Avertissement: Les personnages principaux ne m'appartiennent pas, un jour peut-être...

C'est M. C'est pas pour faire joli. Violence et contenu "explicite", c'est à craindre.

Autre avertissement: je commence cette histoire comme ça, sur une inspiration subite. Je ferais tout mon possible pour la finir, c'est ma règle d'or, mais je ne suis pas garantie d'une panne. Sans filet.

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Waiting for the night to fall

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Chapitre 1

Assis adossé au local technique, sur le toit désert de l'immeuble, Gohan fixait le ciel de l'été déclinant. Le soleil ne se décidait pas à disparaître, et la lumière jouait encore sur les quelques nuages chétifs et colorés. Ce ciel lui en rappelait d'autres. Sans savoir pourquoi, il s'était souvenu subitement qu'il avait joué, il y a très longtemps, avec son père, à se convaincre que les nuages prenaient la forme d'animaux ou d'objets. Il était enfant alors.

Pourtant, là tout de suite, même en les scrutant attentivement, aucun nuage ne paraissait vouloir prendre une apparence familière. Ces nuages au-dessus de lui s'obstinaient à n'être que de stupides nuages sans utilité, même pas capables de pleuvoir pour étouffer la chaleur cuisante. De toute façon, Gohan n'était plus un enfant, il venait d'avoir dix-sept ans, et son père avait disparu depuis bien longtemps.

Il soupira et consulta sa montre avec lassitude. Il avait encore plus d'une demi-heure devant lui. Il ouvrit son sac et en détailla le contenu. Il y avait un gros livre de littérature, qu'il était censé avoir assimilé pour la rentrée scolaire, d'ici une semaine. Il avait cette matière en horreur. Tous ces mots délicats et compliqués, assemblés pour décrire des choses simples et sans intérêt. Il ne comprenait pas vraiment la raison d'être de tout ça. Il se résigna à sortir l'ouvrage, dont le poids lui parut immédiatement excessif et décourageant.

Sa mère se faisait beaucoup de souci pour son avenir, et dans l'immédiat, pour son entrée au lycée. Lui-même devait bien reconnaître que tout cela le rendait nerveux. Il n'avait jamais fréquenté d'école classique et il n'était pas sûr d'avoir le niveau. Il avait passé des tests et on lui avait dit qu'il avait réussi. Brillamment, même, en ce qui concernait les matières scientifiques. Il était tellement ignare qu'il avait dû se faire expliquer le système de notation pour comprendre exactement où se situaient ses compétences. C'est ce qui avait amené Chichi à lui imposer d'ingurgiter cet énorme livre sur les auteurs classiques. Il ne devait pêcher en aucune matière et exceller en tout. Depuis l'âge de quatre ans, on lui demandait d'exceller en tout, il avait l'habitude et se pliait docilement aux exigences des adultes.

Il ouvrit le livre à une page au hasard. Il tomba sur le portrait d'un écrivain, annoncé comme une référence incontournable. Gohan fixa l'image, en essayant de croiser le regard triste de la peinture reproduite. L'homme n'avait pas l'air d'avoir été très comique dans son genre. En lisant ses dates de naissance et de mort, Gohan calcula qu'il n'avait vécu que vingt-neuf ans. Le jeune homme leva les yeux au ciel et ferma le livre d'un geste sec. Tout cela lui paraissait trop déprimant. Et il était trop nerveux pour l'instant. Il jeta à nouveau un œil à sa montre. Plus que vingt minutes.

Il rangea le livre et repensa au lycée. A la vérité, il n'y avait pas que le niveau des cours qui l'inquiétait. Il y avait aussi les autres. Les autres élèves, les professeurs. Avec les adultes, il devrait s'en tirer. Sa mère était si tyrannique sur les règles de politesse, qu'il était très à l'aise dans le monde cérémonieux des rapports avec les adultes. C'était les autres élèves qui l'inquiétaient. Il n'avait jamais évolué au milieu de personnes de son âge. On ne lui en avait jamais laissé l'occasion. Bien sûr, il s'occupait de Goten, mais Goten était son frère, il était petit. Ça ne comptait pas vraiment.

Ce qui le préoccupait était de se retrouver au milieu d'adolescents de son âge, qui auraient eu une vie normale. Une vie normale, avec des parents normaux. D'autres jeunes, qui vivaient au milieu de leurs semblables depuis toujours. Il savait qu'il ferait des gaffes, et il y avait de grandes chances qu'il passe pour l'imbécile de service. Il était à la fois curieux de ce monde insouciant, et anxieux de ce qu'il lui apprendrait sur lui-même et sur tout ce qu'il avait manqué.

Il fouilla à nouveau dans son sac et sortit une pochette dont il extrait un paquet de cigarettes et une photo. Il alluma une cigarette et observa les ronds de fumée, qu'il parvenait maintenant à former avec habileté. Des heures d'attente comme celle-là lui avaient permis de se perfectionner. Il consulta sa montre. Dix minutes.

Le jour avait nettement reculé et une brise nocturne très légère s'était levée, agitant doucement ses mèches qui retombaient sur son visage. Sa mère les lui couperait dans quelques jours. Ce n'était pas assez sérieux pour le lycée. Il actionna son briquet à essence et approcha la flamme de la photo. C'était le portrait d'un homme au visage long, ridé, aux traits tombants. Il avait des cheveux poivre et sel, tirés en queue de cheval et des catogans fournis. Il souriait d'un air conquérant sur le cliché, visiblement capturé au téléobjectif.

Gohan l'observa longuement en déplaçant la flamme, la cigarette coincée entre les lèvres. Il se demanda vaguement qui il était. C'était une question qu'il se posait de moins en moins. Du moins, il cherchait de moins en moins de réponse. Il réalisait qu'au stade où il en était, ça n'avait plus vraiment d'importance. Sa conscience se rebellait encore parfois, et lui imposait de réfléchir à l'identité des gens sur les photos, au moins quelques secondes. Comme une prière, par superstition. Mais au fond, il savait que ça ne faisait plus vraiment de différence.

Au début, il lui avait semblé que ça changeait tout. Au début, il avait tout juste quatorze ans. Il croyait encore que son père veillait sur eux, et que ses petits boulots dans les fermes des environs feraient l'affaire pour faire tourner la maison, en attendant un signe d'espoir. En attendant que tout s'arrange, car tout finissait toujours par s'arranger. La première fois qu'on lui avait proposé le marché, il avait refusé tout net. Il avait même été particulièrement choqué. Il était rentré chez lui contrarié, et n'avait rien dit à Chichi. Il ne lui avait pas dit que quelqu'un avait reconnu le gamin qui était venu à bout de l'horrible Cell.

L'homme était revenu à la charge. Il disait s'appeler Monsieur M. et, dans sa candeur d'enfant, Gohan avait cru, au départ, que c'était son vrai nom. Il ne s'était jamais expliqué comment Monsieur M. le retrouvait partout où il allait. Monsieur M. voulait le bien du monde. Comme Gohan, après tout. Et ce qu'il lui demandait, Gohan l'avait déjà fait. Et Gohan savait que trop d'états d'âmes pouvait coûter des vies, des vies d'êtres chers, n'est-ce pas ?

Mais Gohan n'avait pas voulu. Il était jeune, mais il sentait que ses parents n'auraient pas approuvé. Et puis, il y avait eu cet hiver terrible. Terrible pour les cultures, terrible pour la famille. Gohan avait pris conscience que sa mère n'arrivait pas à faire face, et que son père ne les aiderait plus. Bien sûr, Chichi aurait pu demander de l'aide. Il y avait grand-père Gyumao, il y avait Bulma, il y avait tous les amis de son père. Mais Chichi était fière. Gohan ne pouvait même pas lui en vouloir, sa fierté et ses enfants, c'était à peu près tout ce qui lui restait. Elle avait demandé un peu. Ça lui avait trop coûté pour renouveler l'expérience.

Plus d'une fois, il l'avait entendue sangloter dans la cuisine, alors qu'elle le croyait endormi et il n'avait plus pu le supporter. Quand il avait revu Monsieur M. il avait accepté son offre, en exigeant que, quoiqu'il fasse, il n'agirait que pour la bonne cause. Bien sûr, Monsieur M. avait promis avec un air très sérieux, en le félicitant de son choix si intelligent, tout ce qu'il ferait serait pour le bien du monde. Bien sûr…

Gohan laissa la photo prendre feu et tomber sur le sol, où elle flamba comme une torche, faiblement agitée par le courant d'air nocturne. La pénombre était maintenant installée. Le jeune homme finit sa cigarette et fouilla à nouveau le sac pour en sortir des jumelles. Il rangea minutieusement le reste de ses affaires, se leva et s'avança jusqu'au rebord de la terrasse. Il était vêtu de noir et se fondait commodément dans le décor.

Il prit encore la précaution de rabattre son chèche sombre sur sa bouche, et s'accroupit à l'abri de la bordure du toit, en positionnant ses jumelles sur ses yeux. L'immeuble était haut et tombait à pic sur la façade d'un hôtel en face. Gohan n'aima pas ça. Il y avait un peu de monde dans ce quartier touristique. Quelques passants, un voiturier, deux grooms, des clients de l'hôtel.

Le jeune homme observa leur ballet un temps avant de vérifier sa montre. L'heure était passée de cinq minutes déjà. Il reprit son repérage, en décachetant de sa main libre un chewing gum qu'il avait sorti de sa poche. Chichi n'aimerait pas sentir son haleine tabagique. Pour l'odeur sur ses vêtements, il expliquait toujours qu'il s'agissait des clients du restaurant où il était censé travailler, mais son haleine, il devait y veiller.

Enfin, une voiture qui pouvait correspondre s'arrêta devant le voiturier. Un chauffeur en descendit et s'adossa à la portière, dans l'intention évidente d'attendre patiemment ses passagers. Il échangea quelques mots avec le voiturier. Gohan compta.

Le chauffeur, un. Le voiturier, deux. Un groom chargé de valises près de l'entrée, trois. Une vieille dame avec un caniche excité, quatre. Une blonde très décolorée en fourrure extravagante par cette chaleur, cinq. Un vieux ridé avec des catogans, au bras de la blonde, Six. Le rayon d'énergie pure transperça son front à une vitesse si vertigineuse que les spectateurs eurent du mal à comprendre, sur l'instant, ce qui venait d'arriver. Même la blonde pulpeuse ne réalisa pas immédiatement pourquoi sa fourrure immaculée s'était subitement tachée de rouge. Le type à la queue de cheval s'affaissa sur le sol avec un son mat, et tout de suite derrière, les hurlements combinés de la fille à son bras et du caniche hystérique, retentirent jusqu'au toit où Gohan se tenait, le doigt toujours en suspens, pointé dans leur direction.

Il se recula prudemment et ne se releva que, quand il fut sûr d'être hors de vue. Il gagna l'extrémité opposée de la terrasse, indifférent aux clameurs qui résonnaient jusqu'à lui. Il s'envola sans bruit et piqua en direction de chez Barney.

Il atterrit dans une ruelle à proximité, se débarrassa du chèche qui couvrait toujours sa bouche et enfila une veste en jean. Il cracha son chewing gum et alluma une nouvelle cigarette en se dirigeant vers l'entrée de la cafétéria.

- Gohan, mon ami ! Tu es de sortie ? s'écria Barney depuis le comptoir.

Gohan détailla la cafétéria. On était vendredi soir et elle était remplie de groupe de jeunes, sages ou moins sages, qui consommaient des glaces et de la bière. Gohan adressa un sourire timide à Barney. C'était un tout petit bonhomme à moitié chauve. Gohan avait travaillé un temps pour lui, mais sa maladresse lui avait définitivement fait renoncer à faire carrière dans la restauration. Mais Barney et lui étaient restés amis, et il acceptait d'être l'alibi de Gohan pour Chichi, les soirs où il « était de sortie ». Barney pensait qu'il fallait un peu laisser respirer les jeunes. Et Gohan était si sérieux.

Gohan grimpa sur l'un des tabourets du bar.

- Salut Barney, tu me sers une bière ?

- Tu sais que t'as pas vraiment l'âge, mon garçon ? Et pour ça, non plus, protesta le barman en pointant la cigarette.

- Il paraît, il paraît… répondit Gohan distraitement, sachant parfaitement que Barney mettait un point d'honneur à la leçon de morale avant d'admettre tout ce qui était en principe interdit.

Gohan sortit son portable de sa poche et le posa sur le comptoir en veillant à ce qu'il soit allumé. Il vérifia les messages tandis que Barney posait un verre de bière devant lui.

- Encore une copine ? minauda-t-il en observant Gohan, qui était absorbé par la consultation de son téléphone.

- En quelque sorte, répondit Gohan avec un sourire, sans lever les yeux.

- Il est interdit de fumer ici, c'est un lieu public, interrompit une voix de jeune fille.

Gohan releva la tête avec incrédulité et se trouva face à une fille qui le transperçait de ses yeux aigue-marine. Elle affichait une mine sévère, les poings sur les hanches, et le considérait avec réprobation de toute sa petite hauteur. Il fronça légèrement les sourcils avec incompréhension.

- Et ça, c'est pas interdit ? répliqua Gohan en désignant le verre d'alcool qu'elle venait récupérer au comptoir.

Elle tiqua en jetant un œil à la boisson.

- Qui te dit que j'ai pas l'âge ? riposta-t-elle avec embarras.

Gohan prit un air incrédule.

- Je sais pas. Tout ?

- Elle a raison, Gohan, coupa Barney, mal à l'aise. Eteins ta cigarette, ça gêne sûrement Mademoiselle.

Gohan haussa un sourcil, en se tournant vers lui avec étonnement. Il eut une seconde d'hésitation mais laissa tomber sa cigarette qu'il écrasa sur le sol jonché déjà d'autres mégots.

- Moi, au moins, je ne gêne personne, conclut la jeune fille.

- Mouais, pour l'instant, maugréa Gohan.

La jeune fille tourna les talons et s'empara de son verre avant de rejoindre une table où d'autres jeunes étaient déjà attablés. Il la suivit des yeux, un peu contrarié. Une blonde assise à sa table lui jeta une œillade et lui fit un signe discret de la main.

- Mais pour qui elle se prend, celle-là ? grogna Gohan en trempant ses lèvres dans son verre.

- C'est Videl Satan, la fille du grand Hercule, tu sais ? répondit Barney à voix basse, sur le ton de la confidence.

Gohan sursauta imperceptiblement et ne put s'empêcher de se retourner à nouveau vers elle. Elle discutait vivement avec ses amis. Hercule Satan avait donc une fille ? Gohan se fit la réflexion, que, pour sa part, lui n'avait plus de père. Ni gloire, ni père. Mais il reconnaissait ses yeux. Hercule avait des yeux de trouillards, elle, avait des yeux de juge, mais c'était les mêmes.

- Tu nous rejoins ? demanda une voix mielleuse à côté de lui, le sortant de ses pensées.

Il s'aperçut que la blonde s'était levée et était venue jusqu'à lui. Il la fixa avec étonnement.

- Je m'appelle Erasa. Tu es tout seul ? Tu veux venir à notre table ? Videl n'est pas si rabat-joie qu'elle en a l'air.

Gohan resta muet. Il ne s'attendait pas à la proposition.

- Alors ? insista Erasa.

Le portable de Gohan se mit à vibrer. Il le saisit aussitôt et lut le message. Le boulot était fait, la paye était tombée. Il devait aller la chercher. Monsieur M lui indiquait où la récupérer.

- Une autre fois, peut-être, répondit-il en avalant le fond de son verre.

Il sortit un billet pour Barney et se leva.

- Dommage, commenta malicieusement la jeune fille tandis que Gohan avait déjà poussé la porte du restaurant, en saluant Barney de la main.

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