Salutation tout le monde!

Voici encore une nouvelle fiction que je vous offre. A la base, ceci était sensé être un one-shot, mais tout comme Love&Hate, je me suis laissée emporter et l'histoire est devenue plus longue que prévu. Donc, je vais vous la poster en trois parties. Commençons gentiment par la première que voici :)

Bonne lecture!

(Et un grand merci à Vingar qui se donne la peine de corriger mes écrits, sans quoi, vous n'auriez pas encore eu accès à cette fiction aussi vite!)


Black Baccara

Partie 1

Une nouvelle bataille allait bientôt faire rage. Impossible d'estimer durant combien de temps l'affrontement durera. Cela paraissait être une éternité depuis que cette guerre avait débuté. Sans relâche et sans aucun répit, les assauts reprenaient encore et toujours. Un cycle effréné et sans fin qui engouffraient les combattants. Des vies allaient s'éteindre et rejoindre notre grand Seigneur qui les accueillera à bras ouverts, dans la chaleur de son amour. La peur et l'hésitation n'existaient pas, il n'y avait que la dévotion et le devoir.
Par le passé, cette guerre n'avait jamais eu une aussi grande envergure. Elle existait depuis la nuit des temps et pourtant, la bataille n'avait jamais semblé si difficile. Tout avait commencé à s'envenimer lorsque Satan – l'opposition de Dieu, notre grand et divin Seigneur – avait réussi à envoûter Lucifer. Jeune favori du Divin, il se retourna contre ce Père qui pourtant l'aimait. À lui seul, il parvint à monter une rébellion en emportant d'autres anges déchus avec lui.
Les rebelles se détournèrent donc de Dieu pour Satan. Ces deux entités divines étaient plus que les simples symboles du bien et du mal. Ils étaient une foi, une religion. Physiquement inexistant, leur présence restait omniprésente dans le coeur de tous.

Lentement, je posai ma main sur ma poitrine. Je pouvais le sentir... Son amour et sa bénédiction... Il était avec moi et avec mes congénères. Le Seigneur nous guidait de sa simple volonté et nous n'étions que ses instruments divins de sa justice.

Après que Lucifer et ses traîtres de camarades aient rejoint l'enfer, la guerre prit une tournure totalement différente. Les démons qui avaient toujours été en difficulté face aux anges, semblaient plus puissants que jamais. La situation alla à la défaveur de la lumière. Dirigée par Lucifer, l'armée de Satan ne s'était jamais montrée aussi meurtrière. Qualifié d'être bien trop dangereux, le grand Conseil décida de capturer et d'enfermer l'ancien favori du Seigneur.
Alors que Lucifer se trouvait dans la prison céleste, tous pensaient que la guerre du bien et du mal allait reprendre une tournure habituelle. Mais ce ne fut pas le cas. Belzébuth monta au pouvoir après le chef détrôné et avait comme seul but de récupérer celui qu'il considérait comme leur messie. La rage et la ferveur des démons ne firent que grandir. Chaque jour qui passait où Lucifer attendait dans sa cellule, attisait encore plus la haine des suppôts de Satan.

Ouvrant lentement mes yeux, je me redressai dans toute ma hauteur. Le sol commençait déjà à trembler d'excitation, impatient de s'abreuver du sang des combattants. L'air se saturait lentement d'une odeur pestilentielle des créatures des ténèbres. Ils n'étaient plus très loin désormais. Instinctivement, ma main droite se resserra sur la garde mon épée, prête à la dégainer à n'importe quel moment. La lame avait été forgée dans une lumière des plus purs. Si je n'arrivais pas à asséner un coup fatal à ma victime – ce qui était rare – la pureté de mon arme engendrera une blessure encore plus brûlante que la lave elle-même sur la chair d'un être obscur.

- Lightning... souffla l'unique personne à mes côtés.
- Je le sais, Serah, répondis-je en scrutant l'horizon.

Le paysage était aride et désert. Nous nous trouvions dans l'un des hyperespaces qui séparaient le paradis et l'enfer. Il en existait un nombre illimité de ce genre d'univers. Seuls les plus grands où les plus proches des quartiers généraux étaient recensés. Plus on se rapprochait du monde de Satan, plus les hyperespaces étaient chauds et dévastés.

- Combien sont-ils ? repris-je sans me tourner vers mon interlocutrice.

Prenant une grande inspiration, Serah referma ses paupières. Sa concentration fonctionnait souvent mieux ainsi. J'évitai de parler ou de faire le moindre bruit afin de ne pas la déranger. Je n'osai plus pas faire le moindre geste afin d'éviter que le métal de mon armure ne s'entre-choque.

- Au moins un millier, déclara ma partenaire qui se tourna vers moi, mais je ne ressens ni la présence de démons supérieurs, ni de princes des ténèbres.
- On ne nous envoie que de simples larbins, crachai-je d'un ton acerbe. Finissons-en vite alors.

Ils allaient voir ce que cela faisait de sous-estimer les soeurs Farron. Serah était ma cadette. Elle possédait les caractéristiques typiques de notre clan – tout comme moi, d'ailleurs. Des cheveux blonds très proches du blanc avec d'étranges reflets rosâtres et les yeux bleus comme la glace. Sur n'importe quel champ de bataille, l'ennemi pouvait connaître notre appartenance du premier coup d'oeil. Les Farron étaient réputés pour être des anges sans peur et sans pitié, des champions.
Contrairement à moi, Serah ne portait pas une armure de chevalier. Elle préférait amplement une tenue plus légère qui lui permettait de se mouvoir agilement. Mon équipement n'était pas lourd non plus, tout comme ma cadette, j'optais pour la légèreté. Mon talent de prédilection était ma rapidité après, je rajouterai mon habilité au maniement de l'épée. Ma soeur jouait dans une tout autre catégorie : la précision. Avec son arc divin, ses flèches touchaient toujours ses cibles avec un grand taux de réussite.

- Les voilà, déclarai-je en voyant une immonde créature pointer son nez hors d'un rocher. Ne te mets pas inutilement à découvert.
- Et toi, ne dépend pas trop de mes tirs de couverture, ricana Serah qui banda déjà sa première flèche sur son arc.

Je lui rendis un léger sourire avant de me laisser tomber du haut de la montagne. Le vent souffla fortement dans mon dos, faisant virevolter mes mèches de cheveux. Je profitai de ce bref instant pour faire le vide dans mon esprit. Les grognements et les couinements des démons se rapprochaient petit à petit. L'agitation commençait déjà à les prendre tandis que je les rejoignais dangereusement vite.

Les bras légèrement écartés comme si mes ailes étaient déployées, je me laissai emporter par la gravité. Mais juste avant l'impact, je me redressai subitement. Lorsque mes pieds touchèrent le sol, mes genoux se fléchirent légèrement et déjà, ma lame avait tranché deux têtes. Sans m'arrêter dans mon élan, je tournoyai sur moi-même et décapitai encore d'autres candidats.
Des hurlements de surprise et de rage retentirent dans mes oreilles. Hé oui, il faut rester sur ses gardes, démons ! Des projectiles arrivèrent furtivement dans ma direction. Rapidement, j'usai de mon bouclier qui était accroché contre mon avant-bras. Une affreuse créature en profita pour bondir dans mon dos, mais je ne m'en inquiétais pas. Comme prévu, la flèche de Serah transperça la tête de l'assaillant.
Un sifflement m'avertit du prochain mouvement de ma cadette. Des missiles étaient en train de cribler l'air. Sans plus attendre, je bondis en arrière avant d'effectuer un saut périlleux afin de passer au-dessus de certains démons. Au passage, j'exécutai quelques-uns d'entre eux. Puis, en même pas un fragment de seconde, une pluie de flèches s'abattit sur mes adversaires. Profitant de cet instant de déroute, j'achevai les inattentifs.

Rengainant mon arme après avoir terrassée la dernière victime, je lâchai un soupir. Une armée de larbins démons ne pouvaient rien contre les deux soeurs Farron. Les princes auraient dû le savoir. Alors pourquoi avoir tout de même envoyé cette futile armée à leur rencontre ?
Serah descendit de son perchoir, de la même manière que moi. Elle atterrit juste devant moi, le sourire aux lèvres. Son arc était déjà rangé dans son dos avec les flèches. Lorsque soudain, ma petite soeur empoigna mon épée sans crier gare. Puis, elle pivota à 180° et planta finalement ma lame dans la tête d'un monstre qui s'était dissimulé sous la dépouille de ses congénères.
Retirant la pointe du crâne, Serah fit tournoyer l'épée de manière à me tendre le pommeau. Je récupérai ce qui m'appartenait en déclarant :

- Tu pourrais au moins demander ma permission avant de la prendre.
- Tu ne veux jamais me la prêter, bouda ma soeur en pointant son index dans ma direction. Du coup, je saisis la moindre occasion pour l'utiliser.
- Ton arc peut prendre la forme d'une épée, tu le sais ?
- Tout comme ton épée peut prendre la forme d'un pistolet. Ah la la, Lightning, tu ne vas pas chipoter pour si peu. Je ne l'ai pas cassée ta précieuse Blaze Edge.

Pinçant affectueusement le bras de ma cadette, cette dernière grimaça de douleur et me tira la langue. On aurait dit une petite gamine. D'ailleurs, c'était là l'erreur que faisaient tous ses adversaires lorsqu'ils la voyaient pour la première fois. Qui aurait cru que derrière ce visage d'ange se cachait une redoutable combattante ?
La bataille terminée, ma cadette et moi venions d'accomplir la mission qui nous avait été assignée. Sans plus attendre, nous décidâmes de rentrer afin d'annoncer la nouvelle et pourquoi pas, prendre un peu de repos.
Alors que nous marchions tranquillement, je sentis des regards perçants dans mon dos. Irrémédiablement, je me retournai. Personne... Et pourtant, j'étais certaine que quelqu'un nous observait. Serah me lança un air interrogateur. Je secouai la tête pour lui dire que cela n'était qu'une fausse alerte.
Rassurée, elle ouvrit un portail juste devant nous. Ce dernier se referma immédiatement après notre passage.

Le paradis était un lieu paisible et tranquille. Malgré certaines rumeurs stupides, la citadelle n'était pas faite sur des nuages. Le sol était en fleurs et en bloc de marbre par endroits. Plusieurs cours d'eau traversaient la cité par-ci et par-là. Le ciel était toujours dégagé et clair, même si nous n'avions pas de soleil. La nature dominait littéralement les lieux malgré les habitations en pierre ou en bois.
Serah et moi arrivâmes au téléport. C'était à cet endroit que tous les portails pour le Paradis déposaient leurs passagers. Ainsi, il était impossible d'esquiver la douane qui surveillait avec beaucoup de minuties chaque arrivant.

- Ah ! Snow ! déclara joyeusement Serah avant de courir vers la personne qu'elle appelait.

Je vis donc ma soeur sauter dans les bras d'un grand blond. Snow était un ange bâti que de muscles. Lui et ma cadette étaient tombés fou amoureux l'un de l'autre. Mais heureusement, un être céleste n'avait pas le droit de coucher avant le mariage. Même si cela n'empêchait pas parfois ce grand dadet d'avoir les mains baladeuses quelques fois. De toute manière, la loi m'interdisait de le tuer. Ce qui était dommage d'ailleurs !

- Salut, Lightning, déclara Snow lorsqu'il me vit m'approcher avant de se tourner vers Serah. Alors, mon Archange préféré, tu ne t'es pas trop ennuyée durant ta mission ?
- Contrairement à vous, les Trônes, nous n'avons pas le temps de nous ennuyer sur un champ de bataille, intervins-je sévèrement en croisant mes bras. C'est bien plus tranquille de surveiller simplement le Paradis.

Snow se contenta bêtement de faire une grimace. Ce n'était pas rare que les Trônes et les Archanges entrent en conflit. Les premiers étaient la police du Paradis, leurs tâches se résumaient tout bonnement à la protection de la citadelle. Tandis que les Archanges étaient des combattants affrontant directement les démons dans les hyperespaces. Ce rang-là était plus élevé que celui d'un simple Ange qui n'était qu'un soldat comme un autre. Un Archange était comme un commandant car il était déjà arrivé que Serah et moi ayons un bataillon sous notre ordre. Ou encore, on nous appelait les champions, car nous pouvions aller seules sur un champ de bataille.
Pourtant, il ne fallait pas croire que les Trônes étaient les plus faibles. Simplement, au lieu de choisir le rang d'Archange, ils choisissaient d'offrir leurs talents et leurs forces à la protection de la citadelle, à la maison de Dieu.

- Je vais aller faire le rapport, annonçai-je. Tu peux rester ici, si tu veux, Serah.
- Merci, répondit-elle ravie. On se voit plus tard alors.
- À plus tard.

Je laissai donc les tourtereaux entre eux. Sans plus attendre, je me dirigeai vers le quartier administratif.

Cet endroit était peut-être la partie la plus importante de la ville. C'était ici que les informations et toutes les données y étaient stockées. Chaque bâtiment avait une fonction bien précise. Il y avait une administration pour chaque rang et fonction d'un ange. Sans parler de la bibliothèque où toute l'histoire de l'univers s'y reposait ainsi qu'un bestiaire de tous les démons existants ou ayant existés.
Et en plein centre du Paradis, entourée par le quartier administratif, une immense tour semblait se dresser jusqu'à l'infini. On l'appelait la Lance Divine. Dedans se trouvait le grand Conseil et selon certaines rumeurs, Dieu aussi. Cette construction n'était accessible qu'aux Séraphins – des êtres suprêmes qui brûlaient dans les plus hauts degrés de l'amour du Seigneur. C'était aussi les anges les plus puissants et les plus sages de tout le Paradis. D'ailleurs, le Conseil était constitué de sept Séraphins. Car ils avaient le don d'entendre la voix de Dieu.
Après avoir brièvement admiré la Lance Divine, j'entrai dans le bâtiment dédié aux Archanges. Passant d'immenses colonnes de marbre, j'arrivai finalement devant un petit guichet. Une femme y était gentiment installée et dès que j'arrivai devant elle, elle me regarda deux secondes avant de tourner sa tête dans sa paperasse.

- Claire Farron, marmonna-t-elle en ouvrant un agenda. Comment s'est passée votre mission ?
- Chaque ennemi a été proprement décimé, affirmai-je pendant que je regardai la secrétaire inscrire des mots dans son livre.
- Parfait, Yaag Rosh vous attend dans son bureau.
- Merci.

La secrétaire ne me répondit pas. Je m'y attendais de toute manière. De toutes les catégories, les Chérubins gagnaient le palmarès de la bizarrerie. Ils avaient souvent tendance à être dans leur propre monde, à l'écart des autres. Ces anges-là n'étaient pas faits pour le combat, ils en étaient physiquement incapables. Certains n'arrivaient même pas à brandir une simple dague. Contrairement aux autres, tout leur génie résidait dans leur cerveau. C'était des êtres dotés d'une grande intelligence et d'une mémoire impressionnante. Les Chérubins travaillaient pour la plupart du temps dans l'administration ou dans la recherche. Mais il arrivait parfois que certains d'entre eux choisissent le champ de bataille en tant que stratège.
Tranquillement, je pris l'ascenseur et montai au septième étage. Une fois arrivée devant la porte, je pris une grande inspiration avant de frapper. Une voix neutre m'invita à entrer, ce que je fis sans plus attendre.

Yaag Rosh, les mains dans le dos, regardait par la fenêtre. Debout derrière son bureau, il se retourna à mon arrivée. Il me désigna une chaise afin que je m'installe. Une fois cela fait, il s'assit à son tour et croisa ses doigts sur le bureau.

- Votre rapport ? débuta-t-il sans la moindre politesse.
- Il y avait approximativement mille larbins, expliquai-je en me tenant bien droite dans mon siège. Aucun signe de princes ou de princesses, ni même de démons supérieurs.
- Étrange... Pourquoi avoir envoyé cet escadron à la mort ?

Frottant son menton, Rosh restait bien songeur. Cet homme avait des cheveux blancs, mais il était bien loin d'être un vieillard. Enfin, c'était une façon de parler, car en réalité, un ange ne vieillissait pas. Physiquement parlant, nous arrêtons notre croissance à l'âge adulte, lorsque notre corps était au summum de ses capacités. Nous pouvons vivre éternellement sauf si notre vie se faisait arracher durant la guerre.
Yaag Rosh devait avoir bien plus que cinq cents ans. Il ne révélait jamais son âge précis. Tout ce que je savais, c'était qu'à deux cents ans, il avait gradé d'Archange à Principauté grâce à ses prouesses en pleine bataille. Les Principautés dirigeaient et guidaient les Archanges et les Anges. Mais cet entité n'avait aucun pouvoir sur les Trônes qui n'étaient qu'au service du grand Conseil.

- Quoi qu'il en soit, reprit subitement Rosh après sa réflexion, votre soeur et vous devriez rester sur vos gardes. Je connais la réputation de votre clan et les démons aussi la connaissent. Surtout que vous deux, vous êtes les deux dernières descendantes de la famille Farron.

Face à ces paroles, je me contentai simplement d'acquiescer. Tout le monde connaissait la tragique histoire de mon clan. Il était réputé pour ses vaillants combattants aux cheveux rosâtres et aux yeux bleu océan. Jamais aucun Farron n'avait reçu un titre plus bas que celui d'Archange. Ils étaient faits et nés pour la guerre. Cela, les suppôts de Satan l'avaient largement compris. Aux prix de plusieurs sacrifices, les créatures du mal avaient tout fait pour anéantir cette lignée de champions. Tous sauf deux, Serah et moi-même.
Mais au rythme où allait la relation de ma soeur et de son petit-ami, je sentais que bientôt, nous ne serions bien plus que deux. Ce n'était qu'une simple question de temps. Bientôt, ils se fianceraient. Ça, j'en étais certaine, car ce niais de Snow ne savait pas vraiment comment dissimuler sa gêne. Surtout que j'avais aperçu la bague dans sa poche qu'il sortait et cachait nerveusement devant Serah. Quoi que, vu comment cela était parti, on n'était peut-être pas encore prêt à avoir d'autres Farron.

- En avions-nous terminé ? demandai-je en me levant doucement afin de prendre congé.
- Une dernière chose, intervint Rosh en jetant son regard dans le mien, vous avez récemment accompli beaucoup de mission avec brio et seule, parfois. Ne vous emballez peut-être pas trop vite, mais une rumeur court comme quoi, Dieu allait désigner un nouvel Séraphin.
- En quoi cela me concernerait ?
- Les oreilles de Dieu sont prêts à affirmer que l'heureuse élue serait... vous !

Mes yeux s'écarquillèrent. Surprise, je ne sus pas quoi répondre face à cela. Séraphin... Moi ? Ce rang était pratiquement inaccessible et pour cause, seul Dieu les désignait. D'abord, il informait ses disciples de la Lance Divine, les Séraphins qui étaient les seuls à pouvoir l'entendre d'où appellation « oreilles de Dieu ». Puis, petit à petit, l'élu désigné commencera à écouter les murmures du Tout Puissant. Celui-ci se verra recevoir des dons incroyables et inimaginables. Et pour prouver son appartenance, une marque divine apparaîtra sur la chair de l'ange choisi.

Je ne savais pas quoi penser de cette nouvelle. Était-elle bonne ou mauvaise ? Devenir Séraphin requérait un corps pur et chaste pour l'éternité. Ce n'était pas un véritable souci pour moi, car je ne m'étais jamais intéressée à créer une relation avec autrui. Mais le réel problème résidait dans le fait que pour atteindre cet illustre rang, il fallait faire abstraction de tout sentiment. Selon eux, c'était pour atteindre la perfection céleste.
Bon, certaines personnes diront que de toute manière, je n'étais pas une personne très expressive. Je ne riais pas souvent, ni ne souriais. D'ailleurs, rares étaient les fois où je laissai une émotion s'imprimer sur mon visage. Mais je n'étais pas une personne froide pour autant ! Simplement, je n'aimais pas que les gens tentent de lire à travers moi. Et aussi, ce genre de privilège, je préférais les offrir à Serah, ma seule et unique famille.
Une fois Séraphin, me rappellerai-je encore de comment j'aimais ma petite soeur ?

J'évinçai rapidement cette marée de questions de ma tête. Rien n'était encore sûr ou fait. Aucune marque n'était apparue sur mon corps et je n'entendais pas encore de chuchotements à mon oreille.

- Que ressentez-vous ? demanda Rosh avec curiosité. Ce n'est pas quelque chose qui arrive couramment. Le dernier élu nommé datait d'il y a un millénaire.
- Je ressentirai quelque chose que lorsque cela se sera officialisé, en attendant, rien ne change pour moi, répondis-je froidement en m'approchant de la sortie. Je prends congé, chef.

Sortant du bâtiment, je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil à la Lance Divine. Mes yeux se détournèrent de ce qui pourrait être mon futur et je partis pour le quartier des loisirs. Hé oui, même les anges ont le droit de s'amuser un peu. Après tout, j'avais la ferme conviction que les démons devaient d'une certaine manière, s'éclater bien plus que nous dans leur barbarie.

Comme d'habitude, après une mission, j'allais au Septième Ciel. N'allez pas croire n'importe quoi, ce n'était qu'un simple bar que mon amie Lebreau tenait. Le nom n'était certes pas très original, mais cela faisait bien rire la clientèle. Et selon la consommation, certains clients s'envolaient vraiment autant au sens littérale que figuré.
La propriétaire du bistrot me vit arriver. Sans plus attendre, elle me servit une bière qu'elle fit glisser jusqu'à moi. Attrapant la boisson au passage, je m'installai sur une chaise haute au bar. Une gorgée de ce liquide ravit ma gorge qui était restée sèche depuis bien trop longtemps.
S'accoudant à la table, Lebreau se pencha légèrement vers moi :

- J'ai entendu une bien drôle de rumeur... Tu vas vraiment devenir Séraphin ?
- On peut éviter de parler boulot quand je viens à peine d'en sortir ? ronchonnai-je en posant la bouteille vide sur le bar. Et ce n'est pas encore officiel, donc, je n'en sais rien.
- Excuse la pauvre et simple Ange qui parle à une illustre future Séraphin.
- Ce n'est pas drôle !

Les Anges étaient le rang standard, celui par lequel tout ange débute à la naissance. D'ailleurs, une grande partie de la population céleste ne parvenait pas à changer de grade. Ils étaient simplement un être divin quelconque. Donc leurs tâches variaient beaucoup. Certains devenaient de simples soldats et d'autres comme Lebreau, choisissaient de servir les autres comme infirmier, barmaid, etc...
D'une certaine manière, Serah avait souvent envié les Anges. On ne choisissait pas vraiment dans quelle catégorie on voulait se trouver. Déjà très jeune, les enfants passaient par divers examens afin de connaître leur orientation.
Ma cadette n'aimait que très peu la guerre. Elle aurait préféré une vie bien tranquille et paisible comme médecin. C'était là son rêve. Malheureusement, elle avait hérité des gènes vaillants des Farron. Bien sûr, Serah aurait pu choisir de devenir Trône. Comme le disait Snow, c'était bien plus ennuyeux. Mais celle-ci ne se résolvait pas à laisser son unique famille partir seule sur le champ de bataille. Et pourtant, je lui avais répétée des millions de fois que je pouvais parfaitement m'en sortir.

Lebreau m'offrit une nouvelle bière. Tournant mon regard dans sa direction, cette dernière me sourit en m'indiquant :

- Celui-là aussi est offert par la maison. Il faut bien que je récompense l'attraction maîtresse de mon bar.
- Qu'est-ce que tu racontes ? demandai-je, perplexe.
- Premièrement, tu es une Farron. Deuxièmement, tes exploits sont connus de tous à tel point que même le grand Conseil garde un oeil sur toi. Tu es une favorite, une star locale ! Grâce à toi, j'ai plein de clients qui viennent rien que pour t'admirer. Et c'est encore mieux quand Serah est avec toi !
- Je me sens exploitée tout d'un coup...
- Ne le prends pas comme ça ! Tu es un modèle pour les jeunes, tu sais ?

Mon amie rit joyeusement sans s'offusquer que je ne l'accompagne pas dans sa joie. Depuis le temps, elle savait que ce n'était pas mon genre et je la remerciai de ne pas m'en faire la remarque à chaque fois. Pas comme Snow...
Soudain, alors que de la musique chantait tranquillement à travers les enceintes, la voix d'un Principauté résonna :

- Une grande masse de démons est entrée dans l'espace 34 : 2 : 87. Que les Archanges en repos se lancent immédiatement vers la destination.

Un long soupir s'échappa de mes lèvres. Jamais aucun répit. Repoussant la bière que je n'avais même pas eu le temps d'entamer, je me levai gentiment. Lebreau m'offrit une petite grimace compatissante. Lui faisant un bref signe, j'ouvris sans plus attendre un portail devant moi en pensant bien fort les coordonnées qui avaient été données. Puis, je passai à travers sans plus de cérémonie.

Traversant l'espace-temps, des étoiles et des fils de couleurs glissaient dans un courant inexistant. Je me laissai emporter comme aimantée par le bout de ce tunnel arc-en-ciel. Tout se déroulait parfaitement bien lorsqu'un flash aveuglant me frappa de plein fouet. Instinctivement, je protégeai mon visage avec mon bras gauche qui était muni d'un bouclier. Et soudain, je tombai en chute libre.
Mes bons réflexes me permirent toutefois d'atterrir sur mes pieds lorsque j'apparus dans un petit univers. L'endroit était gris et triste. Il n'y avait que de la roche un peu partout et la pierre planait dans le vide. Tomber à cet endroit-là, c'était comme chuter infiniment. Il valait mieux ne pas s'approcher du bord.
Le petit îlot sur lequel je me trouvai, possédait une très petite taille. Il avait une forme plus ou moins rectangulaire. Au bout, une cathédrale à moitié détruite trônait au-dessus d'une centaine de marches. Il n'était pas rare de tomber sur des édifices dans certains hyperespaces. Parfois, on pouvait se retrouver dans une ville fantôme entière.

D'après les écrits se trouvant dans la bibliothèque du Paradis, Dieu et Satan avaient été une seule et unique entité autrefois. Cet être suprême avait créé un monde infiniment grand. Mais un jour, mitigée entre le bien et le mal, la divinité se découpa en deux. Ce déchirement avait détruit tout l'univers divin en plusieurs univers parallèles qui se chevauchaient dans tous les sens. Le monde que les anges et les démons connaissaient à présent.

Fermant les yeux, je me concentrais pour analyser les coordonnées de ma position. Le résultat me fit grimacer. Pour une raison inconnue, je venais de tomber bien loin de ma destination. Levant la tête vers la bâtisse, je décidai tout de même d'entamer une petite exploration. Je ne me trompais jamais dans mes calculs lors de mes téléportations. Quelqu'un avait dû sentir que je traversai la zone et avait donc décidé de m'y inviter. Même si je ne savais pas si c'était réellement possible à faire. Un piège ? C'était for à parier.
Mentalement, je préparai déjà les données pour mon retour, au cas où je devrais faire une retraite précipitée. Face à une embuscade, il valait mieux ravaler sa fierté que de se faire tuer. Tous les anges connaissaient par coeur les coordonnées du Paradis. On nous l'avait enseigné pratiquement dès la naissance. Néanmoins, aucun d'entre nous ne connaissait l'endroit exacte où se trouvait l'Enfer. Et heureusement, les démons ne savaient celui de notre citadelle.
Depuis des millénaires, anges et démons cherchaient le quartier général du camp adverse. Mais dans ces petits espace-temps infinis, jamais personne n'avait encore réussi. Même sous la pire torture un ange ou un démon ne pouvait révéler l'emplacement de sa cité. C'était comme si un sort magique de mutisme se collait automatiquement sur nos lèvres au moment où on craquerait.

La main près du pommeau de mon épée, je gravis lentement les marches, aux aguets. Régulant ma respiration jusqu'à ce qu'elle devienne quasi inexistante, j'écoutai les bruits au alentour. Pour le moment, à part une petite brise et les frottements de mon armure, rien n'était à signaler.
Arrivée devant les deux immenses portes de la cathédrale, je me plaquai contre le bois moisi avant de pencher légèrement la tête dans l'entrebâillement. L'intérieur était aussi désolant que l'extérieur. Certains murs s'étaient effondrés tandis que d'autres étaient craquelés ou tombaient en poussière. Les longs bancs en bois étaient éparpillés un peu partout, quelques-uns étaient même brisés. Mais personne à l'horizon... La situation devenait vraiment inquiétante. Peut-être devrais-je simplement et sagement partir loin d'ici ?
Soudain, une ombre passa furtivement. Sans plus attendre, je donnai un grand coup d'épaule contre la porte qui céda sans la moindre peine. Bondissant dans la salle, je déclarai froidement :

- Je sais que tu es là. Montre-toi !

Lentement, je m'avançai dans le centre de la pièce, sur mes gardes. Finalement, mon regard se jeta derrière une colonne de pierre sur ma droite. Dégainant mon épée, je la pointai dans la direction où je supposai avoir trouvé mon ennemi.
Un faible et lent applaudissement résonna dans la bâtisse. Doucement, l'individu décida finalement de sortir de sa cachette. Je ravalai difficilement ma salive lorsque je découvris le visage de mon adversaire. Fronçant des sourcils, je dévisageai la femme qui se trouvait devant moi.

- Quoi ? fit-elle en feignant d'être blessée. Pourquoi me regardes-tu de cette manière ?
- Fang... Que fais-tu là ? grommelai-je sans abaisser ma lame. C'est toi qui m'as amenée ici ?
- Mmmh... Peut-être bien !
- Pourquoi ?

Le rire de Fang chantonna doucement dans la cathédrale. Je ravalai une injure lorsque je sentis une drôle de sensation dans mon bas-ventre. Je me forçai donc à penser à autre chose, car je ne voulais absolument pas prêter attention à cela. Mon regard croisa celui de la démone. Fang était une femme des ténèbres dans toute sa grâce et sa sauvagerie. Ses cheveux corbeaux bataillaient d'une liberté insolente. Ses yeux verts étaient comme deux émeraudes scintillants. Son corps avait été façonné pour séduire. Sensualité et malice étaient ce qu'elle représentait parfaitement. Et elle le savait !
Après tout, ce n'était pas pour rien qu'elle était la fille de Lilith, la princesse des succubes. Cela, tout le monde le savait. De part cette naissance noble, Fang était systématiquement un démon supérieur.

La hiérarchie des démons était bien plus simpliste que celle des anges. Tout en bas de l'échelle, il y avait des créatures immondes sans la moindre cervelle, des larbins. Ils n'existaient que pour servir aveuglément un démon. Puis, il y avait le démon standard. Ce dernier était comme une sorte d'équivalent de mes camarades qui se trouvaient au rang d'Ange. Plus haut, on avait les démons supérieurs qui possédaient de bien plus grands pouvoirs que leurs congénères inférieurs. Au-dessus d'eux, il y avait les princes et les princesses des ténèbres. Et finalement, il y avait le roi, Belzébuth.
Ce dernier était en réalité un prince, mais lorsque Lucifer avait été fait emprisonné, il décida de prendre le trône abandonné. Car en réalité, tout le monde savait que si les anges avaient toujours réussi à garder un avantage sur les démons, c'était parce que ceux-ci étaient désorganisés. Chez eux, c'était la loi du plus fort qui primait. Les larbins, démons et démons supérieurs n'obéissaient qu'à un seul prince ou une seule princesse.

Bien évidemment, les nobles se battaient pour avoir le plus de partisans afin de prôner sa puissance. Rapidement, ils se divisèrent en différentes factions qui ne cessaient de se chamailler les uns et les autres, s'entretuant parfois même. Ce manque d'organisation était un immense avantage pour nous, les anges.
Lucifer connaissait cette faiblesse et y avait remédié en réussissant à rallier chaque clan. Une fois disparu, la guerre au sein de l'Enfer reprit son cours. Belzébuth arrivait à maintenir un semblant de paix parmi les princes et les princesses, mais cela ne suffisait pas. Pour une victoire certaine de Satan, il fallait que Lucifer revienne parmi les siens.

Ce n'était pas la première fois que je rencontrai cette femme. À maintes reprises, je l'avais croisée et combattue sur un champ de bataille. Chacun de nos combats se terminaient par un frustrant match nul. C'était aussi certainement pour cela que, lorsque Fang croisait ma route, elle voulait obligatoirement prouver sa supériorité. Pas de chance, ma grande, car c'est moi qui vais te prouver que je suis la meilleure de nous deux !
La noiraude fit un pas dans ma direction, je reculai.

- Oh, mon petit ange aurait peur de moi ? commenta Fang en faisant la moue.

Peur n'était pas le terme adéquat. Je dirais plutôt que quelque chose chez elle me perturbait horriblement. Mon coeur commença à s'emballer légèrement, mais je fis mon possible pour le freiner dans son élan. Et voilà, comme toutes les autres fois, j'étais ébranlée par cette démone. Je ne comprenais pas pourquoi cela m'arrivait et pourquoi avec elle. Tout ce que je savais, était que cette graine d'émotion avait germé et ne cessait de grandir dans mon être. C'est contre nature, bon sang !
Bien évidemment, je ne laissai rien transparaître sur mon visage. Et Dieu merci, j'étais plutôt douée à ce jeu-là. Personne ne devait apprendre la tare dont je souffrais. Personne et surtout pas Fang ! Sinon, j'étais bonne pour le bannissement ou pire encore, on pourrait m'exécuter pour cette chose dont je n'avais aucun contrôle.

- Comment peux-tu croire un seul instant que tu puisses m'effrayer ? rétorquai-je froidement sans détendre mes sourcils. Pourquoi m'as-tu emmenée ici ?
- La réponse me semble pourtant bien évidente, répondit Fang en dégainant sa lance à double lames.

Systématiquement, je me mis en position de combat. Les jambes légèrement écartées, mon épée se plaça en garde.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la démone. Oh, non ! Ne souris pas !

- Sais-tu que ta tête et celle de ta chère soeur sont mises à prix ? annonça malicieusement la noiraude en se mordant la lèvre. Il est hors de question que quelqu'un d'autre me pique ma proie !
- Pour cela, il faudrait d'abord que tu me battes !

Bondissant comme un félin, mon adversaire se trouva devant moi en un éclair. Mais je ne me laissai pas surprendre. Tournoyant sur moi-même, j'esquivai sur le côté gauche de mon opposante et allais lui asséner une entaille dans le dos. Cependant, ma lame s'entrechoqua contre la lance et Fang bondit loin de moi.

- Tu mérites vraiment bien ton surnom, Lightning, commenta-t-elle en faisant tourner son arme autour d'elle. Mais quel est ton véritable nom ?
- Bats-toi au lieu de bavarder comme une fillette ! rétorquai-je en me jetant à l'attaque.

Après plusieurs échanges violents avec nos armes, la force brute de Fang me propulsa contre une colonne de pierre. Le choc brutal m'extirpa tout l'air de mes poumons. Je n'eus même pas le temps de me rétablir que le bâton de la lance se plaqua rudement contre ma gorge.
Le visage à quelques centimètres du mien, Fang me souffla de sa voix sensuelle :

- C'est la fin de la partie, mon petit ange...

Alors que la situation était critique, je ne pus m'empêcher de plonger mon regard dans ceux de mon ennemie. J'étais comme envoûtée par eux. Je ne savais pas si c'était à cause du manque d'oxygène, mais mon corps ne répondait plus à mon appel. Paralysée, je restai bêtement là, à admirer ce magnifique visage. Son souffle chaud me caressait la peau et me donnait des frissons dans tout mon être. Que le Seigneur me vienne en aide !
Dans ma fascination, mon coeur battait tellement fort que j'avais l'impression qu'on pouvait l'entendre résonner dans toute la cathédrale. La respiration quasi inexistante, je ne pouvais qu'assister au pitoyable spectacle de ma faiblesse. Jamais encore on avait entendu parler d'une Farron morte sur le champ de bataille parce qu'elle avait été trop attirée par un être démoniaque.
Oh, mon Dieu ! Quel blasphème ! Non, je ne méritai pas ça. Je ne méritai pas de finir ainsi et de salir le nom de mon clan ainsi. Je ne pouvais pas me permettre de faire honte au Tout Puissant parce que j'avais inconsciemment commis un terrible pêché.

- Va-au-diable, articulai-je très difficilement avant de donner un coup de talon dans l'estomac de Fang.

Cette dernière se fit propulser quelques mètres plus loin. Un genou à terre, elle toussa furieusement en levant un regard assassin à mon encontre. Je profitai aussi de ce bref instant de répit pour reprendre mon souffle.
L'agitation que m'avait provoquée la proximité de mon corps et celui de Fang, était toujours présente. Il serait stupide de ma part de vouloir continuer cet affrontement alors que mon esprit était en total déroute.
Pointant mon arme vers la démone, je déclarai :

- J'ai déjà perdu assez de temps avec toi... On m'attend en ce moment donc, cela sera pour une prochaine fois !

Je priais pour la crédibilité de mon mensonge avant d'ouvrir un portail vers le Paradis. Sans rien ajouter, je m'éclipsai aussi vite que j'étais venue.

Entrant dans ma chambre, je me débarrassai hâtivement de mon armure. Ma rage et ma frustration étaient sans nom. Je bouillais intérieurement face à ma faiblesse et à mon incapacité d'anéantir des sentiments qui n'avaient pas lieu d'être. Déshabillée, je fonçai sans plus attendre dans la salle de bain.
Quand le jet chaud frappa mon visage et mon corps, j'avais l'impression que je pouvais purifier toutes ces insanités. La vapeur envahit le petit habitacle qu'était la douche. Je humai cet air humide à m'en étouffer. Quelle idiote ! Quelle idiote !
Dans ma colère, mon poing se fracassa contre le mur de marbre. C'était douloureux et cela ne me soulageait même pas ! Mais comment pouvais-je être assez bête pour... Pour quoi en réalité ? Pour être tombée amoureuse d'une démone ? Ne soyons pas stupide, je savais pertinemment que ce ne fût pas le cas. Cela était impossible ! Non, cela restait sur un point de vue physique, une attraction corporelle... J'avais donc un béguin pour Fang... Que Dieu me pardonne !
Posant mon front contre la pierre, le froid semblait pouvoir calmer ma frustration et mon désespoir. Toutes ces bêtises auraient pu me coûter la vie. J'avais été sur le fil du rasoir dans cette cathédrale. Fang n'avait plus qu'à claquer des doigts pour m'exécuter, si je n'avais pas su réagir à temps.

Sortant de la douche, j'attrapai les premiers vêtements qui me tombèrent sous la main. Ironie du sort, j'étais tombée sur l'habit typique d'un ange : un t-shirt et un pantalon blanc. Mais j'étais bien trop éreintée pour vouloir faire ma compliquée. Sans plus attendre, j'enfilai l'accoutrement angélique.

- Lightning ! Lightning ! hurla Serah dans notre salon. Viens vite !

La voix paniquée de ma soeur me fit réagir en triple vitesse. En quelques secondes, je me retrouvai à ses côtés, devant la fenêtre. Lorsque je me penchai afin de regarder vers l'extérieur, la main de Serah s'agrippa nerveusement à la mienne. Sans me tourner vers elle, je continuai de scruter ce qui se passait dehors. Mon attention fut immédiatement attirée vers la Lance Divine. Étrangement, elle brillait de mille couleurs. C'était bien la première fois que je voyais cela.
Des cris de joie retentirent un peu partout au Paradis. Les anges sortaient dans la rue et admiraient tous ce magnifique spectacle inédit que rares étaient ceux qui avaient eu l'occasion d'y assister.

- Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je, perplexe.
- Un séraphin a été choisi, murmura faiblement Serah qui se blottit contre mon bras. Oh, non... Claire...

Un début de sanglot fit tressauter les épaules de ma cadette. Je me tournai rapidement vers elle et lui relevai le menton avec mon index.

- Hé... déclarai-je doucement afin de ne pas la brusquer. Tout va bien... Ce ne sont que des rumeurs, rien ne dit que ce sera moi.
- Et s'ils avaient raison ? gémit faiblement Serah qui avait les yeux mouillés. Je ne veux pas te perdre. Je veux que tu restes telle que tu es !
- Allons, rien n'est encore joué... Ne te mets donc pas dans tous ces états.

Serrant ma soeur contre moi, je caressai délicatement ses cheveux afin de l'apaiser. Intérieurement, j'appréhendai moi aussi, l'annonce du futur Séraphin. C'était certes un rang bien honorifique et n'importe qui serait fier de servir le Seigneur sous ce titre. Mais le prix à payer était d'abandonner d'une certaine manière, Serah. Car en perdant mes sentiments, je perdrai aussi ce qui faisait ma personne.
D'un autre côté, au plus profond de mon être, une petite voix me disait que cela n'allait pas être moi. Après tout, pourquoi Dieu choisirait un ange défectueux comme moi pour le servir particulièrement ? Je ne méritai pas un tel titre et Il devait certainement le savoir. Néanmoins, je devrais faire en sorte qu'Il soit le seul à le savoir.


Assez en colère, je déposai mes affaires sur un petit siège avant de me jeter sur mon lit, les mains derrière la tête. Une frustration sans nom était en train de me ronger de l'intérieur. J'avais été si près du but ! Et il avait fallu que cette lâche s'enfuit. Ce n'était pas du tout fair-play ! Et cela se dit être un ange !
Un sifflement déçu s'échappa d'entre mes dents. La prochaine fois sera la bonne !
Trop agacée, je me redressai soudainement et allai me placer près de la fenêtre de ma chambre. Il n'y avait pas de vitre pour empêcher l'air de passer. Mais bon, quand on vivait en Enfer, on ne craignait pas vraiment d'avoir froid, bien au contraire. Et un vieux châteaux en ruine avec de belle fenêtre vitrée ? Cela serait plus ridicule qu'autre chose !

Le ciel était aussi noir que les ténèbres, seuls les braises de la lave et des flammes offraient une lumière dans cette pénombre. L'odeur du brûlé était omniprésente où que l'on soit ici. Certains idiots prétendaient même que c'était la senteur de Satan. Le pauvre, j'espère pas pour lui ! Le paysage n'était que roche et cendre. Et encore, j'avais le luxe de vivre dans les parties hautes de l'Enfer. Il faisait une chaleur à en crever là en bas. C'était l'un des avantages d'être l'enfant d'une princesse des ténèbres.
D'ailleurs en y pensant, je devrais bientôt aller rendre visite à ma mère. Je n'avais absolument aucune envie de voir la marâtre. Ce n'était pas que je ne l'appréciais pas – je ne parlais pas d'amour, il n'y en avait jamais eu entre nous – mais je ne pouvais sans cesse me demander quand est-ce qu'elle essayerait de me dévorer. En Enfer, la loi était simple, manger ou être mangé. Un démon tirait sa puissance des pouvoirs qu'il avait pu dérober à l'un de ses congénères.
D'une certaine manière, un prince ou une princesse des ténèbres n'était qu'un démon supérieur, mais avec une horde d'adorateurs et de serviteurs en plus. Combien s'étaient donc sacrifiés pour honorer leur altesse ? En tout cas, je ne me portais pas candidate.

Traversant les sombres couloirs du château, j'arrivai devant une immense porte en bois rouge. Deux démons se tenaient devant. À mon arrivée, ils redressèrent leur lance avec raideur et sans dire un mot, ils m'ouvrirent le passage. Je m'avançai donc dans l'immense pièce qui se présentait à moi.
Le thème de la décoration était bien évidemment le rouge, la passion. Ma mère n'avait pas su se montrer très original à ce niveau-là. Mais quelle autre couleur pouvait aussi bien représenter Lilith que le rouge ? Un immense tapis s'élançait jusqu'au centre de la salle. À la place d'un trône qui était bien trop cliché pour ma génitrice, elle avait choisi un long et luxueux canapé. Ainsi, au lieu de recevoir ses invités assise, elle était couchée et faisais bien profiter à la vue de tous ses belles courbes. Quelques chandelles par-ci et par-là illuminaient l'endroit.

- Fang, ma petite chérie, susurra Lilith lorsque je me retrouvais à quelques mètres devant elle. Comment te portes-tu, mon coeur ?
- En pleine forme, votre splendeur, répondis-je sans faire la révérence que ses acolytes avaient coutume de se plier.
- Comment s'est donc passée ta journée ? La chasse a-t-elle été bonne ?
- L'oiseau a été pris dans mes filets, mais il a tout de même filé entre mes doigts.

Les sourcils légèrement froncés, Lilith semblait mécontente. Se redressant sur son siège, elle me toisa un instant et je fis de même. J'avais hérité de son magnifique corps et de ses yeux émeraude. Mais la couleur mate de ma peau et mes cheveux corbeaux venaient de mon père, Belzébuth. Certains disaient que j'avais hérité de la beauté de mes parents, surtout de l'audace de ma génitrice.

- Tes soeurs sont rentrées avec un joli tableau de chasse, remarqua Lilith avec sévérité. Tu es celle qui me semble la plus prometteuse et pourtant, tu reviens souvent bredouille.
- Je suis assez tête en l'air, rétorquai-je en souriant avec affront.
- Dispose avant que je ne m'énerve...

Je hochai simplement la tête avant de quitter la pièce. Les mains dans les poches, je saluai les deux gardiens qui refermèrent brutalement derrière moi. Après quelques pas, je relâchai un léger soupir de soulagement. J'allais encore pouvoir continuer de respirer encore un peu.
Ma très chère mère avait un loisir bien à elle. Contrairement aux autres démons qui partaient en quête de pouvoirs en convoitant ceux des autres, elle se contentait simplement d'engendrer des filles. Veillant que celles-ci ne la surpassent jamais, elle attendait bien sagement qu'elles grandissent avant de les dévorer tout simplement. Combien de soeurs avais-je perdues déjà ? Et combien en avait-elle eu avant ma naissance ?
Mais je n'étais pas comme mes soeurs. Certaines pensaient pouvoir attiser l'affection de notre mère afin de ne pas retourner dans son ventre. D'autres prenaient tout bêtement la fuite une fois qu'elles avaient emmagasiné assez de pouvoirs, mais Lilith les retrouvait toujours. Ou encore, quelques-unes restaient cloîtrées dans leur peur et voyaient chaque jour comme étant leur dernier.

Non, moi, je n'étais pas comme elles. Je n'étais pas assez stupide pour dévoiler mes prises afin de prouver à Lilith que je grandissais en puissance et en pouvoir. Je préférai passer pour une moins que rien et donc, par ce biais, la désintéresser de ma personne. Bien sûr, elle pourrait se lasser et décider de m'exécuter immédiatement en prenant ou non mon essence vitale. Mais là était ma carte maîtresse. Je n'étais pas la fille faible et inutile qu'elle croyait. Oh non, chère maman, j'ai bien des surprises sous ma manche.
Tant que Lilith ne cherchera pas à me nuire, je resterai aussi sage de mon côté. C'était peut-être arrogant de ma part, qui sait combien de pouvoirs elle avait absorbés depuis sa création ? Mais je ne me laisserai pas manger sans tenter de me défendre.

Juste devant la porte de ma chambre, je vis que quelqu'un attendait. Un sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je la reconnus.

- Ah te voilà ! déclara-t-elle joyeusement en me faisant signe de me presser.

Vanille était bien la seule soeur avec qui je m'entendais. D'habitude, chacune d'entre nous se sentait en rivalité avec les autres. En réalité, nous étions toutes des demi-soeurs. Afin de varier nos pouvoirs, Lilith avait fait en sorte de prendre un géniteur différent à chaque fois. D'ailleurs, parce que mon père était Belzébuth, ma chère mère s'attendait à beaucoup de prouesses de ma part. Quelle déception cela devait être pour elle !
Vanille était ma petite soeur. Elle a été le fruit d'une union entre Lilith et Bélial. Ce n'était pas pour rien que cette dernière avait un si joli minois. De longs cheveux roux étaient domptés en deux couettes. Plutôt petite et avec un corps frêle, la rouquine passait pour une fillette sans défense. Allez donc dire cela aux milliers de personnes qu'elle avait massacrées et torturées ! Vanille était une ennemie bien redoutable. Et si je ne l'appréciais pas, ce serait d'elle que je me méfierais le plus parmi mes semblables.

Ouvrant la porte de ma chambre, la rousse s'empressa de bondir sur mon lit. Le sourire aux lèvres, elle me regarda avec beaucoup d'intérêt. Lorsque j'avais fermé derrière moi, Vanille se releva et alla à ma rencontre. Passant délicatement ses bras autour de moi, elle m'embrassa passionnellement. Alors que sa langue voulait se frayer un passage entre mes lèvres, je la repoussai doucement.

- Pas maintenant, Vanille, ripostai-je en lui caressant la joue. J'ai passé une mauvaise journée.
- Ton ange n'est pas tombé dans le piège ? demanda-t-elle avec incrédulité.
- Si, mais elle a réussi à s'échapper.

Et voilà, j'étais de nouveau de mauvaise humeur rien qu'en y repensant. Lightning était la première Archange qui arrivait à me tenir tête jusque-là, du moins aussi longtemps. Une fois que j'avais choisi ma proie, je ne la lâchais que lorsqu'elle crachait son dernier souffle. Mais cette ange-là arrivait toujours à me filer entre les doigts. Cela commençait vraiment à bien faire !
L'Archange était l'ange typique que je maudissais. Belle, droite et respectée. De plus, elle faisait partie de la lignée des Farron. Combien de démons avaient donc péri sous leurs lames ? Des milliers ou des milliards ! Tout le monde voulait leur tête au bout d'une pique. Mais Lightning était à moi ! J'avais hâte d'immaculer sa beauté si pure par son sang. Et après, je m'occuperai de sa cadette. Ou peut-être avant, tiens ! J'aimerais bien voir la réaction de mon ange préféré.

- Fang, tu m'écoutes ? gronda Vanille qui secoua sa main devant mes yeux.
- Tu sais quoi ? déclarai-je en jetant ma demi-soeur sur le lit. Finalement, je crois que je suis d'humeur !

Un petit sourire malicieux se dessina sur les lèvres de la rousse. Sans plus attendre, je m'empressai de les dévorer avidement. Gémissant de plaisir, Vanille arcbouta légèrement son dos, frottant son entre-jambe contre ma cuisse. Un rire coquin s'échappa de ma gorge. Éloignant nos deux visages, nos souffles chauds s'entremêlèrent l'un à l'autre.

- Mère est-elle informée que tu te tapes chacune de ses filles ? ricanai-je en mordillant l'oreille de ma partenaire.
- Tant que je ne les mange pas, susurra Vanille en plantant ses crocs contre mon cou, ce qui me fit grogner de désir. Sait-elle aussi pour ton sale penchant à toucher les anges ?
- Je ne fais que leur apprendre les plaisirs de la vie juste avant de les tuer.
- Et damner leur âme par la même occasion... Ce que tu peux être mesquine !
- J'en ai laissé un repartir pourtant... grommelai-je en feignant d'être vexée. Ce n'est pas ma faute s'il a été banni après.

Vanille me renversa sur le côté et se positionna juste au-dessus de moi. Ses mains passèrent sous mes vêtements et exploraient mon corps avec avidité. Le regard ardent dans le mien, elle se mordit la lèvres, excitée de savoir ce qui allait s'en suivre. Docilement, je la laissai entreprendre les choses. J'aimais lui faire croire qu'elle avait le contrôle. Et au dernier moment, je briserai son illusion.

- Et pour Lightning... souffla la rouquine entre deux baisers. Que vas-tu faire d'elle ?
- Mmmh... gémis-je en suçant la lèvre de ma demi-soeur. Tu sais bien que je ne prévois jamais rien à l'avance. J'adore l'improvisation.
- Elle est magnifique... Cela m'étonne que tu n'aies pas encore tenté de poser tes mains ici et là.
- Elle se bat comme une tigresse, tu sais...
- Dompte-la alors !

Brutalement, je me redressai en position assise. Empoignant la base des cheveux de Vanille, je tirai sa tête vers l'arrière, dévoilant ainsi son cou sans défense. Cette dernière grogna de douleur et de plaisir. Lentement, je me mis à lécher cette tendre chair blanche.


Ma lame transperça le coeur d'un larbin comme dans du beurre. La retirant hâtivement, je la fis tournoyer avec agilité. Des têtes tombèrent. Reprenant mon souffle, j'analysai tout autour de moi. En pleine bataille, il était difficile de se repérer, surtout quand plus de deux millions de personnes et de monstres s'attaquaient de tous les côtés. Dans ce genre de situation, il fallait suivre le rythme ou se faire tuer.
Mon regard se posa furtivement sur Serah. Cette dernière n'avait pas eu d'autres choix que d'opter pour le combat au corps-à-corps. Avec sa fine lame, elle exécutait sa danse macabre avec un talent digne d'une Farron. Je n'avais pas à m'inquiéter pour elle, mais je ne pouvais pas m'empêcher de la surveiller tout de même.
Sortant une petite dague de son étui, Serah la lança subitement dans ma direction. Je penchai la tête sur le côté afin d'éviter le projectile qui plongea directement dans l'oeil droit d'un démon. Alors que ce dernier hurlait de douleur, je l'achevai avec mon épée puis, je retirai la dague.

- Tu pourrais prévenir ! grommelai-je en renvoyant le petit couteau dans la poitrine d'un monstre qui allait se jeter sur ma soeur.
- Tu n'as qu'à rester attentive au lieu de m'admirer, ricana ma cadette en récupérant son arme. Merci !
- Fais attention, l'arrogance est un ennemi vicieux !
- Oui, chef !

Nous reprîmes le cours de la bataille, ce n'était pas le moment de faire des enfantillages.

Après avoir balayé tous les ennemis autour de moi, je levai le regard vers le ciel. Les combats faisaient rages sur le sol, mais aussi dans les airs. Personnellement, je préférai rester sur la terre ferme. Je savais être habile avec mes ailes, mais je me sentais bien plus à l'aise avec mes pieds sur le sol.

- Je t'ai manqué, mon petit ange ?

Me retournant brutalement, je dévisageai sévèrement Fang. Assise en haut d'un rocher, la lance sur l'épaule, elle affichait son air arrogant habituel. Il ne manquait vraiment plus que celle-là ! Je remerciais le ciel que cette fois-ci, mon coeur n'avait pas fait un bond comme la dernière fois.
Au même moment, un larbin sauta dans ma direction. Sans même lui adresser un regard, je lui envoyai mon bouclier en pleine figure et le propulsa un peu plus loin. Le visage impassible, je continuai d'observer l'arrivante qui en fit de même. Puis, elle se leva gentiment avant de déclarer :

- Et si on se trouvait un endroit plus tranquille pour toi et moi ?
- Tu as peur que je te file une déculottée devant des témoins, fille de Lilith ? rétorquai-je en faisant tournoyer mon épée, un léger sourire sur les lèvres.
- Je ne voudrais pas gagner trop facilement parce que tu te serais encoublée sur un larbin.
- Je te suis !

Ravi d'entendre ma réponse, Fang bondit plus loin et je la suivis. Alors que je m'éloignai, j'entendis Serah derrière moi :

- Lightning ?

Mais je n'eus pas eu le temps de lui répondre. Après avec sautillé sur plusieurs rochers, je découvris mon adversaire qui m'attendait bien sagement à terre. La pierre formait une sorte d'arène géante comme un colosseum. Voilà là, un ring bien intéressant pour mettre enfin un terme à toute cette histoire. Sans plus attendre, je me positionnai face à mon ennemie.

- Un dernier mot avant de rejoindre ton cher Dieu ? demanda Fang qui échauffa son cou.
- N'oublie pas de passer le bonjour à Satan quand tu seras dans le néant des ténèbres, répondis-je simplement.

La noiraude rit avant de disparaître subitement. Un sort d'illusion ! Je me mis automatiquement sur mes gardes. Elle avait peut-être réussi à se dissimuler de mes yeux, mais mes oreilles savaient parfaitement où elle se trouvait. Lorsque j'entendis un sifflement dans l'air, je situai mon épée par-dessus mon épaule droit. La lame percuta le tranchant de la lance.
Sans relâcher ma concentration, je positionnai mon épée le long de ma jambe. Un autre choc. La danse aurait pu continuer ainsi éternellement, mais je n'étais pas du genre patiente. Donnant un coup sec à mon arme, je lui fis changer de forme. A présent, c'était un pistolet chargé de balles de lumière. J'ouvris le feu là où je supposai que Fang se trouvait.
Ses pas précipités faisaient voler le sable sur le sol. Pas très difficile de la repérer ainsi. Alors que je calculai approximativement son prochain mouvement, plus aucun bruit ne se fit entendre. Avait-elle cessé de bouger ? Une petite goutte de sueur perla sur mon front. Contrôlant ma respiration, je gardai la tête froide et scrutai du regard les alentours. Rien...

Au même moment, je relevai la tête vers la ciel. Faisant un saut périlleux arrière, je vis le sable s'envoler sous le poids de l'attaque de mon opposante. C'était moins une ! À peine mes pieds étaient à terre que je me propulsai vers mon ancienne position. Changeant à nouveau mon arme en épée, je tranchai malheureusement que de l'air. Encore raté !

- Cela ne te fatigue pas trop de combattre comme une lâche ? commentai-je en relevant le menton, un air de défi sur le visage.

Et comme prévu, Fang pointa le bout de son nez. Cette démone ne marchait pas à la provocation, elle courrait ! Je ravalai un petit sourire de satisfaction et d'amusement. Prenant une pose sensuelle, la noiraude me toisa un instant, elle ne paraissait pas du tout épuisée. Tant mieux, car moins non plus, je n'étais pas fatiguée !

Passant la langue sur ses dents supérieures, la démone semblait vraiment prendre son plaisir dans ce petit combat. Moi, cela commençait sérieusement à m'agacer. Je n'aimais pas vraiment quand les choses tiraient en longueur. Je préférais quand c'était simple et expéditif.
Amusée, Fang fit apparaître des boules de feu dans ses mains. Elle se mit à jongler habilement sans me quitter des yeux. Alors, sans même que je ne l'aperçoive en lancer une, l'une des flammes fonça dangereusement dans ma direction. Je fis une roulade de côté en sentant la chaleur ardente me frôler. La petite boule avait grossi considérablement durant sa trajectoire vers ma personne. Une deuxième allait à ma rencontre. Brandissant mon bouclier, j'élargis sa surface avec une magie invisible. Le choc me fit à peine reculer.

- C'est tout ce que tu as dans le ventre ? provoquai-je sans pouvoir m'en empêcher.
- Si c'est ce que tu désires, mon petit ange, annonça Fang en lâchant cette fois-ci cinq boules de feu dans ma direction.

J'aurais peut-être mieux fait de me taire...

Mes jambes s'obligèrent à courir le plus vite que possible. Derrière moi, de multiples explosions grondaient, frustrés de m'avoir ratée. Afin d'arrêter la mitrailleuse de flamme, je me dirigeai dans sa direction. Avec ma lame et mon bouclier, je déviai les projectiles. En quelques secondes à peine, mon visage se retrouva à quelques centimètres de celui de Fang.
Malgré la proximité, je ne ressentis aucun élan de chaleur provenant de mon corps. Pas de battement précipité, pas de souffle coupé... Avais-je été guérie de mon pêché ou est-ce que l'adrénaline avait fait taire toutes mes émotions ? Quoi qu'il en soit, je n'allais pas m'en plaindre. Serrant le pommeau de mon épée à deux mains, je m'apprêtai à transpercer le coeur de mon opposante.

Contre toute attente, Fang réussit à esquiver ma lame à quelques millimètres près. Mon bras frôla son épaule droit tandis que nous nous échangeâmes nos regards. Sans plus tarder, j'allais enchaîner, mais soudain, un chant atteint mes oreilles. Il était doux et envoûtant. Mon coeur sembla jouir d'une chaleur accueillante et rassurante. Inconsciemment, j'inspirai et expirai fortement. J'avais l'impression d'être si légère, d'être libre de toute entrave. Je...
Une larme perla sur ma joue face à cette vive émotion. À ce moment-là, j'avais l'impression que la haine et la douleur n'existaient plus. Il ne restait que paix et sérénité. Une grande sensation de plénitude m'envahit. Mes bras se détendirent le long de mon corps. Mes doigts relâchèrent mon épée qui se fracassa violemment sur le sol. Mais même le cri strident du métal ne réussit pas à me détourner de ce chant céleste.
Tous mes muscles s'adoucirent. Je me sentais apaisée...

Irrémédiablement, je me tournai vers la source de cette mélodie divine. Quelle fut donc ma surprise lorsque je vis, là, en plein milieu de ce ciel morcelé de combattants, un être suprême. Un Séraphin se tenait là. Ses six ailes le maintenaient gracieusement dans les cieux. Tout son être brillait d'une lumière et d'une chaleur aimante. Il était beau. Il était si beau... Je n'arrivai même plus à trouver mes mots pour décrire cet être aimé de Dieu, cet élu.
Toute ma personne voulait hurler son amour à ce magnifique Séraphin. Comme c'était étrange. Je me rendis compte que je n'étais pas la seule à être subjuguée par cette magnificence. Les anges le regardaient tous avec fascination et adoration. Certains s'étaient même agenouillés pour le saluer. Une envie fervente m'ordonnait d'en faire de même, mais j'y résistais tout de même.

Soudain, dans ma contemplation, je me rappelai que je me trouvais en plein champ de bataille. Il me fallut énormément d'effort pour arracher mes yeux du Séraphin. J'avais cru que mon coeur allait se déchirer lorsque je me détachai de lui. À ma grande surprise, Fang se trouvait à genoux, agonisante. Ses mains étaient plaqués sur ses oreilles. Sa bouche était ouverte comme si elle voulait hurler ses souffrances, mais aucun son ne sortait. Son corps était en sueur à cause de la douleur. Était-ce le Séraphin qui causait cela ?
J'aurais voulu tourner à nouveau mon regard vers l'être suprême, mais je savais pertinemment que je ne pourrais pas m'en déjouer une deuxième fois. Je m'en abstins donc.

J'avais souvent entendu ces histoires où l'on racontait les prouesses d'un Séraphin sur le champ de bataille. Cela était immensément rare tout comme de voir un prince et une princesse des ténèbres. Et encore, ces derniers faisaient plus souvent la guerre que les Séraphins. La rumeur disait même qu'ils pouvaient anéantir toute une armée d'un simple rayon lumineux qui ne pouvait blesser un ange. Par contre, cela désintégrait littéralement un démon.
Mes yeux ne purent s'empêcher de regarder à nouveau l'un des élus de Dieu. Ce dernier continuait son chant céleste. Émouvants certains, torturants d'autres. Puis, petit à petit, son corps lumineux se mit à briller des plus belles, m'aveuglant presque. Son éclat brûla littéralement les êtres l'entourant dans des cris d'agonies muettes. Le champ de lumière continua de se propager à une vitesse affolante. Tous les démons de cet hyperespace allait être décimée, sans exception !

La lumière divine n'était plus qu'à quelques mètres de Fang et de moi. Je crus que mon coeur allait cesser de battre. Mon souffle devint inexistant. Fang allait mourir...

Mes membres tremblaient frénétiquement alors que la chaleur céleste se rapprochait. La démone restait à terre, impuissante. Je ne pouvais plus rien faire pour elle. Une angoisse terrifiante m'empoigna à la gorge comme une main meurtrière. Je ne réussis même pas à ravaler ma salive. Ma bouche était sèche. Je n'arrivai même plus à réfléchir.
Alors que je le croyais éteint, mon coeur se mit à battre frénétiquement, paniqué. Diverses pensées incohérentes se bousculèrent dans ma tête. La lumière était là... Elle arrivait ! Elle allait nous toucher !
Instinctivement, je déployai mes ailes. Lorsqu'elles sortirent de ma chair, je retins un petit cri de douleur. Je n'avais vraiment pas l'habitude de les utiliser. Entourant mes bras autour des épaules de Fang, je posai ma tête sur la sienne. Mes plumes nous englobèrent comme une sphère protectrice au moment même où la lumière céleste nous traversa.

Un silence de mort régnait sur ce champ de bataille. Pétrifiée, je commençais à me rendre compte de ce qui venait de se produire. Lentement, Fang recula la tête afin de pouvoir me dévisager. Elle non plus n'avait pas saisi l'événement. Nous nous fixâmes ainsi durant un instant, muettes et surprises. Je pouvais sentir sa respiration qui se calmait petit à petit, contre mes lèvres.
Brutalement, je me propulsai maladroitement en arrière. Un genou à terre, je tentai de ne pas m'effondrer quand la réalité me frappa en pleine figure. Qu'est-ce que j'ai fait ? Oh, mon Dieu, qu'ai-je donc fait ? J'ai... Je... Je venais de sauver la vie à cette démone, à mon ennemie jurée, à Fang !
Aussi interloquée que je l'étais, les yeux de Fang regardaient de tous les côtés. Tous ses congénères venaient d'être anéantis. Elle était la seule survivante de ce carnage. Et ce, grâce à moi.

Sans plus attendre, Fang ouvrit précipitamment un portail. Une armée entière d'anges l'encerclait désormais. Un trou noir se forma sur le sol, la noiraude posa un pied à l'intérieur et son corps se dissipa dans les brumes des ténèbres.
Mon regard continuait de fixer l'endroit où elle se situait une minute plus tôt. Incrédule, j'avais beaucoup de peine à réaliser l'immense bêtise que j'avais commise. Qu'est-ce qui m'avait pris, bon sang ? J'avais inconsciemment sauvé la vie de Fang ! Qu'est-ce qui pouvais m'arriver de pire ?
Derrière moi, j'entendis des roches glisser le long de la paroi. Immédiatement, je me retournai et découvris avec stupeur ma cadette qui me dévisageait, l'air inquiète. Seigneur, j'avais parlé trop vite ! Systématiquement, je regardai tout autour de nous. Personne... Si j'avais un minimum de chance, Serah serait la seule à voir le pêché que j'avais commis.

- Li-Lightning ? demanda-t-elle d'une voix hésitante.
- Serah... soufflai-je faiblement, la gorge enrouée. Qu'est-ce que... J'ai... Je...

Rapidement, elle courut vers moi. S'agenouillant devant moi, elle sera fortement ma tête contre elle. Sa main caressa mes cheveux, un geste qui se voulait rassurant.

- Je... marmonnai-je avec frustration.
- Chut... C'est fini maintenant... Personne ne t'a vu, Lightning. Personne...

Jamais mon esprit n'avait été ébranlé à ce point. Pourquoi avais-je donc tenté de protéger Fang ? Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

De retour au Paradis, Serah déposa une tasse de café chaude devant moi. De son côté, elle buvait un chocolat tiède. S'asseyant sur le siège en face de moi, elle posa la boisson sur la table. Étant enfin seules chez nous, ma cadette débuta :

- Et si tu m'expliquais ce qui s'était passé là-bas ?
- Je ne sais pas vraiment moi-même, répondis-je en prenant une gorgée. Cela s'est fait sans même que je ne m'en rends compte. J'ai agis instinctivement...
- Attend... Ce n'est pas normal que tu aies voulu protéger une démone. Tu me caches autre chose, Lightning.

Prenant une grande inspiration, j'osai lever mon regard vers Serah. Cela ne servait à rien de lui mentir et je ne voulais pas le faire de toute manière. Pas à elle. Nerveusement, je frottais mes doigts les uns contre les autres. Ce n'était pas dans mes habitudes d'être aussi mal à l'aise. Mais je n'avais pas non plus coutume d'être perturbée par un démon.

- Elle s'appelle Fang, débutai-je faiblement. Ce n'est pas la première fois que je l'affronte. Mais à chaque fois, aucune de nous n'a réussi à prendre l'avantage sur l'autre. Du coup, elle s'est promise d'avoir ma peau.
- Et.. ? reprit Serah afin de m'encourager à continuer.
- Et... Et bien... Dernièrement, à chaque fois que je la vois... Je... Mon coeur se met à...

Contre toute attente, ma petite soeur éclata de rire. Je ne sus pas comment prendre cette réaction. Interloquée, je me contentai simplement de la dévisager.

- J'y crois pas, c'est trop drôle ! Enfin non, ce n'est pas drôle, mais... rit Serah dont plusieurs expressions se dessinèrent sur son visage par fragment de seconde.
- Ne te moques pas de moi... grommelai-je en fronçant mes sourcils, me sentant légèrement trahie. Je n'ai pas choisi ! Sinon croirais-tu vraiment que...
- Mais Lightning, l'ironie fait que pour une fois que tu as un penchant pour quelqu'un, il fallait que ce soit pour une personne du camp opposé. On se croirait dans un Roméo et Juliette.
- Roméo et Juliette ?
- Rien, laisse tomber, c'est un livre humain.

Perplexe, je haussai des épaules. Serah aimait beaucoup se documenter sur les humains et sur ce qu'ils faisaient. Moi, cela me passait amplement par-dessus la tête. Ce monde avait été créé par notre Tout Puissant certes, mais j'avais d'autres chats à fouetter. À commencer par mon problème concernant Fang !

- Que comptes-tu faire alors ? demanda ma cadette.
- Rien du tout ! Personne ne doit être au courant de cette histoire. Sinon, je suis bonne pour être bannie.
- Et Fang dans tout ça ?
- Dieu merci, elle n'en sait rien de tout ça.
- Mais elle doit bien se poser des questions surtout après que... tu lui aies sauvée la vie !

Je passai furieusement ma main sur mon visage. Les choses allaient de pire en pire. Il ne restait pas trente-six solutions. Je devais irrémédiablement m'occuper de ce problème à la racine. Ma décision était prise et Serah le comprit à mon expression. M'interrogeant du regard, elle me demandait des explications.

- La prochaine fois, débutai-je avec conviction, je la tuerai.
- Lightning...
- Non, Serah, c'est la seule solution si je veux que tout retourne à la normale. Fang doit disparaître.

Je me levai de la table afin d'annoncer que la discussion était close. J'avais pris ma décision et rien ne me fera changer d'avis.


- Comment as-tu fait pour survivre face à un Séraphin, ma très chère fille ? demanda Lilith avec une lueur de convoitise dans les yeux.

Si tout le monde était mort, qui avait bien pu dire à ma mère que j'avais survécu face à cet être suprême ? Le regard de ma génitrice me fit frissonner. Sur mes gardes, je réfléchissais à la réponse la plus sage que je devrais donner. Il ne fallait pas qu'elle puisse croire que je sois assez puissante pour y avoir subsisté. Je n'allais pas non plus lui dire que c'était parce qu'une Archange avait décidé par je ne sais quelle folle idée, de me sauver la vie.

- À dire vrai, j'avais quitté le champ de bataille avant même que ce Séraphin n'ait pointé le bout de son nez, mentis-je à la perfection.
- Et pourquoi donc ? reprit Lilith avec une pointe de déception dans la voix.
- Je m'ennuyai à mourir et je n'aime pas la foule.

Ma mère soupira, exaspérée. Intérieurement, cela me ravit. La princesse des succubes fouetta l'air de sa main afin de me faire comprendre que je devais prendre congé. Je hochai la tête et me reculai de quelques pas avant de partir vers la sortie. Au même moment, je croisai l'une de mes soeurs. Contrairement à moi, elle n'avait pas eu la chance de tirer sa beauté de notre génitrice. Et pour encore plus de malchance, son père était loin d'être un Apollon. Tout ceci pour dire qu'elle était laide comme les sept pêchés capitaux.
Cette dernière me toisa d'un air hautain. À voir les têtes qu'elle traînait dans sa main, mademoiselle venait exhiber devant Lilith ses trophées. Pauvre idiote ! Autant mettre sa main en sang devant un requin avant de plonger dans la mer.
Lorsque je passai à côté d'elle, je lui offris un grand sourire narquois. Je ne sais pas pourquoi, mais quand je faisais cela, ça avait souvent tendance à énerver. Étrange, non ?

Dans le calme de ma chambre, je me permis de ressasser ce qui s'était produit un peu plus tôt. M'adossant que le rebord de la fenêtre, mes yeux fixaient dans le noir des cieux pendant que des images me revenaient en tête. Je ne devenais pas folle, Lightning s'était vraiment jetée sur moi pour me sauver, non ? Mais pourquoi aurait-elle fait cela ?
Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. Peut-être que notre chère Archange n'était pas aussi droite qu'elle aurait voulu me le faire croire. Cela allait vraiment devenir intéressant ! Jouant malicieusement avec ma langue, je décidai donc de changer de jugement envers Lightning. La tuer ne me semblait plus aussi primordiale qu'avant désormais. J'avais une bien meilleure sentence.
Je ne pus m'empêcher de rire rien qu'en imaginant sa réaction lorsque je tenterai de lui faire avouer ses vices.

- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? demanda Vanille en pénétrant dans la pièce.
- Oh rien, je pensai simplement que ma liste d'anges déchus par ma faute, allait s'allonger, répondis-je avec un grand sourire victorieux.
- Avec qui ?
- Avec mon petit ange préféré, voyons.

La rouquine ouvrit grand ses yeux, incrédule. Penchant la tête sur le côté, elle me toisa un instant, les mains sur les hanches. Elle est tellement mignonne quand elle fait cela. À croquer !

- Mais je pensais qu'elle était bien trop... « angélique » pour ce genre de chose, rétorqua Vanille qui n'était pas toujours convaincue par mon plan.
- On va dire que j'ai eu une révélation, remarquai-je malicieusement.

Ses épaules haussèrent. La rousse ne chercha pas plus loin. Et c'était tant mieux, je n'avais pas envie de m'étaler en explication. Et puis, il fallait d'abord que je vérifie si ma théorie s'avérait correcte. Mais je restai pratiquement certaine que c'était le cas.
S'asseyant juste à côté de moi, Vanille me regarda d'un air inquiet :

- Tu as rencontré un Séraphin, n'est-ce pas ?
- Pourquoi cette question ? rétorquai-je en arquant mes sourcils. Si c'était vraiment le cas, je ne serais pas là à te parler, ma chérie.
- C'est vrai... Heureusement que tu as pris la poudre d'escampette.
- Traite-moi de lâche, vas-y, je ne m'en offusquerai pas !

Nous rîmes ensemble. Oh, je devais une fière chandelle à ma chère Lightning ! Et j'allais bien gentiment la remercier. Oh que oui que j'allais me montrer très reconnaissante ! Car maintenant, je tenais entre mes mains le point de faible de l'Archange. Un point faible qui lui sera fatal, j'en étais certaine.

Le lendemain, une fois parée, je quittai les Enfer sans plus attendre. Je choisis au hasard une coordonnée où me téléporter. Le sombre vortex noir apparut sous mes pieds. Je me laissai donc engouffrer par la noirceur des ténèbres.
J'atterris dans un monde rempli de fleurs et de verdure. Oh, beurk ! Je devais me trouver dans une zone plus proche du Paradis que de l'Enfer. Mais vue la tête qu'avait ce paysage, je savais aussi que je n'étais pas trop près non plus du QG des anges. De toute manière, mon mental n'était pas assez puissant pour me téléporter d'un pôle à un autre. Peut-être en plusieurs bonds dans l'hyperespace et encore.
Analysant mon environnement, je découvris qu'il n'y avait aucune cachette. Je me trouvai dans une plaine bien plate et vide. Voilà un terrain neutre parfait. Mais j'aimais bien avoir mon petit rocher où je pouvais narguer mes victimes depuis là-haut. Dommage...

Bon, j'avais assez rêvassé. Il était temps de se mettre au boulot. J'étirai mes bras avant de tortiller mon cou. Quelques craquements se firent entendre. J'étais prête. Il ne restait plus qu'à semer des petits pains pour attirer la belle colombe.
Prenant une grande inspiration, mes paupières se refermèrent. Ma concentration se développa petit à petit avant de devenir total. Tout sembla disparaître autour de moi. C'était comme si je volais dans l'espace, dans le vide. Plus rien de ne comptait mise à part les étincelles provenant d'être vivant dans l'univers. Les lumières claires étaient des anges, les lumières sombres étaient les démons. Avec le temps, j'avais appris à reconnaître chaque catégorie de personnes par rapport à leur couleur. Mais chaque personnalité avait tout de même une teinte qui leur était personnel. Juste une petit nuance presque imperceptible.

Et dire que si Lilith savait que j'avais ce don, elle se jetterait sur moi sans la moindre hésitation.

Mais bon, revenons à nos moutons. Lightning avait elle aussi, sa lumière bien à elle. D'une blancheur immaculée, elle possédait une petite teinte rose bien plus pâle que celle de sa soeur cadette. Je supposais que cette particularité devait être propre aux Farron.
Mon attention se porta vers un point où des milliards d'étincelles brillaient, pouvant presque m'aveugler. C'était le Paradis, il n'y avait pas de doute là-dessus. Même si je savais où il se situait, je préférais m'abstenir de le révéler. Personnellement, je n'avais rien à faire là-bas et je ne voulais pas risquer ma peau pour jouer la bonne guide devant des démons qui convoiteraient tous mon don.

- Trouvé... soufflai-je en me léchant les lèvres.

Par chance, Lightning ne se trouvait pas au Paradis. Et encore mieux, elle était en train de traverser les dimensions. Il me suffisait simplement d'entamer le même stratagème que la dernière fois. Ça aussi, c'était un pouvoir que je ne révélai à personne.
Lorsque ma cible mit un pied dans mon champ d'action, d'un claquement de doigt, je déviai Lightning de sa trajectoire. Tout comme la dernière fois, elle apparut avec surprise à la mauvaise destination.
Durant sa perplexité, je me permis de l'admirer. L'Archange portait sa sublime armure habituelle. Sa légèreté permettait de voir les formes et les courbes de ce corps magnifiquement sculpté. Grande et élancée, Lightning aurait pu être l'image type que l'on se ferait d'une déesse de la guerre. Son visage serein et froid lui conférait une beauté de glace impénétrable. Ses cheveux d'une couleur si rare, ajoutait une touche de fantaisie, d'irréelle à sa personne.
À ce moment-là, ses yeux bleu azur se posèrent sur moi. Je ne pus réprimer un frisson d'excitation. Mon esprit était en totale contradiction avec mon corps. L'un voulait la mort de Lightning, l'autre la désirait ardemment. J'allais vraiment m'amuser.

- Encore toi, j'aurais dû m'en douter, grommela la blonde en dégainant son arme.
- Alors quoi, tu n'es pas contente de me voir ?

Mon adversaire s'apprêtait à bondir sur moi. Immédiatement, je levai les mains et déclarai :

- Doucement, mon petit ange ! Je voudrais simplement discuter avec toi. Tu sais... De comment tu m'as sauvée la vie.
- Ne va pas t'imaginer quoique ce soit, rétorqua sévèrement Lightning en fronçant des sourcils. Tout comme toi, je n'aime pas que quelqu'un d'autre me prenne mes proies.
- Et bien soit...

Sans crier gare, je me jetai sur mon opposante. Comme attendu, la blonde esquiva agilement mon assaut. Afin d'éviter son coup de bouclier, je me reculai en faisant pivoter verticalement ma lance. La pointe frôla presque le magnifique visage de mon opposante qui trancha l'air de sa lame. Tournant sur le côté, le bâton de mon arme glissa le long de l'épée et j'en profitais pour donner un coup d'épaule qui propulsa l'ange un mètre plus loin.
Ses pieds dérapèrent un moment sur le sol, mais Lightning rétablit son équilibre et se remit en position de combat. Son regard était déterminé et était tellement perçant que j'avais l'impression qu'il pouvait transpercer ma chair. Oh oui, madame était bien prête à me tuer !
Nous bondîmes l'une vers l'autre en même temps. Nos armes s'entrechoquèrent violemment. Face à face, nous partîmes dans un combat de force. Grossière erreur, mon petit ange, tu sais parfaitement qu'à ce jeu, c'est moi la plus forte ! Alors que les bras de la blonde commencèrent à flancher, que ses pieds glissaient sur le sol, je penchai subitement mon visage près du sien. Dérobant ses lèvres, je ne lui laissai même pas le temps de réagir.


Le souffle coupé, mon cerveau avait du mal à emmagasiner l'information. La bouche de Fang était chaudement plaquée contre la mienne. Mon coeur s'affola et je ne pus rien faire pour le calmer. Tout commença à se bousculer dans ma tête. Ses lèvres étaient douces, sans grande surprise. Ce contact me fit une crampe dans l'estomac comme si on m'avait donné un coup de poing.

Bon sang, ressaisis-toi !

Tentant de reprendre mes esprits, je concentrai mon aura magique dans mes mains. Puis, je propulsai tout ce que j'avais pour nous séparer. Chacune de nous fit un bond de trois mètres en arrière. Haletante, je m'essuyai la bouche du revers de la main. Mon rythme cardiaque continuait à grimper de manière affolante. Il fallait absolument que je me reprenne. Il fallait que je me débarrasse de cette démone. Ce n'était plus un devoir, mais une question de survie !

- Qu'est-ce qui te prends ? grognai-je en toisant sévèrement mon adversaire.

Fang se redressa et éclata de rire. Cela ne me disait rien qui vaille. Aux aguets, je ne quittais pas une seule seconde des yeux la femme qui se trouvait en face de moi. Celle-ci s'avança lentement vers moi d'un pas lent et sensuelle. Le faisait-elle délibérément ? Ravalant difficilement ma salive, j'attendis ce qui allait suivre.

- Cela m'avait semblé te plaire, mon petit ange, déclara-t-elle en croisant les bras.
- Et bien tu te trompes, rétorquai-je d'un ton acerbe. Je ne vois pas pourquoi ce genre de chose pourrait me plaire. Surtout venant de toi !
- Cesse de me prendre pour une idiote, je ne suis pas aveugle, ma chère Light-ning.

Soudain, Fang s'évapora laissant derrière elle une brume noire. Puis, je sentis sa présence juste dans mon dos. Incompréhensiblement, mon corps refusa de bouger, paralysé. Lentement, la noiraude passa son visage près de mon cou, humant l'odeur de mes cheveux. Seigneur, ayez pitié de moi !

- Je suis la fille de Lilith, ne l'oublie pas, me susurra-t-elle doucement. Je peux sentir ton agitation.
- Arrête donc de dire des sottises ! grognai-je en resserrant le pommeau de mon épée. Comment pourrais-je être attirée par un être aussi abject que toi ?
- Donc, cela ne devrait rien te faire si je fais ça...

Son souffle chaud caressa ma peau, me faisant frissonner. Délicatement, la démone frôla ma chair de ses lèvres avant de déposer des baisers ardents contre mon cou. Je crus que le sol allait se dérober sous mes pieds. Cette sensation nouvelle était interdite. Je ne devais pas la ressentir !
Serrant les dents, je pris le peu de raison qu'il me restait pour tenter une attaque. Mais lorsque je me retournais, d'un coup violent de la main, Fang me fit lâcher mon épée qui s'écrasa plus loin. Sans crier gare, elle bondit sur moi et me plaqua sur le sol. Ma respiration s'interrompit. Non à cause du choc de la chute, mais parce que la noiraude se trouvait désormais allongée sur moi. De ses mains, elle maintenait fermement mes poignets à terre.

- Lâche-moi ! ordonnai-je furieusement en tentant de me débattre.
- Pourquoi ? rétorqua ma tortionnaire d'une voix sucrée. Je sais que tu en as envie.
- J'ai envie de vomir, oui !

Le petit rire que chantonnait la voix de Fang me parut encore plus beau que le chant du Séraphin. Mon coeur allait exploser dans ma cage thoracique. J'avais l'impression de sombrer dans la folie.
Se penchant vers moi, Fang m'embrassa une nouvelle fois. Mais cette fois-ci, c'était loin d'être aussi chaste. Son baiser était fiévreux et avide. Sans même que je puisse faire quoi que ce soit, sa langue réussit à traverser la barrière de mes lèvres. Je maudis la faiblesse de mon corps en ce moment même.
Je réussis toutefois à étouffer un gémissement. La situation était bien assez horrible ainsi. Ce n'était pas la peine d'en rajouter. Et comme pour me torturer encore plus, Fang se mit à onduler du bassin. Pourquoi.. ? Pourquoi avait-il fallu que je sois ainsi ? Mon Dieu, pardonnez-moi... Pardonnez la pauvre pécheresse que je suis devenue.

Non ! Pas encore ! Je ne dois pas céder !

Hurlant de rage dans mon for intérieur, je trouvais soudainement assez de force pour dégager mon visage de celui de la démone. Lorsque je repris mon souffle, j'eus l'impression que l'apport d'oxygène me permit de remettre mes idées en place. Mais Fang n'allait pas en rester là. Vicieusement, elle enfouit sa bouche dans mon cou avant de le mordiller malicieusement. Je serrai les dents pour m'empêcher de geindre face à cette attaque. Bon sang, mon esprit était mis à rude épreuve !
Le poids de son corps chaud contre le mien me fit bien plus de sensation que je ne l'aurai cru. Mais je n'allais pas me laisser sombrer dans cette folie une nouvelle fois. Il en était hors de question ! Je fis donc appel à ma magie, contrairement à mon coeur, elle, elle ne me trahirait pas. Une fois que j'en avais concentrée assez, je ne tardai pas à l'user.
Une lumière aveuglante scintilla dans mes mains, brûlant par la même occasion celles de Fang. Cette dernière grogna de douleur avant de se retirer et je profitai immédiatement de cette occasion pour me redresser. Déployant mes ailes, ils m'aidèrent à me propulser sur mes pieds et à repousser la noiraude. Tombant sur les fesses, celle-ci me fit une moue boudeuse. Mais je m'écartai toutefois de la contemplation de ce visage qui me fascinait de plus en plus et partis en quête de mon épée.

- Même pas en rêve, rétorqua Fang qui s'interposa entre mon arme et moi.

Heureusement, j'avais encore mon bouclier pour parer la lance de mon ennemie. La repoussant d'un puissant coup de bras, je reposai mes pieds à terre et fis disparaître mes ailes.

- On s'amusait si bien, bouda la fille de Lilith.
- On ne devait pas vivre la même chose dans ce cas, répliquai-je durement. Finissons-en avec toute cette comédie !
- Mais on vient à peine de commencer ! T'es vraiment une rabat-joie, tu sais ?

Telle une provocatrice, mon adversaire passa la langue sur ses lèvres. Je me fis violence pour ne pas porter trop d'intérêt à ce geste obscène. La bataille allait être plus difficile que je ne l'aurais cru.

Comme si le sort était contre moi, je sentis une deuxième présence démoniaque arriver. Sortant du portail des ténèbres, une petite rouquine à deux couettes apparut devant moi. Son visage était aussi pur que celui d'un ange, mais je ne m'y fiais pas. Pire encore, cela attisa encore plus ma méfiance.
Lentement, l'inconnue se pendit au bras de Fang. Collant sensuellement son corps contre cette dernière, la fillette me toisa avec curiosité. Un petit sourire sur les lèvres, elle me scruta de la tête aux pieds.

- Alors, comment ça se passe ? demanda-t-elle en riant. Elle me paraît encore bien habillée.
- Elle ne veut pas encore admettre qu'elle est raide dingue de moi, ricana Fang qui tourna un tendre regard vers son amie.

La rouquine embrassa voracement et avec possessivité les lèvres de la démone. Inconsciemment, je serrais furieusement les poings à plusieurs reprises. Lorsque je m'en rendis compte, je cessai immédiatement ce geste déplacé. Ravalant une colère que je savais être de la jalousie, je tentai de ne rien laisser transparaître sur mon visage.
Se détachant finalement des lèvres de Fang, l'étrangère me regarda d'un air narquois. Une envie révoltante de la gifler me submergea. Je fus accablée par ma propre réaction, mais ne détachai toujours pas mon regard neutre des deux démones. La rousse pencha légèrement la tête sur le côté et déclara :

- C'est la première fois que je peux admirer la grande Lightning de si près.
- Et cela sera la dernière, répondis-je en me mettant en position de combat.
- Désolée de te décevoir, mais je n'aurais pas le temps de jouer avec toi aujourd'hui, rétorqua l'arrivante avant de se tourner vers la noiraude. Fang chérie, tu es convoquée.

Perplexe, cette dernière toisa son amie en arquant un sourcil. Qui était donc cette fille ? Tout ce que je savais, c'était qu'elle était sacrément proche de Fang... Pourquoi pensai-je à ça moi ? Secouant la tête, je me contentai simplement d'observer les événements.
Après avoir toisé la rouquine un moment, Fang posa à nouveau ses yeux envoûtants sur moi. Un petit sourire narquois se dessina sur ses lèvres. Réprimant un rougissement, je continuai de froncer des sourcils et de la dévisager. Attrapant la fillette par la taille, elle m'annonça :

- Ma belle, il va falloir remettre cela à une autre fois malheureusement. J'espère que je ne te manquerai pas trop d'ici notre prochaine rencontre.

M'envoyant un baiser avec sa main, Fang et son amie disparurent dans les ténèbres. Une fois qu'elles furent parties, mes épaules se détendirent brutalement. Posant ma main contre le front, je tentai de me reconcentrer sur les choses. Parce que les événements avaient bien trop dérapé à mon goût. J'avais... J'avais embrassé Fang ! Non, c'était elle qui m'avait embrassé ! Je n'avais rien voulu de tout cela !

Récupérant mon épée, je décidai moi aussi de retourner au bercail.


Et voilà! Qu'en avez-vous pensez? Si cela vous a plu, je pourrais me dépêcher de poster la suite ;)