Du feu. Absolument partout. Bleu. Non naturel. Venu des Enfers. Puis un Univers. Géant. Vide. Une silhouette. Perdu. Seule. Abandonnée. Mais paisible. Puissante. Invulnérable. Une puissance immense, infini. Et les flammes reviennent. Mais différentes. Noires. Négatives. Dangereuses. Des corps apparaissent. Ils brûlent. Ils souffrent. Le feu les consume. Lentement. Ils hurlent. Ils souffrent. C'est de sa faute. Ils sont tous morts à cause d'elle. Elle est coupable. De tout. De leurs souffrances. De leurs morts. Mais aussi de SA déchéance. De leur séparation. De sa corruption. Et tout d'un coup, son visage apparaît. Immense. Intimidant. Et il lui rugit toutes ses fautes. Tous ces vises. Toutes ses erreurs. Elle a peur. Elle est terrifiée.

Et elle se réveilla en sursaut. En sueur. Haletante. Perdue. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits et se rendre compte qu'elle n'était pas en danger mais seulement couchée, dans son lit, à l'internat, complètement épuisée. Elle prit ensuite deux grandes bouffés d'oxygène pour calmer son cœur battant la chamade. Elle eut un mal fou, mais finit cependant par se rendormir.

Le lendemain lorsqu'elle se réveilla, il ne lui restait aucun souvenir de son cauchemar. Ce n'était après tout qu'une enfant innocente et n'avait pas encore conscience des dangers qui se tramaient dans son dos.

.oOoOoOo.

- Elara ! Reviens ici ! Je t'ai déjà répété maintes et maintes fois que cette partie de l'orphelinat t'est interdite ! Arrête de courir ! Elara !

- Non. Je vais voir quand même.

L'enfant courrait toujours. Ses petites jambes bougeaient le plus vite possible, pour échapper à la bonne sœur qui tentait vainement de la suivre. Elle se trouvait dans une partie défendue du pensionnat, une aile qu'elle n'avait jamais visitée. L'aile des invités. Pavillon interdit aux enfants orphelins accueillis par l'Église.

Il y a quelques jours, elle avait aperçu une personne inconnue se promener dans les couloirs de l'immense bâtiment qui lui servait de foyer depuis sa toute petite enfance. Sa curiosité étant plutôt exacerbée, elle tenait à tout prix à connaître l'identité de cet homme. Car c'était un homme, elle en était sûre. Avec une carrure pareille, aucune hésitation n'était possible. Mais cet homme n'était pas comme les autres. Il dégageait quelque chose de spécial. Dans son aura ou son comportement. Elara n'arrivait cependant pas à mettre le doigt sur cette différence.

Elle courrait toujours, absorbée par ses réflexions intérieures, et ne vit absolument pas l'homme en question dans ce couloir pourtant très large et le percuta de plein fouet. Elle rebondit sur ses jambes robustes, vacilla vers l'arrière et se retrouva sur les fesses, abasourdit.

Le grand personnage lâcha un : ''Oups !... Désolé petite.'' Timide, en totale opposition avec son gabarit. Il se dépêcha ensuite de s'accroupir à côté de l'enfant pour s'enquiert de son état. Mais elle ne lui répondit pas, trop occuper à le détailler des pieds à la tête. Il était immense. Des cheveux mi- longs étaient blonds comme le blé et ses grands yeux, plutôt enfantins mais brillant d'une grande intelligence, étaient d'un bleu penchant vers le violet. Il ne devait pas être très âgé mais pour la jeune enfant, il avait l'air d'un géant. Et il dégageait une aura. Dorée. Différente. Douce.

- Hey ! Ça va gamine ? répéta le jeune homme doucement en secouant sa main droite devant le visage de la demoiselle.

- Euh…Oui… Oui. Pardon monsieur… de vous avoir tapé.

Elle s'apprêtait à se relever et à repartir de plus belle pour aller rejoindre sa meilleure amie, avant que les bonnes sœurs ne la trouvent mais l'invité lui attrapa délicatement le bras de sa si grande main.

- Attend petite !... Il me semble que cet endroit est interdit aux enfants. Non ?!... Enfin, c'est ce que la bonne sœur Marie m'a dit en arrivant ici.

- S'il vous plaît ! Ne lui dites pas que vous m'avez vu sinon je vais me faire punir ! s'exclama soudainement l'enfant, remuant nerveusement.

- Ne t'inquiète pas petite, je ne dirais rien si c'est ce qui te fais peur, lui répondit l'homme d'un ton rassurant. Mais au fait, comment tu t'appelles ?

- Elara, monsieur !

- Et bien Elara, je vais te laisser partir mais tâche de ne pas revenir, je ne pourrais pas mentir plus d'une fois pour toi. Sur ce, au revoir et peut-être à une prochaine fois.

Mais alors qu'il allait partir, une petite voix l'interrogea :

- Et vous monsieur ?

- Vous quoi ? bredouilla-t-il, ne comprenant absolument pas

- C'est quoi votre prénom ?

- Oh pardon !... J'ai oublié de me présenter moi-même… Je suis vraiment tête en l'air… Je m'appelle Francisca, bafouilla-t-il en se frottant la nuque, quelque peu gêné.

- Ce n'est pas un prénom de fille ça ? répondit-elle du tac au tac, sur un ton très enfantin

- Hey ! Je ne te permets pas petite ! s'offusqua-t-il

- Je rigolais monsieur, c'était pour vous importuner. Au revoir monsieur Francisca ! répliqua la fillette en rigolant.

Et Elara n'attendit pas la réponse et repartit en courant rejoindre sa meilleure amie qui devait sûrement l'attendre impatiemment pour aller prendre leur repas au réfectoire. C'est vrai que le soleil commençait à se coucher, il était donc presque dix-neuf heures. Il ne fallait surtout pas qu'elle soit en retard, sinon Aédé lui en voudrait.

Elle arriva bien vite près du plus grand olivier de l'orphelinat, leur point de rendez-vous habituels lorsqu'elles se séparaient pour une quelconque raison. Elle vit de loin une chevelure vert-menthe décoiffé. C'était elle. Sa meilleure amie, sa sœur de cœur, sa seule et première amie. Elle l'attendait, sagement, comme à son habitude, lisant un livre grâce aux derniers rayons que le soleil lui fournissait avant de se coucher totalement. Le ciel rose orangé derrière elle faisait ressortir sa fine silhouette adossée à ce si grand arbre et Elara ne voyait plus qu'elle. Elle resta plantée quelques secondes, se délectant de cette magnifique vision et l'imprimant encore et encore dans ses rétines pour tenter de la conserver le plus longtemps possible dans sa mémoire.

Mais cette contemplation fut brisée par des yeux tout aussi menthe que ses cheveux, ayant cependant quelques reflets orangés parsemant ses iris, ainsi que par un immense sourire se peignant sur le visage de l'observée. Elara se dépêcha d'y répondre par un sourire tout aussi grand mais cependant privé de quelques dents de laits. Aucuns mots ne furent échangés. Ils étaient inutiles entre elles. Elles se rejoignirent et leurs mains se lièrent. Par habitude. Une douce chaleur enveloppa le cœur d'Elara et elle ne put s'arrêter de sourire. Sans aucune raison.

Elles partirent ensuite manger et comme la jeune enfant espiègle s'y attendait, dès qu'elle mit un pied dans le réfectoire, la bonne sœur Marie lui attrapa l'oreille tout en grognant un :

- Ah te voilà enfin toi ! tu vas nous aider à éplucher les pommes de terre dans les prochains jours, c'est moi qui te le dis ! Je commence à en avoir marre de tes bêtises !

- Mais… mais, ma sœur ! Ça fait mal…

Mais la religieuse ignora ses plaintes et continua de la sermonner pendant au moins cinq bonnes minutes devant les regards rieurs voire même les rires francs de tous les autres enfants. Dès qu'elle put retourner à sa place, elle le fit le regard bas et l'oreille rouge. Honteuse. Mais immédiatement après s'être assise, une main réconfortante se posa sur la sienne, lui remontant légèrement le moral.

.oOoOoOo.

Les jours passèrent ensuite, aussi différents les uns que les autres et sans incidents notables. Jusqu'à cette après-midi de printemps qui allait donner un tournant à sa vie.

Alors que tous les enfants étaient tranquillement dans la cours devant l'église, jouant et occupant leur quart d'heure de pose, Aédé, une des plus âgée, était tranquillement posé sur un banc, à l'ombre de l'immense bâtiment. Elle y lisait son livre favori du moment, L'Iliade d'Homère. Étant très friande de lecture, elle réussissait toujours à se trouver de nouveaux livres préférés parmi ce qu'elle découvrait dans la si grande bibliothèque de l'orphelinat. Elle aimait particulièrement la mythologie grecque. Ses Dieux. Ses héros. Ses légendes. Elle était en ce moment même plongée au beau milieu de la guerre de Troie. À lire ses si beaux vers, elle avait presque l'impression d'y être. De voir les combattants à ses côtés, de sentir le vent lui caresser le visage, d'entendre le bruit de lames qui s'entrechoquent, les cris des guerriers… Elle se baignait dans cet univers si riche quand quelques garçons, les plus problématiques de l'orphelinat, décidèrent que pour s'occuper, rien n'était mieux que d'importuner les autres enfants sans défense. Et leur victime du jour allait être Aédé.

Ils s'approchèrent donc de leur nouveau souffre-douleur et le plus grand, Épi, lui prit violemment le livre des mains. La jeune enfant protesta et tenta de le récupérer mais étant plus petite que son agresseur, elle ne parvint qu'à sautiller sur place pendant quelques minutes sous les rires moqueurs des garçons turbulents. Ses protestations augmentèrent donc mais personne ne se souciait d'elle, ou en tout cas, personne n'osait intervenir. La plupart des enfants avaient déjà subis leurs frasques et la bonne sœur les surveillant était parti soigner un des plus petits à l'infirmerie, ce dernier s'étant blessé en jouant.

Personne ne semblait enclin à l'aider et elle devrait donc se débrouiller seule. Mais comment faire comprendre à une dizaine de masse de muscles, ou plutôt de gras pour certains, sans cervelle qu'il existait des activités bien plus enrichissantes dans la vie que la maltraitance des plus faibles… N'aimant pas la violence, et n'ayant jamais appris à se battre, il lui fallait trouver une solution pacifique. Elle réfléchit plusieurs secondes, mais ne trouvant aucune issue, elle entreprit de récupérer son bien en négociant avec son ''tortionnaire''. Cependant, cette solution ne mena à rien et elle continua d'essayer de récupérer son bien en l'attrapant mais c'était peine perdue, elle était trop petite et la bande de garçons ne semblait pas enclin à la laisser tranquille. Elle se mit donc à prier de tout son cœur pour que la bonne sœur revienne ou que quelqu'un la sorte de ce mauvais pas, ayant juste envie d'un brin de tranquillité avant de débuter les cours de l'après-midi. Bien heureusement, sa prière fut vite exaucée par une voix forte qui déclara :

- Hey les débiles ! Je peux savoir ce que vous faites ?!

Tous les regards se tournèrent vers le propriétaire de la voix qui n'était autre qu'une enfant aux cheveux ondulants entre le roux et le châtain foncé et aux yeux de feu. Elara.

Mais malgré cette superbe entrée, La petite fille ne parvint pas à les impressionner. Ils se contentèrent de lâcher leur souffre-douleur pour une nouvelle victime, la jeune enfant âgée d'à peine dix ans. Aédé les héla, espérant vainement les retenir pour qu'ils ne s'en prennent pas à sa meilleure amie, mais c'était peine perdue. Ils ne l'entendirent même pas. La bande se rapprochait et entourait dangereusement Elara mais cette dernière ne semblait pas s'en soucier. Au contraire, elle semblait sûre d'elle et avait le regard immobile, fixé sur le chef de la bande. Ce dernier s'estimait d'ailleurs meilleur, son torse était bombé et il la fixait de toute sa hauteur, Elara n'étant pas bien grande, ce n'était pas bien compliqué. Le leader s'apprêtait donc à la frapper quand un curieux phénomène se produisit. Alors qu'il s'approchait d'elle, de plus en plus dangereusement, un halo lumineux apparut autour d'elle. D'abord faible, il devint de plus en plus lumineux. Elle brillait telle un soleil, entouré d'un feu immatériel mais à l'air pourtant si puissant.

À la seconde même ou cette énergie avait émané de l'enfant, la silhouette sombre qui observait la scène d'une fenêtre en hauteur disparu brusquement.

La suite, seule Elara la perçu tant tout se déroula si vite - cette aura spéciale lui donnant des capacités surdéveloppées -. Son poing parti pour s'abattre sûrement sur la joue de son agresseur mais n'atteignit jamais sa cible. L'homme qu'elle avait rencontré quelques temps plutôt s'était interposé. À une vitesse semblable à celle de la lumière, il s'était placé sur la trajectoire de son poing et ce dernier percuta de plein fouet non pas le torse de l'homme mais une surface plane et dure. Le choc produisit un bruit monstrueux mais le colosse ne bougea pas d'un centimètre.

Lorsque la poussière soulevée par l'attaque retomba, un éclat brillant apparut et tous furent témoin de l'air paisible et du grand sourire qu'affichait le grand blond, Francisca du Taureau, resplendissait dans son armure d'or.