Tes reflets ont dansé,
Devant mes yeux aveuglés,
Intoxiqué que j'étais,
Par tes mensonges,
Aux odeurs saintes,
Qui m'ont mené
Sur des chemins damnés.
La vérité avait été brûlante et dévastatrice. Il avait fini par l'accepter, tordue derrière un sourire trop large pour être innocent. Laisser aller ce qui s'était passé, relâcher ces blessures, cette rage qui avait alimenté, qui rodait toujours sous le fin vernis de l'acceptation et de la vulgaire sérénité, le monstre qui rampait et le vide qui rongeait. Une rage matée, contrôlée, mais toujours présente.
Mené par des mensonges et des vérités, il s'était intoxiqué, il s'était menti et hurlé la vérité. Parfois encore, les mots triomphants résonnaient encore à ses oreilles : "Tu ne t'étais rendu compte de rien." Au fond de lui, il savait que ce que son ancien lieutenant avait voulu dire avait été "Tu n'avais pas voulu te rendre compte de quoi que ce soit." Il serra les poings et contempla un instant ses phalanges blanchies, avant de les desserrer et de les poser sur ses genoux. Voir à travers les mensonges et les illusions... Les reflets d'un miroir brisé recouvert d'un voile de deuil, le deuil de sa clarté d'esprit et de sa raison. Chaque illusion perçue avait été oubliée, intoxiqué qu'il était par le ballet des mains et des mensonges, par le tissage bienheureux d'un sourire et de doigts jouant à travers les longues mèches blondes. De longues mèches sacrifiées au nom du souvenir qui le rendait malade.
Mené par le bout du nez, malgré tout. Il portait en lui sa part de responsabilité. A cause de lui, à cause de ses illusions... Des pensées qui se répétaient, encore et encore. Il était le responsable irraisonné d'une déchéance qui leur avait offert exil et liberté. Il n'était qu'un meneur de pacotille mené par le bout du nez. Son sourire se tordit à nouveau, un instant, avant de s'élargir alors que son regard errait sur le ciel bien trop bleu qui se découpait à travers une large ouverture du bâtiment. Et dire que malgré la rage et la colère qui les teintaient, les souvenirs de certains regards, de certains baisers échangés au creux de la nuit, les souvenir l'apaisaient comme l'alcool brûlant faisait taire un instant les gémissements de l'esprit. La douleur revenait toujours, mais l'analgésique était une vraie drogue.
Mené par des espoirs qu'il avait lui-même dédaigné. S'il y a une chose qu'il pouvait reconnaître à Aizen sans y glisser plus d'une injure, c'était que le salaud savait manipuler les gens. Pourtant, il l'avait su. Dès qu'il l'avait vu, il avait su que l'autre homme était dangereux, et c'était pour cela qu'il en avait fait son lieutenant. Le serpent s'était lové en son sein et le venin avait pénétré son coeur. Il était tombé amoureux d'un reflet qu'il ne voulait pas contempler parce qu'il savait qu'il n'était pas réel. La tentation lui avait rongé le cœur et avait recraché ce qu'il en restait aux pieds du lieutenant qui ne s'était pas gêné pour en ramasser les morceaux. Ce qu'il en avait fait... Avec un plaisir malsain, Aizen avait pris le temps de l'accueillir et de lui rendre. Un capitaine écrasé aux pieds de son lieutenant, manipulé par la simple grâce d'un sourire trop rare, voilà tout ce qu'il avait été. Un jouet, probablement. Un amusement qui, d'un claquement de doigt, avait été brisé par la rage qui avait dévoré son cœur.
Avec un large sourire, tordant le cou à ses pensées noires, il se pencha en arrière et accueillit d'un petit geste de la main celui qui venait d'entrer dans le hangar. Au final, tout cela n'avait aucun sens. Ces pensées n'étaient que des compagnes qui hantaient les instants de silence, les moments de solitude où il sentait le poids de sa responsabilité peser plus fort. Ces reflets et ces illusions, il les connaissait maintenant. Et la rage brûlait.
Même si les souvenirs l'accompagnaient, même si son cœur ne voulait pas entendre raison, il avait retiré le voile qui couvrait ses yeux. La rage et la raison étaient parfois meilleures conseillères que l'amour.
