DISCLAIMER : Je risque ma vie à chaque moment, je change tous les jours d'endroits, j'utilise des noms d'emprunts, je vis le soir, là où je ne risque pas d'être reconnue. Mon crime ? J'utilise frauduleusement des personnages fictifs dans des œuvres toutes aussi fictives sans en avoir averti leur auteur. Pour pouvoir émettre, je dois continuellement me cacher. Je suis une ombre parmi les ombres. Ma folie ? Une imagination trop débordante que je ne parviens pas à faire taire. Ma rédemption ? Partager, toujours, tout le temps, avec tout le monde. Si j'arrête de publier, c'est qu'ils m'auront eu. Une seule solution, plus de prudence, esquiver, se dissimuler, tricher… Je suis l'ombre parmi les ombres. Je suis une auteur de fanfictions.

RESUME : C'est toujours la même chose avec eux, une dispute, des regards meurtriers, de la haine, et puis… le silence. Lorsque la fumée se dissipe, personne pourtant n'avait prévu ce qui allait suivre.

RATING : De la violence suggérée, mais rien qui ne risque de vous traumatiser, je vous rassure ! Tout au plus vous indigner… Pas de scènes de sexe explicites…, ni implicites d'ailleurs ! Juste une p'tite histoire sans prétention, comme ça, pour passer le temps…

COUPLE : Vous avez fini par apprendre à me connaître maintenant, je suppose que dès que vous lisez mon pseudo vous l'associez à une nouvelle fic sur Severus et Sirius, et bien, pour une fois, vous avez… raison !! Et bien oui, encore et toujours la même rengaine, mais cette fois-ci dans un style différent, j'espère que vous allez apprécier ! N'hésitez pas à me donner votre avis ! Vous savez que ça me fait toujours plaisir de lire vos commentaires et vos p'tits mots.

Un grand merci à ma beta, julielal, qui a gentiment accepté de me donner son avis sur la fic et de relever toutes les monstruosités que j'ai pu écrire (la concordance des temps, encore et toujours). Tes commentaires m'ont fait mourir de rire et je suis heureuse d'avoir trouvé une sœur de marguerite ! (J'ai supprimé pour toi presque tous les points de suspension… oui, enfin, presque!)

Ajustez vos mirettes, calez vous dans vos fauteuils et c'est parti ! L'univers de P'tite-fleur-des-bois n'attend plus que vous…


Poppo l'Hippo

Chapitre 1

ou comment organiser un tournoi de batailles explosives dans les meilleures conditions

La réunion de l'Ordre s'éternisait.

Une fois de plus.

Au fur et à mesure que les minutes s'égrenaient, les soupirs de lassitude se faisaient de plus en plus échos. Les bâillements se répandaient par contagion, et un léger ronflement provenait même d'un des coins de la cuisine du Square Grimmauld, mais personne n'osa aller vérifier qui en était l'émetteur de FolOeil ou de Pattenrond, qui s'était lové à ses pieds. Molly avait fini par réchauffer un grand thermos de café et préparer quelques sandwichs, pour faire passer le temps.

Remus, lui, se contenta de hausser les épaules. Depuis le temps, ils auraient tous dû s'être résignés…

Le mois de juin venait de s'achever sur une nouvelle défaite du Seigneur des Ténèbres ; Harry gardait encore quelques bandages de leur dernière rencontre. C'est ainsi que, comme à leur habitude, les membres de l'Ordre du Phoenix s'étaient regroupés au quartier général, une semaine après le début des vacances d'été, pour faire le point sur l'année écoulée.

La réunion avait pourtant bien commencé…

Tous les membres avaient activement participé au débat que présidait Albus Dumbledore, soutenu à sa droite par le professeur McGonagall. A sa gauche se tenait Severus Snape, droit et rigide contre le dossier de sa chaise.

La famille Weasley était presque au grand complet, malgré les réticences ouvertement exprimées de leur matriarche. Charlie n'avait pas pu se libérer pour les vacances ; le Magyar à pointes dont il s'occupait s'était révélé être une femelle, la dernière de son espèce. Autant dire que la survie de toute la race ne reposait que sur ses épaules. Et puis, il y avait aussi le cas Percy… mais il restait encore et toujours un sujet tabou pour le clan.

Bien sûr, Hermione et Harry avaient été conviés aux réjouissances. Fleur ne faisait pas vraiment parti de l'Ordre, elle était donc restée au cottage qu'elle partageait avec son mari Bill. Fol'Oeil était entré dans la cuisine de la demeure Black quelques temps plus tôt, avec son éternel regard scrutateur, accompagné de l'Auror Tonks.

La jeune femme l'avait rapidement abandonné au profit d'un Remus Lupin rougissant, sous les coups de coude et les sourires goguenards de son meilleur ami, qui aurait décidement dû apprendre le sens du mot « subtilité ». La place à la gauche de Snape était longtemps restée vide, enfin, jusqu'à ce que Kingsley ne s'y installe avec un sourire d'excuse. L'Auror n'éprouvait aucune animosité envers l'homme, qui pour sa part s'appliquait à le fusiller de son regard menaçant. Pour lui, quelqu'un qui risquait quotidiennement sa vie pour l'humanité, sorcière et moldue confondues, méritait son respect, malgré tout ce qui pouvait lui être reproché par ailleurs.

Sirius était entouré de Remus et Harry, comme à chaque réunion, mais malheureusement la malchance avait voulu qu'il fasse directement face à son pire cauchemar…

Servilus.

Ce qui nous ramène donc à notre point de départ ; la réunion s'éternisait.

Le débat avait pourtant commencé, comme à l'accoutumée, par un récapitulatif de la séance précédente. Puis les sujets du jour furent annoncés, toujours les mêmes : comment convaincre le ministère du retour de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom sans provoquer un mouvement de panique dans toute la communauté sorcière ? Quels seraient les meilleurs alliés dans cette guerre des géants ou des loups-garous ? Comment les décider à rejoindre activement la lutte contre le Seigneur des Ténèbres ? Devait-on préparer pour la prochaine séance un cake au citron ou au chocolat ? Les questions habituelles, en somme.

En fait, le problème ne venait pas véritablement du débat, mais plutôt des deux têtes de mules qui ne pouvaient pas se trouver dans une même pièce sans déclencher les prémices d'une guerre planétaire.

C'est ainsi que dès que Dumbledore demandait son avis au professeur de potions, Sirius ne pouvait s'empêcher de grogner, rappelant à tous sa forme Animagus. Si Sirius voulait exposer son opinion sur un sujet donné, Severus ricanait, fort peu discrètement pour un espion, soit dit entre nous. Lorsque Severus disait noir, Sirius répondait blanc. Si Sirius était d'accord avec telle ou telle proposition, Severus était forcément contre. Sirius grognait et répliquait, Snape ricanait et répondait, l'Animagus montrait les dents et invectivait et ainsi de suite, encore et encore, dispute après dispute... sans jamais cesser depuis les quatre heures et quarante-sept minutes que durait maintenant la réunion.

Au début, ça s'était plutôt bien engagé. Ils s'étaient contentés de s'ignorer ; chacun ayant préalablement subi des avertissements interminables, de la part d'un ami lycanthrope altruiste ou de celle d'un vieux sage à la longue barbe blanche et soyeuse, selon le cas. Mais bien vite, ils s'étaient lancé des regards noirs par-dessus les tartes à la mélasse préparées par Molly pour l'occasion. Après s'être mordu les lèvres et pincé fortement la jambe, Sirius avait fini par craquer le premier. Il savait pertinemment qu'il avait promis à Remus d'être sage pour une fois… mais c'était vraiment plus fort que lui. Servilus avait ce pouvoir sur lui. Il ne pouvait tout simplement pas rester indifférent en sa présence.

Lorsque l'espion avait dévoilé les ébauches du nouveau plan de son « maître », Sirius avait grogné entre ses dents une remarque fort peu délicate sur la soumission du traître. Severus avait immédiatement répondu avec un regard meurtrier et une remarque sibylline concernant la condition de « cabot » du maître de maison. Sirius avait enchaîné sur son poste fort peu envié aux pieds du Plus-grand-malade-qui-ait-jamais-existé. Le Serpentard avait vu rouge, et c'est à ce moment précis que Dumbledore s'était senti une irrésistible envie de se racler la gorge et de proférer son premier avertissement de la soirée d'un regard sévère.

Presque quatre heures et quarante-neuf minutes plus tard, le vieil homme ne les comptait même plus, ces regards. Il se sentait de plus en plus fatigué, somnolant à moitié au-dessus de son thé au citron, qui avait cessé de fumer depuis bien longtemps, et se contentant d'intervenir lorsque la situation l'y obligeait expressément, sous peine d'une redécoration imminente de la sinistre cuisine Black version rouge carnage. Enfin, carmin.

Minerva, elle, avait continué ses calculs, le directeur en était à sa vingt-troisième tentative d'apaisement, et encore, c'était sans prendre en considération les vains efforts de Remus qui, de son côté, mettait toute sa patience et sa diplomatie à tenter de calmer ses deux anciens camarades d'école.

Lui aussi commençait d'ailleurs à se lasser des regards noirs qu'il recevait de part et d'autre. Car si Severus ne se gênait pas pour lui rappeler sa condition « inférieure », Sirius, lui, semblait lui en vouloir pour une mystérieuse raison, que la conscience de Remus interpréta rapidement comme un plaisir malsain et presque vital de la part de l'Animagus d' « échanger tranquillement » avec le Serpentard.

Remus finit par abandonner ses vaines tentatives et se retourna vers sa fiancée aux cheveux turquoises pour lui faire part de son indignation. Tonks se chargea bien volontiers de lui faire retrouver le sourire.

Harry, de son côté, profitait aussi pleinement des échanges virulents des deux ennemis, même s'il s'en serait bien passé ! Grâce à sa position privilégiée, il pouvait à la fois admirer toutes les nuances de colère que son professeur pouvait exprimer d'un simple regard, de la plus légère à la plus meurtrière, mais aussi, comble du bonheur, savourer le timbre si mélodieux de la voix de son parrain en rage, qui pouvait atteindre des décibels insoupçonnés. Autant dire qu'il attendait la fin de cette réunion comme son meilleur ami attendait un repas après trois heures de jeûne.

Le jeune homme en avait plus qu'assez de toutes ces ondes négatives qui interféraient avec sa magie. Il en était presque au point de se demander s'il pouvait être aussi ridicule et énervant lorsqu'il croisait Malefoy. Oui, enfin « presque » parce que, quand même, il ne se souvenait pas d'avoir jamais été si entêté et insupportable…

Si Hermione avait pu suivre le cours de ses pensées à cet instant-là, elle aurait certainement eu un soupir résigné. Ah, les garçons…

Mais comme elle n'avait pas encore eu le temps d'achever le tome VII de Légilimencie ou l'art de lire entre les lignes, elle se contentait d'apprécier de son côté les répliques cinglantes que s'envoyaient les deux hommes entre chaque nouvel ordre du jour de la réunion. Elle commençait même à se demander si elle n'allait pas participer au tournoi de bataille explosive que les jumeaux Weasley étaient en train d'organiser pour passer le temps ; et c'était dire beaucoup de son état d'ennui actuel.

Ron, lui, s'était déjà inscrit depuis bien longtemps, ravi de pouvoir enfin se distraire un peu. Et dire qu'à peine un an auparavant, il avait pensé qu'il serait amusant de rejoindre l'Ordre. Ron soupira. Grandir, c'est perdre un peu de ses illusions.

Finalement, chacun avait fini par perdre le fil de la réunion.

A présent, quatre heures et cinquante-neuf minutes après le début des festivités, le tournoi de bataille explosive était à son apogée et Ginny semblait sur le point de remporter la demi-finale contre Fred. Bill racontait sa dernière virée shopping avec Fleur, qui avait absolument tenu à visiter le Londres moldu, sous l'œil attendri de sa mère et les questions empressées de son père (« Les moldus payent avec des cartes bullaires ? Mais comment tiennent-elles dans les porte-billets sans exploser ? »). Tonks avait fini par consoler son fiancé et ils roucoulaient tranquillement dans leur coin, sans se soucier du regard envieux de Kingsley qui aurait bien aimé retrouver sa femme lui aussi, mais qui était bien trop poli pour partir le premier. Minerva et Albus avaient à présent tous les deux définitivement cessé leurs comptes, qui s'étaient achevés sur un admirable trente-et-unième regard désapprobateur, pour se lancer dans un audacieux pari, à savoir lequel des deux hommes aurait le dernier mot. Albus espérait ardemment gagner la caisse de chocogrenouilles avec son poulain de toujours, il lui manquait toujours la carte de Melinda la Farfelue. Fol'Oeil fut le dernier à capituler, mais même lui, l'homme d'action et de combats, finit par se lasser de la guéguerre Black/Snape au profit d'un Pattenrond au comble du bonheur sous ses caresses expertes.

Les deux ennemis, eux, ne se doutaient de rien, perdus dans leur monde de haine où rien ni personne n'existait à part l'autre.

- « De toute façon, je ne sais même pas pourquoi nous devrions écouter les conseils d'un couard qui n'a pas osé sortir le museau de sa niche depuis plus de deux ans !, s'exclama Snape avec un rictus méprisant aux lèvres.

- Je suis peut-être un lâche selon tes critères, Servilus, mais qui écouterait un homme qui passe son temps à lécher les pieds puants d'un serpent visqueux ?, répondit Sirius en faisant un effort visible pour se retenir de lui sauter à la gorge.

- Toujours aussi logique, Black. Au moins, moi, je fais quelque chose ! Je ne passe pas mon temps à épucer un vieil elfe de maison en me planquant dans le manoir de ma mère ! »

Severus avait toujours su viser là où ça faisait le plus mal et, encore une fois, il n'avait pas manqué sa cible, en l'occurrence Sirius. C'était étrange d'ailleurs comme ça lui avait toujours semblé beaucoup plus facile lorsqu'il s'agissait du cabot.

Sirius était hors de lui. Ses narines frémissaient, il serrait ses dents à les briser, ses ongles percèrent la paume de ses mains sous la pression de ses poings. Il enrageait.

Difficilement, pourtant, il se retenait d'exploser, comme Remus le lui avait appris.

Compter jusqu'à dix… Faire le vide dans son esprit… Se fixer sur une image de bonheur et de calme. Il en était à sept lorsqu'une image s'incrusta dans sa tête, une image de bonheur, la seule qu'il possédait, la seule qu'il chérissait. Devant ses yeux dansait un portrait de famille, un Noël au coin du feu, à côté d'une table croulant sous le poids de mets plus succulents les uns que les autres et puis, au premier plan, une jeune femme aux yeux verts, blottie entre les bras de son mari, un certain jeune homme aux cheveux en bataille et à l'allure décontractée qui regardait avec un sourire amusé son meilleur ami, déguisé pour l'occasion en renne au nez rouge, tenter de consoler un petit bambin de quelques mois aux quelques cheveux tous aussi indisciplinés que ceux de son père. Visiblement, le déguisement n'avait pas eu l'effet escompté et obligeait à présent Sirius à se faire pardonner à grands renforts de câlins et de bisous. Remus, dans un vieux manteau rapiécé, avait tellement ri qu'il en était tombé du banc d'où il suivait la scène.

Ce souvenir sembla calmer Sirius qui se contenter d'ignorer le Serpentard après une grimace éloquente, jusqu'à ce qu'il se rappelle… Lors de ce fameux Noël, le seul qu'Harry ait partagé avec ses parents, ils n'étaient pas que cinq. Une autre personne avait observé Sirius amuser le gamin, une autre personne avait ri de ses plaisanteries, avait partagé leur repas, avait chanté de vieilles chansons traditionnelles aussi faux qu'il le pouvait, une autre personne… qui n'aurait jamais du se trouver là, un traître...

Pettigrow.

… et toute sa colère revint au galop.

- « Au moins, je ne suis pas un traître ! Je suis peut-être coincé dans cette bicoque, mais moi j'ai bien trop de dignité pour aller sucer Voldy-chou ! »

A ces mots, toute l'attention revint sur les deux hommes qui se dévisageaient.

Molly formait à présent un parfait « O » de ses lèvres, signe de son indignation («Devant des enfants innocents, comment a-t-il pu ? »). Harry avala de travers la dragée surprise de Berthie Crochue qu'il suçotait, goût banane pourrie, et Ron s'empressa de lui taper énergiquement dans le dos pour l'empêcher de s'étouffer. Hermione se contenta de rougir au sous-entendu qui n'en était vraiment pas un et Remus secoua la tête en signe de désapprobation. Le lycanthrope savait que son ami devenait facilement vulgaire lorsqu'il s'énervait. Il avait souvent voulu lui faire perdre cette mauvaise habitude du temps de leur jeunesse, mais il finissait invariablement par laisser tomber, les pommettes rougies et le regard quelque peu admiratif devant l'inventivité de Sirius en matière d'insultes.

Sirius, lui, était plutôt satisfait de son effet. Il aimait être le centre de l'attention. Mieux encore, devant lui se tenait un Servilus au visage livide, qui visiblement faisait tous les efforts du monde pour conserver un tant soit peu de sa fameuse maîtrise de lui-même.

De son côté, Severus rongeait son frein. Il ne serait pas dit qu'un homme qui avait passé presque la moitié de sa vie dans une cage de trois mètres carrés, entouré de criminels en manque, à baver et à tourner en rond pour s'attraper la queue, allait l'humilier. Le Mangemort se dit alors que cette répartie suffirait à clouer le clapet de l'autre abruti, mais lorsqu'il ouvrit la bouche pour la jeter à la figure de son pire ennemi, ce fut une autre voix que la sienne qui résonna dans la pièce.

- « Ca suffit maintenant ! Vous allez vous calmer et tout de suite ! »

Le ton employé par Dumbledore était catégorique et sans appel.

A cet instant, il dégageait cette prestance qu'il n'arborait que dans les cas jugés critiques. Oublié le vieux fou aux habits excentriques, oublié le vieil homme qui chantait l'hymne de Poudlard bien plus fort et bien plus faux que la totalité des premières et deuxièmes années réunies. Il ne restait qu'un homme d'expérience et d'autorité, un chef.

Devant l'imposante stature de son mentor et pour sa réputation personnelle, Severus se retint de répliquer un « Mais, c'est lui qu'a commencé ! » indigné.

Sirius n'eut pas cette décence.

- « Vous vous comportez comme des enfants lorsque vous êtes en présence l'un de l'autre. Il serait temps que vous compreniez que vous n'êtes plus des adolescents au visage acnéique dans des maisons ennemies. Vous êtes des adultes aujourd'hui, et il serait grand temps que vous vous comportiez comme tels ! »

Le discours du sage directeur eut un effet immédiat : les deux hommes rougirent de concert avant de se rasseoir en silence. Ou plutôt, Severus se rassit en silence, alors que Sirius rouspétait dans sa barbe de trois jours. Harry entendit juste quelques mots qui lui firent lever les yeux au ciel.

« … pas juste… lui… chouchou… sale bâtard… pas… acné, d'abord… »

Severus se referma complètement ; il refusait de se faire reprendre ainsi en public, à plus forte raison devant un parterre de Griffondors dont la moitié le méprisait ouvertement.

Dumbledore regrettait d'avoir dû faire appel à de tels arguments pour reprendre à l'ordre les deux hommes, mais il n'avait vraiment pas eu le choix. Il savait que son protégé aurait du mal à avaler la pilule, mais espérait sincèrement que le lien de confiance si fragile qu'il avait tissé entre eux durant toutes ces années ne se romprait pas pour si peu.

Profitant de l'accalmie, le vieux directeur sonna la fin de la réunion.

Quelques chaises furent tirées, un bâillement et trois soupirs de soulagements retentirent. Puis tous les espoirs de repos s'évanouirent.

Des flammes vertes dans la cheminée annoncèrent un retardataire.

Mondingus Fletcher fit une entrée fracassante, sans mauvais jeu de mots.

Lorsqu'il émergea des flammes, couvert de suie et de cendres, il trébucha sur sa cape et, voulant se rattraper au rebord de la cheminée, il entraîna dans sa chute un vieux vase de porcelaine, qui s'écrasa bruyamment à côté de l'homme dans le silence consterné qui avait suivi l'apparition.

Sirius ne tressaillit même pas. Il avait toujours trouvé ce vase en porcelaine grise affreux et le fait que ce soit un cadeau de sa grande tante Agonie pour le mariage de ses parents n'y était absolument pour rien. Vraiment. Si Molly n'y avait pas vu quelques attraits, cette chose aurait depuis longtemps rejoint les reliques de ses ancêtres dans la poubelle.

Il ne put cependant s'empêcher de soupirer lorsque Molly reposa le vase intact sur le bord de la cheminée, après l'avoir fait léviter.

Mondingus était une de ces personnes auxquelles il est difficile de donner un âge précis, un peu comme Dumbledore, mais avec l'effet inverse. Malgré les années imprimées sur le visage sillonné du vieux directeur de Poudlard, celui-ci gardait une jeunesse éternelle au fond de ses prunelles, une vigueur, un esprit curieux de tout, une soif des autres, un sourire au coin des lèvres qui ne demandait qu'à s'épanouir.

Ce qui primait à première vue chez Mondingus, c'était cette sorte de lassitude que tout son corps semblait supporter, une fatigue vicieuse qui creusait sa peau et blanchissait ses tempes prématurément. Cet homme de cinquante-trois ans, deux mois, trois semaines et vingt-sept minutes paraissait avoir vécu mille tourments qui avaient fini par s'incruster profondément en lui. Il avait passé sa vie à bourlinguer aux quatre coins de l'Angleterre à la recherche d'une richesse providentielle et tout ce qu'il avait rapporté de ses années d'errance était un collier d'or et d'émeraudes au fermoir cassé et dont il manquait la majeure partie des pierres, quelques livres poussiéreux, deux ou trois gallions, un goût prononcé pour les alcools forts et la solitude, ainsi qu'un mal de dos chronique. La vie n'avait pas été tendre avec Mondingus Fletcher, mais il s'en moquait bien. Il ne vivait que pour les chasses au trésor et qu'importe ce qu'il trouvait, il aimait l'aventure et s'en contentait.

Ce soir-là, il revenait d'une énième escapade nocturne, les bras encombrés de bric-à-brac clinquant.

Il ne s'était visiblement pas attendu à tomber nez à nez avec les plus éminents membres de l'Ordre du Phoenix…

Il resta donc quelques secondes la bouche entrouverte sur un juron informulé, dévisageant une à une les personnes encore attablées et celles déjà prêtes à fuir loin de cette interminable réunion. Il attendit en vain un miracle salvateur, avant de se redresser avec un naturel feint, resserrant contre son maigre corps les quelques objets qu'il tenait entre ses bras et qui s'entrechoquèrent en cliquetant. Fol'Oeil faisait déjà activement tourner son œil magique dans son orbite alors que Minerva McGonagall pinçait les lèvres en signe de désapprobation. Dumbledore prit la parole avec diplomatie, comme à son habitude.

- « Mon très cher ami ! Nous ne vous attendions plus.

- Oui… humm… c'est-à-dire que…, s'empêtra un Mondingus visiblement gêné.

- Et vous nous avez même apporté quelques petites choses ! Vraiment, il ne fallait pas.

- Non ! Enfin oui… mais non. Sous le regard scrutateur qui lui faisait face, l'homme cherchait désespérément une issue.

- Je crains de ne pas vous suivre, mon ami, reprit poliment le vieux rusé.

- C'est… Ce sont juste quelques petites affaires personnelles que je ramenais chez moi, rajouta le vieux filou avec un aplomb retrouvé.

- C'est cela oui !, intervint à son tour Fol'Oeil alors que son œil avait fini par se fixer dans son orbite. Et que voulez-vous faire exactement de plusieurs petites bouteilles de potions, d'une horloge cassée et d'une croix plaquée or ?

- Quoi ?! Plaquée or ? J'étais pourtant certain que... enfin que… je voulais dire…, » se dénonça involontairement le vieil arnaqueur.

Severus ricana ostensiblement et il n'était pas le seul à se délecter du spectacle. Seule Molly semblait ouvertement outrée ; non mais quel bel exemple pour la jeunesse ! Fol'Oeil reprit la parole, ignorant les misérables tentatives d'explications de son vis-à-vis.

- « Est-ce bien prudent, Albus, de compter parmi nos rangs un voleur actif et escroc patenté ? »

Le vieux directeur n'eut pas le temps de réagir que Sirius répliqua du tac au tac :

- « Et encore, le voleur ce n'est pas le pire ! »

Tout en faisant cette remarque, il regardait fixement l'espion qui lui faisait face.

- « Sois plus précis, Black, cingla alors la voix du Mangemort. Si tu as quelque chose à dire, exprime-toi correctement, tout le monde ne peut pas comprendre ton langage limité ! Un grognement lui fit écho, mais il ne le prit pas en compte. Un rictus cruel déformait ses traits alors qu'il poursuivait nonchalamment : Devrais-je te rappeler lequel d'entre nous est actuellement recherché par l'ensemble des forces d'Aurors pour meurtre et trahison ? »

Sirius ne prit même pas la peine de compter cette fois-ci. La mort de Lily et de James avait toujours été pour lui un sujet particulièrement sensible, même Remus n'osait pas l'aborder en sa présence et Harry avait vite appris à l'éviter. Aussi, la réaction de l'Animagus fut instinctive et bestiale.

Emporté par la rage, il se jeta sur sa proie d'une unique et puissante impulsion. La chaise de Severus bascula sous le choc, emportant avec elle son occupant et son agresseur, qui s'écrasèrent au sol sans grâce aucune.

Ensuite, tout s'enchaîna très vite.

Le poing de Sirius atteint l'espion en plein visage ; celui-ci se défendit admirablement et Sirius se retrouva courbé en deux sous la violence du coup que lui rendit son adversaire. Ils ne cherchaient plus qu'à faire mal, à donner coup pour coup, mais dans leur aveuglement aucun d'entre eux ne vit Mondingus qui, profitant de cette diversion inespérée, avait voulu s'enfuir en catimini avec son pauvre butin.

Un coup perdu lui fit lâcher tout ce qu'il tenait et s'éloigner le plus loin possible en tenant son dos endolori. Le tout s'écrasa dans un grand fracas, recouvert en partie par les grognements et les injures des deux ennemis. Aussitôt, les liquides se répandirent au sol, se mélangeant. Une épaisse fumée noire s'échappa des morceaux de verres brisés sur lesquels roulaient à présent le duo, sans s'en rendre compte.

En moins d'une seconde, on ne vit plus rien de la sinistre cuisine Black ni de ses occupants.

En sentant la chaleur qui se dégageait de la pièce, tous tentèrent d'atteindre la sortie. Quelques bousculades plus tard, la porte fut ouverte et l'air frais du couloir pénétra. Entre-temps, Dumbledore avait sorti sa baguette pour essayer d'estomper la fumée. Il n'y parvint qu'au troisième sort. Finalement, à peine une poignée de secondes après son apparition, la fumée disparut tout aussi rapidement qu'elle était venue.

Il ne resta alors dans la pièce que le silence pesant qui suit toujours les catastrophes.


Note finale : Pour ceux d'entre-vous qui se disent "oh non! encore une fic dont on ne verra jamais la fin!", rassurez-vous, la fin est déjà écrite. Au départ, j'avais prévu de publier la fic comme un OS, mais julielal m'a fait comprendre que d'en faire une fic à chapitres serait mieux et pour vous et pour moi.

Donc, voilà, rendez-vous la semaine prochaine !