Et voici le premier chapitre, tout en douceur, comme les premiers flocons qui se posent sur le sol.
Pour situer à peu près les événements, tous les OS qui vont suivre se déroulent pendant une période d'accalmie, entre le retour de Makarov à Fairy Tail après un an d'absence, et l'attaque d'Alvarez. Si vous n'êtes pas encore au chapitre 448, il risque d'y avoir des spoilers çà-et-là. Mais des tout petits seulement.
Bonne lecture !
Musiques :
- Owsey, Stumbleine & Shura - You Came Out Of Nowhere
- Elspongie – Memories
- Owsey & CoMa - Stay With Me
Première neige
Les premiers flocons à l'aube du premier décembre... Il était rare que le climat se calquât aussi bien sur le calendrier des Hommes. Certains y verraient un heureux hasard, d'autres croiraient à un signe du destin, un accord entre une conscience supérieure et les conventions humaines, un lien entre les vivants et leur environnement. Enfin, d'autres ne remarqueraient même pas cette concordance, l'esprit trop occupé par d'autres soucis. On ne pourrait évidemment pas le leur reprocher, après les événements récents, signes avant-coureurs de ce qui pourrait être une des plus grandes batailles depuis des siècles sur ce continent...
Bien que Gray fît partie des premiers concernés par cette guerre, il eut conscience de ce changement climatique avant même de mettre le nez dehors. Une drôle de sensation lui avait parcouru le dos, escaladant sa colonne vertébrale pour venir se loger dans sa nuque, avant de se répandre dans ses membres, comme si sa magie réagissait au temps qu'il faisait dehors. Rien de vraiment étonnant à cela, au contraire, même.
Assis dans le noir près du bar, méditatif, il écoutait le silence qui y régnait, à l'exception de la respiration de ceux qui avaient trop fêté la veille pour espérer rentrer chez eux pour dormir. Même si les temps à venir promettaient d'être durs, il ne fallait pas les laisser perturber la jovialité de la guilde, enfin réunie après une année de séparation. Et des défenseurs de cette jovialité, on en trouvait à la pelle.
Le mage de glace se leva, repoussa le tabouret près du comptoir, et après avoir remis sa chemise et son manteau, se dirigea prudemment vers la sortie, moins par souci de faire trop de bruit que par peur d'écraser un de ses compagnons : une explosion en plein milieu de la guilde ne les réveillerait pas, mais effleurer ne serait-ce qu'un cheveux d'une Erza, allongée par terre en pleine décuite, engendrerait chaos et désolation dans tout Fiore.
Il n'y voyait pas grand-chose dans le noir, mais il parvint à éviter les obstacles, tout en repérant et identifiant quelques corps : Max, sous une table avec une nappe en guise de couverture Cana, étalée en étoile de mer en plein milieu de la guilde Wakaba, la pipe toujours fumante, appuyé contre un mur Lucy, allongée sur le ventre, le bras désespérément tendu vers la porte, comme une dernière tentative inachevée de se sauver de ce repaire d'alcooliques. Il y en avait sûrement d'autres, mais l'heure n'était pas aux inspections détaillées.
Il sortit enfin, refermant soigneusement la porte derrière lui. L'aube pointait le bout de son nez au loin à l'est, alors qu'au-dessus de Magnolia s'étendait un grand nuage noir, source des flocons qui venaient se poser sans bruit sur le sol. Bien qu'il ne neigeât que depuis peu de temps, ils s'étaient déjà accumulés en un couche de quelques centimètres.
Le craquement si caractéristique de la neige sous pas fut sans doute ce qui lui permit de réaliser pleinement qu'il neigeait enfin, que son élément était de retour après des mois d'absence, et que ce manteau blanc venait couvrir et bercer cette ville avait connu (et connaîtrait bientôt à nouveau) de rudes épreuves de guerre. Mais la menace était encore musique d'avenir, et les environs profiteraient encore un peu de la paix.
Gray s'avança jusqu'à la place devant la guilde, le visage tourné vers le ciel pour laisser les flocons tomber sur son visage. Il adorait cette sensation, sentir ce froid fondre au contact de sa peau, creuser des sillons sur ses joues et rouler jusqu'à son menton... Les premières neiges étaient différentes de toutes les autres : elles amenaient avec elles des souvenirs particuliers, parfois depuis longtemps enfouis...
Ul, Lyon et lui s'entraînaient dans les montagnes les plus froides de Fiore, là où les beaux jours ne duraient que quelques semaines et où la neige ne quittait jamais vraiment les cimes. Les rares personnes qui y vivaient avaient appris à vivre avec ce climat. Et si leur nombre diminuait un peu plus chaque année avec les départs des plus jeunes, ceux qui y restaient avaient apprivoisé cet hiver, non comme bête sauvage domestiquée, mais comme compagnon de route. Il faisait froid, mais c'en était ainsi, on ne pouvait le changer. Ul n'aurait pu trouver mieux comme terrain d'entraînement pour d'aspirants mages de glace.
Pourtant, malgré les étés inexistants ou presque, le retour de l'hiver gardait une signification particulière, et Ul faisait toujours bien attention à marquer ce passage. Le temps des vacances estivales était passé, l'entraînement reprenait, chaque année plus intensément que la précédente. Mais le jour des premières neiges faisait exception...
Le mage de glace s'assit devant la fontaine sans eau au milieu de la place. Les jambes en tailleur, le dos droit, le visage toujours tourné vers le ciel, les yeux fermés. Exactement la position qu'elle leur faisait prendre, le premier jour d'hiver.
« Lâchez prise, laissez-vous aller... Et ressentez, prenez conscience de ce qui vous entoure, de la neige, de la glace, du froid et du vent... Si vous voulez les maîtriser un jour, tentez d'abord de les comprendre... »
Il avait mis longtemps à comprendre que cette leçon de méditation était l'enseignement le plus précieux de sa mentor. Il ne pouvait lui en être plus reconnaissant, surtout en ces temps difficiles et futurs incertains. Comme la neige sur une ville en proie aux flammes, cet enseignement était un baume à ses inquiétudes. Son élément n'était plus aussi pur, la glace avait pris des couleurs plus sombres, des nuances démoniaques s'y étaient glissées. Les conséquences de la rencontre avec son « père » avaient ébranlé encore plus son monde déjà bien mouvementé une année auparavant, et il n'avait pas l'impression d'avoir « guéri ». L'année où il aurait eu le plus besoin de Fairy Tail, la guilde avait cessé d'exister...
Mais elle était de retour, et il était temps de revenir se réapproprier ses pouvoirs.
Il s'accroupit, et remonta les manches de son manteau. Ses mains prirent une poignée de neige pour en faire une boule, qu'il roula par terre jusqu'à obtenir une base de bonhomme de neige assez grande.
Sa magie n'était pas sombre, mais immaculée et lumineuse. Ses pouvoirs n'étaient pas destructeurs, mais créateurs. Il fallait qu'il se les réappropriât, mais d'abord, qu'il reprît conscience de la neige, de cet élément, de son élément.
Bientôt, le bonhomme de neige reçut un tronc, et même une tête, et un visage. Gray partit alors encore plus loin dans le détail. Littéralement, la magie opérait, et son envie créatrice s'en voyait démultipliée. Bras, pieds, boutons, ébauche d'oreilles, il lui mit même son manteau. Le seul bémol à son enthousiasme était le manque d'une carotte pour le nez. Mais pour le reste, il était plutôt fier de sa performance. Au point qu'il ne remarqua d'abord pas qu'il avait cessé de neiger, et qu'il s'était mis à pleuvoir.
Il recula de quelques pas, admirant son œuvre. Sous la lumière des réverbères, le résultat était satisfaisant. Mais la pluie en aurait bientôt raison, d'autant plus qu'il n'avait rien du tout pour l'abriter ou le couvrir. Bien qu'il ne s'agît au fond que d'un bonhomme de neige, Gray aurait aimé qu'il survécût un peu plus longtemps, au moins jusqu'à l'aube. Tant pis...
Après un dernier regard, il se retourna, prêt à repartir chez lui. Il se retrouva alors nez-à-nez avec Juvia Lockser, à moitié cachée dessous son parapluie. Seule l'habitude de la voir constamment surgir de nulle-part près de lui l'empêcha de sursauter. Mais à sa grande surprise, elle ne le regardait pas lui, mais sa création. Il ne l'avouerait jamais à personne, mais être pris en flagrant délit l'avait fait rougir.
« Je fais vraiment n'importe quoi, hein ? »
Pas de réponse. Alors qu'il cherchait une autre approche pour briser ce silence embarrassant, la mage de l'eau s'approcha doucement du bonhomme, et avec toute la douceur et la prudence possibles, fixa le parapluie ouvert dans sa main, afin de l'abriter le mieux possible de l'intempérie et lui octroyer quelques heures de sursis. Elle recula alors, pour se trouver aux côtés de Gray. Elle lui sourit.
« Grâce à Gray-sama, Fairy Tail aura un gardien par tous les temps... »
Ils restèrent tous les deux immobiles, à contempler ledit « gardien » armé d'un parapluie rose. Le silence n'était plus pesant, mais apaisant. Gray sourit à son tour.
Malgré les épreuves funestes qui les attendaient peut-être, l'unité de Fairy Tail serait là pour le protéger des intempéries. Et tous iraient jusqu'à mourir dans leur rôle de gardien, pour protéger cette unité...
Voilà pour le premier chapitre. J'espère qu'il vous a plu, et on se retrouve demain, avec « Cauchemar d'avant-Noël ».
Bonne soirée à tous !
