particulier chez elle. Finalement, cela pourrait bien faire un duo de choc avec le détective pour l'émission.
-Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Sherlock Doyle !
Le dénommé s'avance tranquillement sur le plateau sous l'ovation du public ainsi que la musique entraînante. Sherlock est habitué à la foule, aux hystéries ainsi que les caméras, après tout.
-C'est Sherlock, c'est Sherlock ! s'exclame Rosie en pointant du doigt l'écran.
Le détective s'installe sur le fauteuil, face à Lana, la mine neutre. Le calme revient sur le plateau.
-Bonjour, Sherlock.
-Bonjour, Lana.
-Qu'est-ce que ça fait d'être sur le plateau de "Qui veut gagner des millions ?" ? C'est la première fois que vous venez ici, et en France également, n'est-ce pas ?
-Ça me fait ni chaud ni froid. Et comment savez pour ma première venue ?
-Oh vous savez, rien qu'à votre nom, on devine que ce n'est pas français. C'est la première fois que j'entends un nom aussi...atypique.
Lana dit cela tout en agitant la main et en mimant une mine hésitante. Une nouvelle fois, le public pouffe.
-Cela dit, notre pays n'est pas à blâmer. On a nous aussi des noms à coucher dehors, Pierre-François Martin-Laval ou Johnny Hallyday.
Sherlock préfère ignorer à partir de cet instant tous les ricanements du public.
-En tout cas, vous faites un chouette anglais ! dit Lana. Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?
-Je suis détective consultant.
-Je ne connais pas, du moins pas consultant.
-C'est normal, je suis le seul au monde car c'est moi qui ai inventé ce métier.
-Oh, intéressant ! Et votre métier porte ses fruits ?
Sherlock a du mal à contenir son incompréhension en rapport à cette expression. Lana le comprend rapidement.
-Votre métier se déroule bien ? corrige t-elle.
-Très bien, j'aide la police, tout en l'humiliant.
C'est au tour de Sherlock de faire rire le public, de même que John et les filles à des centaines de kilomètres de lui. La présentatrice esquisse un large sourire à cette remarque, s'installant plus au fond de son siège, décontractée.
-Vous êtes amusant, Sherlock, on va bien s'amuser. Il y a t-il une raison de prendre des congés pour venir ici, passer à la télé ?
-J'ai un ami très borné qui voulait à tout prix faire tester mes connaissances, sous forme de pari.
-Il parle de toi, Papa ! dit Rosie entre deux gloussements.
-Il m'a l'air bien à son aise, en tout cas, répond Mrs Hudson. Il reste un grand gamin, et vous n'arrangez rien, John.
Le médecin pouffe. Il est vrai qu'il a tendance à ne pas arranger la maturité parfois douteuse de Sherlock. Mais leur amitié est telle qu'ils ne peuvent s'empêcher de faire régulièrement les zouaves, même sur des scènes de crimes. En attendant, il commence à apprécier la présentatrice, qui lui rappelle à bien des égards son meilleur ami.
-Donc les gains du jeu ne vous intéresse pas ? demande Lana d'un ton faussement étonné.
-Pas le moins du monde.
Le public pousse des hoquets de surprises, tandis que la présentatrice élargit son sourire.
-Je vois, donc si ça ne vous dérange pas, vous me donnerez vos gains ?
-Oh, je pense tout de même les garder pour mon ami et sa fille, répond Sherlock d'un ton sérieux.
-C'est très généreux de votre part. J'imagine qu'ils vous regardent.
-Bien sûr.
-Bien. Sur ses paroles pleines de bonté, que diriez-vous de commencer ?
-Je n'attends que ça.
-Très bien. Sherlock, voici donc la pyramide des gains qui vous attend.
L'écran près du détective affiche un tableau tout comme celui géant du plateau. Le ton sérieux de Lana semble être revenu, expliquant clairement les règles du jeu que le détective n'a même pas prit la peine de consulter avant de participer.
-La première question est à 800 €, le premier pallier à 1500, le second à 48000 et le million d'euros à l'issue de la douzième question. Vous pensez être capable d'arriver jusqu'à la fin ?
-Tant qu'il n'y a pas de question sur l'espace ou les planètes, peut-être.
-Oh, l'astronomie est votre bête noire ? Vous n'aimez pas ça ? ajoute Lana, s'obligeant désormais à ne plus employer d'expression.
-Je n'y accorde aucun intérêt.
-Je vois, espérons que vous soyez chanceux. Et si jamais vous avez des difficultés, vous disposez de trois jokers, le 50:50, qui élimine deux mauvaises réponses, le coup de fil et le vote du public. Celui qui nous entoure et qui a l'air en pleine forme. Sherlock, est-ce que vous êtes prêt ?
-Oui.
-Ainsi, avec notre candidat anglais détective consultant emmerdeur de police, jouons ensemble à "Qui veut gagner des millions" !
Les spots de lumières descendent tandis qu'une courte musique retentit pour annoncer le début du jeu. Le plateau devient désormais plus sombre.
-Voici la première question à 800€. Pour nous, Français, c'est très facile, mais pour vous, peut-être pas. Complétez la devise de la République française : "Liberté, égalité..." Réponse A, Solidarité. Réponse B, Humanité. Réponse C, Fraternité. Réponse D, Intégrité.
Sherlock esquisse un rictus. Son cerveau se met furieusement en marche, activant toutes ses neurones. Les paroles de John résonnent alors dans sa tête. Jusqu'où ton palais mental est fiable ?Le détective se sent désormais d'attaque à répondre à son ami. Malgré ce que pense Lana, il connaît tout de suite la réponse. Il se rappelle aisément du mot Liberty durant l'affaire des chiens de Baskerville. Il avait chercher un long moment dans son palais mental pour résoudre l'énigme de cette enquête. Bien sûr, John l'avait prévenu au cas où, Sherlock ne doit aucunement faire ses mimiques étranges sur le plateau, devant uniquement garder une mine concentrée. Après, si toutes les questions sont aussi faciles, il n'aura gère besoin de s'agiter ainsi.
-Réponse C, Fraternité, dit Sherlock en fixant du regard Lana.
-C'est un bon départ, Sherlock, puisque c'est une bonne réponse.
Le public applaudit tandis que la présentatrice sourit avec satisfaction.
-Deuxième question à 1500€, Sherlock. Dans la série télévisée "Doctor who", à quoi ressemble la machine à voyager dans le temps et dans l'espace nommé Tardis ? Réponse A, Une baignoire. Réponse B, Une cabine téléphonique. Réponse C, Une cabine de douche. Réponse D, Une voiture.
Lana semble être dotée d'un sourire greffé puisqu'elle écarquille un petit rictus joyeux, tandis que Sherlock adopte son visage le plus concentré qu'il ai, comme lors des enquêtes.
-Vous connaissez cette série, Sherlock ? demande la jeune femme. Pour ma part, je suis une grande fan. Vous, les anglais, vous faites de bien meilleures séries.
-Mon ami la regarde de temps en temps, et je n'aime pas perdre mon temps à visionner ce genre de futilités.
Le public gronde, tandis que Lana arrondit ses yeux d'étonnement tout en gardant sa mine amusée.
-Donc, vous pensez pouvoir répondre à cette question ?
-Oui. Réponse B, une cabine téléphonique.
-Vous pourrez remerciez votre ami, du moins si ce n'est pas trop fatiguant pour vous, car c'est une bonne réponse !
Le détective ne peut que remarquer la mise en scène particulière du jeu, grâce au public très enjoué, les musiques qui résonnent toujours en fond ainsi que les jeux de lumières. N'ayant lu que furtivement l'article de la revue de John, il a juste comprit que Lana Bundy est très populaire et excentrique. Chose qu'il ne démenti guère. Ce visage jeune, énergique et innocent, mêlé à de l'élégance grâce à sa tenue, ainsi que son ton quelque peu loufoque, cette jeune femme lui rappelle à des égards-
-Voici la troisième question. Et je crois, Sherlock, que vous n'êtes pas chanceux.
-Pour quelle raison ?
-Quelle planète est la seconde du système solaire ?
-Oh non, soupire John, ne pouvant s'empêcher de sourire d'un air moqueur.
-Moi je sais ! Moi, je sais ! s'exclame Rosie. J'ai lu un livre à l'école sur l'espace. C'est Vénous !
-Vénus, ma chérie, corrige son père. Mais je crois que ton imbécile de parrain ne sait même pas ce qu'est le système solaire.
À ces mots, la petite famille rit, si bien que Mrs Hudson a du mal à reprendre son calme. Elle ne le dira jamais assez, et John le pense toujours, Sherlock est un vrai phénomène. Le médecin repense aux remarques cinglantes de Lestrade et Donovan quant à son ignorance sur la Terre tournant autour du Soleil.
Le public est hilare, et même Sherlock sourit de cette situation cocasse, se laissant taquiner par le regard amusé de Lana. Cette dernière est avachie sur son fauteuil, et soutient son visage d'une main qui dissimule la moitié de son sourire. En la regardant, Sherlock réitère mentalement son propos. Ce regard à la fois perçant et joyeux...
-Réponse A, Mercure. Réponse B, La Terre. Réponse C, Neptune. Réponse D, Vénus.
-Je n'en ai aucune idée. je sais à peine que la Terre tourne autour du Soleil.
-En effet, c'est embêtant. Que diriez-vous dans ce cas d'utiliser un joker ?
-Oui. Même si d'habitude, je me moque de lui, je vais prendre le vote du public.
-Très bien. C'est à vous de jouer, cher public du plateau. Répondez uniquement si vous savez, à vos télécommandes, bonne chance !
Sur ces mots, les lumières deviennent roses et une nouvelle musique retentit pendant une dizaine de secondes. Tandis que Lana attend les résultats sur son écran, Sherlock fixe de nouveau la présentatrice. Cette fille, c'est lui tout craché ! Le vote s'arrête sur un son sourd. Les résultats sont évidents.
-Alors Sherlock, spécialiste en astronomie, le public est clair. Avec 10% pour Mercure, 5% pour la Terre et 85% pour Vénus, je pense qu'on peut lui faire confiance.
-Je le fais d'habitude pour mes enquêtes, alors je vais suivre ce qu'il dit. Réponse D, Vénus.
La réponse devient orange durant le laps de temps de suspense, tandis qu'une mélodie dans la même lignée gronde.
-Sherlock, vous avez raison de faire confiance à ce public, puisque c'est une bonne réponse ! Vous avez désormais 3000€ de gains. Et vous remportez pour le moment votre pari avec votre ami.
Le public redevient calme durant le même temps que les lumières du plateau se baissent pour laisser uniquement la scène à Sherlock et Lana. Comme une salle d'interrogation, il n'y a que le duo au centre de l'intention.
-Il ne vous reste plus que deux jokers, Sherlock. Voici la quatrième question. Dans le conte des Frères Grimm "Hansel et Gretel", qu'utilisent les enfants pour semer sur leur chemin ? Réponse A, Des bonbons. Réponse B, Des miettes de pain. Réponse C, Des feuilles. Réponse D, Des cailloux.
Des souvenirs délicats reviennent à l'esprit de Sherlock. Il revoit toute cette affaire complexe menée par Moriarty, l'enlèvement des enfants, les bonbons empoisonnés, la piste faite avec de l'huile de ricin, son arrestation par la police, et sa fuite avec John. Là, les gens vont vraiment jaser ! dit son ami dans ses souvenirs. Puis ses nombreux plans mis en place, un seul mit en exécution... Le suicide de Moriarty, la chute, le ton suppliant de John. Tous ces souvenirs lui donnent envie de vomir.
-Et bien, Sherlock, vous séchez ? demande Lana d'un ton faussement inquiet.
John remarque le trouble dans les yeux de son ami. Il réfléchit à qu'est-ce qui peut causer cela. Puis le médecin se rappelle à son tour de cette affaire maudite. Elle avait commencé "innocemment" par une réception étrange d'une enveloppe remplie de miettes de pains.
-Papa, pourquoi il ne dit plus rien, Sherlock ?
Vous me faites vomir. Le regard de Lana est petit à petit froid, et le détective sent que quelque chose ne va pas. Une spirale infernale commence à tourner, alors il préfère s'en défaire au plus vite.
-Réponse B.
-Des miettes de pain ? demande Lana en fixant le brun.
-Oui.
Le cadre de la réponse devient orange de manière insupportable. Puis il vire rapidement au vert.
-C'est une bonne réponse, dit d'un ton calme la présentatrice.
Quelque part, Sherlock est rassuré d'entendre autre chose que la voix de Lana, à savoir les applaudissements.
La douleur est comme une camarade désormais. Depuis plusieurs semaines, même des mois, il est habitué à la douleur lancinante des coups de fouets, de poings et de pieds qu'il se prend durant cette triste mésaventure. Il ne compte plus le nombre de plaies, d'hématomes et de cicatrices qui strient sa peau pâle comme de la porcelaine. Mais au final, ce n'est pas tant la douleur physique qui l'accable ainsi. Après tout, il a lui aussi refait le portrait à de nombreux criminels durant ses "voyages" dans les pays de l'est, lors de la dissolution progressive du réseau de Moriarty.
Il n'est plus Sherlock Holmes. Il n'est plus détective consultant. Il n'est qu'un chasseur de criminels guidé par la détermination et l'objectif de détruire les derniers retranchements de son ennemi, ce dernier l'ayant bien fait avec le détective. Son désir de revoir ses proches est sa principale motivation, alors il est prêt à tout pour ça, quitte à être défiguré. Ces deux années semblent passer au ralenti, le brun n'ayant plus aucune notion du temps et de l'espace. Tout ce qu'il retient de ses journées sont les arrestations et la violence. Des choses au premier abord anodines lui reviennent à l'esprit, comme le simple fait de parler anglais. Cela lui manque, lui qui n'entend plus que ses ennemis et bourreaux parler en russe ou en serbe. Il apprend et comprend ainsi ces langues en quelques mois, pouvant désormais manipuler ou provoquer les criminels.
Un jour, lors d'une énième infiltration dont il ne se souvient guère de la combientième il s'agit, Sherlock se fait repérer et capturer. Ses ravisseurs semblent ignorer son identité, le qualifiant uniquement d'espion ou de fouineur. Après tout, même lui-même ne se reconnaît plus. Il s'est surprit à plusieurs reprises d'être empli de violence, de haine et de rage, tandis qu'il se battait avec des brigands. Jamais il ne tue, mais très souvent, il laisse ses ennemis dans un triste état, signe de ses émotions chamboulés et de son insupportable solitude. Les seules choses demeurant saines dans son esprit depuis tout ce temps sont les visions de Baker Street et du temps passé avec John. Il n'y a plus que ce nom qui importe. John. Ainsi, à chaque coup de poing, donné ou reçu, ce nom résonne dans sa tête. Comme si chaque jour passé parle comme un plus grand potentiel de revoir le médecin et seul ami.
Dans le fin fond d'une région de l'Ukraine, dans une salle crade, sombre et sentant le sang et le renfermé, Sherlock ne peut que se résoudre à subir ces dizaines, peut-être centaines de coups de fouets tous plus violents les uns que les autres. Il se demande parfois comment il peut survivre en perdant autant de sang. Les rares moments de repos sont lorsqu'un supérieur de l'un de ses bourreaux vient lui parler. Son cerveau lanciné par la douleur ne lui permet plus que d'assimiler quelques informations, toutes inutiles. Car étonnamment, Sherlock est soulagé, il a accompli sa tâche. La nouvelle est tout aussi difficile, sortir de cet enfer. Enchaîné, vulnérable, zébré de cicatrices et de coupures et sans vêtements, il ne ressemble plus à rien.
Cette douleur et cette humiliation s'accentuent lorsque finalement, un jour, son imbécile de grand frère le trouve en train de croupir, et qui le laisse se faire torturer. Même son esprit enivré par le nom de son ami semble légèrement évaporé. Ne sentant plus que sa bouche sèche et pâteuse, et l'odeur métallique de son propre sang.
-Sherlock ?
Le détective relève brusquement la tête. Lana l'observe d'un œil attentif et inquiet. La musique de fond lui revient subitement aux oreilles, ainsi que la lueur de son écran à ses yeux.
-Connaissez-vous donc la réponse ? Entre Kiev, Dnipro, Zaporijina et Louhansk, quelle est la capitale de l'Ukraine ?
John sent une boule dans sa gorge. Il a vu son ami sur cet écran de télé pencher la tête en avant comme si une vague de tristesse le submergeait. Pourquoi l'Ukraine semble le faire réagir ainsi ? Il pense alors aux deux années d'absence de son ami. Ce dernier ne lui en jamais parlé, et ne lui en parlera jamais, mais de ce que John sait, c'est que Sherlock a tout fait pour démanteler le réseau criminel de Moriarty. Il sait qu'à chaque fois qu'il tente de lancer ce sujet, le brun le détourne aussitôt. Mais John aimerait beaucoup savoir ce qu'il s'est passé pendant ces deux ans, car il est certain que son ami a besoin de réconfort. Il s'en veut désormais d'avoir réagit égoïstement lors de son retour, ne pensant qu'à sa solitude à Londres après le suicide de Sherlock.
Dieu sait ce qu'a subit le détective pour le protéger lui ainsi que Lestrade et Mrs Hudson. Mais même le titane est bien plus fragile que la coquille qui garde intact ce secret sombre de Sherlock. Il se tourne vers Rosie et Mrs Hudson, et est heureux de voir à quel point sa famille est en sécurité et joyeuse. Si la logeuse saisit tous les dires de Sherlock et Lana grâce aux sous-titres, il doute pour la petite fille. Mais il se doute qu'elle regarde l'émission uniquement pour voir son parrain passer à la télé.
-Réponse A, dit Sherlock d'un ton sec. Kiev.
La caméra filme un homme déterminé.
-C'est votre dernier mot ? demande Lana.
-C'est mon dernier mot.
-...C'est une bonne réponse !
Le public applaudit dans une ovation enjouée, donnant un contraste saisissant avec les souvenirs sombres de Sherlock. Il est même plutôt attendri par le sourire radieux de Lana qui le félicite dans son mutisme.
-La prochaine question va vous plaire, Sherlock. Vous qui bossez pour la police. Quel est le temps moyen de l'apparition de la lividité cadavérique ?
À cette question, les spectateurs émettent des sons de dégoûts ou certains des rires.
-Réponse A, 18 heures. Réponse B, 20 heures. Réponse C, 24 heures. Réponse D, 36 heures.
-En effet, répond tranquillement Sherlock avec un semblant de sourire. Je ne voudrais pas passer pour quelqu'un d'étrange, mais j'ai l'habitude des cadavres.
-Vous voyez régulièrement un légiste, ou plutôt une légiste, n'est-ce pas ?
-Oui...
-C'est utile pour les enquêtes, qui plus est si c'est une jeune femme gentille qui se laisse manipuler par votre charme.
-C'est...ça.
-Ce n'est pas très sympa.
-Réponse C, réplique d'un ton sec le détective. C'est mon dernier mot.
-Pauvre médecin légiste. Mais sinon, oui. C'est une réponse exacte !
C'est quoi son problème ? scande Sherlock dans sa tête, remarquant avec trouble le ton constamment changeant de Lana. Tantôt sombre, puis très joyeux une seconde plus tard. Et sa déduction le laisse circonspect.
-Nous attaquons la septième question, celle qui permet de franchir le second pallier à 48000€. Vous êtes toujours bien concentré, Sherlock ?
-Bien sûr.
-Voici donc la question. Quelle est la munition pour un revolver Colt Python, sorti en1955 ? Réponse A, .357 magnum. Réponse B, .44 magnum. Réponse C, .30 Mauser. Réponse D, .22 Long rifle.
Sherlock arrive en trombe dans l'appartement, essoufflé. Il cherche de partout une éventuelle piste qu'aurait laissé la criminelle, elle qui semble être amoureuse des énigmes. Tout le long de l'affaire, Lisa Bird a laissé pour chaque victime une énigme, et chaque meurtre était différent, passant de l'empoisonnement à la noyade à la balle dans la tête. Mais chaque corps retrouvé était accompagné d'une lettre signé de la même personne, surnommé L'Oiseau. Sherlock a ainsi cherché pendant des semaines l'auteure de ces meurtres, avec une immense fascination pour le génie criminel de sa cible.
Il a finalement trouvé sa véritable identité en cherchant chaque papeterie d'où provenait chaque feuille utilisée pour les lettres. Toutes avaient comme cliente commune Lisa Bird.
Et même si Sherlock se doute qu'il s'agit d'un autre pseudonyme, il a désormais tôt fait de retrouver la jeune femme. Mais à peine a t-il trouvé cette information qu'il reçoit un étrange message de la part de John. La roue tourne, les pieds fixés vont s'envoler. Les larmes coulent à flots, et les petites rivières font les grands fleuves.
Il court dans le seul but de retrouver sain et sauf son ami. Comme il s'y attend, il n'est pas au 221B Baker street. Cependant, il est rassuré de voir que Rosie et Mrs Hudson sont épargnées.
-Il y a un problème, Sherlock ? demande la logeuse, portant la petite endormie dans ses bras.
Le détective ne perd pas son temps et file. En relisant une nouvelle fois le message, il suppose un lieu, prenant ainsi le bord de la Tamise comme itinéraire. Comme prévu, il trouve L'Oiseau et John près du fleuve, sous un pont, où tourne des roues mécaniques pour des machines. Le médecin est attaché solidement sur une chaise en bois, les yeux bandés tout comme sa bouche. Mais Sherlock perçoit depuis les quelques mètres qui les séparent de lui des larmes et des tremblements.
John n'est pas du genre à réagir ainsi, le détective entend clairement des cris de peur étouffés, ainsi que son nom voilé par le tissu et surtout par les sanglots. Le brun en déduit que la criminelle a drogué son ami. Cette dernière pointe une arme sur la tempe de son ami, un Colt Python.
-La roue tourne, monsieur Holmes, dit-elle calmement.
Puis elle fait tourner le barillet du revolver et appuie sur la gâchette. Seul un clic vient. Comme beaucoup de brigands, elle semble être amusée par la roulette russe.
-Qu'allez-vous faire ? Monsieur Watson ne peut pas toujours gagner à ce petit jeu mortel.
-Nous pouvons tester notre rapidité, répond Sherlock en sortant à son tour une arme en direction de L'Oiseau. Cette dernière sourit.
-Si vous tirez, votre ami risque de mourir, non, il ne risque pas, il va mourir.
-Je possède un Beretta 92, son tir est bien plus rapide qu'un vieux revolver comme le vôtre.
-Vraiment ? demande la jeune femme.
À ces mots, elle approche rapidement son doigt de la gâchette, mais pas aussi rapidement que Sherlock. Ce dernier lui tire dans le genou, la faisant tomber. Cette dernière geint de douleur. Le détective en profite pour se jeter sur elle et la maîtriser, très facilement. Comme il l'a souvent constaté, les criminels au cerveau de génie ont souvent des capacités physiques moindres, et L'Oiseau en est un parfait exemple. Une fois la criminelle attachée, Sherlock se rue près de John et le détache le plus rapidement possible. Ce dernier continue de sangloter, arrivant à peine à articuler le nom de son ami.
Une fois libéré de la chaise, John se laisse tomber sur Sherlock, l'entourant aussitôt de ses bras tremblants comme une feuille. Définitivement bien drogué pense le détective. Malgré cela, il tente tant bien que mal de calmer son ami, le serrant à son tour tout en chuchotant des paroles rassurantes.
Une fois Lisa Bird embarquée, John confirme de lui-même qu'il n'a pas besoin de soin. Ainsi, le duo rentre à Baker Street. Bien sûr, Sherlock ne parlera jamais de ce qu'il s'est passé, les effets de la drogue montrent également des effets d'amnésie temporaires, si bien que le médecin se rappelle de la scène uniquement qu'en tant qu'otage, et non pétrifié et pleurant comme tout dans les bras de Sherlock.
-Je connais bien l'arme, dit Sherlock. Mais je ne suis pas un spécialiste des munitions.
-Je vois, répond calmement Lana, les mains jointes sous son menton. Vous n'avez aucune idée ?
-J'ai bien une vague intuition, mais je ne suis pas sûr.
-Vous pouvez utiliser un joker.
-Ce n'est quand même pas beaucoup, trois jokers...
Le public rit à cette remarque décontractée. Lana sourit radieusement, l'air tout à fait amusé.
-Voulez-vous en utiliser un, Sherlock ?
-Oui... Le 50:50.
-Très bien. Ordinateur, veuillez retirer deux mauvaises réponses, je vous prie.
Aussitôt, un son strident retentit et les réponses C et D disparaissent de l'écran.
-Est-ce que votre intuition est parmi les deux réponses restantes ?
-Oui. Mais je ne sais pas si m'avance.
-Je ne vous cache pas que je connais la réponse.
Puis Lana mime un pistolet en direction de Sherlock, tout en poussant un petit "pan!" tout en levant la main.
-Vous devriez pouvoir répondre, John, non ? demande Mrs Hudson.
-Et bien pour être franc, je ne suis pas un spécialiste en armes anciennes. Je suis bien plus habitué aux armes de services et aux fusils d'assaut.
-Hé, Papa, tu pourras m'apprendre à me servir d'une arme ?
-Pas tout de suite, ma chérie, répond John d'une mine étonnée.
La logeuse ricane doucement de cette demande originale de la part d'une fillette.
Sherlock demeure calme, en pleine réflexion, tandis que Lana l'observe attentivement. Dans sa tête, ou plutôt dans son palais mental, le détective cherche pendant longtemps.
Il a une pièce réservée à l'armurerie, si bien que des dizaines et des dizaines de pistolets traînent çà et là, mais très peu ressemblent à des revolvers. Il finit cependant à tomber sur le fameux Colt Python, et d'un geste fluide, il sort le barillet et observe les munitions en sortant. Il n'y a rien d'inscrit dessus, ce qui étonne le détective. Il observe donc de plus près la balle, et plus précisément sa taille. D'un sourire éclatant, il sort de son palais mental.
-Réponse A. 357 Magnum.
-Vous vous êtes fié à la chance, à l'instinct ?
-À...ma mémoire.
-Dans tous les cas...
La réponse devient orange, tandis que la musique de suspense retentit. Son palais mental ne le trompe jamais, alors Sherlock déteste cette mélodie qui fait attendre de façon inutile.
-C'est une bonne réponse !
Le public semble devenir de plus en plus énergique, applaudissant toujours plus fort au fil des questions, certains sifflant avec entrain, d'autres poussant des petits cris de joie. Le détective n'aurait jamais imaginé qu'un jeu télévisé puisse rendre aussi hystérique.
-Vous êtes très doué, Sherlock. Vous venez de franchir le second palier en à peine une vingtaine de minutes. Je n'ai pas souvenir d'une telle rapidité, malgré vos hésitations.
Puis Lana pose une main sur son micro de veste. Elle chuchote au détective.
-Pour le moment, vous ne me décevez pas, monsieur Sherlock, comme toujours.
Tandis que le brun fronce les sourcils, la présentatrice enlève la main de son micro, tout en souriant amicalement.
-La prochaine question est à 72000€, et la voici. Quelle est la date de la première publication du concerto pour deux violons en la mineur de Antonio Vivaldi ? Réponse A, 1710. Réponse B, 1711. Réponse C, 1712. Réponse D, 1713.
Un sourire malicieux se dessine sur le visage de Sherlock. Trop facile se dit le violoniste.
-J'aime beaucoup le violon, dit Lana d'un ton paisible. Je n'en joue pas, mais j'en écoute souvent. Est-ce que vous en jouez, Sherlock ?
-Beaucoup, ça me permet de réfléchir. Ou d'emmerder mon frère ou mon ami.
-C'est vrai que le son grinçant d'un violon, il y a mieux à entendre.
-Vous êtes spécialiste en euphémisme ? demande Sherlock, incrédule.
Le public s'esclaffe, et pour une fois à l'intention de Lana pour la taquiner. Cette dernière écarquille les yeux tout en pinçant ses lèvres. Elle gesticule l'espace d'un instant sur son siège, troublée.
-Vous êtes culotté, j'aime ça. Mon ancien patron était pareil. Mais je crains fort que l'on s'éloigne.
C'est comme une histoire d'amour entre le violon et Sherlock, et John s'est inséré depuis bien longtemps, créant comme un triangle amoureux. Le médecin admire depuis les débuts les talents musicaux de son ami, et il est comme fier d'être l'un de ses spectateurs privés, tout comme Rosie et Mrs Hudson. La musique que produit régulièrement son violon a un effet berçant pour la fillette, si bien qu'avant chaque sieste, Sherlock lui joue un morceau, et ce, même s'il est en pleine enquête. John n'aurait d'ailleurs jamais imaginé que son ami froid de façade puisse à ce point prendre soin de sa fille et être attentionné.
Ce qu'il préfère, c'est lorsque Sherlock compose, car il est clairement aussi talentueux que les compositeurs des siècles précédents. Il ne saurait guère comment remercier le brun pour sa magnifique composition pour son mariage avec Mary.
Un jour, alors que le duo sortait tout juste d'une enquête, John demande quelque chose pour la toute première fois à son ami. Celui de lui apprendre à jouer. Ayant jouer autrefois de la clarinette, il connaît le solfège, ce qui le fait penser qu'il apprendra plus facilement, grossière erreur.
Les débuts sont si chaotiques que Mrs Hudson croit à plusieurs reprises que Sherlock fait le zouave avec son violon. Mais finalement, avec beaucoup de patience, John parvient à aligner quelques notes. Il sait qu'il n'atteindra jamais le talent de son ami, mais rare sont les fois où ce dernier semblait si fier et chaleureux. Tu te débrouilles bien pour un début, John, a t-il dit d'une voix basse et attendrissante.
-Je ne joue pas de concerto, dit Sherlock, mais je connais bien Vivaldi. Je joue de temps en temps les quatre saisons.
-J'aurais bien aimé écouter ça. Vous connaissez la réponse, du coup ?
Sherlock remarque une autre chose chez Lana, son tact aussi délicat que le sien...
-Oui. Réponse B, 1711.
-Vous ne tombez que sur des questions qui vous arrange, j'ai l'impression, car c'est une réponse exacte !
Son orgueil fait penser à Sherlock qu'il est désormais habitué à cette musique entraînante et aux applaudissements du public. La seule chose qui le perturbe depuis le début est la présentatrice. Son ancien patron, qui cela pouvait être ? se demande le brun. Il se surprend à ne rien pouvoir déduire chez la jeune femme, hormis qu'elle porte des cosmétiques sans doute hors de prix.
-Quelle journée, vraiment, chers spectateurs. Avouez que Sherlock est très divertissant, non ?
Sur cette demande, le public acquiesce en cœur.
-La prochaine question, la neuvième, la voici. Dans le film American history X, que fait le personnage principal Derek suite à l'assassinat de son père ? Réponse A, Il poursuit ses ravisseurs. Réponse B, Il rejoint la police. Réponse C, Il accuse la police d'être incompétente.
Sur cette réponse, Lana adresse un regard faussement sévère à Sherlock, le détective consultant emmerdeur de police. Le public pouffe.
-Ou réponse D, Il rejoint un groupe d'extrême droite. Vous connaissez ce film, Sherlock ?
-Oui, je l'ai vu avec mon ami. C'est bien la seule fois, de mémoire, que j'ai regardé un film.
-Intéressant, c'est la première fois que j'entends cela.
Même si c'est le seul film visionné par Sherlock, il s'en souvient très bien.
Le détective est comme à son habitude vautré sur le canapé. Il soupire. John le harcèle pour qu'il regarde avec lui un DVD.
-Je suis sûr que tu vas aimer l'histoire ! s'exclame John. Et puis tu n'as aucune excuse, pas d'enquête, et Rosie dort déjà.
-Tu es le pire colocataire existant, répond Sherlock.
-Je te retourne le compliment.
Puis les deux hommes éclatent de rire. Puis, non sans rechigner, le brun accepte finalement de regarder son stupide film. C'est surtout pour faire plaisir à son ami. Sherlock est alors étonné que John apprécie un film aussi violent psychologiquement et même physiquement, surtout au début. Il s'attendait à ce qu'il regarde des comédies stupides ou même des films à l'eau de rose. À la place, ils regardent un film noir narrant l'histoire de deux frères emplis de haine et guide par le racisme et la revendication de la race blanche. Cependant, si le propos du film est intéressant, c'est autre chose qui saisit Sherlock à la gorge.
À la fin du film, John est encore chamboulé par la fin tragique, mais il demeure neutre sur son visage. Il est surpris cependant de n'avoir entendu aucun commentaire de la part de son ami durant tout le métrage. Il veut alors demander ce qu'il en a pensé, se tournant vers le détective. Mais l'expression de ce dernier lui glace le sang. Sherlock a les yeux écarquillés, les sourcils froncés et ses lèvres tremblent. On pourrait croire qu'il allait pleurer.
-John, ce film... Ça me rappelle...des souvenirs...
Le détective tourne aussitôt la tête pour ne pas voir le regard inquiet de son ami.
-C'est durant ton exil, c'est ça ? demande calmement John.
Sherlock hoche lentement de la tête pour acquiescer. Il prend son courage à deux mains et regarde son ami, se pinçant les lèvres.
-C'est horrible, John. Je ne veux pas t'en parler, et en même temps, je veux t'en parler. Je sais que tu as vu des horreurs en Afghanistan, et que je suis responsable de plusieurs tragédies de ta vie et...
-Non, Sherlock, tu n'es pas responsable. Je sais que tu ne feras jamais rien avec de mauvaises intentions. Je sais que tu as souffert pendant ces deux ans, et je suis désolé de n'y avoir pas pensé lors de ton retour. Et je suis désolé de t'avoir fait raviver des souvenirs avec ce film...
-Merci.
-De ? demande John en regardant son ami d'un air intrigué.
-De ton amitié...Ça fait bizarre de dire ça...
Sherlock finit par fermer les yeux. Il penche sa tête en avant, dépité. Ne sachant que faire, John entoure son ami avant de le faire s'allonger. Ce dernier demeure silencieux, se laissant faire.
-Sherlock, si jamais tu veux m'en parler un jour, fais-le, je t'écouterais. Je serai toujours là pour toi.
-Réponse D, donc ? demande Lana.
-Oui. "Il rejoint un groupe d'extrême droite".
La case devient orange, la musique de suspense retentit. Puis la présentatrice s'exclame une nouvelle fois. Sous le brouhaha créé par les applaudissements et la musique, Lana cache une nouvelle fois son micro.
-Ce film vous rappelle des souvenirs, n'est-ce pas ?
Sherlock classe pour de bon ce sourire chaleureux que la jeune femme exprime à chacune de ses déductions dans la catégorie sombre de ses classements. Il revient à se demander si c'est ça, ce que ressentent ces clients lorsqu'il les interroge. Du malaise et de la suspicion.
-Vraiment, quelle probabilité de tomber sur une question tombant sur le seul film que vous ayez vu ? Comme on dit en France, vous avez les fesses bordées de nouilles !
Sherlock ne comprend pas à cet instant pourquoi le public ricane. Encore une de leurs expressions étranges ? Lana se redresse sur son fauteuil, posant ses coudes sur les accoudoirs et les mains sous son menton, les doigts se touchant et bien écartés.
-Vous faites de cette émission quelque chose de passionnant. C'est à se demander comment les autres candidats vont faire pour être tout aussi divertissants ! Vous avez donc pour le moment 100 000€ d'empochés, c'est très bien joué. Passons sans plus tarder à la dixième question valant 150 000€. En 1876, lors de la Ligue Nationale des Athlétiques de Philadelphie, quel joueur de base-ball devient le premier champion de "home-run" en marquant cinq coup de circuit en un tournoi ? Réponse A, Nap Lajoie. Réponse B, Mike Schmidt. Réponse C, George Hall. Réponse D, Roger Maris.
Lana ne peut s'empêcher de sourire en voyant le doute voiler la face de Sherlock.
-Mais sachez que vous aurez plus de temps pour réfléchir, car même si le jeu est entraînant, il faut savoir faire des pauses. C'est pourquoi, chers téléspectateurs, nous nous retrouverons dans quelques instants après une page de publicité.
Sur ces mots, la musique du générique retentit, et le plateau retrouve un éclairage convenable. Tandis que le public papote et s'agite un peu, des voix annoncent des informations, notamment que l'antenne est reprise dans quinze minutes. Lana descend de son siège, tout en s'étirant, puis se dirige vers le fond du plateau. Par instinct, et surtout pour éviter de rester planté au milieu de la scène, Sherlock suit la présentatrice, cette dernière se dirigeant vers les sanitaires.
La jeune femme passe de l'eau sur son visage, ignorant son maquillage, et se lave silencieusement les mains. Ces dernières sont rouges dû à l'eau très chaude utilisée, créant de la buée qui se colle sur le miroir au dessus du lavabo. Elle remarque Sherlock qui l'attend sans aucune raison dans le couloir, puis elle jette un œil au miroir.
-Vous séchez pour cette question, mmh ?
Seul le mutisme du brun lui parvient. Elle le rejoint dans le couloir.
-Faites comme pour les autres, utilisez votre palais mental.
-Comment savez-vous ? demande Sherlock, dissimulant mal sa surprise.
-Je connais cette technique de mémorisation, quelqu'un m'en a parlé il y a quelques années. J'en ai un aussi, maintenant. Il ressemble à une immense cathédrale au milieu d'un champ de blé sans fin. Tous mes souvenirs sont rangés sous forme de DVD, dans des étagères en acajou. Et c'est grâce à lui que j'ai remporté cette émission dans trois pays différents. Quoi de mieux que de refaire sa vie avec beaucoup d'argent ?
-Refaire sa vie ?
-Hé ! Lana ! Viens pour qu'on te remaquille ! tonne un technicien.
-J'arrive !
Puis la jeune femme file sans rien dire de plus à Sherlock. Ce dernier se dirige à son tour aux sanitaires pour se rafraîchir la gorge. Il n'est pas autorisé à reprendre son téléphone afin d'éviter toute tricherie. En constatant la chaleur intense de l'eau, le détective change l'orientation du robinet. Puis il voit quelque chose sur le miroir, un message écrit grâce à la buée. Et la malgré la brûlure crée par l'eau, il sent immédiatement un frisson parcourir son dos. Sur la glace est écrit Miss me ? avec un petit smiley souriant.
La publicité semble durer une éternité, si bien que John commence à s'impatienter comme sa fille. Puis la page prend fin, et laisse de nouveau place au jeu télévisé. Le médecin accroche désormais au générique ainsi que l'ambiance et la présentatrice. Une fois le logo passé, la caméra se tient près de Lana Bundy.
-Nous revoici sur le plateau de "Qui veut gagner des millions", et bienvenue aux nouveaux téléspectateurs. Nous sommes avec Sherlock, qui est déjà à la dixième question !
Tandis que le public applaudit joyeusement, l'image passe sur le détective, qui semble tout à fait neutre. John sourit toujours par instinct en voyant son ami ainsi. Il est comme fier de faire parti de son entourage.
-Sherlock, vous vous sentez toujours prêt à continuer ?
-...Oui, répond le détective après un blanc de quelques secondes.
-Bien ! La question sur laquelle nous nous étions arrêté est la suivante...
-Oh mon dieu, chuchote John en découvrant le cadavre de la troisième victime d'une série de meurtres. Comme les précédentes, la personne a été retrouvée morte chez elle, le crâne explosé et les membres brisés. Le spectacle est digne d'un film gore, puisque la victime a une immense crevasse au niveau du crâne, une large flaque de sang sous elle ainsi que plusieurs projections de sang sur les meubles et le sol. De plus, chaque membre est anormalement tourné dans des sens improbables. Sherlock a vite comprit que le meurtrier utilise une batte de base-ball.
Parmi les témoins, il y a un jeune homme d'une vingtaine d'années, grand fan de base-ball. Naturellement, ces imbéciles de Donovan et Anderson ont tôt fait de le classer parmi les suspects. Mais Sherlock prend rapidement la défense du jeune homme, expliquant les preuves évidents de son innocence.
Malgré cela, le détective se fiche royalement du jeune joueur, écoutant à peine les quelques informations sur le base-ball qu'il veut faire apprendre. Heureusement, John est plus réceptif. Finalement, ce témoin est inutile, n'ayant fait que remplir le palais mental du brun d'informations insipides.
Au plus profond de son palais mental, là où règnent toiles d'araignées, poussières et obscurité, se trouvent des centaines d'informations jugées inutiles, mais sans aucune explication conservées. En parcourant de long en large l'immense bibliothèque d'archives, Sherlock a mince espoir, puisque rien n'est à sa place. Il trouve une information sur la pointure de Mycroft, le nom de la boutique Lucky cat, son parfum de glace préféré durant son enfance ou encore un triangle à moitié rongé par la rouille.
Le détective cherche dans tous les sens, jetant dans les airs des papiers, des dossiers, des photographies, et autres documents sans intérêt. L'espace de quelques secondes, il se demande ce qu'il cherche, puis pourquoi, avant de se rappeler qu'il participe à un jeu télévisé suite à un pari avec John. Vraiment ? S'essouffler dans tout cet amas de documents poussiéreux juste pour trouver une réponse à une question ? Pourtant, cela ne l'empêche guère de chercher encore et encore, pour finalement trouver une piste. Entre deux meubles pour classer des dossiers traîne une vieille batte de base-ball rougie par des éclaboussures de sang. En la prenant, il entraîne une chute de plusieurs papiers ainsi que des photos des différentes scènes de crime de l'affaire poétiquement intitulé par John sur son blog "Le home-run sanglant". Sherlock hoche la tête en y repensant. En fouillant dans tous ces papiers, il espère trouver parmi les informations insipides dites par le fan de base-ball la réponse à la question.
Sur le plateau, seule la musique de fond peut se faire entendre. Si le public semble troublé, Lana ne l'est nullement. Cherchez bien dans votre palais mental...pense t-elle en observant Sherlock, muet depuis bien deux minutes.
-Chers spectateurs, sachez que notre candidat possède une formidable technique de mémorisation, et qu'il cherche sans nul doute la réponse. En espérant juste qu'il ne traîne pas trop...
Le public se met à glousser.
-Réponse C, dit d'un coup le détective, comme revenu à la vie.
-Oh, vous revoilà ? demande la présentatrice d'un sourire taquin.
-C'est George Hall, ajoute Sherlock, semblant ignorer la remarque de la jeune femme.
-C'est votre dernier mot ?
-C'est mon dernier mot.
Sur cette parole, la réponse devient orange. Le roulement de tambour résonne dans toute la salle, et Sherlock se sent peu à l'aise face à la mine indescriptible de Lana, penchée sur le côté, soutenant son visage du bout de ses doigts. La jeune femme hoche la tête, tout en fermant les yeux. Une expression de désolation se peint sur son visage. Elle pousse un léger soupir, probablement perceptible que pour Sherlock. En rouvrant les yeux, Lana fixe le détective, comme fâchée.
-Sherlock, vous avez bien utiliser votre mémoire, n'est-ce pas ?
-N'importe quelle question se base sur la mémoire.
-Tout à fait, mais c'est de votre technique de mémorisation dont je parle.
-Dans ce cas, oui.
-Et vous l'avez bien exploité, car c'est une bonne réponse !
La musique est bien plus enjouée, et nombreuses sont les personnes du public à se lever pour applaudir. Lana tourne sur son siège pour observer la foule qui n'en finit plus de s'exclamer, un immense sourire aux lèvres. Elle se retourne vers le brun, une expression chaleureuse, que Sherlock identifie comme la première étant sincère. Cependant, il ne peut se résoudre à s'attacher à la jeune femme, se posant mille questions quant à sa véritable identité. Il commençait à avoir des doutes quant à sa ressemblance physique et comportementale, mais le message laissé aux sanitaires ne peut que le laisser plus suspicieux que jamais. Cette fille, c'est un clone de Moriarty !
-Incroyable, incroyable ! s'exclame Lana. Quelle émission ! Vous êtes remarquable !
Le public finit par se calmer, tandis que le plateau est une nouvelle fois plongé dans une obscurité quasi totale. La présentatrice en profite pour se redresser et lâcher un soupir de soulagement. Malgré l'ambiance enjouée, Sherlock se terre dans le mutisme, hormis pour répondre aux questions ou aux remarques de la jeune femme.
-Vous avez désormais 150 000€ en poche, et nous sommes désormais à l'avant-dernière question, et il vous reste un joker je le rappelle. Voici sans plus tarder la question à 300 000€. Chaque année se déroule la fête des étoiles au Japon, quel est son nom ? Réponse A, Hanabi. Réponse B, Haru. Réponse C, Noda. Réponse D, Tanabata.
-Les étoiles sont belles à regarder, dit Sherlock d'un ton étrangement attendri.
-Alors que vous vous fichez de l'astronomie ?
-Ça ne veut pas dire que je ne trouve pas ça beau.
-Et avez-vous un semblant de piste pour cette question ?
-Oui...
Le ton de Sherlock est désormais lourd et triste.
Il se demande encore à la lueur d'un lampadaire pourquoi Mary a agit ainsi. Pourquoi s'est-elle sacrifiée pour le protéger, pour prendre à sa place la balle ? Elle qui ne voulait que le bonheur de son mari, c'est lui qui aurait dû mourir, et John aurait continué à vivre heureux avec Mary et sa fille. Alors, pourquoi ? La voix froide et lourde de reproches du médecin lui martèle régulièrement le cerveau, n'importe quand, l'empêchant de réfléchir ou de dormir. Il n'est plus que l'ombre de lui-même, un corps sans âme. Est-ce ça, la culpabilité et le remord ?
Finalement, il ne trouva qu'une chose pour supporter tout ça, et tant pis pour sa santé. Après tout, il n'en a plus rien à faire. Il sait aussi qu'il est inutile de harceler John avec des messages de type "Je suis désolé", car il ne répond jamais, à se demander s'il les lit. Plus rien ne semble avoir de saveur à ses yeux bouffis par la fatigue et les effets de la drogue. Un jour, alors qu'il passe un énième jour de solitude profonde, enfoncé dans son fauteuil tel un cadavre, le détective remarque quelque chose à travers les fenêtres de l'appartement. Étant dans l'obscurité, ne prenant plus la peine d'allumer l'ampoule du salon, il peut voir toutes les attractions du ciel. Il repense alors une enquête il y a longtemps, où il avait posé son admiration l'espace de quelques instants pour les étoiles. Et ce soir là, les points lumineux brillent intensément. Sherlock tourne lentement son visage en direction de son manteau, et pour la première fois depuis des jours, un début de rictus étire ses lèvres.
À en juger la circulation et le peu de passants, le détective déduit qu'il doit être dans les trois heures du matin. Ne voulant guère parler à qui que ce soit, il se dirige à pied vers le premier parc venu. Une fois arrivé en ces lieux, il ne peut que remarquer le calme planant, malgré l'hyperactivité de la capitale. Ses pas lent le guident vers une pelouse étouffant leurs bruits. Il finit par s'arrêter, puis il lève la tête. Il n'a plus aucun but, c'est pourquoi il laisse ses yeux et sa tête admirer le ciel étoilé. Il est admiratif face à des milliers de lumières brillants dans cette encre noire. Une douce brise a tôt fait de lui souffler délicatement ses cheveux crasseux. Et qu'est-ce que c'est que cette goutte, ou plutôt ces gouttes qui roulent sur ses joues ? Comment on appelle ça, déjà ?
Sans s'en rendre compte, Sherlock choit sur le gazon en arrière, désormais étendu sous le ciel. Sa vue est désormais uniquement fait des cieux obscurs à moitié floutés par ces fichues gouttes... Ah oui, ce sont des larmes, et ce qu'il fait, c'est pleurer. Sherlock n'en a plus rien à faire, laissant tout le négatif l'engloutir.
Seul Dieu sait comment le détective a le courage de revenir de lui-même chez lui. Mais durant le trajet, il jette à plusieurs reprises un coup d'œil aux immeubles hauts ainsi qu'une voie ferrée. En rentrant au 221B, il est attiré par le canapé, comme un aimant. En s'y laissant tomber, il voit son ordinateur portable posé sur la table en face. D'une main lasse, il l'allume, sans vraiment savoir quoi faire. En ouvrant une page internet, il tombe sur cette information.
Le 7 juillet, c'est Tanabata, la fête japonaise des étoiles ! Adressez votre vœu le plus cher aux étoiles !
Les vœux, voilà bien une superstition stupide. C'est ce que dit Sherlock depuis toujours. Mais ce soir-là, le 7 juillet, il se sent si perdu et misérable. Ainsi, il tourne sa tête en direction des étoiles à travers la fenêtre du salon.
-Qu'avec John et Mary, nous puissions fêter Tanabata...chuchote t-il tout bas.
Avec Mary, vraiment ? Tu perds les pédales.
-Non, avec John et Rosie...
Sa phrase s'étouffe dans un sanglot.
Depuis que John lui a pardonné, et qu'il est revenu vivre avec Rosie chez lui, Sherlock ne lui a jamais parlé de cette fête. Car chaque année, chaque 7 juillet, le ciel est couvert, dissimulant les étoiles...
-Pourquoi attendre cette fête pour admirer les étoiles et faire un vœu, franchement ? demande Lana d'un ton las.
-C'est une tradition, je suppose, répond Sherlock. Réponse D.
-Vous êtes vraiment particulier dans vos paroles, Sherlock. J'aime votre tact. Réponse D, vous dites ?
-C'est mon dernier mot.
-Quelle splendide tradition, alors. Car au Japon, le 7 juillet, se déroule fête des étoiles intitulée...Tanabata !
L'ovation du public est plus que jamais élevée, tandis que la musique est intense. Lana décolle alors de son siège, l'air guilleret.
-Incroyable, splendide, génial ! Ça mérite bien une danse ! s'exclame t-elle en faisant des pas endiablés au rythme des applaudissements et d'un air joyeux hué par la foule.
-Il est trop fort ! Comment il sait tout ça ? demande Rosie.
-Je n'en sais rien, il a sûrement une excellente mémoire.
-En tout cas, la présentatrice est bien agitée, renchérit Mrs Hudson. Une vraie furie.
Le trio revient au calme et regarde avec attention l'émission. Le public redevient petit à petit calme, tandis que Lana se remet dans son fauteuil après sa danse improvisée.
-C'est la première fois que j'anime une émission aussi intense, dit la présentatrice tout sourire. De toutes les émissions que j'ai animé, personne n'est allé aussi loin que vous, Sherlock. Et il vous reste un joker ! Je pense que cela mérite encore des applaudissements !
Comme le public, Rosie tape dans ses petites mains, la joie illuminant son visage, et sous le regard apaisé et bienveillant de son père.
-Rendez-vous compte, nous sommes à la douzième et dernière question. Celle à un million d'euros. Vous avez pour le moment 300 000€ de gains. Mais sachez que si vous vous trompez à cette ultime question, vous retombez à 48 000€, et vous perdez votre pari avec votre ami. Vous êtes sûr de vouloir continuer ?
-Absolument certain.
-Qu'il en soit ainsi. Voici donc la dernière question à un million d'euros. Afin d'accomplir son travail qu'est de débarrasser le lac Stymphale d'une nuée d'oiseaux géants, quel outil utilise Héraclès ? Réponse A, Une cithare. Réponse B, Des castagnettes. Réponse C, Des flèches empoisonnées. Réponse D, Les griffes du Lion de Némée.
La musique auparavant de fond devient de manière étrange envahissante pour le détective. En fait, il ne remarque que maintenant la pression évidente qu'elle met. Mais là, le cœur du problème est tout autre.
-Alors, Sherlock, le génie chanceux et emmerdeur, avez-vous une idée ?
Le brun hoche de droite à gauche et à rythme lent sa tête, un sourire désolé sur les lèvres. Il cligne plusieurs fois d'affilée des yeux, se tortille sur son siège, trahissant une certaine nervosité.
-Je n'ai strictement aucune idée.
-Vraiment ?
-Vraiment.
Le public pousse des cris et des huées déçues. Lui si enjoué depuis le début, devient tout à coup dépourvu de compassion.
-Même votre mémoire ne peut pas vous aider ?
-Je ne sais pas ce qu'est ce travail, ni ce Héraclès. Non, je suis franc. Tout ce qui s'affiche sur mon écran n'a...aucun sens à mes yeux.
Lana écarquille les yeux, de surprise, mais pour l'aveu de Sherlock.
-Rien du tout ? redemande t-elle.
-Je vous dis que je ne connais absolument pas. Je ne suis pas une encyclopédie non plus.
-Je vois... N'oubliez pas qui vous reste un joker, le coup de fil à un ami.
-J'imagine que je n'ai pas le choix.
-Qui donc alors ? Votre ami peut-être prochainement millionnaire ?
-Il n'y a que lui qui est au courant de ma participation à ce jeu. Et je ne vois guère appeler mon frère ou un ami policier pour ça.
-Très bien. Et qui est cet ami ?
À cette question, Sherlock perçoit le mensonge dans les yeux de la jeune femme. Elle le connaît...
-Il s'appelle John, c'est le troisième contact dans mon téléphone qu'un de vos techniciens m'a gentiment piqué.
Le public émet un rire. Puis un son de tonalité retentit plusieurs fois. Cela finit par décrocher, après un long moment étonnamment long, selon le détective. John décroche toujours très rapidement. Mais la personne à l'appareil n'est pas John.
-Allô ? retentit une voix féminine à la fois douce et froide. Sherlock pourrait la reconnaître parmi une centaine. La Femme... Lana affiche quant à elle une mine surprise.
-Je crains fort que ce ne soit pas votre ami, dit-elle d'un ton ironique.
-Qui est à l'appareil ? demande Irène.
-Bonjour, Mademoiselle, dit la présentatrice dans un anglais doté d'un accent irréprochable. Je suis Lana Bundy, et je vous appelle car Sherlock est à mes côtés. Et des circonstances assez délicates le poussent à avoir besoin de votre aide. Est-ce que vous accepteriez de l'aider ? Il s'agit de répondre à une question.
Un silence parvient suite à la requête, puis un soupir amusé.
-Monsieur, cela fait si longtemps, dit la Femme d'un ton tendre.
Le dénommé sent le regard perçant de Lana. Il doute une nouvelle fois à son propos, la suspectant désormais d'être dans le coup. Mais il demeure cependant perdu, ne sachant guère quoi répondre.
-Je...C'est vrai. Cela fait des années que je ne vous ai plus revu.
-Sherlock, chuchote la présentatrice, la question.
-Vous semblez si égaré, Monsieur, dit Irène.
Le détective est intrigué. Il se demande pourquoi la Femme ne dit pas son nom de famille, elle qui semblait prendre plaisir à le prononcer à chaque qu'elle lui parlait. Sa théorie que le coup était prévu devient plus forte.
-Assez, entendre de nouveau votre voix, et dans un contexte si particulier...
-Mademoiselle, enchaîne Lana, nous avons besoin de vous pour répondre à une question. Vous n'aurez que trente secondes pour écouter Sherlock et répondre. À vous.
Aussitôt, un chrono est enclenché tandis qu'une musique différente résonne dans tout le plateau.
-Que vous est-il arrivé pendant tout ce temps ? demande Sherlock, les yeux dans le vague, oubliant le compte à rebours.
-Je suis en sécurité, ne vous inquiétez pas.
-Sherlock ! scande discrètement Lana. La question !
Les yeux du brun s'illumine, comme s'il se réveillait. Il ne reste plus que vingt deux secondes.
-Écoutez. Afin d'accomplir son travail qu'est de débarrasser le lac Stymphale d'une nuée d'oiseaux géants, quel outil utilise Héraclès ? Réponse A, Une cithare. Réponse B, Des castagnettes. Réponse C, Des flèches empoisonnées. Réponse D, Les griffes du Lion de Némée.
Le détective délivre tout cela en quelques secondes, sans bafouiller, et articulant clairement. Le chrono commence alors à s'emballer, tout comme la musique. Il ne reste plus que dix secondes. Un soupir désolé retentit.
-Je n'en ai aucune idée, répond Irène. Je suis désolée.
-Vous n'avez vraiment aucune idée ? dit Lana.
-Monsieur ?
-Oui ? répond Sherlock.
-Que diriez-vous d-
La voix d'Irène est coupée, le temps étant écoulé. Seul un son sourd clôt la conversation. Le détective ne sait plus comment réagir, si bien qu'il regarde tout autour de lui. Bien sûr, la seule chose qu'il peut bien distinguer est Lana. Cette dernière semble sincèrement désolée pour le brun, ayant les lèvres pincées et les yeux baissés.
-Je crains fort que vous soyez définitivement seul, maintenant, dit-elle. Qu'allez-vous faire maintenant ?
Sherlock baisse la tête, hochant une nouvelle fois. Un soupir désolé sort de ses narines.
-Vous allez vous fier à votre chance, ou vous arrêtez ici ?
-Je continue jusqu'au bout. J'ai bien les fesses bordées de nouilles, non ? réplique Sherlock d'un ton sec.
Tandis que le public rit, Lana aborde une expression fâchée.
-La chance n'a pas toujours était là, j'imagine ? demande la présentatrice sur le même ton.
-Non. Mais là, ce n'est qu'un jeu.
-Et que dit votre instinct ?
-Je peux bien déduire, n'est-ce pas ma spécialité en tant que détective consultant ?
-Faites.
John n'en revient pas de ce qu'il vient de se passer. Est-ce une erreur ou prévu que le coup de fil soit pour Irène Adler ? Et le médecin a eu que de rares occasions de voir son ami aussi troublé et perdu. Sa conversation avec la Femme l'a sans nul doute retourné, et voilà qu'il défit la présentatrice loufoque.
-C'était qui au téléphone ? demande Rosie.
-C'était...une amie de Sherlock.
Amie est un grand euphémisme, parlant de la Femme à l'origine de nombreux troubles chez son ami. Irène Adler est l'une des rares personnes à avoir le prestige de semer le doute chez le détective en une phrase.
En relisant la question, Sherlock élargit plusieurs pistes.
-Si ça provenait d'un film ou d'une série, cela serait précisé dans la question, de même si c'était un livre. Cela ne peut pas être un fait de l'Histoire car les oiseaux géants n'existent pas. Au nom de Héraclès, je dirais que ça sonne comme romain ou grec, donc c'est peut-être un personnage de mythologie, et il est plus connu sous le nom d'Hercule. Grâce à l'un des bouquins de la fille de mon ami, je sais que ce personnage a accompli douze travaux insurmontables impliquant pour la plupart des créatures fantastiques. Donc se débarrasser de ces piafs du lac, cela implique sûrement quelque chose de plus atypique que de leur tirer dessus avec des flèches. Aussi, je ne vois pas comment avec des griffes de lion ou de n'importe quelle autre créature on peut tuer ou faire fuir des oiseaux. Donc il ne reste plus que la cithare et les castagnettes.
-Vous êtes sur la bonne voie, on direz, dit Lana, admirative de la déduction de Sherlock et de la rapidité de ses propos. Mais entre la cithare et les castagnettes, qu'elle est la bonne réponse ?
Le détective ferme les yeux, imageant le mieux possible la scène, et surtout ce que pourrait produire les instruments. La cithare fait des sons mélodieux, ce qui pourrait être utilisé pour ensorceler ou envoûter les oiseaux, une bêtise dans le genre. Tandis que les castagnettes, utiliser seules, elles ne font que claquer et faire des sons désagréables. Idéal pour énerver son environnement. Sherlock finit par relever la tête, ses yeux bleus étincelant désormais de détermination.
-Alors, Sherlock ? Que choisissez-vous ?
-Je vais répondre...B. Des castagnettes.
-La réponse B ? Des castagnettes ?
-Oui.
-Vous en êtes sûr ?
C'est donc ça, mettre la pression ?
-C'est mon dernier mot.
Lana se penche en arrière, s'étalant sur son siège. Son regard froid et perçant gèle le détective.
-Je vois. Ordinateur, veuillez valider la réponse B, des castagnettes, je vous prie.
Pour la dernière fois, le son de suspense retentit, tandis que la case de la réponse devient orange. La musique résonne intensément dans tout le plateau, pimenté par des roulements de tambour incessants. Le public se taire dans le mutisme, englouti par l'obscurité provoqué par les projecteurs uniquement braqués sur Sherlock et Lana. Si cette dernière semble assez relâchée, s'étalant de tout son long sur le dossier du fauteuil, le détective est assis au bord, les mains jointes posées sur les genoux. La présentatrice regarde tantôt Sherlock, tantôt l'écran face à elle. Son visage si expressif jusque là est désormais neutre, transparent, ne laissant rien paraître.
-En cette émission intense de "Qui veut gagner des millions", avec le candidat Sherlock Doyle, anglais, détective consultant unique au monde, emmerdeur de police, chanceux, et spécialiste en astronomie, nous sommes aux portes des pyramides des gains. Après avoir répondu aux onze questions, puis en se lançant dans cette dernière question, qui, je rappelle est : Afin d'accomplir son travail qu'est de débarrasser le lac Stymphale d'une nuée d'oiseaux géants, quel outil utilise Héraclès ? A, Une cithare, B, des castagnettes, C, des flèches empoisonnées, et D, les griffes du Lion de Némée, Sherlock a choisi la réponse B, des castagnettes...
Ce roulement de tambour devient envahissant et insupportable...
-Pour la dernière question, à un million d'euros, Sherlock a choisi la réponse B, des castagnettes. Et il s'agit...
Il n'en peut plus d'être assis, au centre d'un plateau, tandis que des dizaines de caméras indiscrètes les filment. Il n'en peut plus de ce silence assourdissant uniquement troublé par la musique grondante. Il n'en peut plus de ces fourmis dans ces mains qu'il retient d'agiter depuis un long moment. Il n'en plus d'attendre, voulant élucider plusieurs mystères apprit dans cette journée. Il n'en plus d'être face à un pseudo Moriarty qui s'avère pour le moment n'être qu'une animatrice de jeu télévisé très atypique et populaire. Il n'en peut plus d'attendre. Il. N'en. Peut. Plus. Je. N'en. Peux. Plus.
-D'une bonne réponse !
La voix enjouée de Lana est aussitôt couverte par la musique entraînante, ainsi que l'ovation assourdissante du public se levant pour applaudir. Le plateau est brusquement illuminé de tous les spots présents, et une pluie de confettis tombe sur la scène. Sherlock observe le tout d'un regard perdu, et incompréhensif. Sa ouche légèrement entrouverte lui donne un air enfantin. Il voit alors Lana se lever de son siège et applaudir juste à côté de lui, un sourire sincèrement ravi au visage. Le public n'en finit plus d'exprimer de la joie et de l'énergie.
-Félicitations, Sherlock ! Vous avez remportez un million d'euros et un pari avec votre ami !
Tentant d'imaginer la réaction de sa petite famille, le détective ne peut s'empêcher de sourire, profitant enfin comme il se doit des félicitations de la présentatrice et des spectateurs. Des confettis viennent se coller dans sa tignasse bouclée, le rendant un air à la fois ridicule et adorable.
-Encore félicitations, Monsieur Doyle ! s'exclame un homme d'équipe chargé de lui rendre ses affaires.
Sherlock n'est pas fâché de remettre son manteau, et de sortir de ce plateau à la chaleur étouffante. Il vérifie que son téléphone est avec lui, puis le consulte. Au premier abord, rien ne semble avoir été modifié, mais le brun remarque rapidement quelque chose. Dans la liste des contacts, les noms de John et Irène sont inversés. Il a tôt fait de réparer ça. Pendant qu'il fait cela, quelqu'un sort à son tour, un manteau quasi similaire, et une clope au bec.
-Encore bravo, Sherlock Holmes, dit Lana en anglais.
Le détective se tourne vers elle, les sourcils froncés.
-Inutile de parler, vos questionnements fusent tellement que je peux les sentir. "Elle a un lien de parenté avec Moriarty ?" "Est-ce une criminelle ?" "Comment connaît-elle le criminel consultant ?" dit la jeune femme en imitant un interrogatoire.
-Vous savez que vous faites des aveux, n'est-ce pas ?
-Et alors ? Je n'ai plus rien de l'ancienne moi. Comme je vous l'ai dit, avec autant d'argent gagné, c'est facile de se refaire un nom et une vie. Je suis désormais Lana Bundy, une célèbre animatrice de télévision en France.
-Que faisiez-vous avant ça ?
-Je bossais pour Moriarty, en tant que petit pion insignifiant de son réseau criminel. J'étais si peu utile à l'organisation que même vous, vous ne m'avez pas trouver durant le démantèlement du réseau. Je ne servais qu'à fournir des armes. Parfois, je me demandais même si Moriarty savait que je faisais parti de son groupe.
-Je vois, c'est pour ça que j'ai été sélectionné si rapidement.
-Oui ! Je vous ai choisi. Pour vous remercier.
-De quoi ?
-De m'avoir libérée. Pendant que vous vous occupiez à arrêter les criminels du réseau, j'ai pu filer en douce. Vous avez tué l'ancienne moi, et je vous en suis reconnaissante.
-Tuer est un bien grand mot...
-Oh si, je vous assure que le terme est bien employé. Mon ancienne identité a disparue pour être remplacée par celle-ci.
Tandis que Lana tire lentement mais longtemps sur sa cigarette, écoutant de manière distraite la circulation, Sherlock la regarde avec doute. Une question subsiste encore dans son esprit.
-Parlez, je répondrai, dit la jeune femme.
-Expliquez-moi pour Irène Adler.
-Oh, je ne pensais pas que cela vous troublerez autant. Vous savez que cette femme était liée à Moriarty ?
Sherlock acquiesce d'un hochement de tête.
-Une fois que vous l'avez sauvé, elle s'est réfugiée dans mon repaire, car tout le reste du monde l'a classé comme décédée. Avec ma mission tertiaire pour le réseau, nous avons eu tout le temps de faire connaissance. Et elle m'a pas mal parlé de vous. J'ai appris à ces dépends que vous étiez le rival de Moriarty, fascinant. Ça l'est encore plus lorsque nous avons appris qu'il s'est donné la mort pour que vous le fassiez à votre tour. Je peux vous dire que je suis très admirative quant à la mise en scène de votre faux suicide, et de votre détermination pour démanteler le réseau. C'est à ce moment-là qu'avec Irène, nous en avons profité pour nous échapper. Une fois la frontière du pays franchie, nous nous sommes séparées, et jusqu'à aujourd'hui, je n'ai plus entendu le son de sa voix. Pour être sincère, c'est un véritable soulagement pour moi de la savoir vivante. Et puis elle a sûrement gagné en intelligence, elle a de suite comprit la situation délicate, c'est pour cela qu'elle n'a pas dit votre nom. Je me demande si elle a reconnu ma voix...
-Ainsi, c'est vous qui avait trafiqué mon téléphone ?
-Oui ! répond Lana d'un sourire enfantin. C'était facile de déverrouiller votre téléphone et de changer deux noms de contact. Je me doutais bien que si vous utilisiez le joker du coup de fil, vous appelleriez John. Vous êtes parfois d'un prévisible.
-En fait, je n'ai servi que de relais pour contacter Adler.
-Tout à fait, mais le coup du remerciement, c'est aussi la vérité.
-Et le message ? demande du tac au tac Sherlock.
-Le message ?
-Sur le miroir.
-Oh, ça ? Ce n'était qu'un coup de pression comme j'ai l'habitude de faire. Combien de fois ai-je écrit des messages à l'intention des candidats pour les induire en erreur. Non, moi, je ne voulais pas que vous perdiez, j'attendais l'occasion que vous utilisiez ce stupide joker. Je sais que Miss me ? vous a fait douter, et peut-être paniquer, mais ce n'était qu'un moyen comme un autre de vous faire rester, et ça a marché !... En fait, j'ai eu vent de ce message le jour de sa diffusion sur tous les écrans de l'Angleterre. À ce moment, je me suis dis qu'il était vraiment que je parte du pays pour ma sécurité. Je suis donc allée me réfugier en France, et en traînant çà et là en Europe, j'ai gagné de l'argent grâce à des émissions.
-Que des émissions ?
-Que des émissions ! Je vous l'ai dit, l'ancienne moi trafiquante d'armes au service de Moriarty est morte. Si vous voulez m'arrêter, vous perdez votre temps. Tous les fichiers à mon propos ont étés brûlés ou effacés, de même pour Irène. D'ailleurs, c'est un très bon coup, les nuits passées avec elle étaient...vous voyez...
Sherlock froncent les sourcils d'une certaine forme de dégoût. Ses poings auparavant serrés finissent par se relâcher. Lana tire une dernière fois sur sa cigarette avant de la laisser tomber et de l'écraser d'un coup de talon.
-Ce fût un plaisir de vous rencontrer, Monsieur Holmes, dit poliment la jeune femme en partant, le dos tourné au détective. Vous devriez revenir de temps en temps en France, c'est un pays très beau. Saluez Monsieur John Watson et sa fille de ma part.
Lana fait un salut de la main, avant de tourner dans un coin de rue. C'est la dernière fois que Sherlock la voit.
Le lendemain, en rentrant au 221B, le détective est accueilli par Rosie se jetant sur lui pour une solide étreinte. Il la prend dans ses bras pour la porter à son cou.
-Tu es trop fort, Sherlock ! s'exclame la fillette.
-Tout à fait, renchérit John qui sort de la cuisine. Je ne remettrais plus ton palais mental en doute.
Le médecin apporte deux tasses de thé sur un plateau qu'il pose sur la table entre les deux fauteuils. Les deux hommes s'installent dans le silence.
-Au fait, Lana Bundy vous passe le bonjour, dit Sherlock d'un ton las.
-Elle est trop rigolote ! répond Rosie.
-Oui, très...
John sent une certaine forme de cynisme dans la voix de son ami, mais il préfère ne pas s'y interroger. Il avait à la place pleins de questions à lui poser.
Au même moment, un téléphone vibre, c'est celui du détective. Ce dernier le consulte, avant de s'éclipser dans sa chambre.
-Je reviens, dit-il sous le regard intrigué de sa petite famille.
Il ne peut s'empêcher de sourire en lisant le message.
Allons dîner.
FIN...
Avez-vous su répondre à toutes les questions ? Dites-le dans les reviews ^^
