Ce chapitre et cette histoire présente des termes et des thématiques qui peuvent choquer certains d'entre vous.
Comme : l'utilisation de drogues, la consommation d'alcool, la prostitution, des scènes violentes et/ou à caractère sexuel.
Vous voilà prévenu.


Adossé contre mon lampadaire habituel, je scrute les voitures qui passent. Il fait froid ce soir, je prend une cigarette dans ma poche pour la fumer. Une voiture s'arrête un peu plus loin, une jeune femme blonde descend et se rapproche.

"Blue, mon chou !

- Salut Nyma.

- Ça marche bien ce soir, j'ai eu trois clients de vingts minutes chacun. Et toi ?

- Hn. J'ai eu deux de vingts minutes et deux autre de trente, ah ! Et aussi une de quinze.

- Mais c'est que t'as ramassé plein de fric, beau gosse.

- Jalouse ?

- Ouai, mais pas parce que t'as plus de clients que moi, plutôt parce que tout le monde sait que t'es le petit chouchou du boss.

- Que veux-tu ? Tout le monde s'arrache mon corps de rêve.

- C'est ça, file moi une clope tu seras mignon.

- Hm, elles sont goût fraise c'est pas grave ?

- Goût fraise ?

- Tu la veux ou je la range ?

- Vas-y passe."

J'allume la cigarette de la blonde, Nyma est sympa, j'aime bien passer l'attente entre chaque client avec elle. Je suppose que c'est réciproque puisqu'elle m'appelle souvent "Mon chou".

"Merci mon chou. Hum...C'est pas mal ton truc là.

- Ah, t'as vu.

- Tu sais qu'il y a une rumeur sur toi en ce moment ?

- Ah ouai ?

- Ouai, les autres disent que vu tout le fric que tu rapporte, le boss va te faire passer escort.

- Quelle connerie.

- Quoi ? C'est possible. C'est déjà arrivé.

- Je rapporte pas tant de thune que ça.

- Si tu le dis. Ton maquillage a coulé là...ne bouge pas...Voilà ! Tu mets trop de eyeliner Blue. Ça gâche la beauté de ton visage.

- C'est parce que je veux pas qu'on puisse me reconnaître.

- Je comprends. Tu es encore étudiant, quand si tu étais comme moi tu ne t'embarasserais pas de ce genre de choses. Le pseudo aussi.

- N'empêche ça te dérange pas d'utiliser ton vrai nom ?

- Non mon chou, j'ai l'habitude. Oh, tu as l'heure ?

- Oui, il est deux heures.

- J'ai fini ma plage horaire ! Je vais rentrer. Tu travaille encore ?

- Juste une heure.

- Fait attention à toi mon chou, et fait gaffe les flics rodent à ces heures là.

- T'en fais pas pour moi, attention en rentrant.

- Et achète moi des cigarettes goût fraise pour demain !

- Haha ok."

Je la regarde s'éloigner avant de fermer les yeux un instant. Cette situation est anormale, à vingt-et-un ans vendre son corps en parallèle de ses études...et même s'il est vrai qu'étant le favori du patron je suis très bien payé, ce n'est pas ça que je voudrais faire un samedi soir…

"Bonsoir."

J'ouvre les yeux, une voiture passe, il y a un garçon devant moi, je pense qu'on a le même âge, style asiatique, cheveux mi-longs, un casque de moto rouge sous le bras. Bizarrement pas du tout mon genre de client, et puis, c'est généralement les femmes qui disent bonsoir...les hommes eux, se contentent de demander le prix d'un service.

"Vous...Tu es...enfin...hum…

- Deux cent dollars pour vingt minutes.

- Oh. C'est...moins cher que je croyais...

- Alors ?

- Hum...Vingt minutes ?

- Ok. Suis moi."

Seuls dans ma pièce de travail, ou comme j'aime à l'appeler, mon bureau, je m'assois sur le matela et il reste complètement immobile face à moi.

"C'est la première fois que je…

- T'es puceau ?

- Quoi ? Non ! Que je fais ce genre de chose…

- Ah, ok, je t'explique comment ça marche. Pour deux cent dollars, c'est fellation puis je te prend. Si tu met cinquante dollars de plus tu peux me prendre."

Je croise les jambes, je déteste dire ces choses à voix haute, mais je feins de sourire comme si j'étais très confiant. Franchement, je suis un excellent acteur.

"Je…C'est plus cher pour que je sois celui domine ?

- Évidemment. Tu abime la marchandise.

- Je...Je vois.

- C'est comme tu préfère. D'habitude je fais à cent dollars en plus, mais disons que c'est le tarif spécial de la première fois.

- Je vais rester sur les deux cents dollars.

- Tu veux que je parle ?

- Hum...ouais…?

- Ok. T'es hyper tendu toi, relax. Tu sais...Mes clients sont toujours satisfaits avec moi, alors t'en fais pas, je vais bien m'occuper de toi. Il y a quelques règles à respecter : On embrasse pas, on ne griffe pas, on ne mord pas et...ça c'est ma règle spéciale...on ne parle pas après.

- Je comprends…

- Tu veux que je dise ton nom pendant l'acte ?

- Euh...oui ? Je suppose ? Je m'appelle Keith.

- Ok, Keith, moi c'est Blue au cas où il te prend l'envie de hurler quelque chose.

- Hum…je crois que je vais tenter le silence.

- Personne ne peux t'entendre, c'est parfaitement insonorisé, et vraiment, détend toi.

- Oui...ok...

- Super, tu te déshabille seul ou je m'en charge ?

- Hum...Je…

- Je vais le faire. Parce que t'es bien trop tendu."

Je me lève en descendant les bretelles de mon haut bleu semi transparent, je retire à Keith sa veste en cuir et glisse une main sous son t-shirt gris pour le lui enlever, sa peau du garçon est blanche immaculé, et constellé de grains de beautés. C'est l'un de mes plus beau clients, et puis cette maladresse le rendait plutôt mignon. Pour une fois, depuis un moment, ce n'est pas désagréable de le faire avec un mec. Je n'ai aucune préférence entre les deux sexes, mais mes clientes sont toujours plus agréables que mes clients. Keith est différent, je le sens, ce n'est pas quelque chose qu'il a l'habitude de faire.

"Assied toi."

Keith obéit, il s'assoit sur le lit, je me met à genoux et fais descendre son pantalon et son sous-vêtement, je lui fait ensuite écarter les jambes. Le jeune homme est déjà en érection. J'esquisse un petit sourire. J'ouvre simplement la bouche pour le sucer, j'ai la technique depuis le temps.

"Hn…hn...hmpf...ha...ha..."

Je lèche, fais tourner ma langue monte, descend, jusqu'à ce que je sente un liquide salé glisser dans ma bouche. Alors j'arrête et je me lève, je retire mes vêtements. Je sors un tube de lubrifiant et des préservatifs de sous le lit, j'en enfile un et dispose du lubrifiant sur mon index et mon majeur.

"Retourne toi, à quatre pattes."

Je pose mes doigts contre la parois de chair et les enfonce. Je fais ça des milliers de fois par mois, pour moi, c'est devenu normal.

"Haaaaaa.

- Ah, enfin j'entends ta voix. T'aime ça hein ?

- Hn.

- J'ai pas entendu.

- Oui.

- Et ça ne fait que cinq minutes, les quinze prochaines vont être encore meilleures."

Je fais bouger mes doigts, lentement puis rapidement puis je les retire et les insèrent à nouveau, plusieurs fois, avant d'agripper les hanches de Keith. Il reste dix minutes. Je m'insère dans Keith, et donne un coup de rein pour atteindre directement sa prostate.

"HA !"

Je me retire et recommence. Encore, et encore. Puis je reste à l'intérieur et je fais de petits mouvements rapides.

"HA ! HA ! B...Blue !

- Hn, hn…"

Je me surprend à gémir aussi, c'est très rare que ça m'arrive quand c'est moi qui domine.

"HA ! HA ! HA ! HA !

- T'y es presque n'est-ce pas Keith ?

- HA ! HA ! Oui ! OUI ! HA ! HAAA !"

Évidemment, moi aussi je suis proche. Je n'aime pas jouir devant les clients, mais là étrangement ça ne me dérange pas, sûrement parce qu'on a le même âge. J'accélère encore et je me mord les lèvres pour me taire, je ne tiens plus, normal, je me retiens de me finir depuis plus de trois heures...Je colle mon torse contre le dos du brun et agrippe son pénis, entreprenant de finir le plus vite possible en multipliant les stimulations. Ce qui semble fonctionner puisque Keith hurle plus fort. Jusqu'au moment où il relève la tête en atteignant l'orgasme et se crispant sur mon sexe et je viens à mon tour en me retirant vite. J'enlève ensuite la protection et la jette dans la corbeille proche du lit. Je reprend mon souffle et laisse également l'autre en faire de même.

"Je…

- Ne parle pas. Paye moi, rhabille toi et rentre chez toi, c'est pas une heure à traîner dehors."

Le jeune homme acquiesce, il s'habille et après avoir fouillé dans la poche de son jean, il me donne les deux cents dollars avec un sourire gêné.

"Merci.

- C'est...la première fois...qu'on me remercie après.

- Il ne faut pas ?

- Non...Non, non. C'est gentil...c'est tout."

On se regarde encore un peu avant que Keith ne sorte de la pièce. Un fois la porte fermée je me laisse tomber sur le lit et ferme les yeux, une moto passe dans la rue, puis une voiture, puis une autre et je sens que mes paupières sont lourdes...Je prends mon téléphone et compose un numéro que je connais mieux que celui de ma propre mère. Quelle ironie.

"Allo, c'est Blue. Je sais que j'avais dit que j'allais continuer jusqu'à trois heures aujourd'hui mais, j'ai vu des flics et le dernier client m'a achevé. Je peux arrêter pour ce soir ?...Merci. Oui. Non je peux rentrer par moi-même. Ok. Merci."

Je jette mon portable sur le bord du lit et passe une main dans mes cheveux châtains, et je me regarde dans le grand miroir qui me fait face. Je sors son sac à dos qui se trouve sous le lit et je me démaquille, ça fait du bien ! J'enfile ensuite un jean noir déchiré aux genoux et un sweat shirt bleu. Je referme la porte à clefs. Je mets la capuche en sortant du bâtiment, en faisant un signe d'au revoir à ceux qui continuent à travailler cette nuit là.

"Bon courage tout le monde.

- Bye Blue !

- Fait attention en rentrant !

- Oui, t'inquiète Kyra.

- Oh, Blue demain, c'est mon anniversaire ! Achète moi un cadeau !

- Haha d'accord Sophia.

- T'es un amour !

- Soit prudent !

- Vous aussi, c'est l'heure des patrouilles là.

- T'en fais pas pour nous, chéri. Rentre bien !"

Je m'engouffre dans la station de métro la plus proche, il n'y a presque personnes, juste des âmes perdues, comme moi. Mon sac à dos sur mes deux épaules, mes mains enfoncées dans ma poche, mes écouteurs dans les oreilles, une musique de Phoenix qui passe "If I ever feel better" et l'espace d'un moment j'apprécie cette heure de la nuit. Je suis tellement heureux que le métro circule vingt quatre heures sur vingt quatre. Je rentre chez moi, je pose mes affaires et prend une douche. Je m'endors facilement, épuisé, en ayant réglé mon réveil pour neuf heures.

J'ouvre les yeux avec la sonnerie de mon alarme. Je m'étire et ouvre les rideaux de mon appartement. Parfois je me rend compte de la chance que j'ai d'avoir un appartement avec une aussi belle vue pour un loyer si peu cher. En bas la ville est déjà bien réveillée. Je bois un café en consultant mes messages non lus.

(08:30) Allura : Appelle moi quand tu seras disponible j'ai quelque chose à te demander.

Allura est une de mes meilleures amies, on se connaît depuis le jardin d'enfants, j'étais tombé amoureux d'elle au collège puis après avoir tenté ma chance au début du lycée et essuyé un rejet, notre amitié était devenue plus forte que jamais.

"Allo ? Je viens d'avoir ton message, excuse moi. Non, non je ne fais rien aujourd'hui...Wow. Quel honneur. Je plaisante, ça va. À midi ? Parfait ! Ok. Ouai, à plus. Bisous."

Allura qui me propose un déjeuner, un dimanche, c'est surprenant.

"Lance ! Qu'est-ce que je suis contente de te voir !

- Haha...Moi aussi."

Je répond à l'étreinte d'Allura en riant.

"C'est moi qui t'invite !

- En quelle occasion ?

- J'en ai envie !

- D'accord.

- Et puis...J'ai quelqu'un à te présenter.

- Allura ne commence pas avec tes plans d'entremetteuse foireux.

- ...Ha...Hahaha mais non...C'est pour tes projets pro !

- Hum ?

- Oui ! Le petit frère de mon copain, il est déjà assez connu dans le milieu, il reçoit souvent des commandes et...il cherche quelqu'un pour faire une fresque dans un bar avec lui et je me suis permise de lui donner ton portfolio ! Et...Il veut te rencontrer.

- ...Mais-

- Donc là on va manger avec eux et on verra bien !"

Je soupire en passant un bras autour des épaules d'Allura, l'attirant à moi pour lui déposer un bisou sur la tête.

"T'es la meilleure Allura.

- Je sais, je sais hahaha !"

J'ai déjà rencontré Shiro plusieurs fois, c'est le mec parfait pour Allura et son caractère difficile. Il est gentil et compréhensif.

"Tu sais quand on fixe une heure c'est pas mal de la respecter ? Tu viens de te lever ?! Sérieusement ?! Qu'est-ce que je vais faire de toi…? Ouai, c'est ça. T'es impossible."

Visiblement pas avec son petit frère, ce qui me fait doucement sourire. Shiro remet son téléphone dans sa poche.

"Désolé…

- Ne t'excuse pas, c'est parce qu'il a dû travailler tard."

Travailler tard, c'était bien quelque chose que je connaissais bien.

"Possible, ou alors il était encore chez son petit ami.

- Oh.

- Ouai...J'aime vraiment pas ce mec, mais j'ai l'impression qu'ils vont rompre...De toute façon il a un don pour mal choisir ses fréquentations. Depuis tout petit déjà…"

Alors que Shiro commence déjà à divaguer sur son petit frère, je regarde l'extérieur par la fenêtre, écoutant distraitement la conversation des deux autres. Le temps passe et soudain une moto se gare. Le conducteur, un homme, avec un casque rouge, une veste en cuir et des boots noires descend. Il retire son casque et mon coeur de rate un battement. Non, impossible. Cheveux noirs mi-long, peau très claire, style asiatique. Non. Il ouvre la porte du restaurant et je tourne la tête. Non. Le garçon avance, il se rapproche. Non. Pitié. Non. Impossible.

"Salut, j'suis vraiment désolé ! Je me suis endormi super tard hier et je…"

Le garçon reste immobile, la bouche entre-ouverte, il me fixe et je dois être dans le même état.

"Ho ! Keith ?! Ne me dit pas que tu as encore fumer des joints avec Steve.

- Qu-Quoi ? Ha ! Non ! Je...C'est juste que j'ai...Je suis fatigué. Pardon. Je m'appelle Keith.

- Lance."

Je lui sers la main et Keith s'assoit face à moi, à côté de Shiro. Le repas se passe dans la normalité la plus totale, pourtant je sens le regard de Keith sur moi. Putain, sept milliard d'humains, et il fallait que ce soit lui. J'espère que Keith me confonde avec Blue, qu'il pense que ce sont deux personnes différentes, et c'est plus ou moins vraiment le cas...Blue est sûr de lui, attirant, sexy...Lance est...un étudiant en art qui n'a rien d'exceptionnel. Alors qu'on attend la commande du dessert, Keith se lève.

"Je vais fumer dehors. Tu viens Lance ?

- Ouais..."

Ça y est, nous sommes seuls, face à face dans la ruelle à côté du restaurant.

"Tu m'en passe une ? J'ai oublié mon paquet chez moi…

- C'était toi hier n'est-ce pas ?

- Hein ?

- Arrête. Fais pas ça avec moi. Dis moi la vérité, c'était toi hier ?

- Sérieusement je vois pas de quoi tu m'parle…

- J'ai reconnu tes yeux.

- Mes...Yeux ?

- Ouais. J'avais jamais vu des yeux comme les tiens avant hier...Je sais que c'était toi.

- Et si c'était effectivement moi. Tu vas me juger ? C'est ça ?

- Je serais si mal placé pour ça. Je te signale que si tu offres tes services, j'ai payé deux cents dollars pour les avoir. Alors je n'ai rien à dire.

- C'est qui Steve ? Ton mec ?

- Ouais, plus ou moins...et en ce moment c'est plutôt moins que plus…

- Ah ouai ok. Haha. Ton couple bat de l'aile alors tu t'ai dit "et si j'me tapais un prostitué ?" Et boum.

- C'est pas ça...enfin...si c'est ça. Bordel je réalise pas que c'était toi.

- File moi une clope s'il te plaît...

- Tiens. Tu veux que je te l'allume ?

- Ouais...Merci."

Je souffle en m'asseyant sur un banc en pierre. Pendant un instant, il ne parle pas, on fume silencieusement je crois que lui comme moi on essaye de mettre nos idées en place.

"Qu'est-ce qu'on fait ?

- Quoi qu'est-ce qu'on fait ? Ça me semble évident. C'est pas comme si t'allais devenir un client régulier.

- Hum…Je crois que si...

- T'es sérieux là ? On risque de travailler ensemble sur cette fresque à la con. Non. Y'a aucun moyen que ça fonctionne.

- Et ? L'un n'empêche pas l'autre. Tu es Lance, pas Blue. Je sais faire la différence. Et puis ton travail est...intéressant.

- Mes peintures ?

- Ton style pourrait super bien s'accorder au mien, il est doux et moi je suis super agressif.

- Merci. Mais je...je ne sais pas Keith.

- Écoute, je dirais jamais rien. Et...Je sais que des fois on fais des trucs qu'on veut pas pour avoir de l'argent.

- Genre ?

- Genre quand j'étais au lycée...Je dealais des trucs.

- Ah ouais, ton frère déconnait pas quand il disait que t'étais un mec à mauvaises fréquentations.

- Lance, faisons un marché.

- Hum ?

- On fait ce qu'on a faire en professionnel et...Et on ne parle pas de ce qu'il se passe la nuit, et inversement."

Je regarde quelques minutes la main tendue par Keith, son visage est très sérieux. J'ai envie de l'envoyer chier, mais...J'ai besoin de ce travail d'art si je veux un jour sortir de cette vie en deux teintes… Et puis...Qu'est-ce que je risque ?

Je jette la cigarette et lui serre la main.

"OK, deal."

J'ai la sensation de faire quelque chose qui va changer ma vie.