Bon anniversaire Neechu ! Ah non, oups, je me trompe d'amateur de torturage de Roci. Bon anniversaire Doffy, donc !
Bon, retour à Neechu : À la base, cette histoire était destinée à être publiée pour ton anniversaire, mais elle est tellement LONGUE que j'ai dû la diviser. En voici donc la première partie, en espérant qu'elle te plaise. La suite, quand tu seras plus vieille d'un an ;)
Sur ce, bonne lecture à tous !
Avertissement : Fuyez, pauvres fous (et sinon inceste.)
Note : A/B/O désigne les histoires qui incluent le principe de l'Alpha, du Bêta et de l'Omega. Il y a autant de déclinaisons que d'auteurs et d'univers, mais le point commun à toutes ces histoires est que les Alpha ressentent une attirance très forte envers les Omega, qui peut aller jusqu'à la frénésie. L'inverse peut être vrai. (En gros, ça permet d'aider beaucoup un scénario quand vous avez deux frères pas coopératifs sur les bras ! Hey, on ne peut pas tous se lancer dans un monstrueux pavé de plusieurs dizaines de chapitres juste pour les faire avoir un petit bisou sous prétexte qu'il faut rester IC :p)
Disclaimer : À Goda.
.
Out of Control
.
« Un Omega ? » Il y a une nuance de dédain dans le mot, qui semble flotter un instant dans la petite pièce qui sert de bureau au chef de la Donquixote Family. Doflamingo fronce les sourcils, visiblement contrarié par cette révélation inattendue.
Son frère hausse les épaules, comme si lui n'y accordait pas tellement d'importance. L'aîné recule d'un pas, et son pied manque d'heurter la table. Mais d'ici, il a une meilleure vue, il peut le dévisager de haut en bas. Sa taille, sa corpulence, la forme de son visage plutôt carrée et son menton prononcé, rien en lui ne rappelle l'apparence plus frêle, parfois presque féminine des Omega de sexe mâle.
« Tu es sûr ? » demande-t-il encore et Rocinante roule des yeux. Des mots ne pourraient pas être plus clairs.
« Et bien, pense à prendre tes suppresseurs. Je m'assurerai que tu en aies toujours. Je suppose que tu en as encore quelques uns d'avance ? » Neutre. Un fait nouveau qui n'est rien qu'un autre paramètre, une ligne en plus sur le budget de l'armoire à pharmacie.
L'Omega, puisque c'est ce qu'est son frère, hoche à nouveau la tête. Doflamingo se retourne, considérant la conversation comme close. Sur son bureau, un plan de la région où de petites épingles blanches et noires indiquent les différents affidés et clients offre nettement plus d'intérêt que le genre secondaire de son frère. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvre puis se referme. Rocinante a quitté la pièce.
Doflamingo n'a pas eu un mot de réconfort. Il ne lui a pas dit qu'il le protégerait, qu'il s'assurerait que personne ne profite de lui. Il n'a pas l'intention de dire ce qu'il ne pense pas. Et si Rocinante n'est même pas capable de se protéger lui-même, c'est qu'il ne vaut pas la peine qu'on se soucie de lui.
Un Omega…
S'il se montre indigne de sa place dans la Family, il y a toujours la possibilité de le revendre. Les Omega de sexe mâle sont rares et prisés. Des hommes que l'on peut engrosser, cela excite l'imagination de certains, même si Doflamingo, qui s'intéresse au trafic d'esclaves comme il s'intéresse à tout ce qui peut rapporter gros, sait qu'une grossesse masculine est rarement menée à terme et dans tous les cas difficile. Pour sa part, les Omega masculins sont une curiosité de la nature, dont il ne voit pas l'utilité si ce n'est pour les revendre au poids de l'or.
Décidément, songe-t-il avec une pointe d'amertume, Rocinante est une constante source de déception. D'abord muet, et maintenant Omega. Que faire de ce petit frère fraîchement retrouvé ?
.
De retour dans ce qui lui sert de chambre dans ce taudis au milieu d'une décharge, Roci respire profondément. Il tâte ses poches à la recherche de son paquet de cigarettes, un geste qui est devenu péniblement familier. Dire que ce n'était au début qu'un accessoire de plus dans son déguisement… Il n'aurait jamais cru devenir dépendant, et encore moins si vite, mais c'était sans compter sur le stress permanent de vivre constamment avec Doffy, et avec la Family.
Cela ne fait que deux semaines qu'il a repris contact avec son frère, et déjà l'ampleur et la difficulté de sa mission lui apparaissent comme dépassant largement ce que Sengoku et lui ont prévu à la base.
Pourtant, Doffy l'a accueilli à bras ouverts, ne marquant qu'une légère déception bien compréhensible face à son mutisme.
Avec son Fruit, ça avait semblé une bonne idée, une évidence même : moins un espion parle, moins il risque de se trahir. Limpide. Rocinante a cru s'être préparé en s'entraînant à garder le silence pendant des jours, mais c'est différent maintenant qu'il n'y a plus de ligne d'arrivée. Maintenant que la perspective s'étale sur des mois, peut-être des années, avec la mort à la clef pour chaque erreur.
Parfois, il s'entoure de silence, et il hurle, et peu importe s'il est le seul à s'entendre, et c'est un verre d'eau pour sa gorge assoiffée de paroles. Hélas, il ne peut pas tout le temps avoir recours à ce petit stratagème. Il lui faut un peu d'intimité, de crainte que les autres ne se rendent compte de quelque chose.
Alors en attendant, les cigarettes sont devenues un prétexte pour s'écarter un instant, pour sortir prendre l'air et par là même échapper un court moment à l'ambiance pesante de la Family ; ce bref isolement associé à la dose de nicotine l'ont définitivement rendu accro à la cigarette.
Après tout, il faut bien mourir de quelque chose.
Allumant le petit bâtonnet, il le porte immédiatement à ses lèvres peintes, encore un accessoire pour son déguisement, mais permanent celui-là, à jamais tatoué sur sa peau, et aspire avec délice la fumée âcre.
L'un dans l'autre, ça s'est bien passé.
Aujourd'hui, il a annoncé à son frère qu'il est un Omega. C'est une mission de long terme et Sengoku et lui sont tombés d'accord sur le fait qu'il était indispensable de mettre son frère au courant, ne serait-ce que pour se fournir en suppresseurs, ces petites pastilles qui permettent d'altérer jusqu'à l'interrompre son cycle de reproduction. Le chef de la Donquixote Family n'a pas eu l'air enchanté de l'apprendre. Pour beaucoup, les Omega, et particulièrement les Omega mâles, sont synonymes de faiblesse, souvent à cause d'une carrure plus frêle que la norme masculine. Lui-même n'a jamais eu ce genre de problème : tant qu'il prend ses suppresseurs, les gens pensent qu'il est un Bêta, voire même à cause de sa taille impressionnante, un Alpha.
Roci se fiche éperdument des genres secondaires, son cœur n'a jamais suivi de règle et deux grands amours et une ribambelle de petites amourettes n'ont jamais eu pour guide cette imposition ridicule. Beaucoup y accorde pourtant une importance capitale, et avec amertume, il doit admettre qu'être un Omega est une plaie et ne lui facilite pas exactement la vie.
Mais si son frère croit qu'il est faible pour autant, il se trompe lourdement. Rocinante est fermement décidé à le lui démontrer.
.
Corazón bat encore les gamins. Une gifle à Baby 5, un coup de pied à Buffalo, puis de retour à la petite fille, à qui il décoche carrément un coup de poing.
Si c'est pour une raison précise ou simplement parce qu'il en ressent l'envie comme cela lui prend parfois, Doflamingo n'en sait rien et ne trouve de toutes manières rien à y redire ; il n'a rien à faire des petites tiques qui tentent de s'accrocher à la Family et il ne veut garder que les plus résistants. Son frère fait un écrémage, en quelque sorte.
En plus de ça, il abat largement sa part de besogne, s'acquittant de ses tâches aussi efficacement qu'impitoyablement. L'enfant qu'a été Donquixote Rocinante avait le cœur tendre, les émotions à fleur de peau : le sourire lui venait aussi facilement que les larmes. Ce n'est pas le cas de la version adulte, et Doflamingo a découvert avec plaisir que son frère n'a plus rien à voir avec le pleurnichard d'antan. Qu'il est enfin digne de lui. Tellement qu'après quelques mois, il a fini par lui donner le titre de Corazón, effaçant du même coup jusqu'aux souvenirs des doutes qu'il a eu sur ses capacités.
Il ignore bien des choses sur son passé, sur son mutisme, sur ses étranges tatouages qui lui donne un air trompeur de clown. Il ne l'interroge pas. Peu importe le passé. Seul compte le présent, et l'avenir.
La raclée est finie. Dans un coin, Baby 5 pleure, les joues rouges des gifles reçues, un bleu se formant déjà au coin de sa pommette gauche.
« Qu'est-ce que tu lui as fait ? » demande Doflamingo en s'approchant négligemment de la fillette et en lui tendant un mouchoir dont elle se saisit comme si c'était un cadeau.
« J'ai mis de l'eau dans son paquet de tabac. »
Il n'apprécie pas particulièrement la manie qu'a son frère de fumer. Toute dépendance est une faiblesse. Il passe sa main dans les cheveux de la gamine. « Bien joué, » déclare-t-il.
Le visage de l'enfant s'éclaire, les dernières larmes cédant le pas à un sourire rayonnant. « Hihi, merci Jeune Maître. » Elle fourre le mouchoir dans sa poche. Doflamingo sait qu'il peut lui dire adieu. Lorsque les plus petits mettent la main sur un objet qui lui appartient, ils le gardent avec la même ferveur qu'ils auraient s'ils avaient trouvé un trésor.
Il ne dit rien. Cette marque d'adoration naïve le flatte.
« La prochaine fois, tâche de ne pas te faire prendre. »
Elle hoche fermement la tête, et consolée, elle s'égaille au loin, à la recherche de Buffalo, à la recherche d'une autre mauvaise blague à faire. Doflamingo espère que cette petite tique-là s'accrochera plus vigoureusement que les autres.
.
Un bébé. Un foutu bébé. Quelqu'un a déposé au pied de l'escalier du repaire un gamin dans son couffin. C'était Machvise qui l'a trouvé au matin, en allant pisser.
« Depuis quand on fait orphelinat ? grogne Gladius, qui jette à l'enfant endormi des coups d'œil mauvais.
— C'est à cause des mômes, ça, fait Lao G qui, en silence, désapprouve la tolérance du Jeune Maître face à ces vermines et ose pour une fois le vocaliser, Doflamingo n'étant pas directement mis en cause.
— Reporte-le dehors, Machvise, continue Gladius. Tu n'aurais même pas dû le ramener en premier lieu.
— Oh le pauvre petit amour, » déclare Jora, sans pour autant marquer le moindre geste de pitié envers le bébé. Au contraire même, car au regard un peu incertain de Machvise, elle hoche la tête et désigne du menton la sortie, comme pour lui dire d'exécuter l'ordre de Gladius.
Diamante et Pica, tous deux déjà réveillés, n'ont pas manifesté la moindre émotion, restant étrangers à la conversation.
Roci va faire quelque chose, n'importe quoi. Reporter cet enfant endormi dehors, c'est le condamner à mort. Déjà, il gratte quelques lettres sur le carnet qui ne le quitte jamais.
Señor Pink est plus rapide que lui. Il empêche Machvise de prendre l'enfant.
« Il est blond, dit-il simplement.
— Et alors ? fait Diamante. Tu as un faible pour les blonds ? »
L'homme brun jette un coup d'œil appuyé à Roci.
« Quoi ? Tu crois que Corazón a eu un bébé sans nous en parler ? » Diamante a un rire méprisant, rempli de l'arrogance nauséabonde des Alpha. Pica ne tarde pas à le suivre, fier aussi de cette supériorité qu'il pense avoir sur lui. Toute la Family sait qu'il est un Omega, évidemment. Et si les membres n'osent pas se moquer de lui trop ouvertement, les trois autres exécutifs sont loin d'avoir la même retenue. Ils le haïssent, certainement parce qu'il a quelque chose en commun avec leur cher Doffy qu'eux n'auront jamais : un lien de sang.
« Corazón n'est pas le seul à être blond. »
La phrase est lourde de sous-entendus. Le rire de Diamante cesse aussitôt, et celui de Pica ne tarde pas à s'éteindre également, même si Roci doute qu'il ait vraiment compris ce qu'implique Señor Pink.
« Ça aurait du sens, continue-t-il, pragmatique. Ça expliquerait pourquoi il a été abandonné ici.
— Tais-toi » fait Diamante, qui se lève et de toute sa hauteur surplombe la table où est posé le couffin. Il le désigne du doigt.
« Dehors, » siffle-t-il.
Machvise va exécuter l'ordre et l'enfant, et personne n'osera aller contre l'ordre direct d'un supérieur.
Rocinante frappe du poing sur la table.
« Quoi ? » Et Diamante se redresse, se gonfle, immense, dominateur. Mais le blond a glissé sa note à Jora, qui la lit à haute voix : « 'Attendons le réveil de Doffy'.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu détestes les enfants. »
Rocinante, ayant placé le couffin près de lui, écrit : 'Pas si cet enfant est mon neveu.'
Et c'est le mot magique, le lien de sang invoqué contre lequel les exécutifs ne peuvent rien.
Diamante le fixe, mais n'ajoute pas un mot. Il sent sans doute autour de lui que les autres membres prendront partie pour le possible rejeton de leur chef.
Il ne faut pas attendre plus d'un quart d'heure pour que le maître de Spider Miles fasse son entrée et règle la question. Mis au courant de la trouvaille et de sa possible paternité, il a un rire presque jovial. « Certainement pas, » déclare-t-il avec dédain en se penchant sur le couffin.
À ce moment-là, l'enfant qui a été sagement endormi jusque-là ouvre des yeux d'écarlate, avant de retrousser les lèvres dans une mimique de fauve et de montrer une rangée de crocs plus qu'impressionnante. Et de sa gorge sort un feulement rauque, clairement en direction de Doffy. Il reconnait un ennemi. Il ne peut pas attaquer, mais déjà, il menace.
« Amusant. Gardons-le. S'il survit, il pourra toujours être utile à l'avenir. »
Pour une fois, Rocinante est heureux que la parole de son fantasque frère soit absolue.
.
« Des esclaves, Doffy… »
La voix de Trebol se nuance d'un amusement méchant. C'est Diamante qui a eu vent de ce tuyau 'une occasion en or' selon ses propres mots, et l'homme-mucus était clairement contre cette opération.
Devant eux, le navire saisi se balance doucement au gré des vagues. L'équipage est sur le pont, ligoté aux mâts.
« Qu'est-ce qu'on fait, alors ? » insiste Trebol.
— Ils avaient dit 'marchandises précieuses', grogne Diamante, et ce sont des marchandises précieuses. On a même pas été voir le lot.
— Des esclaves ! Nous n'avons nulle part où les stocker et encore moins de réseau pour les écouler. Tu oublies que cette vieille chienne de Tsuru a saisi nos entrepôts ou quoi ? »
Doflamingo fronce les sourcils. Le rappel de ce revers est déplaisant. Trebol est bien imprudent de brandir contre Diamante cette arme qui le blesse lui, le maître, avant tout autre. Sans doute le brun le sent-il, car il semble se ratatiner sur lui-même et c'est avec un air presque soumis qu'il continue : « Alors, Doffy, que penses-tu que l'on doive faire ? »
La décision est simple. Il n'a pas l'utilité d'un navire supplémentaire, et plutôt que de se contenter d'une rançon, il préfère donner une leçon à l'armateur impudent qui se risque à ce genre de transaction sans lui payer une commission.
« Faites-moi flamber tout ça. »
En condamnant à morts des dizaines de malheureux, Doflamingo n'a pas un frémissement. Après tout, ils sont né du mauvais côté. Ils n'ont qu'à s'en prendre au Destin. C'est le Destin qui a fait d'eux des esclaves, pas lui.
Une main se pose sur son épaule.
« Qu'est-ce que tu veux, Corazón ? » Sa voix est rien moins qu'aimable. Il n'apprécie pas les contacts physiques en dehors des combats. Même quand c'est son frère.
'J'ai des relations,' écrit son frère à toute vitesse sur le carnet qui lui sert à communiquer et qu'il a toujours sur lui. 'On pourrait en tirer un bon prix.'
« Et qui sont ces relations ? »
L'Omega secoue la tête.
« Tu n'as pas confiance ? »
'ILS n'auront pas confiance.'
Doflamingo hésite un instant. Son frère semble tenir à l'idée. Intéressant. Le profit n'entre qu'en seconde position, tout comme la leçon à cet insolent armateur, face à la possibilité de tester la fidélité de son frère.
« Je traite toujours en personne. Sinon, ça ne m'intéresse pas. »
Le visage peinturluré se ferme. C'est un non.
« Alors tant pis, » dit Doflamingo avec la sensation que son frère a échoué à une épreuve. Il n'apprécie pas d'ailleurs qu'il ait des contacts de ce genre en dehors de la Family.
Un gros quart d'heure plus tard, les possessions les plus intéressantes du navire esclavagiste ont été passées à bord, ne laissant que quelques tonneaux de poix et un baril de poudre afin de mieux faire flamber le tout. Le 'Flamboyance' s'est éloigné de quelques encablures, de peur d'une propagation de l'incendie.
C'est Gladius qui met le feu à la poudre. Une explosion, et un instant plus tard, le bateau brûle déjà, de grandes flammes jaunes léchant la coque et les voiles dans un embrassement mortel.
Au milieu du crépitement du brasier et de la fumée, les cris qui s'élèvent fendent l'air, aussi perçants que des cris de mouettes.
« Ce sang-là, c'est toi qui le fait couler, petit frère, glisse-t-il en se penchant sur l'intéressé.
— Qui le fait brûler, plutôt, bwehehehe » corrige Trebol qui a entendu et qui ne résiste pas à un bon mot.
Et c'est peut-être l'ombre des reflets pourpres de l'incendie, mais quand Corazón allume sa cigarette, Doflamingo croit remarquer que ses mains tremblent.
Décidément intéressant.
.
Rocinante n'a rien pu faire. Rien. Avec un peu de temps, il aurait pu faire intervenir la Marine, prétendre que l'opération avait capoté, que ses contacts n'étaient pas venu, quitte à subir une punition exemplaire, il n'en sait rien au fond, mais quelque chose, il aurait pu faire quelque chose. Et dire qu'il n'a pas prévenu la Marine de peur que cet autre coup de filet ne mette la puce à l'oreille de son frère.
Après tout, il ne devait s'agir que de quelques marchandises précieuses.
Il n'a simplement pas pensé au fait que dans les Blue, où l'esclavage pour dettes est en vigueur, cela pouvait impliquer d'autres êtres humains.
Il s'en veut, de sa stupidité et de sa négligence, mais il sait qui est le vrai coupable, et il est abasourdi par cette cruauté froide et délibérée.
Doffy a décidé de donner une leçon aux marchands d'esclaves de North Blue. Il tient les fils, et il les tient bien. Ceux qui désirent en passer par là devront le faire à ses conditions et payer une indemnité ou bien courir le risque de voir leurs navires et leurs marchandises couler à pic.
Et si cette leçon se solde par la vie de dizaines, de centaines d'innocents, il s'en fout puisque ce n'était pas lui qui paye la facture.
Roci en pleurerait de rage encore plus que d'horreur s'il ne se souvenait pas de tout ce qui est en jeu. Il est loin d'être assez en avant dans l'intimité de son frère pour connaître tous ses plans. L'absence de Vergo, en mission à long terme par exemple, reste pour lui un mystère. Et plusieurs fois, il a entendu le nom de Dressrosa, cet ancien royaume jadis gouverné par les Donquixote, mais il n'en sait pas plus.
Avoir hérité du titre nauséeux de Corazón ne fait pas tout, pas encore.
Il lui faut s'endurcir le cœur et l'âme, car il sait qu'il sera témoin d'autres horreurs sur le chemin qu'il a choisi. Et pourtant…
Aux yeux du Gouvernement Mondial, qui autorise l'esclavage sous certaines conditions, ce que vient de commettre Doffy n'est pas un bien grand méfait : il a brûlé un vaisseau et quelques marchandises. Pas même de quoi augmenter sa prime
Aux yeux de Roci, qui a assisté à la tragédie, ce que vient de commettre Doffy est la chose la plus impardonnable qu'il n'ait jamais faite, et il compte dans le lot l'assassinat et la décapitation de leur père.
Le soir, lorsqu'il rentre dans sa chambre, Rocinante hurle, encore et encore, avec au fond de lui l'obscur désir d'être entendu par le monde entier.
.
Son frère est sombre, les jours qui suivent ce que Doflamingo appelle en lui-même le feu de joie et cela l'intrigue. Il a déjà vu son frère tuer, et celui-ci n'a jamais marqué la moindre émotion. Alors, qu'y-a-t-il de différents avec cette vermine qu'il a envoyé par le fond avec un joli bûcher funéraire ? Des esclaves, ce n'était que des esclaves. C'est peut-être là le nœud du problème.
« Corazón, lui demande-t-il, as-tu été esclave ? »
Son cadet fait tomber la tasse de café brûlant qu'il tenait à la main, et se contorsionne en imprécations muettes tandis que le liquide se répand sur son pantalon.
Si on ne parlait pas de son frère, la réaction pourrait sembler disproportionnée mais Corazón est un maître de maladresse.
« Alors ? »
Il n'a pas le temps pour ces singeries. Il obtient finalement sa réponse : des véhémentes dénégations semblent indiquer clairement que non, son frère n'a pas été esclave. Ou que si c'est le cas, il ne souhaite pas le dire.
De toutes manières, Doflamingo songe que c'était un coup dans l'eau, à l'aveugle. Rien ne justifie cette présomption, d'autant plus qu'il a aperçu plusieurs fois son frère presque nu et en dehors d'une impressionnante collection de cicatrices, il n'y a jamais vu la trace d'un tatouage d'esclave. Les Dragons Célestes ne sont pas les seuls à aimer marquer la chair.
Alors, il décide de poser la question, sincèrement curieux : « Tu sais que je fais dans le commerce d'esclave ? »
Un hochement de tête.
« Alors pourquoi as-tu réagi ainsi face au navire que l'on a coulé ? »
Corazón semble un instant déstabilisé, puis tire son petit carnet. Il inscrit quelques mots et arrache la feuille qu'il tend à son frère.
'Parce que je suis humain'
Doflamingo se met à rire. « Je vois que tu n'as pas perdu ton sens de l'humour. »
.
Ça a commencé par une vague chaleur, quelque chose qui ressemblait à une fièvre passagère, peut-être un début de grippe. Roci en a profité pour s'éclipser de la réunion que tient Doffy avec les trois guignols et qui aujourd'hui, tient plus d'un festival de rond-de-jambes pour la dernière opération réussie que d'un conseil sérieux en vue d'une nouvelle offensive.
Peut-être aurait-il dû rester pour glaner quelques informations supplémentaires, mais depuis l'affaire du navire esclavagiste, la simple présence physique de son frère est pénible.
Il savait depuis longtemps que Doffy était un monstre. Il faut croire pourtant qu'il avait oublié jusqu'à quel point. Il faut croire que malgré lui, il s'était laissé attendrir par leur récente cohabitation, par mille et un détails comme la préoccupation qu'il a pour les membres de la Family, la distante affection qu'il manifeste envers les plus petits, allant parfois jusqu'à partager leurs jeux.
Le navire a été un terrible et nécessaire rappel. Il n'a pas affaire à un pirate ordinaire mais à un véritable monstre.
Ses tempes bourdonnent, rien qu'au souvenir de l'horreur, et il s'assoit sur son lit. Les cris, l'odeur de la fumée et de la résine, le bruit des mats, entraîné par l'incendie qui s'affaissaient, brisant la coque, le goût de la cendre sur ses lèvres, et au creux de son oreille, le souffle de son frère : Ce sang-là, c'est toi qui le fait couler, petit frère.
Un autre frisson, d'horreur encore, et la chaleur qui semble irradier dans ses veines, contre le froid de glace qui s'insinue en lui chaque fois qu'il se rappelle de l'événement.
Décidément, de la fièvre.
Sans doute devrait-il se relever et aller prendre quelque chose pour contrer les premiers symptômes de ce qui s'annonce comme une bonne et solide grippe, mais il n'arrive pas à en trouver la force. Ses jambes sont molles comme du coton.
Alors il se réfugie dans ce lit qui n'est pas vraiment le sien, rien ne lui appartient ici, ni son visage, ni même son nom qu'il déteste et auquel il a pourtant appris à répondre, et il se recroqueville sur lui-même.
Il s'endort.
Quand il se réveille, son corps est en feu et il comprend que ce n'est pas une grippe.
Il n'a jamais eu de chaleur. Par chance, il n'avait pas encore atteint la puberté quand une prise de sang a révélé son genre secondaire et depuis il s'est accoutumé à prendre chaque matin une petite pilule qui altère son cycle hormonal au point d'en annuler la plupart des symptômes.
Que s'est-il passé ? Distrait sur bien des points, Roci est presque maniaque quand il s'agit de ses suppresseurs. Il a entendu trop d'histoires, vu trop de victimes. Il est certain de les avoir pris ce matin.
D'une main tremblante, il fouille dans le tiroir de sa table de nuit et met aussitôt la main sur la plaquette de médicaments. Peut-être que s'il en prend un maintenant, il peut encore endiguer les dégâts. Avec quatre Alpha dans la maison, ce serait une catastrophe.
Il perce l'emballage, et s'empare de la pilule avec avidité et anxiété. Il l'avale sans eau, malgré sa gorge sèche et gonflée. Voilà, maintenant, il n'a plus qu'à attendre que le suppresseur fasse effet.
Il se recouche, guettant dans son corps la disparition des symptômes. Les minutes passent, interminables, et il ne sent rien. Ou plutôt, si, il ne sent que trop. Contre sa peau, le simple frôlement de ses vêtements l'électrise, et il sent son sexe se durcir péniblement alors même qu'une humidité dont il n'imagine que trop la source se fait sentir entre ses jambes, au niveau de l'entrée de la matrice.
Tous les détails qu'il a lus dans le livre que lui a donné Sengoku à l'époque lui reviennent en tête avec une clarté dérangeante. Les Omega mâles sont pourvues d'une matrice, dont l'entrée, au niveau du périnée, ne s'ouvre réellement que durant les chaleurs. Dilatation. Lubrification. Il lui semble voir le petit schéma en couleur, et il ne peut pas croire que c'est précisément ce qui est en train de lui arriver.
Le pire est qu'il sait qu'il va perdre le contrôle. Qu'il va désirer un acte sexuel dont la seule idée lui répugne présentement. Que faire ? S'enfuir ? Il sait déjà que physiquement parlant, il n'en aura pas la force. La seule chose qu'il peut faire, c'est se barricader et espérer que Doffy saura retenir ses trois exécutifs. À moins qu'il ne trouve cela amusant, difficile de prédire les faits et gestes de son frère.
Il se lève, ou plutôt se traine jusqu'à la porte qu'il ferme au verrou. Péniblement, il pousse quelques caisses devant la porte, barrage dérisoire mais qui le réconforte un bref instant. Puis il retourne se coucher, pris de faiblesse.
Sa main descend presque d'elle-même jusqu'à son entrejambe et à travers le tissu de son pantalon, il presse son sexe, comme s'il pouvait le forcer à se calmer. Un petit gémissement s'échappe de ses lèvres, c'est si bon, mais il n'a pas encore tout à fait perdu la tête, et il active immédiatement son Fruit.
Des larmes commencent à perler à ses paupières, alors que monte en lui le désir, le besoin même, d'un Alpha.
.
L'odeur.
Elle est là depuis un moment. Un plaisant et indéfinissable parfum qui lui a vaguement serré l'estomac, comme peut le faire le fumet d'un ragoût à quelqu'un qui a faim. Et puis soudain, Doflamingo est frappé par la certitude, presque douloureuse tellement c'est intense, que c'est un Omega.
Le blond sait qu'il est un Alpha, et il n'en tire aucune fierté, bien au contraire. Le besoin répugnant que fait monter en lui l'odeur des chaleurs d'un Omega l'irrite au plus au point, et il a toujours pris sur lui-même de ne jamais marquer le moindre intérêt pour l'un d'entre eux. Ça n'a pas été si dur d'ailleurs, il est toujours resté plutôt indifférent quand d'autres perdaient la tête, à tel point qu'il a songé qu'il est peut-être un faux-Alpha, un simple Bêta. Cela arrive, parfois.
Mais cette odeur, il en oublierait comment respirer s'il ne craignait pas d'en perdre une miette, un effluve. Ça ne lui est jamais arrivé auparavant qu'un Omega lui fasse cet effet-là.
Oh, il le comprend maintenant, il est bien un Alpha, il n'a juste jamais trouvé un Omega digne de lui.
Dans sa précipitation pour sortir du bureau et trouver la source de cette odeur délicieuse, il manque pratiquement de tuer ses exécutifs, tous les trois Alphas, qui eux aussi se dirigeaient vers la porte, attirés comme lui par ce parfum exquis.
Il court, mu par un désir plus fort que sa volonté, et ça vient de l'étage, de la chambre de Rocinante, du lit de Rocinante, de Rocinante lui-même.
Il ne se pose pas de questions, pas une seule seconde. Pas plus celle du consentement, que celle de leur parenté. Il fond sur lui, arrache les draps, les vêtements, le nez enfoui dans son cou, en quête de cette délicieuse odeur.
Et Roci qui sanglote et gémit, des petits halètements de chiot qui lui rappelle cette nuit terrible, lors de la crucifixion, où il n'a été que faiblesse et impuissance face à la meute haineuse et enragée.
Mais à présent, il est fort, il est redoutable, et c'est pour lui que son cadet pleure. Il boit ses larmes, même s'il aime le voir ainsi, pour lui, juste pour lui. Des mots se mêlent à cette frénésie de baisers voraces, ça parle de désir, de possession, de protection.
Et il semble presque que Roci réponde, sa bouche s'ouvrant et articulant des paroles muettes que Doflamingo mange sur ses lèvres.
.
La modeste barricade n'a pas tenu. Face à la puissance animale de son frère, elle a cédé d'un seul coup de pied.
Son frère.
Un Alpha.
Lorsqu'il a senti en lui monter le désir impérieux, Rocinante a passé en revue avec dégoût les risques qu'incluaient la présence de Trebol, Pica et Diamante. Jamais l'idée de son frère ne lui a traversé l'esprit.
Et pourtant, alors qu'il est sur lui, alors qu'il déchire ses vêtements, que ses mains d'araignée courent sur sa peau et apaisent un instant les brûlures du désir avant de les faire renaître, plus intenses encore, il se rend compte que ça ne pouvait être que lui.
Il pleure, de soulagement et de bonheur, et son frère cueille ses sanglots du bout de la langue.
Rocinante passe ses bras autour de son cou, l'attirant plus près de lui, et les baisers qu'ils échangent sont fiévreux, voraces, brutaux.
« À moi, » grogne son frère, et ses lunettes sont tombées et pour la première fois Roci croise son regard, ses prunelles si semblables à celles de Père, où il peut lire un désir aussi ardent que le sien.
« À toi, » répond-il sans pouvoir le dire, et c'est si douloureux qu'il est sur le point d'annuler sa bulle de silence. Mais Doffy n'a pas besoin d'entendre pour comprendre, pour sentir, pour agir.
Jamais Rocinante n'a eu une telle impression de justesse, jamais il ne s'est senti aussi à sa place que dans ce lit en compagnie de son frère.
Ici, seul le présent compte. Le passé, lourd et souillé et si douloureux n'a pas sa place entre eux, pas plus que le futur, sombre et menaçant.
La voix de Doffy au creux de son oreille lui promet le monde entre deux baisers, entre deux morsures. Et Rocinante a envie de rire parce que le monde, dans ses bras, il l'a déjà.
.
Le corps de Rocinante est couturé de cicatrices qu'il mordille sans douceur, quitte à les rouvrir, quitte à le marquer à nouveau. Parce que décidément et absolument, il est sien, il doit l'être, et Doflamingo ne supporte soudain pas l'idée que d'autres aient eu le privilège d'écrire sur une peau qui lui appartient.
Il a entendu parler des Omega en chaleur, de leur docilité parfois passive dans l'action. Roci n'a rien à voir. Roci déborde d'enthousiasme, et il ne s'offre pas avec abandon mais au contraire avec passion.
Chaque morsure lui est rendue, et s'il a arraché ses vêtements, son cadet ne semble pas en reste d'agilité, lui pourtant si maladroit, quand il s'agit de le déshabiller.
Les doigts de l'ainé errent, toujours plus bas, et il n'a pas une hésitation avant de prendre son sexe dans sa main.
Doflamingo n'a jamais été particulièrement intéressé par le sexe, qu'il a toujours associé à une perte de contrôle, et encore moins avec des hommes. Il le regrette presque, parce qu'il déteste ne pas savoir, et son inexpérience en ce domaine lui semble presque handicapante.
Et Rocinante, lui…
Rocinante semble nettement plus expérimenté dans ce domaine. L'idée le met en rage.
« Roci, grogne-t-il, ne se rendant pas compte que c'est la première fois depuis des mois qu'il prononce son prénom, tu es à moi désormais. J'interdis qu'on te touche, tu entends ? JE L'INTERDIS. »
Roci se tend, le ton de commandement a son effet, et aussitôt Doflamingo se reproche cet accès de colère. Ce n'est pas grave. Le passé n'a pas d'importance, il n'en a jamais eu.
Il rassure son cadet d'un baiser presque tendre, et reprend son exploration. Il ne lui faut pas longtemps pour trouver entre les jambes de son petit frère l'entrée de sa matrice. C'est délicieusement chaud et humide, prêt à l'accueillir.
Finalement, ça ressemble à une fille.
Il est à bout. Sans autre forme de préambule, il s'enfonce dans son frère.
.
À quel moment exactement le rut de Doffy s'est déclenché, voilà quelque chose que Roci ne pourrait pas dire. Était-ce dès la première fois ? Peut-être.
En tout cas, il s'est déclenché, et l'appétit sexuel de son frère s'est trouvé décuplé. Après deux jours d'un marathon de sexe comme il n'en a eu de sa vie, l'Omega est à bout de forces. Il a mal à des endroits dont il ignorait jusqu'à l'existence et il songe qu'il doit encore s'estimer heureux que dans sa frénésie de possession, son frère ait parfois eu recours au sexe anal.
Près de lui, Doffy ronfle doucement, et malgré ses traits définitivement adulte, il ne peut s'empêcher de revoir l'enfant qu'il a été. Quelqu'un, du diable s'il sait qui, a posé à l'entrée de la chambre des provisions et des bouteilles d'eau et de vin. La porte est toujours défoncée et Roci se rend compte que leurs ébats ont dû être à peu près publics.
L'idée l'horrifie, il y a des gamins dans cette maison tout de même mais il ne peut pas regretter pour autant ce qu'il s'est passé. Les moments qu'il a vécu, la joie pure et sans mélange, non vraiment, il a peut-être des remords, mais pas de regrets.
De toutes manières, il est déjà trop tard. Ses doigts errent sur sa nuque, appuient un instant à la base, là où son frère l'a mordu jusqu'au sang, le marquant de ce fait comme sien.
Il est illégal de marquer un Omega libre sans un contrat.
Doffy ne lui a même pas demandé son avis. Il l'a marqué sans son accord, sans peut-être même se douter des conséquences que cela aura. Il est de notoriété publique qu'un Omega change pour son Alpha, que son odeur se modifie pour s'adapter à celle du seul Alpha qui désormais peut le féconder. Mais l'Alpha change aussi. L'Omega devient une priorité absolue dans sa vie.
Ils sont liés par quelque chose de plus que le sang, désormais.
Rationnellement, Rocinante sait que tout cela est une énorme erreur.
Le tabou de l'inceste ne le touche que légèrement. Il n'avait que six ans quand il a quitté Marijoie, mais il avait déjà été confronté à la philosophie des Dragons Célestes, une bande de dégénérés qui ne pensent qu'à préserver la pureté de leur lignée. Autant dire que l'inceste y était monnaie courante et que tout enfant, il a entendu plus d'une fois le terme de 'frère-époux' et de 'sœur-épouse'.
Non, le problème vient de l'identité même de Doffy.
Donquixote Doflamingo, un pirate, un monstre brûleur de navires, qu'il s'est juré d'arrêter.
Rationnellement, c'est une folie.
Mais si son frère le choisissait, cette fois ? Après tout, après tout, il l'a marqué. Au fond de son cœur, quelque chose chante.
.
Ce fut un développement inattendu, précisément le genre de développement que Doflamingo n'apprécie guère. L'inattendu ne lui va pas.
Cette perte de contrôle était tout à fait hors de propos, et de caractère. Mais il pourrait s'en remettre tout à fait s'il n'y avait pas pour conséquence l'étrange effet que la présence de Roci a sur lui. Roci (car il est redevenu Roci à présent pour lui, il sera Corazón pour le reste du monde, mais pour lui et juste pour lui, il sera Rocinante) l'obsède.
Il est infiniment conscient de sa présence, de chacun de ses actes et de ses gestes. Il se surprend à le suivre des yeux quand ils sont dans la même pièce au point d'ignorer la conversation en cours, ce qui est tout sauf admissible.
Et Rocinante le sait, peut-être même en joue-t-il, car son dos semble presque s'arrondir sous la caresse de ses yeux, comme s'il n'était qu'un gros chat.
On ne joue pas impunément avec Donquixote Doflamingo.
Rocinante le fait bien au creux d'un lit qui est devenu le leur, et son frère ainé se demande comment il a pu passer tant de temps sans voir le véritable trésor qu'il avait sous la main. Quand le corps de Rocinante se cambre et que paré de sueur et de silence, avec la peinture fantaisiste de ses cicatrices et l'auréole somptueuse de ses cheveux d'or sale, il peut bien jouer, et même gagner. Mais pas ailleurs, pas ailleurs, Doflamingo ne le tolérera pas.
.
La plaquette de ce qu'il croyait être des suppresseurs n'était finalement, ô ironie, qu'un médicament contre le rhume. Ce sont les mêmes cachets blancs mais lorsque l'on retourne l'emballage, au lieu du 'Suppressin' habituel, le mot 'Rhumorex' s'étale dans une petite police bleue rigoureusement identique. Le même laboratoire sans doute, mais pas le même médicament.
Il ne faut pas longtemps à Rocinante pour raccorder les points et deviner qui est derrière cette histoire. L'avant-veille, il a surpris Baby 5 devant la porte de sa chambre avec un air malicieux sur son visage. Il n'a rien trouvé sur le moment. Il n'a pas pensé à regarder ses pastilles ; une bonne farce pour l'enfant, qui ne se rendait pas compte assurément du chaos qu'elle risquait de semer.
Il devrait la punir, mais il n'a pas le cœur de le faire. Et puis à vrai dire, il craint la réaction de son frère. Il cherche à éloigner ces enfants de Doffy, pas à les tuer. Non, que tout cela passe pour une simple erreur. Les suppresseurs étaient périmés, c'est ce qu'il a expliqué à Doffy. Cela arrive parfois, sur le marché noir.
« Mais tu ne regrettes rien, n'est-ce pas petit frère ? » a-t-il demandé en tirant une de ses mèches pour lui faire approcher la tête. Roci n'a même pas eu besoin de réfléchir à la réponse qui s'est perdue dans le baiser qu'ils ont échangé.
Au lit, et en dehors de leurs séances de sexe qui ressemblent parfois à des séances de catch, Doflamingo est incroyablement câlin et tactile. Cela le ferait rire, tant son frère semble en général abhorrer les contacts physiques, mais la vérité c'est que son cœur fond de tendresse pour des gestes d'affection qui lui ont toujours manqué sans qu'il ne l'ait jamais su.
Il se sent à sa place dans ses bras, et cela pourtant ne change rien à la certitude qu'il doit l'arrêter.
« Dressrosa, Roci… C'est notre trône, notre royaume, notre droit ! »
De tous les hommes de la Terre, Doflamingo est bien le dernier, songe l'Omega, à qui il aurait cru pouvoir tirer des confidences sur l'oreiller. Et pourtant… Fil par fil, il arrache des morceaux de vérité pour retisser la tapisserie. Ce qu'il en voit déjà est effrayant.
Doflamingo ne parle rien de moins que de reconquérir Dressrosa, d'en faire la plaque tournante du marché noir du Nouveau Monde.
Roci montre sa paume, les doigts écartés.
« Hein… ? Cinq ? Les Cinq Étoiles tu veux dire ? Qu'est-ce que tu crois ? Que je sous-estime le Gouvernement Mondial ? »
Un hochement de tête. Clairement.
« Je vais te dire un secret, petit frère. Ne va pas le répéter. » Il rit, un petit rire franchement amusé qui perce le cœur de Roci comme autant de poignards. « Ce sont eux qui me sous-estiment. » Sa main au creux de sa hanche le presse plus fort, presque trop : « Je mettrais le monde à nos pieds.
— Et moi, répond silencieusement Roci, moi, je t'en empêcherai. »
.
Si, si, il va y avoir un happy end...
