Et vous, tu m'aimes ?

Victime I : Sasagawa Ryohei

Chanson associée : Encore un verre (hidden track)

Bon ben voilà, j'ai encore pété mon câble. Il se trouve que je suis tombée amoureuse récemment du premier album des Brigitte, Et vous, tu m'aimes?, donc. Et à force de l'écouter, je me suis tapé l'un de mes nombreux et obscurs trips et j'ai imaginé nos chers petits héros dans les situations relatées par les chansons. Pour être tout à fait honnête, ça a commencé avec Hibari mais, allez savoir pourquoi, j'ai fini par partir sur Ryohei. T'façon, ça n'a pas vraiment d'importance, vu que j'ai bien l'intention de faire passer tous nos gardiens préférés à la casserole, héhé.

Bref, cette première songfic est donc une 3387, parce que je kiffe ce couple et que je tiens à mettre en avant le hét dans Reborn! Sisi, je vous assure, ça existe.

Je vous conseille évidemment d'écouter la chanson pendant la lecture. Ce n'est pas obligatoire mais ça aide pour l'ambiance et dans tous les cas l'album est vraiment une petite perle à découvrir.

Sur ce, bonne lecture !

oOo

« Encore un verre

Laissez-moi faire

Je ne vais pas me rouler par terre.

Encore un verre

J'ai de bonnes raisons

J'ai dégusté

Je connais la chanson. »

Il a vingt-six ans et il pousse la porte du bar.

Ca n'a rien à voir avec son âge, ni avec le lieu d'ailleurs. Il ne sait pas vraiment où il se trouve. Ses pas chancelants de semi-somnambule l'ont guidé là par hasard. Gauche. Droite. Encore droite. C'est allé vite, trop vite. Il n'est peut-être même plus à Namimori. Pour ce que ça change, de toute façon.

Il se dirige vers le fond, une petite table à l'abri des fenêtres et des regards. Automatisme. Toutes ces années auprès des Vongola lui auront au moins appris à s'éloigner des endroits dégagés où il pourrait faire une cible facile.

Il n'est pas le type le plus intelligent du monde mais quatre balles dans le corps -une dans l'épaule, une dans le ventre et deux dans la cuisse- vous rencardent plus sur la vie que n'importe quel professeur.

Il lève son verre de bière -que la jolie serveuse vient de lui apporter- en l'honneur de Lussuria et de Colonello. Quand même, il ne les oublie pas.

Il se l'enfile cul-sec. Ca passe tout seul, il a l'habitude. Il a passé l'âge des premières expériences. Comme avec elle. Comme avec Hana.

Il fait signe à la serveuse. La même, articule-t-il silencieusement. Inutilement. Des poivrots, elle en a vu d'autres. Elle connaît son boulot.

Il s'en souvient comme si c'était hier, de cette photo dans cette chambre du futur. Du choc. De l'incompréhension. De la gêne. De la longue phase d'acceptation. Et des coups d'œil à la dérobée, bien plus tard, lorsqu'elle dînait avec eux à la table familiale, échangeant avec Kyoko des paroles et des sourires complices. Il se souvient s'être dit qu'elle n'avait pourtant rien de particulier, qu'elle n'était pas spécialement belle et encore moins engageante. Dédaigneuse et inaccessible, telle paraissait Hana. Alors il avait décidé d'arrêter de se prendre la tête.

Et c'est en ne cherchant pas qu'on trouve, évidemment.

Il avait remarqué son parfum en la croisant dans un couloir pendant qu'il faisait son jogging. Un parfum discret de fille pas tout à fait femme qui n'ose pas se montrer trop coquette, qui ne souhaite pas vraiment qu'on y prête attention. Les effluves d'un mystère, de ceux qui émoustillent les garçons naïfs.

Il ne sait toujours pas pourquoi elle a répondu oui, un peu rougissante, quand il lui a demandé de sortir avec lui, ce jour-là. Il a supposé que c'était dans l'ordre des choses et que le reste coulerait de source, que dans le futur ça avait marché juste en claquant des doigts.

Mais non. Oh que non.

La serveuse lui amène un verre de saké qu'il n'a pas commandé. « Cadeau, » dit-elle simplement en haussant les épaules. « Y a des jours comme ça. » Et elle s'éloigne. Il lui mate le cul, elle est vraiment bien foutue. C'est pas comme si allait déranger quelqu'un, de toute façon.

Ouais, y a des jours comme ça, pense-t-il en observant, dubitatif, la fille nue qui pose, jambes écartées, au fond du petit verre.

Des photos comme celle-là, Hana lui en a laissé plusieurs sur son portable. Interludes entre deux réunions accompagnés de messages coquins, oubliés au milieu des « Je t'aime » et des « Tu me manques », des « Tu rentres quand ? » et des « J'ai trouvé du sang sur ta chemise, tout va bien? ». Un historique d'appels passés des quatre coins du globe, voilà tout ce qu'il lui reste de neuf années d'amour, de disputes et d'au-revoir dans les aéroports.

Au-revoir mais pas adieu, ma chérie. Je reviendrai toujours, promis.

Il n'avait pas envisagé que ce serait elle qui prendrait ses valises et ne reviendrait pas. A force de tout considérer comme acquis, il avait fini par la perdre. Elle était partie la veille, avec pour seule explication une note lancée négligemment sur la table basse du salon. Je ne veux pas me marier avec un homme qui ne me fait pas confiance, avait-elle écrit. C'est mieux comme ça.

« Vous voulez que je vous amène la bouteille ? Vu comme vous êtes parti, ça ira plus vite, » raille la serveuse en se penchant vers lui. Sunako, lit-il, remarquant enfin son badge. Ses yeux s'égarent naturellement dans son décolleté et il sent un pied habile glisser le long de son mollet. Tentant. « Sinon, je finis bientôt mon service, on pourrait… »

« Je peux vous aider ? » l'interrompt une voix féminine et sèche. Une voix qu'il a entendu des milliers de fois et qu'il n'espérait plus.

« Hana ? » murmure-t-il, perdu et Sunako s'éclipse, quittant une scène qu'elle n'a aucune envie de jouer. Il la comprend mais une part de lui aurait préféré qu'elle reste. C'est injuste mais il veut faire mal à celle qui a osé l'abandonner sans prévenir, la faire souffrir autant qu'il a souffert pendant ces vingt-quatre heures d'enfer.

« Tu perds pas de temps, à ce que je vois, » constate-t-elle en prenant place sur la banquette opposée, bras croisés sur sa poitrine. Fermeture du dialogue, récite-t-il intérieurement. Vague réminiscence des leçons de négoce qu'on les avait forcés à suivre. Ca commence bien.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » Sans lui laisser l'occasion de répondre, il se lève et se dirige vers le bar, où il récupère la bouteille promise et un deuxième verre. Puis il retourne s'asseoir et la sert sans un mot.

« Je viens surprendre mon petit-ami en plein adultère, » rétorque-t-elle après avoir bu. Médusé, il hausse un sourcil et éclate d'un rire mauvais.

« On est plus ensemble, Hana. Je n'ai aucun compte à te rendre. » Tout à sa colère, il réalise à peine que le niveau de saké descend de façon critique. Un dernier et j'arrête, s'encourage-t-il. Il refuse de lui offrir ce plaisir, de lui montrer quelle loque il risque de devenir sans elle. C'est sa foutue fierté qui parle, il le sait et sa fierté ne s'en remettrait jamais si elle finissait par mesurer à quel point il a besoin d'elle.

« Tu comprends vraiment rien, » déclare-t-elle dans un soupir. « Je sais pas pourquoi je m'acharne à essayer de faire rentrer quoi que ce soit dans ce mur en béton armé qui te sert de caboche. »

« C'est ça, t'as raison, » grogne-t-il, amer. « Ca a toujours été moi l'abruti. Rien de nouveau à l'horizon. On était pas compatibles, c'est tout. Mais maintenant tu t'en fous, t'es libre. Tu vas pouvoir te trouver un mec avec moins de couilles et plus de ciboulot. Un intello comme t'as toujours voulu. Tu fais ta vie, je m'en contrefous, ça me regarde plus. Adieu. » Il prend la gorgée suivante directement au goulot et ferme les paupières. Il voudrait qu'elle sorte de son périmètre, qu'elle se casse avant qu'il ne se mette à chialer comme un môme. Elle lui manque déjà, bon Dieu, et les morceaux de se son cœur brisé s'écrasent dans son ventre. Il a la tête qui tourne et la gorge en feu et merde, merde, il a envie de mourir. Elle va s'en aller et emporter avec elle tout ce qu'il a connu de la vie d'adulte. Elle va s'en aller et laisser derrière elle une coquille vide avec un flingue à portée de main. Et c'est ça qu'il devrait lui dire mais putain il n'y arrive pas.

« T'as pas tort sur un point, » assène-t-elle sans fléchir mais s'il la regardait, il pourrait voir qu'elle pleure aussi. Torrent de larmes versé sur le masque inexpressif dont elle peine à se défaire même après toutes ces années. « Côté stupidité, tu boxes dans la catégorie poids lourds. Mais je suis pas libre, Ryohei. Je suis pas libre et je ne m'en fous pas. J'aimerais bien, tu vois, parce que ça m'éviterait un certain nombre d'emmerdes. Mais je ne m'en fous pas et je n'ai pas l'intention de partir. Je ne vais pas entrer dans ton jeu de victime. Je sais que j'ai aussi des torts et je suis là pour poser cartes sur table. »

« Et ça va nous avancer à quoi, exactement ? » Cette fois encore, il ne la regarde pas. Préfère balayer la salle d'un coup d'œil faussement intéressé. Pas bien loin, une bande d'étudiants trinque et se marre. Ils ont l'air épanouis, heureux. Ils ont l'air du gars qu'il était il y a neuf ans, du gars qui pensait encore que sa vie se serait qu'une succession de victoires méritées, faite de journées terribles et de lendemains extrêmes. Ce gars, il le cherche dans les décombres mais n'entrevoit pour l'avenir que des journées atroces et des lendemains complètement vides de sens. Cette fois encore, il n'a pas dit ce qu'il aurait dû dire. Je ne peux pas continuer sans toi, Hana.

« Je nous laisse une chance. Merde, Sasagawa, je suis en train de me battre, là. J'ai besoin que tu m'aides un minimum. »

« Et je le répètes, ça va nous avancer à quoi ? Je t'ai fait ma demande. J'ai sorti le grand jeu : les bougies, le genou à terre, la bague et tout le tralala. Et j'ai eu ma réponse. Tu ne veux pas te marier avec moi. Point. »

« Effectivement, je ne veux pas me marier avec toi, » dit-elle et quelque chose dans le ton de sa voix le pousse à se tourner dans sa direction.

L'alcool lui a embrumé l'esprit, l'empêche de réfléchir correctement. Mais ce quelque chose est bien là et son instinct lui souffle d'essayer à tout prix de le saisir avant que ses paroles ne disparaissent dans l'espèce de bouillie qu'est devenue sa cervelle. Alors il s'exécute et pour la première fois depuis le début de la conversation il a l'impression de se battre avec elle pour ramener à bon port un truc qui lui paraissait insignifiant et qu'ils avaient égaré en cours de route. Même s'il ne sait pas de quoi il s'agit, même s'il n'est pas sûr de suivre le fil du raisonnement qui se déroule dans sa tête. Ce fil mène quelque part, vers un endroit où tout ira mieux, il le sent et il a envie d'y croire. Il cale ses pieds contre le sol pour que le décor cesse de tourner et fixe cette femme qu'il s'était juré d'aimer jusqu'à ce que la mort les sépare. Il aurait voulu pouvoir le gueuler devant toute une assemblée mais seulement…seulement…

« D'accord… d'accord. Mais alors pourquoi tu as pris toutes tes affaires ? » demande-t-il, soupçonneux. Il refuse pour l'instant de se soumettre à la vague d'espoir qui gonfle et menace de tout emporter.

« J'étais énervée, il me fallait de l'air. Faire le point. Me préparer psychologiquement à passer le restant de mes jours avec un demeuré. Y a peut-être un peu les hormones, aussi, » susurre-t-elle avec un petit sourire énigmatique. Et il admire. Et il la trouve belle, comme dans ce couloir d'il y a neuf ans, même si elle a changé de parfum, même s'il y a aujourd'hui du noir autour de ses yeux et des traces de rouge sur ses lèvres. Et il se demande comment il a pu envisager de s'envoyer lui-même au tapis sans combattre, de laisser la fatalité le mettre KO dès le premier round. Le mec d'il y a neuf ans aurait fait dix fois le tour du monde pour la retrouver et aurait explosé sa porte si elle avait tenté de la lui claquer au nez. Alors qu'à cela ne tienne, ce mec-là, il allait le déterrer et le faire rappliquer à coups de pied au cul.

« Merde, tu m'as foutu une de ces trouilles, » dit-il et il rit bêtement parce qu'il n'a jamais été autant soulagé de toute son existence. Dans son délire imbibé, il se voit ricanant en train de recoller les miettes de son cœur à la super-glue. Il la rejoint sur sa banquette, tanguant légèrement et riant de plus belle et passe un bras autour de ses épaules pour la serrer contre lui. Il embrasse son front et respire ses cheveux et ça lui donne envie de la bouffer toute entière, de lui faire l'amour comme un dingue jusqu'au lever du soleil et encore après si elle est d'attaque. Elle n'a pas l'air contre et se colle à lui en faisant courir ses doigts sur sa cuisse. « Tu m'as jamais dit que tu étais contre le mariage. »

« Tu m'as jamais posé la question, » rétorque-t-elle. Il dépose un baiser dans son cou et elle en profite pour tirer la langue à une Sunako boudeuse qui les observe depuis le bar. C'est mon homme, pétasse, prévient son regard sombre. Pas touche. Elle ne se cache pas et ça le fait sourire.

« Bon, eh bien je n'ai plus qu'à me faire rembourser la bague. »

« Il vaudrait mieux. On risque d'avoir pas mal de frais dans les années à venir. » De nouveau cette impression de louper quelque chose. Il se redresse, rembobine et se repasse le film. Hormones, frais et avenir. Mélange plus explosif que n'importe quel cocktail Molotov. Dévastateur comme les anciennes grenades de Lambo, la dynamite de tête de poulpe et le X-Burner de Tsuna. Et même plus que ça. La déflagration rase tout sur son passage et il recommence à pleurer. Pourtant, il n'a plus honte et la joie enfle si vite et si fort quand elle prend sa main pour la poser sur son ventre qu'il est persuadé qu'il va se mettre à hurler.

« Encore un verre ? » propose-t-elle gentiment. Elle serre ses doigts entre les siens et là, tout de suite, il est certain qu'ils sont le couple le plus heureux de tout l'univers.

« Extrêmement pas raisonnable, femelle. L'addition ! » s'écrie-t-il à la cantonade.

« J'espère que ce gosse ne sera pas aussi con que toi. »

« Je t'aime aussi, ma chérie. »

oOo

Mon Dieu que c'est niais. Mais c'pas grave, ça fait du bien par où ça passe. Et j'aime bien les imaginer heureux, ces deux-là. Ou le coup de génie d'Amano : ils sont tellement incompatibles que les imaginer ensemble me rend jouasse. Un peu à la 8059.

Je vous laisse deviner à quels gardiens (comptant Tsuna) j'ai associé chaque chanson. Pour certains, c'est facile mais pour d'autres un peu moins je pense. Ca dépend aussi vachement des couples en fait. Enfin, les paris sont ouverts, les amis. J'ai envie de voir tomber du pronostic xD

N'hésitez pas, comme toujours, à laisser un petit commentaire ! Et à bientôt (pour Tsuna, d'ailleurs, si tout va bien) !