Les rues grouillaient d'enfants déguisés, sacs en forment de citrouille à bout de bras, piaillant d'amusement à la recherche de bonbons à se mettre sous la dent. Les adultes bavardaient tranquillement sans ressentir l'air glacial pénétrait leurs vêtements, comme-ci Halloween n'était qu'un jour d'Automne banal. Cachaient dans la pénombre, les adolescents s'amusaient à casser des œufs, jeter du papier toilette et autres farces de mauvais goûts. Mélangé à cette foule se trouvait Gingka et sa bande, sorti pour l'occasion dans des accoutrements plus farfelus les uns que les autres. Tous inconscients du danger qui les guettait.
Caché aux yeux de tous, à l'ombre d'un immeuble entre sacs poubelles et chats errants, Rago, Maître de la toupie de la destruction Némésis, tardait ses grands yeux pourpres sur le groupe de bladers. Cela faisait maintenant une dizaine d'année qu'il avait rejoint l'Autre Monde, dans l'attente insoutenable que vint le trente-et-un Octobre, le jour où le voile séparant les vivants des morts se levé, pour enfin mettre à exécution sa vengeance.
Un horrible sourire vint prendre place sur son visage au teint grisâtre, le rendant encore plus effrayant dans ses guenilles qui flottaient autour de lui, telle une brume mouvante. Sa main alla se crisper sur son lanceur en morceau, dissimulé sous sa cape déchirée, Némésis y était déjà installée. Au contact de la paume glacée contre le métal rouillée, une aura sombre traversa sa main pour se répandre dans ses veines, lui procurant un bien malsain.
Alors que les vermines disparaissaient dans une intersection, Rago se mit en route, la main toujours sur le lanceur prêt à dégainer. Il se fraya un passage parmi les bambins au visage masqué ou peinturluré et alors qu'il allait enfin rattraper le rouquin au bestiau ailé, elle était déjà là. Debout face à lui, toujours aussi maigrichonne et couverte de saleté, avec sa vieille robe noire décousue et ses dents cassées. Rago était prêt à l'entendre, ce son strident qui annoncerait sa prochaine mort, encore et toujours. A croire que son ennemi ne renoncerait jamais. La femme se mit à hurler à plein poumon. Et malgré les décibels dégagés par la gorge desséché de la Bansidh, personne à l'excepté du Maître de Némésis ne semblait se faire agresser les tympans. La créature finit par disparaître dans une explosion de poussière.
Rago zyeuta de droite à gauche sans le voir apparaître. Il s'avait qu'il allait venir. Il venait toujours. Jamais il ne raterait une occasion de le tuer et si un mort était assez malin pour prendre la sortie du monde des morts pour aller chez les vivants, c'était bien lui. Lui et son misérable serpent cracheur de flamme.
Le Maître de Pegasus avait déjà disparu et Rago ne s'avait plus où chercher. De toute manière, cela ne servait plus à rien. Il le sentait. Il était là, pas loin, en train de le guettait tel un prédateur et lui était sa proie.
Soudain, ses orteils se retrouvèrent trempés, puis ses pieds. Ça y était. Il allait retourner aussi vite qu'il était venu dans l'Autre Monde. Chaque année c'était la même rengaine.
La rue était désormais vide, pas un bruit à l'horizon. L'eau se transforma en rivière de flammes. Autour de lui s'étendait désormais une vraie fournaise. Les flammes léchaient presque la voûte céleste, cachant les maisons de sa vue. Il n'y avait plus que lui et ce mur de flamme. Plus que lui et son prédateur.
Rago se retourna, un sourire plein de fiel sur le visage. A travers les flammes se trouvaient deux yeux ambrés luisant de haine, tellement que si on ne se concentrait pas assez, on les voyait pas. Mais avec le temps, Rago les voyait. Encore et encore. Ces pupilles enflammées qui voulait sa mort. Et lorsqu'il se retrouva totalement face à son adversaire, ce n'était que pour se retrouver face à un dragon en feu, sa gueule béante grande ouverte qui l'avala dans un geyser de flammes.
