SEVEN, la destinée tachée de sang.
Nous avons part à la destinée des autres, nous sommes responsables les uns des autres. Liés indissolublement pour le bien et le mal.
[Charlotte Savary]
Tout n'était que destruction, mort, cendre. L'air était saturé de poussière, l'atmosphère était pesante et je peinai à trouver mon souffle. Je me relevai, les poings serrés s'enfonçant dans la terre à m'en broyer les ongles. Mes jambes retrouvèrent enfin leur motricité et s'élancèrent, fendant l'air dans un sifflement à peine perceptible sous tous ces bruits d'explosions et de cris. Je courais, je courais avec les derniers souffles de vie qu'ils me restaient. Je tins bon malgré cette impression oppressante que j'avais mis un pied en enfer. Je ne devais pas sombrer car si je n'arrivais pas à temps… Qui sait ce qu'il risquait d'arriver?
Je ne pouvais pas les laisser faire. J'avais déjà presque tout perdu, moi qui avait pourtant tout, une petite fille surprotégée par ses parents, par ses coéquipiers. J'avais fermé les yeux pendant trop longtemps et aujourd'hui Konoha n'était plus qu'un tas de cendres et de cadavres. Ce village n'était plus que l'ombre de lui même, et je tentais dans un ultime espoir de sauver ce qu'il restait à sauver. Car si je perdais les seules personnes qui n'avait jamais comptées dans ma vie, alors à quoi m'aurait servis de perdre tout ce sang ? Je me contentai donc de courir. Je courais, me raccrochant à cette force invisible qui brûlait en moi. Est-ce que cela nous sauvera de mes péchés? Moi qui était si longtemps restée passive, pensant que je pourrais toujours compter sur eux, car nous étions une équipe. Cette fois était différente, mon coeur était aussi lourd qu'une pierre mais j'avais fait de mes faiblesses une force. J'étais peut-être en pièce mais j'avançais. Je devais arriver à temps.
C'était étrange. Dès que je sentis cette aura infernale et destructrice, celle que j'avais découverte à mes dépends, je sus ce qui allait irrémédiablement arriver. L'Akatsuki n'était plus, tu avais anéantis tous ses membres les uns après les autres. Tu étais devenu le héros du village, toi qui avait si longtemps cherché la reconnaissance de tes pairs. Tu avais surmonté cet obstacle seul. Il ne te restait qu'un seul mur à franchir, cet homme hanté par la haine et avec une idée déformée de la paix, surnommé « Pain ». Tu es devenu tellement fort que tu as réussi, tu as su tirer à ton avantage le chakra de ce démon qui te rongeait pourtant de l'intérieur après toutes ces années. Mais tu l'as neutralisé, Naruto, notre sauveur. Pendant ce que l'on croyait être ton ultime combat… tout tourna à la catastrophe.
Je vois encore des gens courir, criant en tentant d'échapper à cette apocalypse. Les flammes noires qui ravageaient tout, se faufilant dans les rues comme des coulées de lave. Toute sa haine, toute sa rancoeur se déversait sur notre village. Personne ne pouvait y échapper. Il n'y avait plus rien d'un village, c'était devenu le Purgatoire. Les villageois courraient dans le sens opposé au mien, ils voulaient gagner les montagnes pour espérer survivre. Je m'accrochai à ce qu'il me restait de courage… pour dans un dernier espoir tenter de te sauver. Je courrai, sans trébucher, alors que je me laissais glisser dans la crevasse qui vous servait à présent de terrain d'affrontement. Vos pouvoirs étaient titanesques, la claque que je me pris finie d'achever ces faux espoirs que je gardais précieusement en moi. Je n'arriverais jamais à votre niveau. Vous étiez devenus des dieux sur terre. Vint alors le moment fatidique des retrouvailles, et dès lors que j'ai croisé ses prunelles noirs, mon corps se mit à trembler terriblement, tant et si bien qu'une décharge électrique sembla raviver chacun de mes muscles. Il était revenu pour tout détruire et cette colère au creux de mon estomac, cette violence assassine n'exprimait qu'une chose: je voulais le tuer. Lui, que j'aimais au point de vouloir sacrifier ma propre vie pour le sauver. Je réalisais enfin qu'il n'y aurait qu'un remède à sa folie, la mort. Je pensais pouvoir m'interposer pour empêcher Naruto d'atteindre le stade de non retour mais je fus coupée dans mon élan par l'un des coéquipiers de ce qu'il restait de l'homme que j'avais aimé. Par je ne sus quel miracle, je réussis à le neutraliser grâce à une technique médicale de mise en sommeil, il ne me restait que trop peu de chakra que je devais économiser car Naruto aurait besoin de moi.
Alors que je tentais une approche vers eux, focalisés dans leur combat, je vis Hinata inerte au sol. Je la crus morte et je me précipitai vers elle, la peur au ventre en oubliant quelques instants le combat fratricide qu'ils menaient. Je fus soulagée de constater que son cœur battait encore. Si tu savais Naruto, ce cœur qui avait frôlé la mort de près, continuait de battre pour toi. Soudain, le corps de Naruto émit une onde brûlante, ravageant tout sur son passage. Mes propres blessures se mirent à suinter sous l'effet de la chaleur et je me mordis la lèvre pour étouffer un cri de douleur. Trop tard.
Je te vis enfin, Naruto. Ce n'était plus réellement toi car ce démon si longtemps repoussé avait fini par prendre possession de ton corps. Il s'était nourri de ta colère et de ta peine pour s'en prendre à l'Uchiha. Puis, soudain Sasuke partit et tu le suivis tandis que tu n'étais plus maître de tes mouvements. Un sentiment m'assaillit alors, au fond de moi je sus que c'était un piège. Je criais ton nom vainement. Si seulement… Si seulement j'étais devenue aussi forte que vous… Peut-être aurais-je réussi à vous suivre ? Malheureusement, encore une fois, un obstacle se dressa devant moi. C'était cette femme aux cheveux bleus, elle était venue voir ce qu'il restait du corps de Pain. Elle pleurait tu sais, et sans comprendre vraiment pourquoi, je partageais sa peine. Elle remarqua alors ma présence, se postant en position de combat et par rage ou par compassion, j'acceptai le défi. Si j'avais été aussi rapide que vous, j'aurais pu en finir plus vite avec elle. Seulement, j'étais à bout et la fin du combat finit par épuiser mes réserves de chakra. Ni elle ni moi n'avions gagné, nous nous étions résigné. Je la laissai partir, et elle me laissa partir, d'un commun d'accord. Puis, je courrai de nouveau, captant la présence de vos chakras qui devinrent rapidement la seule raison pour laquelle je me battais encore. Je ne sus si l'adrénaline avait eu raison de moi, mais je ne lâchais rien. Je devais vous rejoindre, là était ma place.
Si j'étais encore là, ce n'était pas dû au hasard. Tu aurais su ce que ça voulait dire n'est-ce pas, Naruto? J'étais si proche de vous, cette force invisible qui nous unie, ce lien que je croyais indestructible, il me tire vers vous. Plus je m'approchai, plus le sol devenait rouge, rouge sang. J'en eus des frissons, même en intervention, je n'avais jamais vu autant de sang. Cependant, comme toi… Je n'abandonnerais pas. Ton nindo, à travers le temps, était devenu un peu le mien également. Je tiendrai pour toi, à défaut de le sauver lui. Tu étais ma priorité, toi qui m'avais soutenu pendant tout ce temps. Celui en qui pourtant nous avions toujours cru, avait fini par nous poignarder dans le dos. Nous n'avions pas voulu écouter nos amis, ceux qui condamnaient ses actes après qu'il eut rejoint Orochimaru. Nos amis qui nous avaient vu tant souffrir à cause de lui, il fallait bien leur donner raison. Malgré cette haine qui continuait de brûler en moi, cette pulsion meurtrière à l'encontre de ce traître, cette petite fille naïve subsistait encore en moi sous cette amas de principes et de connaissances amassés au fil des ans. Cette petite partie de moi n'aspirait pourtant qu'à une chose: revoir l'équipe 7 redevenir comme avant. Je voulais revoir ton sourire si chaleureux, celui qui m'avait donné le courage de me surpasser et d'apprendre de mes erreurs. J'ignorais encore à cette époque que vos destins étaient différents du mien. Pourquoi avez-vous souffert en silence ? Et pourquoi aujourd'hui encore cette fichue gamine stupide et impuissante m'empêchait d'intervenir alors que c'était de mon devoir. Je m'étais jurée de vous protéger, je souriais de rage, nerveusement face à ce corps tremblant. Je courrai, telle une pauvre petite créature pathétique alors que le doute essayait de se frayer un chemin.
Je réussis finalement à atteindre mon objectif. Je les vis l'un en face de l'autre, tout aussi ravagés physiquement. Celui que j'avais toujours aimé face celui qui m'avait toujours soutenu. Vous n'étiez plus que l'ombre de vous mêmes, vous que j'avais tant admiré ne sembliez qu'être des poupées décharnées. Vos peaux lacérées étaient devenues rouges sang, et cette vision me souleva le coeur. Naruto finit par se laisser tomber, ne tenant que sur un genoux tandis que Kyubi avait fini par le libérer. Je me pressais pour le rejoindre, cachant ma bouche de ma main pour étouffer cette odeur de chair brûlée et ce brouillard épais de poussière qui m'empêchait de les percevoir convenablement. Puis, soudain, un éclat lumineux perce le ciel, Sasuke, toujours debout, brandit son katana vers Naruto. Mes jambes se murent d'elles mêmes, dans une détente que je n'aurais jamais soupçonnée. Je ne voulais pas avoir fait tout ça pour rien. Je glissai dans une flaque de sang, mon corps acheva sa chute sur le sol rocailleux, je ne sentais même plus la douleur tandis que des cailloux s'invitaient au sein de mes plaies. Je m'appuyais sur mes coudes dans un effort qui me demanda une force que je n'avais soudainement plus. Mes yeux croisèrent les paumes de mes mains, tachées de sang. A qui était-il? Puis, je perçois un sifflement et la lame brillante s'abattit dans un jugement implacable. Mon coeur explosa en mille morceaux et je laissai échapper un cri qui n'avait plus rien d'humain.
-Narutooo !
Tout devint noir. La dernière image que j'eus de toi fut ce sourire triste et tes yeux bleus qui finirent par s'éteindre comme la douce lumière du soleil sur le monde à la tombée de la nuit.
Ce jour là, alors que sa lame transperçait ton cœur, il prit aussi le mien.
Je repris finalement conscience, le noir complet. Je ne me souvenais de rien. Tout était si noir. Où était-je ? Dans un cauchemar ? Peut-être. Je voulus me réveiller, immédiatement. Je voulais revoir ton sourire, attendant comme toujours que je me réveille, gentiment à mon chevet. Tu me dirais alors que nous devions partir en mission pour retrouver Sasuke. Il n'y avait que toi Naruto, qui savait me réconforter. Tu produis toujours cet effet chez les gens que tu rencontres. Encore une fois, c'était grâce à toi que je trouvais la force de me relever, et je levai mes paupières pour revenir vers toi. L'espace d'un instant, mes yeux eurent du mal à s'habituer à toute cette lumière. Tout était terriblement blanc, mais ce n'était pas le soleil qui illuminait cette pièce. Tout était blanc immaculé. Une odeur d'aseptisant rodait dans l'air. Alors que je repris peu à peu conscience, des tâches se formèrent devant mes yeux. Elles troublaient ma vue. Etait-ce du sang ? Je lève mes mains en l'air, comme pour tenter de les attraper. J'implorais Naruto dans mes pensées pour qu'il vienne me sortir de ce cauchemar.
- Sakura ?
Une voix grave m'extirpe soudainement de mes délires et sembla chasser les tâches de sang qui s'étaient superposées à ma vision. Cette voix ne m'était pas complètement étrangère, pourtant elle me semblait infiniment lointaine. Je tournai alors les yeux. Mon coeur s'arrêta de battre brutalement. Ce n'était pas possible, ce ne pouvait être la réalité. Etais-je encore en train de rêver? Il était là, ses cheveux noirs ébènes tombant de par et d'autre de son visage aussi blanc que l'asphalte malgré quelques bleus. Ce n'était pas Naruto et ses yeux noirs me fixaient comme s'ils scrutaient chaque parcelle de mon visage. Et soudain, la mémoire me revint telle une douche froide. Je suppliais Naruto intérieurement que tout cela ne soit qu'un cauchemar, je le cherchai du regard en tournant la tête mais une douleur à la nuque me saisit. Naruto ne pouvait pas… être mort? Je sentis le regard de ce traître posé sur moi alors que je saisissais ma tête entre mes mains, mon corps me faisait terriblement souffrir. J'avais l'impression que mille aiguilles me transperçaient toute entière. Je me recroquevillai sur moi-même pour accuser le envie de vomir me souleva l'estomac cependant rien n'en sortit.
Le choc fut d'autant plus violent quand je croisai de nouveau le regard de l'être le plus abjecte jamais porté sur cette terre. Comment pouvait-il se tenir à mes côtés et pourquoi me regardait-il avec ce regard inquiet? Qu'attendait-il de moi au juste? Il avait tué mon meilleur ami. Avait-il réussi à faire croire au monde entier qu'il avait rendu service à la société? Mon corps était assailli de douleurs éparses, j'arrivais à peine à rester consciente. La rancoeur et la peine que je ressentais à elles seules me tenaient éveillée. Il tomba alors sur moi cette terrible vérité, Naruto était parti et je ne le reverrai plus jamais.
- Sakura calme toi… tenta Sasuke en approchant sa main dans ma direction.
Il tentait de s'approcher de moi, avec ses mains qui m'avaient pris l'être le plus cher à mon coeur?
- Ne me touche pas! criais-je à plein poumons en repoussant violemment sa main meurtrière.
Il me regarda, il n'y avait ni surprise ni colère dans son regard. Sasuke était complètement impassible. Comment avait-il osé? Comment pouvait-il se tenir dans cette chambre, à mes côtés?
- Sakura… écoute-moi. Il faut que... reprit-il avec calme.
- Comment oses-tu te montrer ici ?! Va-t-en ! Je ne veux plus te voir ! Assassin ! Traître !
Ma voix se raillait, ma gorge était si sèche. Mes yeux brûlaient alors que des larmes menaçaient de tomber. Je fermai un instant les yeux, tentant de contenir cette rage qui bouillait au fond de moi. Quand je les ouvris de nouveau, je remarquai alors que j'étais sous perfusion. Depuis quand étais-je restée dans le coma pour être dans un tel état?
- Arrête, Sakura…
Ses mots, je ne voulais pas les entendre. Sa voix n'était pourtant pas comme d'ordinaire, je ne l'avais jamais entendu de cette façon. Je décidai de ne pas y accorder la moindre importance. Il jouait la comédie, il essayait de me mettre de son côté en utilisant les sentiments que j'avais eu pour lui. Tout cela n'était qu'un calcul manipulateur de sa part, un mensonge maquillé de faux semblants. Je n'en supporterai pas davantage.
- Ne prononce pas mon prénom, ça me dégoûte!
Cette fois-ci, j'éclatai par un cri qui en aurait fait fuir plus d'un. Je ne supportai plus d'entendre cette voix s'adresser à moi. J'avais fini par perdre le peu de conscience qu'il me restait et à présent je sautai sur lui nous faisant chavirer au sol. Toutes les perfusions et les capteurs collés à ma peau s'arrachèrent. Je ne sentais plus la douleur. La seule douleur qui me hantait provenait de ma poitrine, tel un étau oppressant, celle de la mort de Naruto. Je pleurais, de douleur, de haine, de peur, je n'aurais su le dire. Je me mis à le frapper, comme si cela allait suffir pour le faire disparaître, mais aussi à faire disparaître mon propre échec. Je le frappais de toutes mes forces si bien que je vis le carrelage se craqueler sous la puissance de mes coups. Je voulais mettre un terme à son existence. Je voulais le faire disparaître de ma vie; cela n'aiderait en rien mon deuil, mais je devais le faire pour Naruto. Sasuke ne se défendait même pas, ce lâche. Je pouvais sentir la force brutale de l'impact lorsque mon poing rencontrait son crâne.
- Je vais te tuer ! criai-je à m'en saccager les cordes vocales. Comment as-tu osé lui faire ça ? Alors que lui… LUI… tout ce qu'il voulait, c'était te ramener parmi nous! Je vais te tuer… pour que tu ailles croupir en enfer y payer toutes les dettes que tu dois! Je te déteste, monstre!
Je frappais, je frappais et je frappais. Il ne répliquait toujours pas, ses prunelles plaquées en direction des miennes. Il me narguait. Je le relevai en l'attrapant par le col de son kimono d'une seule main, pour l'envoyer violemment contre un mur. Je ne savais pas comment j'arrivais à réaliser un tel exploit en vue de mon état, je ne maîtrisais plus rien. Je perçus enfin un cri retenu de douleur et au loin quelques cris de personnes surprises. Le sentiment de satisfaction qui me saisit, je me délectais d'arriver enfin à l'atteindre. Je posai alors mes deux mains contre son cou, les serrant aussi fort que mon corps me le permettait. Mes larmes embrumaient ma vision et me brûlaient la peau. Mais, la douleur profonde qu'éprouvait mon âme était d'autant plus insupportable. Il ne réagissait même pas, me laissant l'étrangler au fur et à mesure que mes doigts se resserraient telle une mâchoire implacable contre sa peau. S'il ne faisait rien, ou si personne n'intervenait, il mourrait comme un chien.
Sasuke Uchiha avait ruiné ma vie, il l'avait saccagée complètement. Je ravalai mes larmes pour le regarder droit dans les yeux, je n'éprouvais aucun regret. Sa mort qui m'avait si longtemps préoccupée était aujourd'hui la seule échappatoire à ma douleur, j'étais celle qui causerait sa fin et je n'éprouvais strictement aucun remord. Je sentis soudain quelqu'un me tirer vers l'arrière me forçant à lâcher prise. Sasuke se laissa glisser contre le mur sur lequel je l'avais envoyé, attrapant son cou en crachant ses poumons.
- Laissez le moi! crachai-je à nouveau alors que je dirigeais mes bras dans sa direction en me débattant avec virulence.
Puis quelqu'un se positionna devant mon champ de vision, rompant le contact visuel que j'avais avec Sasuke, c'était Hinata. Je compris alors que les bras puissants qui me tenaient étaient ceux de Kakashi, et il n'en démordait pas.
- Sakura arrête ! me suppliait la jeune Hyuuga.
Pourquoi m'avaient-ils empêchée d'en finir avec ce traître ? Il avait pourtant abattu froidement Naruto, alors qu'il n'était plus sous l'emprise de Kyuuby. Etais-je la seule personne sensée dans cette pièce?
- Pourquoi ?… Pourquoi ?… Laissez-moi le tuer !
- Sakura, calme-toi. murmura mon maître en essayant de me tirer vers lui
- Sakura, s'il te plait… il est protégé par le conseil… même si j'ai autant envie de le faire que toi, ne fais pas ça! N-Naruto-kun ne l'aurait pas voulu… dit Hinata alors qu'elle me prit dans ses bras. Ses larmes s'écoulèrent sur ma peau lacérée, rapidement rejointes par les miennes. Qu'avais-je fait? J'étais de nouveau la gamine bête et impuissante tandis que la Hyuuga resserait son étreinte contre moi. Kakashi finit par relâcher mes bras.
Pour tenter de retrouver un lien avec la réalité afin de reprendre mon calme, je regardai alors mes mains… Elles étaient recouvertes de sang. Je laissai échapper un cri strident qui résonna dans la chambre et bien au delà. Je venais de recevoir un coup de foudre, j'étais soudainement assaillie de picotements. Mon corps se mit à trembler de façon si intense que je n'arrivais plus à le contrôler. Un sentiment de peur finit d'effacer complètement ma colère. Tout ce sang, c'était son sang à lui. Il se releva et tenta de revenir vers moi. Il était aussi sanglant que mes mains. Plein de sang, trop de sang. Je criai de nouveau. Mes forces m'abandonnèrent peu à peu, je perdis mon équilibre et les tremblements se firent plus intenses. Du sang… Il y en avait partout! Sur moi, sur lui. Je commençai à être à bout de souffle, ma bouche s'ouvrait mais aucune once d'air n'y entrait. Ma cage thoracique était comme paralysée. Je me sentais sale, terriblement sale.
- Va chercher Tsunade ! s'écria Kakashi en s'adressant à Sasuke.
- Je crois qu'elle fait une crise d'angoisse ! Ajouta Hinata dont la voix tremblait alors que je pouvais la sentir me tirer vers elle pour m'allonger.
Voilà tout ce que je souhaitais: partir. J'aurais voulu rejoindre Naruto. J'eus l'impression que tout ce qui se passait autour de moi n'était que flous et sons étouffés. J'avais l'impression d'effleurer l'Au-delà du bout de mes doigts. Je me sentis partir manquant de plus en plus d'air alors qu'une migraine saisissante me gagnait et que mon corps se raidissait. Peu à peu, ma vision se troubla, un nuage noir voilant peu à peu ma vue emportant avec lui les tâches de sang qui me brouillaient la vue.
- Sakura ! Reste avec nous! tenta mon maître.
- Je ne veux pas te perdre toi aussi ! lança Hinata, alors que je sentais sa main sur ma nuque pour me maintenir et essayer de contenir mes tremblements.
Leurs voix me semblaient de plus en plus lointaines, le nuage noir qui semblait m'envelopper n'était finalement pas si noir que je l'aurais cru… il était d'un rouge sombre, c'était du sang. Moi, Sakura Haruno, venait de perdre tout ce qui m'était le plus cher. Je perdis finalement la seule chose qu'il me restait : ma force.
[4 ans plus tard…]
Un léger faisceau de lumière traverse l'unique fenêtre du bureau pour se poser sur une main légèrement engourdie, elle était également aussi blanche que froide à force de remplir tous ces rapports sans bouger de son fauteuil. Au loin, elle entend le bruit de la ville, les cris enthousiastes des marchands et les rires des enfants. Elle poussa un soupir las tandis qu'elle remit l'une de ses longues mèches roses derrière son oreille.
« Il fait beau aujourd'hui… Comme c'est ironique.» pensa Sakura en trempant sa plume dans l'encrier presque mécaniquement.
La jeune médecin regarda une dernière fois par la fenêtre, son regard se perdit au loin, comme absorbée par les abîmes de ses pensées. Ses magnifiques cheveux roses étaient devenus plus longs et pourtant ils avaient sensiblement perdu de leur éclat. Les pétales rose du cerisier avaient peu à peu déteint pour devenir bien pâles, tout comme ses yeux émeraudes. Elle se leva de son siège de bureau et se dirigea vers le porte manteau, prenant sa veste tranquillement avant d'être soudainement interrompue dans son geste quand la porte s'ouvrit.
- Sakura! lança une magnifique jeune femme dont les longs cheveux blonds virevoltèrent autour d'elle.
- Combien de fois t'ai-je dit de frapper avant d'entrer ? la réprimanda Sakura en feignant la colère.
Cela faisait 4 ans, qu'elle jouait à faire semblant, portant sur ses épaules un deuil invisible qu'elle n'arrivait pas à retirer.
- Désolée, désolée ! Dit Ino en balayant l'air de sa main libre tandis que de l'autre elle tenait un bouquet de lys blanc. Je t'apporte les fleurs que tu m'avais commandées.
- Merci. répondit Sakura en la délestant du bouquet.
- Tu as fini ton travail? Où est-ce que tu vas ? lui demanda Ino du tac au tac en ajustant son crop top violet.
- Rien qui ne te concerne apparemment… soupira Sakura en enfilant sa veste, elle aurait dû s'en douter qu'avec le temps, leur peine finirait par s'effacer.
Elle se dirigea vers la porte, suivit de la blonde.
- Ooh… Allez, tu peux tout me dire ! la taquina t-elle.
- Et s'il n'y a rien à dire? lui renvoya Sakura avec un rire nerveux.
- Bien, alors je vais te suivre pour savoir…
Sakura soupira de nouveau et laissa Ino sortir de son bureau afin de fermer la porte à clef. Les choses avaient beaucoup changé en 4 ans, Konoha s'était peu à peu remit des conséquences de la guerre et les séquelles psychologiques avaient finies par devenir des souvenirs lointains; à l'exception de quelques personnes.
- Ino, as-tu ne serais-ce qu'une idée du jour que nous sommes ?
Ino afficha un air surpris. Elle aurait dû s'en douter, et elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. Elle aurait dû être celle qui allait de l'avant. Sakura partit devant, sans prendre en compte la présence de son amie. Elle quitta le bâtiment de l'hôpital, regardant les rues de Konoha avec mélancolie. Tout avait changé en 4 ans jour pour jour. Pendant 4 ans, le village c'était concentré sur sa reconstruction. Aujourd'hui, les habitants pouvaient enfin souffler. La plupart des villageois étaient soulagés, les Biijus n'étaient plus de ce monde. Sakura eut un pincement au cœur en pensant à cela, des vies humaines avaient payées trop lourdement le prix de cette paix. Elle commença à s'agacer en voyant qu'Ino continuait de la suivre. Ino était toujours sa meilleure amie, à la suite de la mort de Naruto, elle lui avait été d'un grand soutien. A cette époque, Sakura aurait voulu quitter ce monde, mais grâce à Ino, Hinata et ses proches, elle s'était dit que Naruto n'aurait jamais souhaité ça. La pénitence avait été bien longue avant qu'elle accepte de reprendre sa vie en main.
- Au fait ! Comment vont les choses entre toi et Sai ? demanda Ino avec un air de ne pas y toucher alors qu'elle se rapprochait de la rose.
- Ino, si je te dis où je vais, tu arrêteras de me suivre? répliqua Sakura sans se retourner pour parer à sa question.
- Oui, évidemment.
- Je vais rendre visite à quelqu'un.
- Tu vois, ce n'était pas si difficile à dire. Si tu me l'avais dit avant, je ne t'aurai pas ennuyé.
La belle Yamanaka afficha alors un sourire satisfait et quelque peu étrange avant d'ajouter :
- Et les fleurs… elles sont pour Sai?
Sakura serra automatiquement ses poings. Elle se demandait ce que pouvait bien lui vouloir Ino. La blonde n'était jamais aussi collante d'ordinaire, il y avait forcément une autre raison à son insistance. Sakura se retourna sans plus de cérémonie, cessant sa marche et le bouquet toujours parfaitement serré contre sa poitrine.
- Non! cracha la rose, qui n'arrivait plus à cacher sa légère frustration. Tu es stupide Ino-cochon! Pour ta gouverne, normalement, les filles n'offrent pas de fleurs aux garçons! De plus, est-ce que moi je te questionne autant sur ta vie sentimentale avec Kiba?
Ino n'afficha aucune expression, elle confronta son regard bleuté dans les émeraudes de son amie en cessant à son tour sa marche.
- Je n'ai aucun secret pour toi, tu le sais bien. reprit la blonde.
- Et tu sais que je n'en aie pas envers toi non plus!
Il y eut un court moment de blanc, le vent eut le temps de souffler avant de repartir comme il était venu.
- Je sais parfaitement où tu te rends..
Sakura ouvrit de grands yeux ronds. Alors pourquoi lui faisait-elle tout ce cinéma?
- Je m'inquiète pour toi, Sakura. avoua Ino en jouant nerveusement avec l'une de ses longues mèches blondes.
- Je vais parfaitement bien.
- Ce n'est pas ce que pense Tsunade-sama.
Le coeur de la jeune femme se serra dans sa poitrine, elle en oublia de respirer.
- Est-ce qu'il n'y a pas un jour où je pourrai avoir la paix? dit elle. J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé. Je tiens le rôle qu'on m'a accordé à l'hôpital, je m'occupe même de la pédiatrie quand les collègues sont en sous-effectifs, je sors avec quelqu'un, je me tiens toujours à bonne distance de ce sale traitre, j'ai des repas équilibrés, je continue mes entraînements quotidiennement… tout cela m'a l'air d'être le reflet de parfaites conditions morale et physique, alors je pense être capable de m'occuper de moi sans avoir besoin d'un chaperon.
Ino se tut. Leurs regards se jaugèrent mutuellement, cherchant intimement chacune des réponses à leurs questions.
- Je voulais juste te rappeler que je suis là pour toi… en vérité, tout le monde est là pour toi, Sakura.
Ino arrêta là son discours. Sakura finit par détourner le regard.
- J'aurai aimé que ce soit le cas pour Naruto. murmura la rose avant de tourner les talons pour reprendre sa route.
La jeune Yamanaka n'entendit pas la dernière phrase que son amie venait de prononcer mais elle préféra la laisser partir. Ce n'était pas le jour pour en parler, elle aurait dû le savoir mais elle avait espéré que 4 ans plus tard, Sakura arriverait peut-être à se pardonner. Même si elle avait parfaitement réussi à se reconstruire en apparence, ceux qui avaient grandi à ses côtés, savaient qu'elle était incapable de surmonter un tel drame.
Une brise passa dans les rues légèrement animées en ce début de soirée, les villageois de Konoha vivaient paisiblement et ils continuaient leur train de vie, loin des cicatrices pourtant encore visibles sur certains bâtiments.
Le temps commençait à se refroidir à mesure que le manteau orangé de l'aurore disparaissait, Sakura remonta d'une main le col de son pull alors qu'elle gravissait les marches pour se rendre au cimetière.
« Ce jour là… Si je n'avais pas été si naïve… si faible… et j'ai été aussi très égoïste… peut-être serais tu encore là.» se remémora la jeune Haruno tandis que son coeur semblait rétrécir.
Cette douleur sourde, elle la portait en elle comme une maladie incurable. Elle lui permettait de ne pas oublier, ne pas oublier toutes les fautes qu'elle avait commises qui avaient irrémédiablement mené à la place où elle se trouvait actuellement. Ses cheveux roses volèrent légèrement laissant ainsi le vent frais toucher sa nuque. Elle inspira et releva les yeux vers cette stèle de marbre. Cette stèle qui à elle seule était l'incarnation de sa culpabilité. On pouvait y lire en lettres gravées: "Ci-gît Naruto Uzumaki". Comment pouvait-elle s'en remettre? Comment pouvaient-ils tous faire comme si rien ne s'était passé et prétendre qu'ils s'inquiétaient pour elle ensuite? Elle, elle ne pourrait jamais passer à autre chose. Naruto n'avait aucune famille, elle était la seule qui pouvait encore faire en sorte que sa mort ne soit pas vaine. Elle était sa gardienne, celle qui le ferait vivre à travers sa mémoire. La kunoichi serra une dernière fois le bouquet de lys blancs contre sa poitrine avant de s'accroupir pour le déposer sur la tombe. Quelques personnes avaient déjà déposé des fleurs fraîches avant elle. Elle reconnut le lampion que venait déposer chaque année Konohamaru, cette année il y avait un motif de tourbillons découpé dessus. Elle ferma les yeux quelques secondes, se recueillant sur cette tombe vide. Ils n'avaient pas réussi à retrouver son corps, le susano avait ravagé jusqu'au moindre grain de poussière sur les lieux. Naruto avait eu droit à une sépulture, même si une majorité s'y était farouchement opposée, soulignant qu'il était le réceptacle d'un démon et qu'il avait péri à cause de cela. Sakura, malgré son état, avait fait ce qu'elle devait faire pour qu'il y ait droit, il n'avait déjà pas eu droit à une mort paisible et digne de lui, le village lui devait au moins un endroit où ceux qui le souhaitaient, pouvaient se souvenir de lui comme le véritable héros qu'il avait toujours aspiré d'être. Quand Sakura rouvrit les yeux, elle sentit une présence derrière elle, instinctivement elle se releva et fit volte face aussitôt. Elle reconnut immédiatement la silhouette qui se trouvait à quelques pas d'elle. Son corps se contracta, un courant électrique la traversa de part en part et son rythme cardiaque monta en flèche dès lors que leurs prunelles se croisèrent. Cette fois, ce n'était plus la peine qui envahissait son cœur, mais la haine. Elle aurait presque eu envie d'en vomir tant l'envie de le voir mourir lui pourrissait les entrailles, mais elle sut rester maîtresse d'elle-même. Ce n'était ni l'endroit, ni le moment pour ça. La jeune femme décida de partir, pressant le pas vers les escaliers. Elle pouvait sentir son regard se poser sur elle, alors elle refusa de baisser les yeux devant lui et n'hésita pas une seconde à lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenu. Comment osait-il venir ici? Sa seule présence était une profanation, une injure à la mémoire de Naruto. Elle lui passa à côté, ils ne s'étaient pas lâché des yeux. Elle devait se tenir loin de lui, mais s'il venait à elle n'était-ce pas de la provocation? En un jour comme celui-ci, cela ne faisait aucun doute. Sasuke Uchiha était un être encore plus abjecte que tous les actes impardonnables qu'il avait commis.
- Sakura. Attends. intervint Sasuke en se retournant vers elle.
Mais la rose continua sa marche, elle n'allait certainement pas lui donner ce plaisir; à moins qu'il souhaite qu'elle viole le contrat qu'elle avait passé avec l'Hokage et le réduise à néant? Sasuke n'avait pas l'intention de la laisser filer. Sakura fit un saut rapide sur le côté, tandis qu'un objet métallique effleura son mollet pour se planter dans le sol juste à sa gauche. Elle identifia rapidement l'objet que le brun venait de lui lancer, un kunai. Il l'avait menacé d'une arme? Ne venait-il pas lui aussi de violer le pacte qu'ils avaient passé? Alors que cette fois, Sakura ne pouvait davantage contenir sa colère, un reflet bleu attira son attention au niveau de ses pieds.
- J'ai pensé que tu le voudrais sûrement.
« Il y a quelque chose dessus... » Se dit-elle, en s'accroupissant pour ramasser le kunai sur lequel était accroché un collier.
Un souvenir de Naruto avec ce collier bleu turquoise accroché autour du cou lui traversa l'esprit. Elle se releva pour demander une explication à l'homme responsable de tous ses maux mais il était déjà parti, laissant l'espace vide et silencieux.
La nuit venait de tomber, Sakura sortit de la douche s'empressant d'enrouler une serviette autour d'elle. La ninja médecin se laissa tomber sur son canapé, elle saisit le pendentif de Naruto qu'elle avait posé sur sa table basse et prit quelques secondes pour l'observer. Elle chercha des réponses sans savoir qu'elles étaient réellement les questions qu'elle se posait tant elles étaient nombreuses et floues. Pourquoi lui donnait-il ce collier aujourd'hui? Pourquoi l'avoir gardé tout ce temps? Que cachait-il? Pourquoi lui donner à elle? Plus elle réfléchissait, plus elle sentait sa colère monter. Elle essuya les quelques perles d'eau qui glissaient contre sa peau laiteuse et passa ses mains humides contre son visage. Son ancien coéquipier ne lui sortait pas de la tête, il n'était pas le genre de personne à faire les choses par compassion bien au contraire. En lui donnant ce collier, essayait-il de lui faire du mal? Essayait-il de lui rappeler qu'elle était toute aussi responsable de la mort de son meilleur ami? Sa gorge se serra. Elle devait cesser d'y penser, tout cela la faisait trop souffrir. Elle trouverait un moyen de savoir les tenants et aboutissants de ce geste, même si pour cela elle devrait en venir au main à l'encontre de l'Uchiha. Sakura décida de mettre le collier de Naruto, à l'avenir s'il lui arrivait de douter, ce collier lui rappellerait la force et le courage de celui qui le portait avant elle.
Sakura avait bien du mal à trouver le sommeil ces dernières années, dès lors qu'elle fermait les yeux, des images de la guerre lui revenait. Elle pouvait encore sentir l'odeur de chair brûlée ou encore la poussière étouffante et aveuglante. Elle revoyait ce sang sur ses mains et se rappelait éperdument le visage satisfait qu'avait eu Sasuke lorsqu'il avait transpercé le corps de Naruto avec son katana. Dès qu'elle fermait les yeux, elle était de nouveau sur le champ de bataille au point de commencer à suffoquer. Elle se mordit la lèvre avant de se lever pour aller se coucher en sachant qu'elle n'arriverait pas à dormir cette nuit encore.
