« Avancer. Ne jamais s'arrêter. Rêver. Oublier. Sourire. Rire. Pleurer. Disparaitre. Espérer. Abandonner. Puis tout recommencer. C'était comme ça que Park JiMin voyait sa vie. Une longue route sinueuse et semée d'embuches. Un long fleuve remplit de torrents. Une douleur continuelle. »

- Ça pourrait presque être le résumé d'un de ses nombreux livres.

Il caressa la tranche d'un livre, rangé dans une étagère avant de s'en éloigner, rejoignant la réserve où d'autres livres attendaient de trouver une place. Sa vie n'était pas facile. Elle ne l'était plus depuis qu'il avait sept ans. A cause de ça. A cause de lui. A cause de la vie. A cause de sa vie. Tout était parti de ce fichu accident. Si seulement il n'avait pas été dans la voiture à cet instant, les choses auraient surement étés différentes. Ou peut-être pas. Il l'ignorait. Et ça le rongeait. Dehors, le soleil commençait à se coucher. Et JiMin savait ce que cela annonçait. Il devrait rentrer chez son oncle. Il devrait subir les brimades de son cousin. Il devrait faire bonne figure avant de rejoindre sa chambre. Il devrait attendre que tout le monde soit endormi pour laisser les larmes couler une nouvelle fois sur ses joues sans échapper un bruit. Il savait tout ce que la baisse du soleil annonçait. Mais malgré tout, il ne pourrait rien y faire d'autre. Se lever. Travailler. Rentrer. C'était sa routine. C'était sa vie. La solitude de la librairie dans laquelle il travaillait lui faisait le plus grand bien. Il se sentait à sa place parmi tous ses livres abandonnés. Il était comme eux, personne n'en voudrait jamais. Pourquoi continuer de se battre ? Pourquoi tenter d'avancer ? Pourquoi vivre ? Il se posait souvent la question quand il était sous la douche, fixant son poignet en se demandant quelle couleur aurait son sang en s'en échappant. Quel cri échapperait son cousin en le découvrant mort le lendemain. Puis, il repensait au sourire de sa mère, au rire de son père, et il quittait en vitesse la cabine close. Il ne voulait pas faire d'erreurs. Il ne voulait pas abandonner ce que ses parents chérissaient. Mais, comment pouvait-il aimer sa vie quand les seuls personnes qui le soutenaient l'avaient abandonné ?

- Je suis rentré.

Il laissa ses chaussures dans l'entrée avant de rejoindre le salon où se trouvait son oncle devant la télé. Sans le regarder, il lui annonça que son repas se trouvait dans le micro-onde et qu'il n'avait qu'à le réchauffer. Mais, sans grande surprise, se dernier était vide, probablement mangé par son cousin. Mais JiMin ne prononça aucun mot, rejoignant sa chambre où il sorti un paquet de chips de son sac, l'ayant acheté sur le chemin en sachant ce qui l'attendait.

- Hey tapette, tu pourrais me filer de la thune ?

- Je n'ai rien.

- Menteur.

- Tu as récupéré ce qu'il me restait hier.

- T'es vraiment nul. A quoi tu nous sers ? T'aurais du crever avec tes parents !

Il se retrouva à nouveau seul, prit sur lui pour ne pas pleurer et s'installa à son bureau où il alluma la petite lampe, attrapant son bloc note et un stylo. Comme s'il allait avoir le luxe d'un ordinateur ? C'était bien trop demandé. Mais à vingt ans, il n'arrivait pas à économiser pour quitter cette maison. Partir était pourtant la solution mais il n'y parvenait pas. Il se trouvait pathétique. Ses parents devaient penser la même chose que lui.

Plus aucun bruit dans la petite maison. JiMin rejoignit alors la salle de bain où il commença sa douche, s'autorisant alors seulement à évacuer. Les larmes dévalaient ses joues mais pas un seul mot ne lui échappait. Il était seul dans sa douleur. Comme depuis treize ans. Demain, ce serait le début d'une nouvelle année sans eux. Demain serait un jour d'autant plus douloureux. Et il s'interdit une nouvelle fois de regarder son poignet, rejoignant bien vite son lit dans sa chambre froide.

« I Miss You. »

Ses mots étaient bien trop faibles pour exprimer ce que JiMin ressentait face à l'absence de ses parents. Il ne savait rien de la vie. Du bonheur. De l'amour. Il avait oublié ce qu'était l'insouciance et la joie. Sourire. Rire. Avancer. Ce n'était que des mots. C'était si simple d'y penser mais bien plus difficile d'y appliquer.

- Ma vie est pourrie. Mon monde est horrible. L'univers est un cauchemar. Et vous n'êtes plus là. Tout ça car ce camion a coupé la route. Tout ça car je faisais un caprice. Vous n'auriez jamais dû mourir. C'était à moi de disparaitre. Pourquoi vous ais-je survécu ? Je vous aimais tellement. Vous m'aimiez tout autant. Maman. Papa. J'ai besoin de vous. J'ai besoin de vos bras. J'ai besoin de votre amour. Aidez-moi.

Et les larmes quittèrent ses yeux pour s'échouer au sol. Les larmes quittèrent ses yeux pour prouver au monde la peine qu'il ressentait. Il se recroquevilla alors, laissant libre cours à sa douleur. Il souffrait. Il se consumait. Mais il était toujours vivant. La douleur ne le quittait pas. Le mal-être ne l'abandonnait pas. Il était vide. Il était seul. Il n'était personne.

- Jamais vous ne serez fier de moi. Je ne suis bon à rien. Regardez où j'en suis. Je ne vis plus, je survis. Je ne suis qu'une personne pathétique et invisible. Je veux juste vous rejoindre.

Mais il ne pouvait pas. Le suicide n'était pas la voie qu'il pouvait envisager. Pas quand ses parents avaient perdu la vie si jeune. Pas alors que sa mère lui avait sauvé la vie en faisant barrage de son corps. Pas quand l'amour de ses parents étaient toujours présent en lui.

- J'ai mal mais je ne peux qu'avancer, n'est ce pas ? Vous ne me laisserez pas faire autrement. Je veux vous rendre fier. Mais comment ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mais je sais une chose. Je vous aime. Je vous aimerais toujours.

Puis, il laissa derrière lui les deux dalles de marbres, retournant s'enfermer dans son antre. Retournant dans son lieu de travail où il était un minimum apaisé. Où la vie lui semblait moins dure. Où la vie allait bousculer sa destinée.

- Excusez-moi ?

Perdu dans les limbes de son passé à fixer l'étagère face à lui, JiMin sursauta en sentant une main se poser sur son épaule. Un petit cri peu viril lui échappa même alors qu'il se retournait face à son interlocuteur.

- Je suis désolé, je ne vous avais pas entendu entrer.

La personne face à lui était un jeune homme qu'il n'avait jamais vu par ici. Il y avait bien deux ou trois habitués mais lui... JiMin se serait forcément souvenu s'il avait vu cette personne au moins une fois. Sensiblement de la même taille que lui, deux orbes noirs, la peau d'une extrême pâleur et les cheveux d'un blond angélique. JiMin semblait se retrouver face à un ange. Ou un démon. Ça non plus, il ne savait pas. Il n'avait pas l'impression de savoir grand-chose après tout.

- Il n'y a aucun mal. Vous sembliez tellement... Concentré. Tellement perdu. Tellement... Détruit.

Un blanc s'installa. En cinq minutes, JiMin eu l'impression que cet inconnu l'avait sondé au plus profond de ses tourments.

- Je suis désolé, je vous mets mal à l'aise alors que cela ne me regarde aucunement.

- Je...

JiMin ne savait pas quoi répondre. Il était bouleversé. Par le blond face à lui. Par ses paroles. Par son charisme. Par tout ce qui l'entourait.

- Vous allait bien ?

- Je... Je vais bien. Vous vouliez quelque chose ?

Mais le blond continuait de le sonder de ses pupilles sombres.

- Je suis arrivé par hasard ici, je ne cherchais rien en particulier.

« Sauf peut-être vous. » C'était ce que semblait hurler les yeux du bel inconnu. Il était touché par la douleur qui émanait du jeune homme fragile face à lui. « Aidez-moi ». C'était ce que l'inconnu avait l'impression que lui hurlait JiMin.

- Votre nom.

- Hein ?

- Puis-je le connaitre ?

- En quoi mon nom peut-il vous importer ?

- Je m'appelle YunGi. Et j'aimerai connaitre votre nom.

JiMin se demandait sur qui il venait de tomber. Qui était cette personne étrange face à lui ? Mais une force inconnue semblait le pousser vers lui. Etait-ce une aide de ses parents ? Etait-ce le destin qui lui offrait une nouvelle chance ?

- JiMin.

- Quelle est ton histoire ?

- Ce serait bien trop simple de la raconter.

- Alors tu en as une lourde, n'est ce pas ? Une de celle qui nous pèse et nous détruit ? Une de celle qui nous empêche d'avancer.

- Ce n'est pas une histoire. C'est une vie.

- Me conteras-tu ta vie alors ?

- Pourquoi le vouloir ?

- Ta détresse. Je la ressens.

- Et ?

- J'aimerai t'aider.

- M'aider ?

- Oui. T'aider à avancer. A sourire. A vivre.

- M'aider. C'est bien quelque chose que personne n'a fait depuis bien longtemps.

- Alors, je suis le premier à te tendre la main. Saisis là.

- Mais je ne te connais pas.

- Je ne te connais pas non plus.

- Tu n'as aucune raison de faire ça.

- Parce qu'il m'en faudrait une ?

- Je suppose.

- Je n'en ai pas besoin.

- Qui es-tu ?

- Personne. Comme tu n'es personne. Mais je suis quelqu'un dans mon monde, comme tu le seras quand tu auras trouvé le tien.

- Et comment savoir ?

- Laisses-moi te faire découvrir le mien.

- Pourquoi ?

- Parce que je veux t'aider.

- M'aider ?

- Oui. Je veux te faire revivre. Deviens mon phœnix JiMin.

Cette conversation n'avait ni queue, ni tête. Ils ne se connaissaient pas. YunGi ne savait même pas pourquoi il était entré dans cette libraire. Il ne savait pas pourquoi il avait proposé son aide à JiMin. Mais ce dernier ne savait encore moins pourquoi il avait accepté son aide. Parce qu'il ne voulait plus être pathétique ? Parce qu'il voulait avancer ? Parce qu'il voulait croire en la vie ? Peu importait. Il avait dit oui. Et c'était tout ce qu'il fallait à YunGi pour sourire. Il allait lui apprendre la vie. Il allait lui apprendre à sourire. Il allait le faire revivre. Il allait le faire briller. Parce que JiMin n'était pas pathétique. Parce que JiMin n'était qu'un diamant brut qui attendait d'être taillé pour briller.

Attendant à l'arrêt de bus de la ligne quatre, JiMin se demandait ce qu'il faisait là. Il devait retrouver l'inconnu rencontrer la veille pour démarrer il ne savait quoi. Qu'est ce qu'il lui avait pris d'accepter de revoir un type aussi bizarre qui voulait tout connaitre de lui ? Qu'est ce qu'il lui avait pris de ressentir un minimum d'espoir devant cette main tendu ? Il ne savait pas. Il ne savait plus. Il ne comprenait rien. Il ne comprenait plus. Tout était allé bien trop vite. La conversation n'avait eu aucun sens. Et pourtant, il était présent à cet arrêt de bus, au jour et à l'heure prévue. Et il attendait. Quoi ? Ça non plus, il ne le savait pas. La déception ? La tristesse ? La douleur ? Ou encore la joie ? Le bonheur ? L'amour ? L'espoir ? Pourquoi croire encore en tout ça quand on s'appelait Park JiMin ? Pourquoi croire en tout ça quand la vie nous avait abandonné il y a treize ans.

- Hey ! Ça fait longtemps que tu m'attends ?

Le blond était face à lui, le fixant avec un grand sourire. Probablement heureux que JiMin ait tenu promesse en venant.

- Une heure ou deux. Je ne sais pas.

Une fois de plus, il ne savait pas. Il en avait marre de ne pas savoir. Mais que savait-il de la vie à part la douleur ?

- Tu étais bien en avance.

- Je ne voulais pas rester où j'étais.

- Tu n'aimes pas ta maison ?

- Ce n'est pas chez moi.

- C'est où alors ?

- Chez mon oncle. Un endroit où je vis tout en étant indésirable.

- Il faudra que tu me racontes ta vie.

- Tu dois le mériter YunGi.

- Alors, commençons.

- Commencer quoi ?

- Je vais te faire revivre, je te l'ai dis JiMin. Je vais inscrire un sourire sur ton visage. Je vais inscrire un rire dans ta gorge. Je vais inscrire la joie dans ton cœur.

- Ça fait bien longtemps que je n'y crois plus.

- Laisses-moi te prouver que tout est différent avec moi.

- Je ne donne pas ma confiance.

- Donnes-moi juste de la considération. Donnes-moi du temps. Je te promets d'y arriver.

- Je ne crois pas en les promesses. Elles sont faîtes pour être brisées.

- Crois en la vie, JiMin.

- Je ne crois en rien.

Le chemin allait être long pour YunGi qui ressentait la destruction de JiMin. Le chemin allait être difficile pour que YunGi lui rende le sourire. Mais le blond allait y arriver.

- Tu veux commencer par quoi ?

- C'est toi qui veux me faire changer. A toi de décider.

- Tu m'autorises tout ?

- On verra si je refuse.

- Alors, on va dire que oui. As-tu des phobies ?

- Aucune. Toutes mes peurs ne représentent rien.

- Alors, je sais par quoi nous allons commencer.

JiMin le regarda, intrigué. Que lui réservait YunGi ? Qu'est ce qui l'attendait avec cette personne étrange ?

- J'aimerai commencer par faire les boutiques. Je sais où t'amener ce soir mais dans cette tenue, tu feras tâche.

JiMin regarda alors sa tenue. Qu'est ce qu'elle avait ?

- JiMin, là où je vais t'amener, on porte autre chose que des jeans sans forme et des pulls de grand-père. Je suis sûr que tu as un corps magnifique à montrer.

- Tu veux...

- Pas t'exhiber non ! Juste, te mettre en valeur. Alors, suis-moi.

- Je n'ai pas d'argent.

- J'en ai suffisamment pour nous deux.

- Qui es-tu ?

- Tu ne le sauras pas maintenant. Tout comme je dois attendre, tu attendras.

Que lui cachait donc ce blond au visage d'ange ? Quel secret ne pouvait-il pas savoir ? Mais il ne dit rien et suivit YunGi sans broncher. Pour se retrouver bien vite dans une boutique plutôt sympathique. Il avait déjà vu des gens porter ce genre de vêtement dans la rue. Mais il s'était toujours dit que ça ne lui irait pas. Etait-ce le moment d'essayer ?

- Je te réserve le coiffeur pour plus tard, ne t'en fais pas. On ira pas à pas, JiMin. Crois en moi si tu ne veux pas croire en la vie.

YunGi lui offrit alors un sourire des plus magnifiques avant de faire le tour de la boutique en récoltant une tonne de vêtements dans ses bras. JiMin le suivait dans les allées en regardant nonchalamment autour de lui. Pouvait-il réellement faire confiance à cet ange débarqué d'il ne savait où ? S'il essayait, tout lui retomberait-il dessus ? Il soupira et rejoignit YunGi devant les cabines d'essayages, où il se retrouva propulsé avec tous les habits choisis. Il regarda alors la pile. Il ne savait pas comment y assortir. Il soupira une nouvelle fois et commença alors la séance d'essayage. Des pantalons serrés, des plus larges, des tee-shirts, des débardeurs, des pulls. Rien n'était oublié. Et face à lui, YunGi tentait de se contenir. Ce que JiMin pouvait être beau dans de telles tenues. Bien plus beau qu'il ne l'était dans ses vêtements difformes. Il trouvait JiMin tellement attachant. Il trouvait JiMin tellement attirant. Il trouvait JiMin tellement détruit. Il n'aurait jamais pu quitter cette librairie sans la certitude de le revoir. Qui était-il ? Que cachait-il ? Qu'avait-il vécu ? Il voulait tout savoir pour tout lui faciliter. Il voulait tout savoir pour tout lui faire oublier.

- Tout te va à merveille JiMin. Ce style te va vraiment à la perfection.

- Je n'ai pas l'habitude de porter ce genre de chose.

- Mais tu es très beau avec.

Et JiMin ne pu s'empêcher de rougir. On le trouvait beau, lui ? Il n'avait pas entendu ça depuis bien longtemps.

- Mais je n'ai pas d'argent.

- Moi si.

- Je ne pourrais pas y ramener où je vis.

- Pourquoi ?

- Mon cousin me les prendrait.

- Pardon ?

- Il me prend toujours tout.

- Tu as un téléphone portable ?

- Non.

- Un ordinateur ?

- Non plus.

- Une vie ?

- J'en doute.

Où pouvait donc vivre cette petite chose fragile ? Quelle vie lui donnait-on ?

- Je les garderai pour toi. Tu pourras venir les chercher quand tu le voudras.

- Pourquoi faire ?

- Pour découvrir mon monde.

- Quel monde ?

- Tu le découvriras ce soir.