Une casserole me frôle la tête, de manière apparemment involontaire puisque sa jumelle suit immédiatement un autre chemin. Je m'arrête pour admirer le spectacle. Ron, mon cher petit frère, court pour échapper à cette avalanche de batterie de cuisine dont il est visiblement la victime. Harry, assis non loin, bécote ma petite sœur. Je savais par hibou express – Ginny n'était plus dans son état normal – que Harry l'avait demandée en mariage trois jours plus tôt. Cela explique donc que ma mère soit fort occupée à accrocher son linge sans se formaliser de pareilles démonstrations.
Le plus étrange est toutefois qu'elle ne se soucie pas du mouvement aérien des marmites de la cuisine. En m'approchant – prudemment toutefois, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans la maison – je découvre la cause de tant de grabuge. Hermione, petite amie officielle de Ron, se soulage les nerfs avec tout ce qui lui tombe sous la main. Après avoir épuisé le stock de casserole, elle s'attaque aux cuillères. J'espère être loin lorsque ce sera le tour des couteaux.
Impressionnant. Elle est vraiment furax. On dirait presque maman.
En parlant du loup…
« Charlie ! Mon petit, tu es revenu ! Comment vas-tu ? »
Je préfère ne pas tiquer sur le « mon petit » et détourner la conversation, histoire d'éviter d'autres démonstrations d'affection du même acabit. C'est vrai, quoi, je frôle le mètre quatre vingt-cinq…
« En quel honneur avons-nous droit à cela ? je demande tout en continuant à suivre avec intérêt les prouesses d'esquive de Ron. »
Grognement sourd. Par tous les Maygar à Pointes, l'affaire paraît vraiment grave !
« Qu'est ce que Ron a encore fait ? »
Je m'avance, moi ? Absolument pas ! Seulement je me doute que le charmant petit couple ne fait pas des tests pour la mère Grattsec…
« Il y a, dit brusquement une voix en colère à côté de moi, que Ron avait un cheveu blond sur sa cape quand il est rentré ce matin ! »
« Mais enfin, chérie, je t'ai dit que c'était probablement celui d'une collègue ! »
« Une collègue ? Une collègue ? Tu te fiches de moi ? Je sais avec qui tu travailles, Ronald Bilius Weasley. Il n'y a aucune blonde dans ton service au Ministère ! »
« Alors c'était une visiteuse ! Comment veux-tu que je le sache, moi ? »
« Et elle pleurait tellement que tu l'as serrée dans tes bras ! C'est vrai qu'il y a de quoi être triste, quand on trouve une tasse à thé qui danse la samba dans une salle de réunion ! Tu travailles au service des objets trouvés ! »
Hum, il y a un petit nuage dans le grand ciel bleu de la relation de mon frère on dirait. C'est vrai qu'il y a de quoi. Cela fait six ans que l'ère Voldemort a terminé son chapitre dans l'histoire. Six ans que Ron et Hermione sortent ensemble. Ginny vient de se fiancer, mais mon idiot de frère n'a même pas eu l'idée qu'il pourrait commencer à envisager de songer qu'il serait possible qu'il fasse la même demande à sa copine. Et voilà une histoire de cheveu…sur la soupe ! Non, il faut que je me calme, c'est puéril ce que je viens de dire. Je ne suis pas George tout de même.
Ron est vraiment un crétin. Si j'avais eu la chance d'avoir une petite amie comme Hermione, je n'aurais pas attendu longtemps avant de lui passer la bague au doigt ! C'est vrai qu'une fille jolie, drôle quand elle s'y met, sérieuse quand il le faut, intelligente, et douée d'une mémoire d'encyclopédie, ça ne se croise pas tous les jours sur le chemin de Traverse, et encore moins au Ministère. Enfin, Ron paraît penser que si puisqu'il est allé voir ailleurs. Il a de la chance d'être encore en vie. Hermione n'a même pas pensé que le service des objets trouvés n'avait pas de garde la nuit.
Tiens ! L'orage s'est éloigné. Hermione a brusquement cessé de crier, et Ron se fait plus petit qu'une souris. Vérification rapide : c'est bon, plus rien ne vole. Je peux risquer de lever un œil pour voir ce qui se passe.
Seule Hermione est encore là. Ron a préféré prendre la poudre d'escampette plus vite qu'un éclair de feu. Ma mère est partie sur la pointe des pieds, dans une nouvelle manigance inutile et ridicule. Bizarrement, aussitôt après son départ, Harry commence à pousser ses explorations de Ginny dans des zones qui devaient lui être jusque là encore inconnues. Eurk ! Il a conscience que je ne suis pas loin au moins ?
« Toi aussi ils te dégoûtent ? »
Oh Merlin, je crois que je n'ai pas dû me contenter de grimacer intérieurement. Elle m'a vu. C'est étrange, je pensais qu'elle serait solidaire de ses amis, ou du moins de Ginny. Quoique d'après ce que j'ai entendu par radio Poudlard (alias ma chère sœur), Ronald était bien pire que cela lorsqu'il sortait avec…comment elle s'appelle déjà ?
« Lavande Brown. »
Hein ? Je n'ai tout de même pas pensé tout haut j'espère ?
- Luna me l'avait bien dit, murmure-t-elle alors que les larmes lui reviennent aux yeux. Elle m'avait bien dit que Ron n'était pas avec moi comme Harry l'est avec Ginny. Elle m'avait dit que Lavande lui tournait autour. Et je ne l'ai pas crue !
Bon, cette fois-ci c'est fait, elle est en pleurs dans mes bras. Ma chemise doit être trempée, ce ne sont pas des larmichettes. Par les œufs de Norberta, qu'est ce que je peux bien faire ? J'aimerais la réconforter, trouver les mots justes mais…je ne peux pas. Je n'ai jamais été doué pour ces choses-là. C'est sans doute pour cette raison que j'ai préféré la compagnie des dragons à celle des Hommes. Mais ce n'est pas une dragonne qui est là, c'est Hermione !
Réfléchissons…Pfff, ça fait bien trop longtemps que je n'ai pas été en compagnie des humains. Je dois paraître un peu ours. Si seulement il y avait quelqu'un pour prendre le relais… Maman ? Sûrement pas, j'ai cru comprendre qu'entre son fils et celle qu'elle considère comme sa seconde fille, elle ne veut pas choisir. Harry ? Occupé, et de toute façon il vaut mieux une fille. Ginny ? Occupée elle aussi, et je suis prêt à parier ma baguette qu'elle n'a rien vu de toute la scène. Pénélope se montre le moins possible ici, et de toute façon elle est si ennuyeuse d'Hermione pleurerait encore plus. Bon…il n'y a plus qu'une solution.
Je transplane, emmenant avec moi une Hermione toujours en larmes.
